Titre : Le Réveil du Havre : organe républicain ["puis" organe républicain-socialiste indépendant "puis" organe du Parti républicain démocratique]
Éditeur : [s.n.] (Le Havre)
Date d'édition : 1901-03-02
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32854639q
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 02 mars 1901 02 mars 1901
Description : 1901/03/02 (N253). 1901/03/02 (N253).
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k3263452r
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-89667
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 05/05/2019
Organe du Parti Républicain Démocratique
PRIX DES ABONNEMENTS
Le Havre et la Seine-Inférieure par an
Départements »
ADMINISTRATION ET RÉDACTION
RUE CASIMIR-PÉRIER,
Secrétaire de la Rédaction.... AliVed HEIVJRI
L’iMPRIMEUR-GÉRANT F. LE ROY
1 5
Annonces
Réclames,
Prix des Insertions :
25 centimes la ligne
50 »
On traite à forfait
Les Bons dlmportalion
Le Sénat discute, en ce moment,
une proposition de loi de M. Viger,
ancien ministre de l’Agriculture,
proposition tendant à accorder, aux
importateurs de blés et farines, le
droit d’exporter une égale quantité
de blé ou, approximativement, son
rendement en farine. A première
vue, on serait presque tenté de
voir dans cette mesure un adoucis
sement au triste régime protection
niste de M. Méline. Les parangons
du système à l’ordre du jour font
hypocritement valoir l’intérêt de
l’agriculture en versant des larmes
amères sur le sort des paysans.
Rien de plus faux que cet accès
de tendresse à l’égard des popula
tions rurales. A la vérité, le labou
reur n’a rien à gagner à l’innova
tion projetée. Encore une fois il sera
dupé par ses protecteurs et le con
sommateur paiera encore plus cher
le pain, objet de première nécessité
pour l’existence.
Ce que l’on veut créer, en réalité,
c’est une nouvelle prime ajoutée aux
nombreuses primes par lesquelles se
perd l’or de la France, par lesquelles
l’effort humain, l’essor national se
trouvent gravement lésés, au seul
profit d’une poignée d’agioteurs qui
consomment, ensuite, dans la débau
che, avec la ruine de l’existence
sociale, les vertus familiales, la mo
ralité du pays, l’or dont leurs poches
sont garnies.
Nous avons, en ce moment, avec
l’exemple de la Raffinerie parisienne,
qui met sur le pavé un nombre con
sidérable de familles, une idée exacte
du résultat produit par le système
des primes, soi-disant destinées à
encourager l’industrie nationale. Les
spéculateurs s’entendent à merveille
pour raréfier la marchandise sur
les marchés français ou ils opèrent.
Pour être plus maîtres de la si
tuation, ils achètent et font fermer
les usines susceptibles de les concur
rencer.
C’est ainsi qu’a été achetée au
Havre, pour être simplement dé
truite, la raffinerie Acher; c’est
aussi, sans doute, pourquoi la raffi
nerie de St-Ouen a été fermée.
On fait ensuite la hausse et la
baisse selon son bon plaisir : la
baisse quand on veut acheter, la
hausse quand on veut vendre. En
fin de compte, les ouvriers restent
sans travail et quelquefois sans pain,
tandis que le consommateur français
paie plus cher le sucre, à telle en
seigne que le morceau de sucre
français que l’anglais emploie pour
absorber son café ou son thé, coûte
beaucoup moins cher au-delà de la
Manche, malgré le transport, qu’il
ne nous en coûte à nous-mêmes au
sein de la production, tout en te
nant compte de l’impôt de 0,60 c.
par kilog. que nous acquittons.
Eh bien, avec les blés et les fa
rines, primés à leur sortie de France,
le môme jeu s’effectuera. Seuls,
quelques gros spéculateurs pourront
bénéficier de la ristourne, c’est-à-
dire ceux qui auront importé du blé
étranger en France, par suite de la
réglementation que l’on sera obligé
d’adopter si l’on veut établir la loi
projetée.
