Titre : L'Idée ouvrière : journal hebdomadaire paraissant le samedi
Éditeur : [s.n.] (Le Havre)
Date d'édition : 1888-01-28
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb327882527
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 158 Nombre total de vues : 158
Description : 28 janvier 1888 28 janvier 1888
Description : 1888/01/28 (A1,N21)-1888/02/05. 1888/01/28 (A1,N21)-1888/02/05.
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
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Description : Collection numérique : Fonds régional :... Collection numérique : Fonds régional : Haute-Normandie
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k55455989
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-85206
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
PREMIÈRE ANNÉE, N° 21.
CINQ C EN TIMES
DU28JANV. AU 5 FÉV. 1888.
A.,, VIDÉE OUVRIÈRE
Les données scientifiques quel-
ques bornées qu'elles soient encore,
démontrent combien la manière de
vivre présente, diffère de celle d'au-
trefois.
Comme il y a antagonisme entre
la bourgeoisie et le prolétariat, il y
antagonisme entre le passé et l'ave-
nir, quand ils se rencontrent sous
une forme animée.
C'est ce qui est arrivé entre moi,
parlant de l'Humanité libre dans le
monde libre, et Pierre Lucas hom-
me du passé, dont ces idées qu'il ne
comprenait pas, faisaient fermenter
le cerveau.
Nous n'ayons pas le droit de pu-
nir un incident produit par le choc
de deux fanatismes. C'est un phéno-
mène psycologique — curieux à
étudier autant que ceux qui se, prpr
duisent dans les expériences du
docteur Charcot et autres savants.
Pierre Lucas n'est pas coupable,
c'est nous qui serions criminels en
le laissant condamner.
Louise Michel.
Levallois-Perret, le 25 janvier 1888.
Chers compagnons,
Veuillez insérer dans l'Idée Ouvri-
ère la lettre pour Madame Lucas —
et vous mêmes rassurez cette pau-
vre femme.
Mille amitiés,
Louise Michel.
Ainsi que notre généreuse amie nous
le demande, nous insérons ci-dessous
la lettre qu'elle a adressée à madame
Lucas.
Madame J?ierre Lucas-, au Havre
Madame,
Apprenant votre désespoir, je dé-
sirerais vous rassurer.
Soyez tranquille. Comme on ne
peut admettre que votre mari ait agi
avec discernement, il est par consé-
quent impossible qu'il ne vous soit
rendu.
Ni mes amis, ni les médecins, ni
la presse de Paris, sans oublier celle
du Havre, ne cesseront; jusque-là, de
rècMmer sa iSiisë é^ lifeerté, .. ;,
Et si céla?1;arda:it^t'o;p> Je rétour-
nerais au Havre, et cette fois ma
conférence n'aurait d'autre, but que
d'obtenir celte mesure dé justice.
Toute la ville y serait.
Louise Michel.
HEURES TRAGIQUES
Qu'est Lucas ? Etrange question
que nous nous posons depuis diman-
che sans que 1 nous vienne le mot
propre à le classer définitivement.
Fou, alcoolique, fanatique, catho-
lique ? Un peu de tout cela, proba-
ble ; mélange inextricable où l'igno-
rance crasse s'amalgàrfte à une su-
perstition idiote, habilement entre-
tenue par les prêtres bretons. Hom-
me d'une autre-époque qui ne vit que
pour gagner je>çiel ;^- et qui.habile,-,
ment ihstigué Fvpùlii s-y'réserver
une place par de monstrueux mo-
yens.
jin lui, l'inconscience d'une brute
des anciens âges, mordant la main
qui le flatte ou panse ses plates.
C'est un prolétaire ! Plaignons-le
plutôt que de le maudire.
Un prolétaire : un de ces courbés
sous d'implacables et jésuitiques
maîtres que nous voulons émanci-
per ; ignorant que nous cherchons à
instruire; avilis et dégradés que nous
aspirons à élever à la conscience ;
deshérités que nous appelons â la
liberté et au bien-être.
Et c'est une femme aussi grande
par le coeur que ne le fût jamais au-
cune des héroïques figures léguées
par l'histoire et la légende ; femme
s'oubliant elle-même pour ne songer
qu'aux autres ; au dévouement sans
bornes pour la cause des prolétaires,
toujours debout, infatigable, propa-
gandiste acharnée de l'Idée nouvelle
qui a été la victime de cet esclave
C'est sur cette femme que ce pro-
létaire a déchargé son revolver.
