Titre : Revue du Havre et de la Seine-Inférieure : marine, commerce, agriculture, horticulture, histoire, sciences, littérature, beaux-arts, voyages, mémoires, mœurs, romans, nouvelles, feuilletons, tribunaux, théâtres, modes
Éditeur : [s.n.] (Havre)
Date d'édition : 1842-01-16
Contributeur : Morlent, Joseph (1793-1861). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32859149v
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 16 janvier 1842 16 janvier 1842
Description : 1842/01/16. 1842/01/16.
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
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Description : Collection numérique : Fonds régional :... Collection numérique : Fonds régional : Haute-Normandie
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque municipale du Havre, Y2-123
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 28/05/2014
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Claude aimait beaucoup Albin, et ne songeait pas au directeur.
Un jour, un matin , au moment où les porto-clés transvasaient les
prisonniers doux a deux du dortoir dans l’atelier, un guichetier appela Al
bin qui était à côté de Claude, et le prévint que le directeur le demandait.
— Que te veut-on? dit Claude.
— Je ne sais pas, dit Albin.
La matinée se passa, Albin ne revint pas à l’atelier. Quand arriva l’heure
du repos, Claude pensa qu’il retrouverait Albin au préau. Albin n’était pas
au préau. On rentra dans l’atelier, Albin ne reparut pas dans l’atelier. La
journée s’écoula ainsi. Le soir, quand on ramena les prisonniers dans leur
dortoir, Claude y chercha des yeux Albin, et ne le vit pas. Il paraît qu’il
souffrit beaucoup dans ce moment-là; car il adressa la parole à un gui
chetier, ce qu’il ne faisait jamais :
— Est-ce qu’Albin est malade? dit-il.
— Non , répondit le guichetier
— D’où vient donc, reprit Claude, qu’il n’a pas reparu aujourd’hui?
— Ah! dit négligemment le porte-clés, c’est qu’on l’a changé de quar
tier.
Les témoins qui ont déposé do ces faits plus tard remarquèrent qu’à cette
réponse du guichetier la main de Claude, qui portait une chandelle allu
mée, trembla légèrement. 11 reprit avec calme :
— Qui a donné cet ordre-là?
I.e guichetier répondit : M. D...
Le directeur des ateliers s’appelait M. D...
La journée du lendemain se passa comme la journée précédente, sans
Albin.
Le soir, à l'heure de la clôture des travaux, le directeur M. D... vint faire
sa ronde habituelle dans l’atelier. Du plus loin que Claude le vit, il ôta son
bonnet do grosse luine, il boutonna sa veste grise, triste livrée de Clair-
vaux (car il est de principe dans les prisons qu’une veste respectueusement
boutonnée prévient favorablement les supérieurs) et se tint debout et son
bonnet à la main à l’entrée de son banc, attendant le passage du directeur.
Le directeur passa.
— Mmsiourldit Claude.
Le directeur s’arrêta et se détourna h demi.
— Monsieur, reprit Claude, est-ce que c’est vrai qu’on a changé Albin
de quartier?
— Oui, répondit le directeur.
— Monsieur, poursuivit Claude, j’ai besoin d’Albin pour vivre. Il ajou
ta : Vous savez que je n’ai pas assez de quoi manger avec la ration de la
maison, et qu’Albin partageait son pain avec moi?
— C’était son affaire, dit le directeur.
— Monsieur, est-ce qu’il n’y aurait pas moyen de faire remettre Albin
dans le même quartier que moi?
— Impossible. Il y a décision priso.
— Par qui ?
— Par moi.
— Monsieur D..., reprit Claude, c’est la vie ou la mort pour moi, et cela
dépend de vous.
— Je ne reviens jamais sur mes décisions.
— Monsieur, est-ce que je vous ai fait quelque chose?
— Rien.
— Ko ce cas, dit Claude, pourquoi me séparez-vous d’Albin ?
• Parce que... dit le directeur.
Cette explication domée, le directeur passa outre.
Claude baissa la tète et ne répliqua pas. (Pauvre lion en cage à qui l’on
ôtait son chien!
Nous sommes forcé de dire que le chagrin de cette séparation n’altéra
en rien la voracité en quelque sorte maladive du prisonnier. Rien, d’ail
leurs, ne parut sensiblement changé en lui. Il ne parlait d’Albin à aucun do
ses camarades. Il se promenait seul dans le préau aux heures de récréation,
et il avait faim. Rien de plus.
Cependant ceux qüi le connaissaient bien remarquaient quelque chose do
sinistre et de sombre qui s’épaississait chaque jour déplus en plus sur
son visage Du reste, il était plus doux que jamais.
Plusieurs voulurent partager leur ration avec lui, il refusa en souriant.
Tous les soirs, depuis l’explication que lui avait donnée le directeur, il
faisait une espèce do chose folle qui étonnait de la part d’un homme aussi
sérieux. Au moment où le directeur, ramené à heure lixe par sa tournée
habituelle, passait devant le métier de Claude, Claude levait les yeux et le
regardait fixement, puis il lui adressait d’un ton plein d’angoisse et dit co
lère qui tenait à la fois de la prière et do la menace, cos deux mots seule
ment : lit Albin? Le directeur faisait semblant de ne pas entendre ou s’é
loignait en haussant les épaules.
Cet homme avait tort de hausser les épaules, car il était évident poin
tons les spectateurs de ces scènes étranges que Claude Gueux était inté
rieurement déterminé a quelque chose. Toute la prison attendait avec
anxiété quel sérail le résultat do cette lutte entre une ténacité et une réso
lution.
Il a été constaté qu’une fois entre autres Claude dit au directeur :
— Ecoutez, monsieur, rendez-moi mon camarade. Vous forez bien, je
■vous assure. Remarquez que je vous dis cela.
Une autre fois, un dimanche, il se tenait dans le préau, assis sur uno
pierre, les coudes sur les genoux ot son front dans ses mains, immobile de
puis plusieurs heures dans la môme attitude. Le condamné Érailletto s’ap
procha do lui, et lift cria en riant: Que. diable fais-tu donc là, Claude?
Claude leva lentement sa tète sévero et dit : Je juge quelqu’un.
Un soir enfin, le 25 octobre 1831, au moment où le directeur faisait sa
ronde, Claude brisa sous son pied avec bruit un verre démontré qu’il avait
trouvé le matin dans un corridor. Le directeur demanda d'où venait ce
bruit.
— Ce n’est rien, dit Claude, c’est moi. Monsieur le directeur, rendez-moi
mon camarade.
— Impossible, dit le maître.
— Il le faut pourtant, dit Claude d’une voix basse et ferme , et, regar
dant le directeur en face, il ajouta : Réfléchissez. Nous sommes aujourd’hui
1(3 25 octobre ; je vous donne jusqu’au 4 novembre.
Un guichetier fit remarquer à M. D... que Claude le menaçait, et que
c’était un cas de cachot.