Le modeste meunier, le cultiva
teur qui féconde la terre et sur
lesquels pèse lourdement l’impôt,
comme sur tous les humbles, seront
toujours dans l’impossibilité d’expor
ter qui sa farine, qui son blé, puis
que jamais ils ne sauraient importer
la balance des marchandises à sor
tir. Il leur faudrait cumuler le com
merce et l’agriculture. Donc, les
intermédiaires seuls ou, pour être
plus exact, disons-le, quelques gros
trafiquants uniquement auront le
droit de pressurer le budget de l’Etat
à leur profit. Quand ils auront quel
que mauvais coup à préparer, ils
expédieront hors de France les
stocks de blé ou de farine disponibles,
et soyez sûrs qu’ils choisiront les
moments de disette, pour élever les
prix à coup sûr et spéculer en toute
tranquillité sur la famine du peuple
Ils vendront alors très cher au pays
les autres stocks qu’ils détiendront.
Voilà le danger, je dirais presque
le crime, lorsqu’il s’agit de l’ali
mentation de la multitude. M. Henri
des Houx, dans le Matin , disait que
l’on a fait des révolutions pour des
choses de moindre importance. Il a
pleinement raison en cela. Peut-
être la nation, sous le poids
des charges qui l’enchaînent et
l’oppressent, se réveillera-t-elle un
jour. Et alors, de nouveau, sous
l’accès de la colère vengeresse, le
sang coulera. Non point le seul sang
vicié des coupables, mais aussi un
sang généreux, car l’effervescence
populaire ne comprend ni de tergi
verse, elle frappe droit devant elle,
au hasard des circonstances. Mal
heureusement, c’est la nécessité à
laquelle on nous accule. Le protec
tionnisme contient les germes de la
mort.
En effet, ce n’est pas simplement
l’industrie sucrière, l’industrie bet-
teravière, l’industrie meunière, l’a
griculture, etc., qui ont besoin d’ètre
protégées, en admettant que les
mesures prises aient quelque effi
cacité. Toutes les industries ont, à
titre égal, le droit d’être également
encouragées, toutes doivent nourrir
dans un sens équitable, les travail
leurs qui les professent.
Or, admettons que l’Etat ayant le
devoir d’être juste, accorde à toutes
des primes d’exportation : à la viti
culture aussi bien qu’à l’aviculture.
Ou prendra-t-on l’argent nécessaire
à solder les sommes énormes que
l’on se trouvera dans l’obligation
d’inscrire au budget ? Réponse : sur
le contribuable français, c’est-à-dire
sur le travailleur, sur le producteur.
Qu’aura-t-on gagné à faire dé
crire un tel cercle au fruit du labeur
national, pour le faire retourner au
point de départ, si ce n’est de l’o
bliger à s’émietter dans des mains
paresseuses, dans celles des spécula
teurs comme dans celles des fonc
tionnaires de tout rang dont on se
verra contraint d’entretenir l’armée
nombreuse et inutile. A généraliser
comme je le fais actuellement,
comme l’on y tend par étapes, dans
la réalité, la vérité apparaît plus
évidemment. Et je n’envisage pas
l’appauvrissement du pays, comme
conséquence du retrait ou de l’a-
neantissement des forces vives de la
i
production.
En pressurant le contribuable, en
gênant le travailleur qu’on paralyse
dans son effort, les capitaux, qui ne
doivent être que les outils de la
production, passent dans les mains
de parasites, et l’outil n’est plus au
pouvoir de l’homme laborieux pour
décupler son travail dans la lutte
qu’il livre à la terre peut ëîFarracher
la nourriture et la vie. La prosti
tution des mœurs devient, dès lors,
une nécessité, la débauche, sous ses
diverses formes, un moyen d’exis
tence pour beaucoup. Et voilà le
fossé fangeux auquel on semble à
tout prix vouloir nous acculer.
Alf. HENRI.