Insondable gouffre que le dégra-
dant abrutissement ou d'immon-
des superstitions précipitent un cer-
veau humain !
Que de tristes réflexions suggère
un si écoeurant attentat. Mais révo-
luîlQn|iaires, il nous faut rester fèr-
mës^et n'avoir dépit ni défaillance,
en face d'événements semblables.
L'histoire est là nous racontant
qu'il en a toujours été ainsi; tou-
jours les novateurs ont été la risée
des foules, toujours leurs victimes,
jusqu'au jour ou les yeux enfin ou-
verts elles s'engageaient dans la
route semée des ossements des pion-
niers.
Au supplice de Jean Hus, le' de-
vancier de Jean Ziska,que les catho-
liques brûlaient vif à Constance, à la
fin du moyen âge, une vieille femme
d'une soixantaine d'années, suait,
soufflait sous un énorme fagot, s'ef-
forçant de le traîner jusqu'au bû-r
cher. Et l'hérésiarque dé: murmur
rer en haussant lesrêpauiés■;: O sanc-
ta simplicitas !
Oh, sainte imbécillité, que tu fais
commettre de crûmes !^v, : ; .,,,■ ■■
•""■";' 'N^eist-ce pas ;là?sâmfé"ïmiî^
qui fait du travailleur un soldat prêt
à tous les massacres — à canarder )
ses frères d'outre-Rhin, ou ceux de'
son village, sur un simple mot de
ses chefs. N'est-ce pas elle qui, de
pauvres diables, fait des policiers,
garde-chiourmes, boule-dogues de
patrons etc. Elle en un mot qui fait
que la vieille société dure malgré
la pourriture débordante.
Pour tous ceux-là, ainsi que pour
les Lucas, réservons notre pitié.
Puisque nous ne craignons pas d'être
révolutionnaires et propagandistes,
acceptons en les conséquences. No-
tre haine doit s'attaquer à ennemis
plus dangereux et plus haut placés ;
à ceux qui vivent de l'ignorance et
1 de la misère humaine ; qui par inté-
rêt, rêvent l'abaissement toujours
plus grand des peuples, leur ravale-
mentdanstoutes les fanges, ne voient
en eux qu'un fumierfertilisanl, leur
donnant la vie à eux dirigeants et
bourgeois.
C'est ceux-làqu'ilnous faut attein-
dre et frapper sans merci. Nous ne
vivrons véritablement hommes, que
par leur mort.
Lucas est une de leurs victimes ;
certes son cerveau de géant n'aurait
jamais été le siège d'une rayonnante
I intelligence, mais normalement dé-
CINQ C EN TIMES
DU28JANV. AU 5 FÉV. 1888.
A.,, VIDÉE OUVRIÈRE
Les données scientifiques quel-
ques bornées qu'elles soient encore,
démontrent combien la manière de
vivre présente, diffère de celle d'au-
trefois.
Comme il y a antagonisme entre
la bourgeoisie et le prolétariat, il y
antagonisme entre le passé et l'ave-
nir, quand ils se rencontrent sous
une forme animée.
C'est ce qui est arrivé entre moi,
parlant de l'Humanité libre dans le
monde libre, et Pierre Lucas hom-
me du passé, dont ces idées qu'il ne
comprenait pas, faisaient fermenter
le cerveau.
Nous n'ayons pas le droit de pu-
nir un incident produit par le choc
de deux fanatismes. C'est un phéno-
mène psycologique — curieux à
étudier autant que ceux qui se, prpr
duisent dans les expériences du
docteur Charcot et autres savants.
Pierre Lucas n'est pas coupable,
c'est nous qui serions criminels en
le laissant condamner.
Louise Michel.
Levallois-Perret, le 25 janvier 1888.
Chers compagnons,
Veuillez insérer dans l'Idée Ouvri-
ère la lettre pour Madame Lucas —
et vous mêmes rassurez cette pau-
vre femme.
Mille amitiés,
Louise Michel.
Ainsi que notre généreuse amie nous
le demande, nous insérons ci-dessous
la lettre qu'elle a adressée à madame
Lucas.
Madame J?ierre Lucas-, au Havre
Madame,
Apprenant votre désespoir, je dé-
sirerais vous rassurer.
Soyez tranquille. Comme on ne
peut admettre que votre mari ait agi
avec discernement, il est par consé-
quent impossible qu'il ne vous soit
rendu.