— Non, point de cachot, dit le directeur avec un sourire dédaigneux, il
faut être bon avec ces gens-là.
lié lendemain, le condamé l’ernot aborda Claude qui so promenait seul
t pensif, laissant les autres prisonniers s’ébattre dans un petit carré de so
leil à l’autre bout de la cour.
—Eh bien ! Claude, à quoi songes-tu? tu parais triste !
j e crains, dit Claude, qu’il n’arrive bientôt quelque 'malheur à ce
bon monsieur J)...
Il y a neuf jours pleins du 25 octobre au 4 novembre, Claudwu en laissa
pas passer un sans avertir gravement le directeur de l’état de plus en plus
douloureux où le mettait la disparition d’Albin. Le directeur, fatigue , lui
infligea une fois vingt-quatre heures de cachot, parce que la priera ressein
blait trop à une sommation. Voilà tout ce que Claude obtint.
Le 4 novembre arriva. Ce jour-là, Claude s’éveilla avec un visage serein
qu’on ne lui avait pas encore vu depuis le jour ou la decision de M. D...
t’avait séparé de son ami. En se levant, il fouilla dans une espece de caisse
de bois blanc qui était au pied de son lit, et qui contenait ses quelques gue-
"ifios. 11 en tira une paire de ciseaux de couturière. C’était, avec un volume
dépareillé de Vlimite, la seule chose qui lui restât do la femme qu’il avait
ai 'uée, de la mère de son enfant, do son heureux petit ménage d’autrefois.
Deux meubles bien inutiles pour Claude; les ciseaux ne pouvaient servi
qu’a une femme, le livre qu’à un lettré: Claude ne savait m coudre m
lire. ’ H
Au moment où il traversait le vieux cloître déshonoré ot blanchi h la
chaux qui sert do promenoir d'hiver, il s’approcha du condamné Ferrari,
qui regardait avec attention les énormes barreaux d’une croisée. Claude
tenait a la main la petite paire de ciseaux, il la montra à Ferrari en disant :
Ce soir je couperai ces barreaux-ci avec cos ciseaux-là.
Ferrari, incrédule, ». mil. à rire, et Claude aussi.
Ce malin-la il travailla avec plus d’ardeur qu’à l’ordinaire; jamais il n’a
vait fait si vite et si bien, il parut attacher un certain prix à terminer dans
la matinée un chapeau do paille que lui avait payé d’avance un honnête
bourgeois deTroyes. M. Rressier.
Un peu avant midi, fi descendit sous un prétexte à l’atelier des menui
siers, situé au rez-de-chaussée, au-dessous de l'étage où il travaillait. Claude
était aimé là comme ailleurs ; mais il y entrait rarement aussi.
— Tiens! voilà Claude !
On l’entoura. Ce fut une fête. Claude jeta un coup-d’œil rapide dans la
salle. Pas un des surveillons n’y était.
— Qui est-ce qui a uno hache à me prêter? dit-il
— Pourquoi faire? lui demanda-t-on.
11 répondit :
— C’est pour tuer ce soir le directeur des ateliers.
Ou lui présenta plusieurs haches à choisir. 11 prit la plus petite qui était
la plus tranchante, la cacha dans son pantalon et sortit. Il y avait là vingt-
sept prisonniers. Il ne leur avait pas recommandé le secret. Tous le gar
dèrent.
Ils ne causèrent même pas de la chose entre eux.
Chacun attendit de son côté ce qui arriverait. L’affaire était terrible,
droite et simple. Pas de complication possible Claude ne pouvait être ni
conseillé, ni dénoncé.
Une heure après, il aborda un jeune condamné de seize ans qui bâillait
dans le promenoir, et lui conseilla d’apprendre à lire. En ce moment, le
détenu Fraillotte accosta Claude, et lui demanda ce que diable il cachait là
dans son pantalon. Claude dit :
— C’est une hache pour tuer M. D. co soir. — 11 ajouta : Est-ce que cela
se voit?
— Un pou, dit Fràillette.
Le reste de la journée fut à l’ordinaire. A sept heures du soir, on ren
ferma les prisonniers, chaque section dans l’atelier qui lui était assigné ;
et les surveillons sortirent des salles do travail, comme il paraît que c’es
l’habitude, pour ne rentrer qu’apres la ronde du directeur.
Claude Gueux fut donc verrouillé comme les autres dans son atelier,
avec ses compagnons de métier.
Alors il se passa dans cet atelier uno scène extraordinaire, une scèno
qui n’est ni sans majesté ni sans terreur, la seule de ce genre qu’aucune
histoire puisse raconter.
U y avait là, ainsi que l’a constaté l’instruction judiciaire qui a eu lieu
depuis, quatre-vingt-deux voleurs, y compris Claude.
Une fois que les survoillans les eurent laissés seuls, Claude se leva de
bout sur un banc et annonça à toute la chambrée qu'il avait quelque chose
à dire. On fit silence.
Alors Claude haussa la voix et dit :
— Vous savez tous qu’Albin était mon frère. Je n’ai pas assez de co
qu’on donne ici pour manger. Même on n’achetant que du pain avec le peu
que je gagne, cela ne me suffirait pas. Albin partageait sa ration avec
moi; je l’ai aimé d’abord parce qu’il m’a nourri, ensuite parce qu’il m’a
aimé. Le directeur, M. D..., nous a séparés; cela ne lui faisait rien que
nous fussions ensemble; mais c’est un méchant homme qui jouit de tour
menter. Je lui ai redemandé Albin. Vous avez vu? il n’a pas voulu. Je lui
ai donné jusqu’au 4 novembre pour me rendre Albin. Il m’a fait mettre
au cachot pour avoir dit cela. Moi, pendant ce temps-là, je l’ai jugé, et je
l’ai condamné à mort (1). Nous sommes le 4 novembre. Il viendra dans
deux heures faire sa tournée. Je vous préviens que je vais le tuer. Avez-
vous quelque chose à dire à cela?
Tous gardèrent le silence.
Claude reprit. Il parla, à ce qu’il paraît, avec une éloquence singulière
qui d’ailleurs lui était naturelle. II déclara qu’il savait bien qu’il allait
faire une action violente, mais qu’il no croyait pas avoir tort. 11 attesta la
conscience des quatre-vingt-un voleurs qui l’écoutaient, qu’il était dans
une rude extrémité; que la nécessité do so faire justice soi-même était un
cul-de-sac où on se trouvait engagé quelquefois; qu’à la vérité, il ne pou
vait prendre la vio du directeur sans donner la sienne propre, mais qu il
trouvait bon de donner sa vie pour une chose juste; qu’il avait mûrement
réfléchi, et à cela seulement, depuis deux mois; qu’il croyait bien no pas
so laisser entraîner par le ressentiment, mais que, dans le cas où cela se
rait, il suppliait qu’on l’on avertît; qu’il soumettait honnêtement ses rai
sons aux hommes justes qui l’écoutaient; qu’il allait donc tuer M. D...,
mais que, si quelqu’un avait une objection à lui faire, il était prêt à l’é
couler.