LE TRAI TRE
Un marquis de l’ancien régime,
égaré dans la Chambre des députés
de la République, a proféré, à la fin
delà séance d’avant hier, eetteparole
monumentale :
« Il n’est pas permis de traiter
Louis XVI de traître. »
Ah, vraiment ! Cela n’est pas per
mis ! Et qui le défend, s’il vous plaît,
monsieur le marquis de Kéroüartz ?
Sa trahison était tellement évi
dente, son entente avec les ennemis
de la nation était si pleinement dé
montrée, que ceux-là mêmes des con
ventionnels qui hésitaient à exercer
la fonction déjugés, ou qui ne vou
laient l’exercer que sauf appel au
peuple, furent les premiers à voter
oui sur la question de culpabilité.
Pas un ne vota non.
C’est le 15 janvier 1793 que fut
posée la question en ces termes :
« Louis Capet est-il coupable de
conspiration contre la liberté publique
et d’attentats contre la sûreté géné
rale de l’Etat ? »
Et voici le résultat de l’appel no
minal :
Le nombre total des députés à la
Convention nationale était de 749.
De ce total, il y avait à déduire :
7 absents pour cause de maladie;
4 absents sans motif connu ; 20 dé
putés en mission. Soit : 31 absents.
Restaient 718 présents. Sur ce
nombre de 718, il y eut 10 absten
tions ou récusations, par scrupule de
juger ; 3 énoncèrent leur opinion sans
répondre nettement à la question
posée.
Les 705 votants répondirent unani
mement oui.
673 dirent ce simple mot : oui ; tel
le citoyen Orléans, député de Paris,
l’ex-duc et prince du sang. Il y eut
des murmures à ce moment ; des col
lègues qui pourtant votaient comme
lui crièrent : oc Ah! le monstre! Son
parent, son sang ! » Ce monstre est
l’ancêtre du prétendant actuel, de
celui que ses fidèles appellent encore
le Roi.
Us déclarèrent voter oui, comme lé
gislateurs, mais sans avoir la qualité
déjugés. Parmi ceux-là, Lanjuinais,
ce qui n’empêche pas son descendant
de professer un royalisme ardent.
Enfin, deux déclarèrent voter oui,
comme citoyen, mais sans avoir la
qualité de juges,i
Je le répète : il n’y eut pas un seul
non.
C’est l’histoire qui applique à
Louis XVI la qualification de traître ;
ffen déplaise à tous les marquis du
monde, elle lui restera. S. L.
Ce que coûtent les Marines de guerre
. A réunir les crédits inscrits aux
budgets des sept puissances maritimes
les plus importantes du globe, l’An
gleterre, la France, l'Allemagne, les
Etats-Unis, l’Italie, la Russie et le
Japon, on arrive au total énorme de
« 1 milliard 863 millions 828,075 fr. »
Et ce sacrifice prélevé sur les res
sources des nations se renouvelle tous
les ans !
C’est l’Angleterre qui dépense le
plus. Elle figure dans ce total pour
653 millions. Viennent ensuite la
France avec 345 millions, les Etats-
Unis avec 243, la Russie avec 207,
l’Allemagne avec 167.
SOUS LE GLAIVE
T^esitc ans après — Comment taons
avons perdu FAIsaee et la Lor
raine — Un discours de poète
— An nom de l’Alsace !
Céder ou périr.
Il y trente ans, un événement dou
loureux se plaçait dans notre histoire :
la cession à l’Allemagne de l’Alsace
et de la Lorraine. A ce moment, la
France épuisée par six mois d’une
lutte terrible, sans hommes, sans ar
mes, sans argent, ne pouvait plus
résister davantage. La paix était in
dispensable; l’ennemi, maître de la
situation, l’accorda à des conditions
douloureuses, en nous arrachant deux
de nos plus belles et plus riches pro
vinces.