Ni mes amis, ni les médecins, ni
la presse de Paris, sans oublier celle
du Havre, ne cesseront; jusque-là, de
rècMmer sa iSiisë é^ lifeerté, .. ;,
Et si céla?1;arda:it^t'o;p> Je rétour-
nerais au Havre, et cette fois ma
conférence n'aurait d'autre, but que
d'obtenir celte mesure dé justice.
Toute la ville y serait.
Louise Michel.
HEURES TRAGIQUES
Qu'est Lucas ? Etrange question
que nous nous posons depuis diman-
che sans que 1 nous vienne le mot
propre à le classer définitivement.
Fou, alcoolique, fanatique, catho-
lique ? Un peu de tout cela, proba-
ble ; mélange inextricable où l'igno-
rance crasse s'amalgàrfte à une su-
perstition idiote, habilement entre-
tenue par les prêtres bretons. Hom-
me d'une autre-époque qui ne vit que
pour gagner je>çiel ;^- et qui.habile,-,
ment ihstigué Fvpùlii s-y'réserver
une place par de monstrueux mo-
yens.
jin lui, l'inconscience d'une brute
des anciens âges, mordant la main
qui le flatte ou panse ses plates.
C'est un prolétaire ! Plaignons-le
plutôt que de le maudire.
Un prolétaire : un de ces courbés
sous d'implacables et jésuitiques
maîtres que nous voulons émanci-
per ; ignorant que nous cherchons à
instruire; avilis et dégradés que nous
aspirons à élever à la conscience ;
deshérités que nous appelons â la
liberté et au bien-être.
Et c'est une femme aussi grande
par le coeur que ne le fût jamais au-
cune des héroïques figures léguées
par l'histoire et la légende ; femme
s'oubliant elle-même pour ne songer
qu'aux autres ; au dévouement sans
bornes pour la cause des prolétaires,
toujours debout, infatigable, propa-
gandiste acharnée de l'Idée nouvelle
qui a été la victime de cet esclave
C'est sur cette femme que ce pro-
létaire a déchargé son revolver.
Insondable gouffre que le dégra-
dant abrutissement ou d'immon-
des superstitions précipitent un cer-
veau humain !
Que de tristes réflexions suggère
un si écoeurant attentat. Mais révo-
luîlQn|iaires, il nous faut rester fèr-
mës^et n'avoir dépit ni défaillance,
en face d'événements semblables.
L'histoire est là nous racontant
qu'il en a toujours été ainsi; tou-
jours les novateurs ont été la risée
des foules, toujours leurs victimes,
jusqu'au jour ou les yeux enfin ou-
verts elles s'engageaient dans la
route semée des ossements des pion-
niers.
Au supplice de Jean Hus, le' de-
vancier de Jean Ziska,que les catho-
liques brûlaient vif à Constance, à la
fin du moyen âge, une vieille femme
d'une soixantaine d'années, suait,
soufflait sous un énorme fagot, s'ef-
forçant de le traîner jusqu'au bû-r
cher. Et l'hérésiarque dé: murmur
rer en haussant lesrêpauiés■;: O sanc-
ta simplicitas !
Oh, sainte imbécillité, que tu fais
commettre de crûmes !^v, : ; .,,,■ ■■
•""■";' 'N^eist-ce pas ;là?sâmfé"ïmiî^
qui fait du travailleur un soldat prêt
à tous les massacres — à canarder )
ses frères d'outre-Rhin, ou ceux de'
son village, sur un simple mot de
ses chefs. N'est-ce pas elle qui, de
pauvres diables, fait des policiers,
garde-chiourmes, boule-dogues de
patrons etc. Elle en un mot qui fait
que la vieille société dure malgré
la pourriture débordante.
Pour tous ceux-là, ainsi que pour
les Lucas, réservons notre pitié.
Puisque nous ne craignons pas d'être
révolutionnaires et propagandistes,
acceptons en les conséquences. No-
tre haine doit s'attaquer à ennemis
plus dangereux et plus haut placés ;
à ceux qui vivent de l'ignorance et
1 de la misère humaine ; qui par inté-
rêt, rêvent l'abaissement toujours
plus grand des peuples, leur ravale-
mentdanstoutes les fanges, ne voient
en eux qu'un fumierfertilisanl, leur
donnant la vie à eux dirigeants et
bourgeois.
C'est ceux-làqu'ilnous faut attein-
dre et frapper sans merci. Nous ne
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