Une voix seulement s’éleva, et dit qu’avant de tuer le directeur, Claude
devait essayer une dernière fois do lui parler et de le fléchir.
— C’est juste, dit Claude, et je le ferai.
Huit heures sonnèrent à la grande horloge. Le directeur devait venir à
neuf.
Une fois que cette étrange cour de cassation eut. en quelque sorte ratifié
la sentence qu’il avait portée, Claude reprit toute sa sérénité. Il mit sur une
table tout co qu'il possédait en linge et en vêlemens, la pauvre dépouille
du prisonnier, el, appelant l’un après l’autre ceux de ses compagnons qu'il
aimait le plus après Albin, il leur distribua tout. Il ne garda que la petite
paire de ciseaux.
Puis il les embrassa tous. Quelques-uns pleuraient ; il souriait à
ceux-là.
Il y eut dans cette heure dernière des instans où il causa avec tant do
tranquillité et même de gaîté, que plusieurs de ses camarades espéraient
intérieurement, comme ils l’ont déclaré depuis, qu’il abandonnerait peut-
être sa résolution. Il s’amusa même une fois à éteindre une des rares
chandelles qui éclairaient l’atelier avec le souffle de sa narine, car il avait
de mauvaises habitudes d’éducation qui dérangeaient sa dignité naturelle
plus souvent qu’il n’aurait fallu. Rien no pouvait faire que cet ancien ga
min des rues n’eût point par menions l’odeur du ruisseau de Paris.
Il aperçut un jeune condamné qui était pâle, qui le regardait avec dt-
yeux fixes, ot qui trcmbfait sans doute do l’attente de ce qu’il allait voir.
— Allons, du courage* jeune homme! lui dit Claude doucement, ce ne
sera que l’affaire d’un moment.
Quand il eut distribué toutes ses hardes, fait tous ses adieux, serré toutes
les mains, il interrompit quelques causeries inquiétés qui se faisaient eà et
là dans les coins obscurs de l’atelier, et il commanda qu’on se remît au
travail. Tous obéirent en silence.
L’atelier où ceci se passait était une salle oblongue, un long parallélo
gramme percé de fenêtres sur ses deux grands côtés, el de deux portes qui
se regardaient à ses deux extrémités. Les métiers étaient rangés de chaque
côté près des fenêtres, les bancs touchant le mur à angle droit, et l’espaco
resté libre entre les doux rangées de métiers formaient une sorte de longue-
vue qui allait en ligne droile de Tune des doux portes à l’autre, et traver
sait ainsi toute la salle. C’était cette longue voie, assez étroite, quo-Je direc
teur avait à parcourir en faisant son inspection ; il devait entrer par la
porte sud et ressortir par la porte nord, après avoir regardé les travailleurs
a droite et à gauche. D’ordinaire, il faisait ce trajet assez rapidement et
sans s’arrêter.
Claude s'était replacé lui-même à son banc et il s’était remis au travail,
comme Jacques Clément se fût remis à la prière.
Tous attendaient. Le moment approchait. Tout à coup on entendit un
coup de cloche. Claude dit :
— C’est l’avant-quarl.
Alors il se leva, traversa gravement une partie de la salle, et alla s'accou
der sur l’angle du premier métier à gauche, tout à côté de la porte d’en
trée. Son visage était parfaitement calme et bienveillant.
Neuf heures sonnèrent. La porte s’ouvrit. Le directeur entra. En ce mo
ment-là, il so fit dans l’atelier un silence de statue.
Le directeur était seul, comme'd’habitude.
Il entra avec sa figure joviale, satisfaite et inexorable, ne vit pas Claude
(pii était debout à gauebe de la porte, la main droite cachée dans son pan
talon, et passa rapidement devant les premiers métiers, hochant la tête,
mâchant ses paroles, et jetant çà et là son regard banal, sans s’apercevoir
quo tous les yeux qui l’entouraient étaient fixés sur une idée terrible.
Tout à coup il se détourna brusquement, surpris d’entendre un pas der
rière lui.
C'était Claude qui le suivait en silence depuis quelques instans.
— Que fais-lu là, loi? dit le directeur. Pourquoi n’es-tu pas à la place?
Car un homme n’est plus un homme là, c’est un chien; on le tutoie.
Claude Gueux réponcli respectueusement :
— C'est que j’ai a vous parler, monsieur le directeur.
— De quoi?
— D'Albin.
(l)Tt'UucI. (A ote de M. f'iotor Jtufo.)
— Encore! dit le directeur.
— Toujours! dit Claude.
— Ah ça, reprit le directeur continuant de marcher, lu n’as donc pas et
assez de vingt-quatre heures do cachot?
Claude répondit, en continuant de le suivre :
— Monsieur le directeur, rendez-moi mon camarade.
— Impossible!
,— Monsieur le dire-, h ne. dit Claude avec une voix qui eût attendri le
démon, je vous en supplie, remettez Albin avec moi, vous verrez comme
je travaillerai bien. Vous qui êtes libre, cela vous est égal, vous ne savez
pas co que c’est qu’un ami ; mais moi, je n’ai que les quatre murs de ta.
prison.
Vous pouvez aller et venir, vous; moi, je n’ai qu’Albin. Rendoz-le moi.
Albin me nourrissait, vous le savez bien. Cela ne vous coûterait que Ja
peine de dire oui. Qu’est-ce quo cela vous fait qu’il y ait dans la même
salle un homme qui s’appelle Claude Gueux et un autre qui s’appelle Albin?
car ce n’est pas plus compliqué quo cela. Monsieur le directeur, mon bon
monsieur D..., je vous en supplie vraiment, au nom du ciel.
Claude n’en avait peut-être jamais tant dit à la fois à un geôlier. Après
cet effort, épuisé, il attendit. Le directeur répliqua avec un gesto d’impa
tience :
— Impossible. C'est dil. Voyons, ne m’en reparle plus. Tu m’ennuies-
Et comme il était pressé, il doubla le pas. Claude aussi. En parlant ainsi,
ils étaient arrivés tous deux près de la porte de sortie; les quatre-vingts w
leurs regardaient et écoulaient, haletans.
Claude toucha doucement le bras du directeur :
— Mais au moins quo je sache pourquoi je suis condamné à mort. Ditos-
moi pourquoi vous l’avez séparé de moi.
— Je te l’ai déjà dit, répondit le directeur. Parce que...
fit tournant le dos à Claude, il avança la main vers le loquet de la poste
de sortie.