Ce fut le 1 er mars 1871 que la ra
tification vint en discussion devant
l’Assemblée Nationale réunie à Bor
deaux. Rarement, un Parlement vit
une séance plus solennelle et plus
triste à la fois. Le cœur serré, les
larmes aux yeux, les représentants et
les spectateurs qui s’écrasaient dans
les tribunes publiques, écoutèrent le
rapporteur delà Commission, M.Vic
tor Lefranc, exposer les tristesses de la
situation et conclure en proposant
l’adoption du projet de loi et en ex
primant la confiance dans l’avenir.
« Quelque pénible que vous’ pa
raisse le sacrifice, dit-il en descen
dant de la tribune, vous verrez, Mes
sieurs, où est la vérité et vous irez à
elle. »
Ce n’était pas l’avis d’Edgarc.
Quinet. Avec éloquence, il conjura
l’Assemblée de repousser le traité de
paix, malgré toutes les conséqueuces,
parce que, déclara-t-il, « ses condi
tions détruisent à la fois et le présent
et l’avenir de la France ».
Victor Hugo vint ensuite lire à
l’Assemblée un discours de poète,
beaucoup plus littéraire que raison
nable, dans lequel, acceptant le traité,
il envisageait déjà l’époque où nous
resaisirions l’Alsace et la Lorraine.
« Et ce n’est pas tout, s’écria-t-il
au milieu de la désapprobation pres
que unanime de l’auditoire, la France
reprendra Trêves, Mayence, Coblentz,
Cologne, toute la rive gauche du
Rhin et elle criera : C’est mon tour,
Allemagne, me voilà ! Sommes-nous
ennemis ? Non, je suis ta sœur. Et les
peuples ne feront plus qu’un peuple,
une seule république, unie parla fra
ternité. Fondons les Etats-Unis d’Eu
rope, la Liberté et la Paix universellè.
Et que la France dise à l’Allemagne :
Nous sommes amis, je n’oublie pas
que tu m’as débarrassée de mon em
pereur et j’accours te débarrasser du
tien. »
L’auteur des Misérables eut peu de
succès ce jour-là, non plus que Louis
Blanc qui, repoussant la paix, pro
nonça un discours de véritable homme
d’Etat mais dont les arguments firent
cependant peu d’effet. Seul, M. Relier,
représentant de l’Alsace, causa une
inexprimable émotion.
ce Celui qui devait prendre la pa
role à ma place, dit-il au milieu d’un
silence impressionnant, le maire de
Strasbourg, le doyen de notre députa
tion, se meurt de douleur et de cha
grin ; son agonie est le plus éloquent
des discours... Notre honneur, à nous
Alsaciens, reste entier Pour rester
Français, nous avons fait tous les sa
crifices et nous sommes prêts à les
faire encore. Nous voulons rester
Français et nous le resterons qu /,nd
meme ; il n’y a pas de puissance au
monde ni de traité qui puisse nous
empêcher de rester Français. »
Puis, ayant comparé l’Alsace à un
navire dont on céderait non seule
ment le bois, le fer, mais l’équipage,
la chair Pt l’âme des matelots, il ter
mine ainsi :
« Je n’ai plus l’espoir de changer
les résolutions trop arrêtées, hélas 1
dans un grand nombre d'esprits, mais
avant de quitter cette enceinte, je
tiens à protester, comme Alsacien et
comme Français, contre tin traité qui
est, à mes yeux, une injustice, uu
mensonge et un déshonneur, et si
l’Assemblée doit le ratifier, d’avance
j’en appelle à Dieu, vengeur des
causes justes, j’en appelle à la posté*
rité qui nous jugera, j’en appelle àJ
tous les peuples qui ne peuvent pas K
indéfiniment se laisser vendre comme 1
un vil bétail; j’en appelle enfin, à
l’épée des gens de cœur qui déchire
ront bientôt ce détestable traité. »
Comme, après ces paroles applau+ ù
dies par presque toute l’Assemblée, il
descendait de la tribune, M. Thiers,- a
qui passait devant lai pour y monter^
lui dit : « Donnez-nous les moyens >,
et comme M. Relier ne répondait pas,
il ajouta : « Alors, il ne faut pas nous or
donner des paroles ».