A la réponse du directeur, Claude avait reculé d’un pas. Les quatre-
vingts statues qui étaient là virent sortir de son pantalon sa main droite
avec la hache. Cotte main se leva, et avant que le directeur eût pu
pousser un cri, trois coups de hache, chose affreuse à dire, assénés tous fns
trois dans la même entaille, lui avaient ouvert le crâne. Au moment où il
tombait à la renverse, un derniercoup lui balafra le visage; puis, comme
une fureur lancée ne s’arrête pas court, Claude Gueux lui fendit la cuisse
d’un cinquième coup inutile. Le directeur était mort.
Alors Claude jeta la hache et cria : A l’autre maintenant ! L’autre, c’é
tait lui. On le vit tirer de sa veste les petits ciseaux de sa femme , et sans
que personne songeât à Ton empêcher, il se les enfonça dans la poitrine..
La lame était courte, la poitrine était profonde. Il y fouilla long-temps et b
plus de vingt reprises, en criant : « Cœur de damne, je ne te trouverai
donc pas! » et enfin il tomba baigné dans son sang, évanoui sur le mort.
Lequel des deux était la victime doTautro?
Quand Claude reprit connaissance, il était dans un lit, couvert de linges
etde bandages. 11 avait auprès de son chevet de bonnes sœurs de charité,
et do plus un juge d’instruction qui instrumentait ut qui lui demandait avec
beaucoup d’intérêt : Comment vous trouvez-vous ?
II avait perdu une grande quantité de sang; mais les ciseaux avec les
quels il avait eu la superstition touchante de se frapper avaient mal fait
leur devoir; aucun des coups qu’il s’était portés n’était dangereux. Il n’y
avait de mortelles pour lui que les blessures qu’il avait faites à M. D...
Les interrogatoires commencèrent. On lui demanda si c’était lui qui
avait tué le directeur des ateliers de la prison de Clairvaux. Il répondit
Oui. On lui demauda pourquoi, il répondit: Parce que.
Cependant, à un certain moment, ses plaies s’envenimèrent; il fut pris
d’une fièvre mauvaise dont il faillit mourir.
Novembre, décembre, janvier et février se passèrent en soins ot en pré
paratifs: médecins et juges s’empressaient autour de Claude ; les uns gué
rissaient ses blessures, les autres dressaient son échafaud.
Abrégeons. Le l(> mars IS:î2. il parut, étant parfaitement guéri, devant
la cour d’assises de Troycs Tout ce que la ville peut donner de foule était
Claude eut une bonne attitude devant la cour; il s'était fait raser a va 1 ,
soin, il avait la tête nue, il portait le morne habit des prisonniers de Clair-
vaux, mi-partie de deux espèces de gris.
Le procureur du roi avait encombré la salle de toutes les baïonnettes de
l’arrondissement, « afin, dit-il à l’audience, de contenir tous les scélérate
(pii devaientllgurercommo témoins dans cette affaire. «
Lorsqu'il fallut entamer le débat, il se présenta une difficulté singulière.
Aucun des témoins des événemens du 4 novembre no voulait déposer con
tre Claude. Le président les menaça de son pouvoir discrétionnaire. Ce fut
en vain. Claude alors leur commanda de déposer. Toutes ces langues se dé
lièrent. Ils dirent ce qu’ils avaient vu.
Claude les écoutait tous avec une profonde attention. Quand l’un d’oux,
par oubli ou par affection pour Claude, omettait dos faits à la charge de
l'accusé, Claude les rétablissait.
De témoignage en témoignage, la série des faits quo nous venons de dé
velopper se déroula devant la cour.
Il y eut un moment où les femmes qui étaient là pleurèrent. L’huissier
appela le condamné Albin. C’était son lourde déposer. 11 entra en chance
lant ; il sanglottait. Les gendarmes ne purent empêcher qu’il n’allât tomber
dans les bras de Claude. Claude le soutint et dit en souriant au procureur
du roi : « Voilà un scélérat qui partage son pain avec ceux qui ont Jàinu »
Puis il baisa la main d’Albin.
La liste des témoins épuisée, M. le procureur du roi se leva el prit la pa
role en ces termes : « Messieurs les jurés, la société serait ébranlée jusque
dans ses fondemens, si la vindicte publique n’atteignait pas les grands cou
pables comme celui qui, etc. »
Après co discours mémorable, l’avocat de Claude parla. La plaidoirie
contre et la plaidoirie pour liront, chacune à leur tour, les évolutions qu’el
les ont coutume de faire dans cette espèce d’hippodrome qu’on appelle un
procès criminel.
Claude jugea que tout n’etait pas dit. 11 se leva à son tour. II parla de
telle sorte, qu’une personne intelligente qui assistait à cette audience s’en
revint frappée d’étonnement. Il paraît quo ce pauvre ouvrier contenait
bien plutôt un orateur qu’un assassin. Il parla debout, avec une voix péné-
tranteet bien ménagée, avec un œil clair, honnête et résolu, avec un geste
presque toujours le même, mais plein d’empire. Il dit les choses comme
elles étaient, simplement, sérieusement, sans changer ni amoindrir con
vint de tout, regarda l’article 29(1 en face et posa sa tête dessus. 11 eut dos
momons de véritable haute éloquence qui faisait remuer la foule, et où Ton
se répétait à l’oreille dans l'auditoire ce qu’il venait de dire. Cola faisait mi
murmure pendant lequel Claude reprenait haleine en jetant un regard fier
sm les assistais. Dans d autres instans, eel homme, qui ne savait pas lire
était doux, poli,choisi comme un lettré; puis, par momons encore, modeste'
mesure, attentif, marchant pas à pas dans la partie irritante de la discus
sion, bienveillant pour les juges. Une fois seulement, il se laissa aller à une
secousse de colore. Le procureur du roi avait établi, dans le discours une
nous avons cite en entier, que Claude Gueux avait assassiné le directeur
des ateliers sans voies de fait ni violences de la part du directeur, par con
séquent sans provocation.
, — Quoi! s’écria Claude, je n’ai pas été provoqué! Ah! oui, vraiment,
c est juste, je vous comprends. ,Ûn homme ivre me donne un coup de
poing, je le tue, j ai été provoqué, vous me faites grâce, vous m’envoyez
aux galères. Mais un homme qui n’est pas ivre ('I qui a toute sa raison me
comprime le cœur pendant quatre ans, me pique tous les jours, toutes les
heures, toutes les minutes, d’un coup d'épingle à quelque place inatten
due pendant quatre ans ! J’avais une tomme pour qui j’ai volé, il me tor
ture avec cette femme. J avais un enfant pour qui j'ai volé, il me torture
avec cet enfant. Je n’ai pas assez de pain, un ami m’en donne, il m’ôte
mon ami et mon pain. Je redemande mon ami, il me met au cachot. Jo hn
dis vous, h lui mouchard, il me dit tu. Je lui dis que je souffre, il nie dû
que je l’ennuie. Alors que voulez-vous que je fasse ?, 1 " !" tue. C’est bien
je suis un monstre, j’ai tué cet homme, je n ai pas été provoqué, vous me
coupez la tête. Faites 1 — Mouvement sublime, séton nous, qui faisait
tout h coup surgir, au-dessus du système delà j r (vocation matérielle sur
lequel s’appuie l’échelle mal proportionnée des e >. m 'a::.-es atténuantes,
toute une théorie de la provocation morale oubli 1 r ■ ar la foi.
Les débats fermés, le président fit son résumé impartial et lf.miawxJK
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Claude aimait beaucoup Albin, et ne songeait pas au directeur.
Un jour, un matin , au moment où les porto-clés transvasaient les
prisonniers doux a deux du dortoir dans l’atelier, un guichetier appela Al
bin qui était à côté de Claude, et le prévint que le directeur le demandait.
— Que te veut-on? dit Claude.
— Je ne sais pas, dit Albin.
La matinée se passa, Albin ne revint pas à l’atelier. Quand arriva l’heure
du repos, Claude pensa qu’il retrouverait Albin au préau. Albin n’était pas
au préau. On rentra dans l’atelier, Albin ne reparut pas dans l’atelier. La
journée s’écoula ainsi. Le soir, quand on ramena les prisonniers dans leur
dortoir, Claude y chercha des yeux Albin, et ne le vit pas. Il paraît qu’il
souffrit beaucoup dans ce moment-là; car il adressa la parole à un gui
chetier, ce qu’il ne faisait jamais :
— Est-ce qu’Albin est malade? dit-il.
— Non , répondit le guichetier
— D’où vient donc, reprit Claude, qu’il n’a pas reparu aujourd’hui?
— Ah! dit négligemment le porte-clés, c’est qu’on l’a changé de quar
tier.
Les témoins qui ont déposé do ces faits plus tard remarquèrent qu’à cette
réponse du guichetier la main de Claude, qui portait une chandelle allu
mée, trembla légèrement. 11 reprit avec calme :
— Qui a donné cet ordre-là?
I.e guichetier répondit : M. D...
Le directeur des ateliers s’appelait M. D...
La journée du lendemain se passa comme la journée précédente, sans
Albin.
Le soir, à l'heure de la clôture des travaux, le directeur M. D... vint faire
sa ronde habituelle dans l’atelier. Du plus loin que Claude le vit, il ôta son
bonnet do grosse luine, il boutonna sa veste grise, triste livrée de Clair-
vaux (car il est de principe dans les prisons qu’une veste respectueusement
boutonnée prévient favorablement les supérieurs) et se tint debout et son
bonnet à la main à l’entrée de son banc, attendant le passage du directeur.
Le directeur passa.
— Mmsiourldit Claude.
Le directeur s’arrêta et se détourna h demi.
— Monsieur, reprit Claude, est-ce que c’est vrai qu’on a changé Albin
de quartier?
— Oui, répondit le directeur.
— Monsieur, poursuivit Claude, j’ai besoin d’Albin pour vivre. Il ajou
ta : Vous savez que je n’ai pas assez de quoi manger avec la ration de la
maison, et qu’Albin partageait son pain avec moi?
— C’était son affaire, dit le directeur.
— Monsieur, est-ce qu’il n’y aurait pas moyen de faire remettre Albin
dans le même quartier que moi?
— Impossible. Il y a décision priso.
— Par qui ?
— Par moi.
— Monsieur D..., reprit Claude, c’est la vie ou la mort pour moi, et cela
dépend de vous.
— Je ne reviens jamais sur mes décisions.
— Monsieur, est-ce que je vous ai fait quelque chose?
— Rien.
— Ko ce cas, dit Claude, pourquoi me séparez-vous d’Albin ?
• Parce que... dit le directeur.
Cette explication domée, le directeur passa outre.
Claude baissa la tète et ne répliqua pas. (Pauvre lion en cage à qui l’on
ôtait son chien!
Nous sommes forcé de dire que le chagrin de cette séparation n’altéra
en rien la voracité en quelque sorte maladive du prisonnier. Rien, d’ail
leurs, ne parut sensiblement changé en lui. Il ne parlait d’Albin à aucun do
ses camarades. Il se promenait seul dans le préau aux heures de récréation,
et il avait faim. Rien de plus.
Cependant ceux qüi le connaissaient bien remarquaient quelque chose do
sinistre et de sombre qui s’épaississait chaque jour déplus en plus sur
son visage Du reste, il était plus doux que jamais.
Plusieurs voulurent partager leur ration avec lui, il refusa en souriant.
Tous les soirs, depuis l’explication que lui avait donnée le directeur, il
faisait une espèce do chose folle qui étonnait de la part d’un homme aussi
sérieux. Au moment où le directeur, ramené à heure lixe par sa tournée
habituelle, passait devant le métier de Claude, Claude levait les yeux et le
regardait fixement, puis il lui adressait d’un ton plein d’angoisse et dit co
lère qui tenait à la fois de la prière et do la menace, cos deux mots seule
ment : lit Albin? Le directeur faisait semblant de ne pas entendre ou s’é
loignait en haussant les épaules.
Cet homme avait tort de hausser les épaules, car il était évident poin
tons les spectateurs de ces scènes étranges que Claude Gueux était inté
rieurement déterminé a quelque chose. Toute la prison attendait avec
anxiété quel sérail le résultat do cette lutte entre une ténacité et une réso
lution.
Il a été constaté qu’une fois entre autres Claude dit au directeur :
— Ecoutez, monsieur, rendez-moi mon camarade. Vous forez bien, je
■vous assure. Remarquez que je vous dis cela.
Une autre fois, un dimanche, il se tenait dans le préau, assis sur uno
pierre, les coudes sur les genoux ot son front dans ses mains, immobile de
puis plusieurs heures dans la môme attitude. Le condamné Érailletto s’ap
procha do lui, et lift cria en riant: Que. diable fais-tu donc là, Claude?
Claude leva lentement sa tète sévero et dit : Je juge quelqu’un.
Un soir enfin, le 25 octobre 1831, au moment où le directeur faisait sa
ronde, Claude brisa sous son pied avec bruit un verre démontré qu’il avait
trouvé le matin dans un corridor. Le directeur demanda d'où venait ce
bruit.
— Ce n’est rien, dit Claude, c’est moi. Monsieur le directeur, rendez-moi
mon camarade.
— Impossible, dit le maître.
— Il le faut pourtant, dit Claude d’une voix basse et ferme , et, regar
dant le directeur en face, il ajouta : Réfléchissez. Nous sommes aujourd’hui
1(3 25 octobre ; je vous donne jusqu’au 4 novembre.
Un guichetier fit remarquer à M. D... que Claude le menaçait, et que
c’était un cas de cachot.
— Non, point de cachot, dit le directeur avec un sourire dédaigneux, il
faut être bon avec ces gens-là.
lié lendemain, le condamé l’ernot aborda Claude qui so promenait seul
t pensif, laissant les autres prisonniers s’ébattre dans un petit carré de so
leil à l’autre bout de la cour.