Puis il parla. Et avec une émotion ,\ v
qui allait parfois jusqu’aux larmes^! il va
exposa simplement, sans phrases, i:
l’épouvantable état dans lequel la.
guerre avait mis la France. Par des v;
faits et des chiffres, il montra l'orga
nisation militaire brisée,* les soldats
privés, depuis Sedan et Metz, des
cadres d’officiers, 110 régiments entra *
les mains de l’ennemi... *
A M. Louis Blanc qui avait parlé
de résistance à outrance et de guerre
à l’espagnole, il opposa, en la prou- L
vant, l’impossibilité dans laquelle se 4
■ J *
PRIX DES ABONNEMENTS
Le Havre et la Seine-Inférieure par an
Départements »
ADMINISTRATION ET RÉDACTION
RUE CASIMIR-PÉRIER,
Secrétaire de la Rédaction.... AliVed HEIVJRI
L’iMPRIMEUR-GÉRANT F. LE ROY
1 5
Annonces
Réclames,
Prix des Insertions :
25 centimes la ligne
50 »
On traite à forfait
Les Bons dlmportalion
Le Sénat discute, en ce moment,
une proposition de loi de M. Viger,
ancien ministre de l’Agriculture,
proposition tendant à accorder, aux
importateurs de blés et farines, le
droit d’exporter une égale quantité
de blé ou, approximativement, son
rendement en farine. A première
vue, on serait presque tenté de
voir dans cette mesure un adoucis
sement au triste régime protection
niste de M. Méline. Les parangons
du système à l’ordre du jour font
hypocritement valoir l’intérêt de
l’agriculture en versant des larmes
amères sur le sort des paysans.
Rien de plus faux que cet accès
de tendresse à l’égard des popula
tions rurales. A la vérité, le labou
reur n’a rien à gagner à l’innova
tion projetée. Encore une fois il sera
dupé par ses protecteurs et le con
sommateur paiera encore plus cher
le pain, objet de première nécessité
pour l’existence.
Ce que l’on veut créer, en réalité,
c’est une nouvelle prime ajoutée aux
nombreuses primes par lesquelles se
perd l’or de la France, par lesquelles
l’effort humain, l’essor national se
trouvent gravement lésés, au seul
profit d’une poignée d’agioteurs qui
consomment, ensuite, dans la débau
che, avec la ruine de l’existence
sociale, les vertus familiales, la mo
ralité du pays, l’or dont leurs poches
sont garnies.
Nous avons, en ce moment, avec
l’exemple de la Raffinerie parisienne,
qui met sur le pavé un nombre con
sidérable de familles, une idée exacte
du résultat produit par le système
des primes, soi-disant destinées à
encourager l’industrie nationale. Les
spéculateurs s’entendent à merveille
pour raréfier la marchandise sur
les marchés français ou ils opèrent.
Pour être plus maîtres de la si
tuation, ils achètent et font fermer
les usines susceptibles de les concur
rencer.
C’est ainsi qu’a été achetée au
Havre, pour être simplement dé
truite, la raffinerie Acher; c’est
aussi, sans doute, pourquoi la raffi
nerie de St-Ouen a été fermée.
On fait ensuite la hausse et la
baisse selon son bon plaisir : la
baisse quand on veut acheter, la
hausse quand on veut vendre. En
fin de compte, les ouvriers restent
sans travail et quelquefois sans pain,
tandis que le consommateur français
paie plus cher le sucre, à telle en
seigne que le morceau de sucre
français que l’anglais emploie pour
absorber son café ou son thé, coûte
beaucoup moins cher au-delà de la
Manche, malgré le transport, qu’il
ne nous en coûte à nous-mêmes au
sein de la production, tout en te
nant compte de l’impôt de 0,60 c.
par kilog. que nous acquittons.