—Eh bien ! Claude, à quoi songes-tu? tu parais triste !
j e crains, dit Claude, qu’il n’arrive bientôt quelque 'malheur à ce
bon monsieur J)...
Il y a neuf jours pleins du 25 octobre au 4 novembre, Claudwu en laissa
pas passer un sans avertir gravement le directeur de l’état de plus en plus
douloureux où le mettait la disparition d’Albin. Le directeur, fatigue , lui
infligea une fois vingt-quatre heures de cachot, parce que la priera ressein
blait trop à une sommation. Voilà tout ce que Claude obtint.
Le 4 novembre arriva. Ce jour-là, Claude s’éveilla avec un visage serein
qu’on ne lui avait pas encore vu depuis le jour ou la decision de M. D...
t’avait séparé de son ami. En se levant, il fouilla dans une espece de caisse
de bois blanc qui était au pied de son lit, et qui contenait ses quelques gue-
"ifios. 11 en tira une paire de ciseaux de couturière. C’était, avec un volume
dépareillé de Vlimite, la seule chose qui lui restât do la femme qu’il avait
ai 'uée, de la mère de son enfant, do son heureux petit ménage d’autrefois.
Deux meubles bien inutiles pour Claude; les ciseaux ne pouvaient servi
qu’a une femme, le livre qu’à un lettré: Claude ne savait m coudre m
lire. ’ H
Au moment où il traversait le vieux cloître déshonoré ot blanchi h la
chaux qui sert do promenoir d'hiver, il s’approcha du condamné Ferrari,
qui regardait avec attention les énormes barreaux d’une croisée. Claude
tenait a la main la petite paire de ciseaux, il la montra à Ferrari en disant :
Ce soir je couperai ces barreaux-ci avec cos ciseaux-là.
Ferrari, incrédule, ». mil. à rire, et Claude aussi.
Ce malin-la il travailla avec plus d’ardeur qu’à l’ordinaire; jamais il n’a
vait fait si vite et si bien, il parut attacher un certain prix à terminer dans
la matinée un chapeau do paille que lui avait payé d’avance un honnête
bourgeois deTroyes. M. Rressier.
Un peu avant midi, fi descendit sous un prétexte à l’atelier des menui
siers, situé au rez-de-chaussée, au-dessous de l'étage où il travaillait. Claude
était aimé là comme ailleurs ; mais il y entrait rarement aussi.
— Tiens! voilà Claude !
On l’entoura. Ce fut une fête. Claude jeta un coup-d’œil rapide dans la
salle. Pas un des surveillons n’y était.
— Qui est-ce qui a uno hache à me prêter? dit-il
— Pourquoi faire? lui demanda-t-on.
11 répondit :
— C’est pour tuer ce soir le directeur des ateliers.
Ou lui présenta plusieurs haches à choisir. 11 prit la plus petite qui était
la plus tranchante, la cacha dans son pantalon et sortit. Il y avait là vingt-
sept prisonniers. Il ne leur avait pas recommandé le secret. Tous le gar
dèrent.
Ils ne causèrent même pas de la chose entre eux.
Chacun attendit de son côté ce qui arriverait. L’affaire était terrible,
droite et simple. Pas de complication possible Claude ne pouvait être ni
conseillé, ni dénoncé.
Une heure après, il aborda un jeune condamné de seize ans qui bâillait
dans le promenoir, et lui conseilla d’apprendre à lire. En ce moment, le
détenu Fraillotte accosta Claude, et lui demanda ce que diable il cachait là
dans son pantalon. Claude dit :
— C’est une hache pour tuer M. D. co soir. — 11 ajouta : Est-ce que cela
se voit?
— Un pou, dit Fràillette.
Le reste de la journée fut à l’ordinaire. A sept heures du soir, on ren
ferma les prisonniers, chaque section dans l’atelier qui lui était assigné ;
et les surveillons sortirent des salles do travail, comme il paraît que c’es
l’habitude, pour ne rentrer qu’apres la ronde du directeur.
Claude Gueux fut donc verrouillé comme les autres dans son atelier,
avec ses compagnons de métier.
Alors il se passa dans cet atelier uno scène extraordinaire, une scèno
qui n’est ni sans majesté ni sans terreur, la seule de ce genre qu’aucune
histoire puisse raconter.
U y avait là, ainsi que l’a constaté l’instruction judiciaire qui a eu lieu
depuis, quatre-vingt-deux voleurs, y compris Claude.
Une fois que les survoillans les eurent laissés seuls, Claude se leva de
bout sur un banc et annonça à toute la chambrée qu'il avait quelque chose
à dire. On fit silence.
Alors Claude haussa la voix et dit :
— Vous savez tous qu’Albin était mon frère. Je n’ai pas assez de co
qu’on donne ici pour manger. Même on n’achetant que du pain avec le peu
que je gagne, cela ne me suffirait pas. Albin partageait sa ration avec
moi; je l’ai aimé d’abord parce qu’il m’a nourri, ensuite parce qu’il m’a
aimé. Le directeur, M. D..., nous a séparés; cela ne lui faisait rien que
nous fussions ensemble; mais c’est un méchant homme qui jouit de tour
menter. Je lui ai redemandé Albin. Vous avez vu? il n’a pas voulu. Je lui
ai donné jusqu’au 4 novembre pour me rendre Albin. Il m’a fait mettre
au cachot pour avoir dit cela. Moi, pendant ce temps-là, je l’ai jugé, et je
l’ai condamné à mort (1). Nous sommes le 4 novembre. Il viendra dans
deux heures faire sa tournée. Je vous préviens que je vais le tuer. Avez-
vous quelque chose à dire à cela?
Tous gardèrent le silence.
Claude reprit. Il parla, à ce qu’il paraît, avec une éloquence singulière
qui d’ailleurs lui était naturelle. II déclara qu’il savait bien qu’il allait
faire une action violente, mais qu’il no croyait pas avoir tort. 11 attesta la
conscience des quatre-vingt-un voleurs qui l’écoutaient, qu’il était dans
une rude extrémité; que la nécessité do so faire justice soi-même était un
cul-de-sac où on se trouvait engagé quelquefois; qu’à la vérité, il ne pou
vait prendre la vio du directeur sans donner la sienne propre, mais qu il
trouvait bon de donner sa vie pour une chose juste; qu’il avait mûrement
réfléchi, et à cela seulement, depuis deux mois; qu’il croyait bien no pas
so laisser entraîner par le ressentiment, mais que, dans le cas où cela se
rait, il suppliait qu’on l’on avertît; qu’il soumettait honnêtement ses rai
sons aux hommes justes qui l’écoutaient; qu’il allait donc tuer M. D...,
mais que, si quelqu’un avait une objection à lui faire, il était prêt à l’é
couler.
Une voix seulement s’éleva, et dit qu’avant de tuer le directeur, Claude
devait essayer une dernière fois do lui parler et de le fléchir.
— C’est juste, dit Claude, et je le ferai.
Huit heures sonnèrent à la grande horloge. Le directeur devait venir à
neuf.
Une fois que cette étrange cour de cassation eut. en quelque sorte ratifié
la sentence qu’il avait portée, Claude reprit toute sa sérénité. Il mit sur une
table tout co qu'il possédait en linge et en vêlemens, la pauvre dépouille
du prisonnier, el, appelant l’un après l’autre ceux de ses compagnons qu'il
aimait le plus après Albin, il leur distribua tout. Il ne garda que la petite
paire de ciseaux.
Puis il les embrassa tous. Quelques-uns pleuraient ; il souriait à
ceux-là.
Il y eut dans cette heure dernière des instans où il causa avec tant do
tranquillité et même de gaîté, que plusieurs de ses camarades espéraient
intérieurement, comme ils l’ont déclaré depuis, qu’il abandonnerait peut-
être sa résolution. Il s’amusa même une fois à éteindre une des rares
chandelles qui éclairaient l’atelier avec le souffle de sa narine, car il avait
de mauvaises habitudes d’éducation qui dérangeaient sa dignité naturelle
plus souvent qu’il n’aurait fallu. Rien no pouvait faire que cet ancien ga
min des rues n’eût point par menions l’odeur du ruisseau de Paris.
Il aperçut un jeune condamné qui était pâle, qui le regardait avec dt-
yeux fixes, ot qui trcmbfait sans doute do l’attente de ce qu’il allait voir.
— Allons, du courage* jeune homme! lui dit Claude doucement, ce ne
sera que l’affaire d’un moment.
Quand il eut distribué toutes ses hardes, fait tous ses adieux, serré toutes
les mains, il interrompit quelques causeries inquiétés qui se faisaient eà et
là dans les coins obscurs de l’atelier, et il commanda qu’on se remît au
travail. Tous obéirent en silence.
L’atelier où ceci se passait était une salle oblongue, un long parallélo
gramme percé de fenêtres sur ses deux grands côtés, el de deux portes qui
se regardaient à ses deux extrémités. Les métiers étaient rangés de chaque
côté près des fenêtres, les bancs touchant le mur à angle droit, et l’espaco
resté libre entre les doux rangées de métiers formaient une sorte de longue-
vue qui allait en ligne droile de Tune des doux portes à l’autre, et traver
sait ainsi toute la salle. C’était cette longue voie, assez étroite, quo-Je direc
teur avait à parcourir en faisant son inspection ; il devait entrer par la
porte sud et ressortir par la porte nord, après avoir regardé les travailleurs
a droite et à gauche. D’ordinaire, il faisait ce trajet assez rapidement et
sans s’arrêter.
Claude s'était replacé lui-même à son banc et il s’était remis au travail,
comme Jacques Clément se fût remis à la prière.
Tous attendaient. Le moment approchait. Tout à coup on entendit un
coup de cloche. Claude dit :
— C’est l’avant-quarl.
Alors il se leva, traversa gravement une partie de la salle, et alla s'accou
der sur l’angle du premier métier à gauche, tout à côté de la porte d’en
trée. Son visage était parfaitement calme et bienveillant.
Neuf heures sonnèrent. La porte s’ouvrit. Le directeur entra. En ce mo
ment-là, il so fit dans l’atelier un silence de statue.
Le directeur était seul, comme'd’habitude.
Il entra avec sa figure joviale, satisfaite et inexorable, ne vit pas Claude
(pii était debout à gauebe de la porte, la main droite cachée dans son pan
talon, et passa rapidement devant les premiers métiers, hochant la tête,
mâchant ses paroles, et jetant çà et là son regard banal, sans s’apercevoir
quo tous les yeux qui l’entouraient étaient fixés sur une idée terrible.
Tout à coup il se détourna brusquement, surpris d’entendre un pas der
rière lui.
C'était Claude qui le suivait en silence depuis quelques instans.
— Que fais-lu là, loi? dit le directeur. Pourquoi n’es-tu pas à la place?
Car un homme n’est plus un homme là, c’est un chien; on le tutoie.
Claude Gueux réponcli respectueusement :
— C'est que j’ai a vous parler, monsieur le directeur.
— De quoi?
— D'Albin.
(l)Tt'UucI. (A ote de M. f'iotor Jtufo.)
— Encore! dit le directeur.
— Toujours! dit Claude.
— Ah ça, reprit le directeur continuant de marcher, lu n’as donc pas et
assez de vingt-quatre heures do cachot?
Claude répondit, en continuant de le suivre :
— Monsieur le directeur, rendez-moi mon camarade.
— Impossible!
,— Monsieur le dire-, h ne. dit Claude avec une voix qui eût attendri le
démon, je vous en supplie, remettez Albin avec moi, vous verrez comme
je travaillerai bien. Vous qui êtes libre, cela vous est égal, vous ne savez
pas co que c’est qu’un ami ; mais moi, je n’ai que les quatre murs de ta.
prison.
Vous pouvez aller et venir, vous; moi, je n’ai qu’Albin. Rendoz-le moi.
Albin me nourrissait, vous le savez bien. Cela ne vous coûterait que Ja
peine de dire oui. Qu’est-ce quo cela vous fait qu’il y ait dans la même
salle un homme qui s’appelle Claude Gueux et un autre qui s’appelle Albin?
car ce n’est pas plus compliqué quo cela. Monsieur le directeur, mon bon
monsieur D..., je vous en supplie vraiment, au nom du ciel.
Claude n’en avait peut-être jamais tant dit à la fois à un geôlier. Après
cet effort, épuisé, il attendit. Le directeur répliqua avec un gesto d’impa
tience :
— Impossible. C'est dil. Voyons, ne m’en reparle plus. Tu m’ennuies-
Et comme il était pressé, il doubla le pas. Claude aussi. En parlant ainsi,
ils étaient arrivés tous deux près de la porte de sortie; les quatre-vingts w
leurs regardaient et écoulaient, haletans.
Claude toucha doucement le bras du directeur :
— Mais au moins quo je sache pourquoi je suis condamné à mort. Ditos-
moi pourquoi vous l’avez séparé de moi.
— Je te l’ai déjà dit, répondit le directeur. Parce que...
fit tournant le dos à Claude, il avança la main vers le loquet de la poste
de sortie.
A la réponse du directeur, Claude avait reculé d’un pas. Les quatre-
vingts statues qui étaient là virent sortir de son pantalon sa main droite
avec la hache. Cotte main se leva, et avant que le directeur eût pu
pousser un cri, trois coups de hache, chose affreuse à dire, assénés tous fns
trois dans la même entaille, lui avaient ouvert le crâne. Au moment où il
tombait à la renverse, un derniercoup lui balafra le visage; puis, comme
une fureur lancée ne s’arrête pas court, Claude Gueux lui fendit la cuisse
d’un cinquième coup inutile. Le directeur était mort.
Alors Claude jeta la hache et cria : A l’autre maintenant ! L’autre, c’é
tait lui. On le vit tirer de sa veste les petits ciseaux de sa femme , et sans
que personne songeât à Ton empêcher, il se les enfonça dans la poitrine..
La lame était courte, la poitrine était profonde. Il y fouilla long-temps et b
plus de vingt reprises, en criant : « Cœur de damne, je ne te trouverai
donc pas! » et enfin il tomba baigné dans son sang, évanoui sur le mort.
Lequel des deux était la victime doTautro?
Quand Claude reprit connaissance, il était dans un lit, couvert de linges
etde bandages. 11 avait auprès de son chevet de bonnes sœurs de charité,
et do plus un juge d’instruction qui instrumentait ut qui lui demandait avec
beaucoup d’intérêt : Comment vous trouvez-vous ?
II avait perdu une grande quantité de sang; mais les ciseaux avec les
quels il avait eu la superstition touchante de se frapper avaient mal fait
leur devoir; aucun des coups qu’il s’était portés n’était dangereux. Il n’y
avait de mortelles pour lui que les blessures qu’il avait faites à M. D...
Les interrogatoires commencèrent. On lui demanda si c’était lui qui
avait tué le directeur des ateliers de la prison de Clairvaux. Il répondit
Oui. On lui demauda pourquoi, il répondit: Parce que.
Cependant, à un certain moment, ses plaies s’envenimèrent; il fut pris
d’une fièvre mauvaise dont il faillit mourir.
Novembre, décembre, janvier et février se passèrent en soins ot en pré
paratifs: médecins et juges s’empressaient autour de Claude ; les uns gué
rissaient ses blessures, les autres dressaient son échafaud.
Abrégeons. Le l(> mars IS:î2. il parut, étant parfaitement guéri, devant
la cour d’assises de Troycs Tout ce que la ville peut donner de foule était
Claude eut une bonne attitude devant la cour; il s'était fait raser a va 1 ,
soin, il avait la tête nue, il portait le morne habit des prisonniers de Clair-
vaux, mi-partie de deux espèces de gris.
Le procureur du roi avait encombré la salle de toutes les baïonnettes de
l’arrondissement, « afin, dit-il à l’audience, de contenir tous les scélérate
(pii devaientllgurercommo témoins dans cette affaire. «
Lorsqu'il fallut entamer le débat, il se présenta une difficulté singulière.
Aucun des témoins des événemens du 4 novembre no voulait déposer con
tre Claude. Le président les menaça de son pouvoir discrétionnaire. Ce fut
en vain. Claude alors leur commanda de déposer. Toutes ces langues se dé
lièrent. Ils dirent ce qu’ils avaient vu.
Claude les écoutait tous avec une profonde attention. Quand l’un d’oux,
par oubli ou par affection pour Claude, omettait dos faits à la charge de
l'accusé, Claude les rétablissait.
De témoignage en témoignage, la série des faits quo nous venons de dé
velopper se déroula devant la cour.
Il y eut un moment où les femmes qui étaient là pleurèrent. L’huissier
appela le condamné Albin. C’était son lourde déposer. 11 entra en chance
lant ; il sanglottait. Les gendarmes ne purent empêcher qu’il n’allât tomber
dans les bras de Claude. Claude le soutint et dit en souriant au procureur
du roi : « Voilà un scélérat qui partage son pain avec ceux qui ont Jàinu »
Puis il baisa la main d’Albin.
La liste des témoins épuisée, M. le procureur du roi se leva el prit la pa
role en ces termes : « Messieurs les jurés, la société serait ébranlée jusque
dans ses fondemens, si la vindicte publique n’atteignait pas les grands cou
pables comme celui qui, etc. »
Après co discours mémorable, l’avocat de Claude parla. La plaidoirie
contre et la plaidoirie pour liront, chacune à leur tour, les évolutions qu’el
les ont coutume de faire dans cette espèce d’hippodrome qu’on appelle un
procès criminel.
Claude jugea que tout n’etait pas dit. 11 se leva à son tour. II parla de
telle sorte, qu’une personne intelligente qui assistait à cette audience s’en
revint frappée d’étonnement. Il paraît quo ce pauvre ouvrier contenait
bien plutôt un orateur qu’un assassin. Il parla debout, avec une voix péné-
tranteet bien ménagée, avec un œil clair, honnête et résolu, avec un geste
presque toujours le même, mais plein d’empire. Il dit les choses comme
elles étaient, simplement, sérieusement, sans changer ni amoindrir con
vint de tout, regarda l’article 29(1 en face et posa sa tête dessus. 11 eut dos
momons de véritable haute éloquence qui faisait remuer la foule, et où Ton
se répétait à l’oreille dans l'auditoire ce qu’il venait de dire. Cola faisait mi
murmure pendant lequel Claude reprenait haleine en jetant un regard fier
sm les assistais. Dans d autres instans, eel homme, qui ne savait pas lire
était doux, poli,choisi comme un lettré; puis, par momons encore, modeste'
mesure, attentif, marchant pas à pas dans la partie irritante de la discus
sion, bienveillant pour les juges. Une fois seulement, il se laissa aller à une
secousse de colore. Le procureur du roi avait établi, dans le discours une
nous avons cite en entier, que Claude Gueux avait assassiné le directeur
des ateliers sans voies de fait ni violences de la part du directeur, par con
séquent sans provocation.
, — Quoi! s’écria Claude, je n’ai pas été provoqué! Ah! oui, vraiment,
c est juste, je vous comprends. ,Ûn homme ivre me donne un coup de
poing, je le tue, j ai été provoqué, vous me faites grâce, vous m’envoyez
aux galères. Mais un homme qui n’est pas ivre ('I qui a toute sa raison me
comprime le cœur pendant quatre ans, me pique tous les jours, toutes les
heures, toutes les minutes, d’un coup d'épingle à quelque place inatten
due pendant quatre ans ! J’avais une tomme pour qui j’ai volé, il me tor
ture avec cette femme. J avais un enfant pour qui j'ai volé, il me torture
avec cet enfant. Je n’ai pas assez de pain, un ami m’en donne, il m’ôte
mon ami et mon pain. Je redemande mon ami, il me met au cachot. Jo hn
dis vous, h lui mouchard, il me dit tu. Je lui dis que je souffre, il nie dû
que je l’ennuie. Alors que voulez-vous que je fasse ?, 1 " !" tue. C’est bien
je suis un monstre, j’ai tué cet homme, je n ai pas été provoqué, vous me
coupez la tête. Faites 1 — Mouvement sublime, séton nous, qui faisait
tout h coup surgir, au-dessus du système delà j r (vocation matérielle sur
lequel s’appuie l’échelle mal proportionnée des e >. m 'a::.-es atténuantes,
toute une théorie de la provocation morale oubli 1 r ■ ar la foi.
Les débats fermés, le président fit son résumé impartial et lf.miawxJK
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