Eh bien, avec les blés et les fa
rines, primés à leur sortie de France,
le môme jeu s’effectuera. Seuls,
quelques gros spéculateurs pourront
bénéficier de la ristourne, c’est-à-
dire ceux qui auront importé du blé
étranger en France, par suite de la
réglementation que l’on sera obligé
d’adopter si l’on veut établir la loi
projetée.
Le modeste meunier, le cultiva
teur qui féconde la terre et sur
lesquels pèse lourdement l’impôt,
comme sur tous les humbles, seront
toujours dans l’impossibilité d’expor
ter qui sa farine, qui son blé, puis
que jamais ils ne sauraient importer
la balance des marchandises à sor
tir. Il leur faudrait cumuler le com
merce et l’agriculture. Donc, les
intermédiaires seuls ou, pour être
plus exact, disons-le, quelques gros
trafiquants uniquement auront le
droit de pressurer le budget de l’Etat
à leur profit. Quand ils auront quel
que mauvais coup à préparer, ils
expédieront hors de France les
stocks de blé ou de farine disponibles,
et soyez sûrs qu’ils choisiront les
moments de disette, pour élever les
prix à coup sûr et spéculer en toute
tranquillité sur la famine du peuple
Ils vendront alors très cher au pays
les autres stocks qu’ils détiendront.
Voilà le danger, je dirais presque
le crime, lorsqu’il s’agit de l’ali
mentation de la multitude. M. Henri
des Houx, dans le Matin , disait que
l’on a fait des révolutions pour des
choses de moindre importance. Il a
pleinement raison en cela. Peut-
être la nation, sous le poids
des charges qui l’enchaînent et
l’oppressent, se réveillera-t-elle un
jour. Et alors, de nouveau, sous
l’accès de la colère vengeresse, le
sang coulera. Non point le seul sang
vicié des coupables, mais aussi un
sang généreux, car l’effervescence
populaire ne comprend ni de tergi
verse, elle frappe droit devant elle,
au hasard des circonstances. Mal
heureusement, c’est la nécessité à
laquelle on nous accule. Le protec
tionnisme contient les germes de la
mort.
En effet, ce n’est pas simplement
l’industrie sucrière, l’industrie bet-
teravière, l’industrie meunière, l’a
griculture, etc., qui ont besoin d’ètre
protégées, en admettant que les
mesures prises aient quelque effi
cacité. Toutes les industries ont, à
titre égal, le droit d’être également
encouragées, toutes doivent nourrir
dans un sens équitable, les travail
leurs qui les professent.
Or, admettons que l’Etat ayant le
devoir d’être juste, accorde à toutes
des primes d’exportation : à la viti
culture aussi bien qu’à l’aviculture.
Ou prendra-t-on l’argent nécessaire
à solder les sommes énormes que
l’on se trouvera dans l’obligation
d’inscrire au budget ? Réponse : sur
le contribuable français, c’est-à-dire
sur le travailleur, sur le producteur.
Qu’aura-t-on gagné à faire dé
crire un tel cercle au fruit du labeur
national, pour le faire retourner au
point de départ, si ce n’est de l’o
bliger à s’émietter dans des mains
paresseuses, dans celles des spécula
teurs comme dans celles des fonc
tionnaires de tout rang dont on se
verra contraint d’entretenir l’armée
nombreuse et inutile. A généraliser
comme je le fais actuellement,
comme l’on y tend par étapes, dans
la réalité, la vérité apparaît plus
évidemment. Et je n’envisage pas
l’appauvrissement du pays, comme
conséquence du retrait ou de l’a-
neantissement des forces vives de la
i
production.
En pressurant le contribuable, en
gênant le travailleur qu’on paralyse
dans son effort, les capitaux, qui ne
doivent être que les outils de la
production, passent dans les mains
de parasites, et l’outil n’est plus au
pouvoir de l’homme laborieux pour
décupler son travail dans la lutte
qu’il livre à la terre peut ëîFarracher
la nourriture et la vie. La prosti
tution des mœurs devient, dès lors,
une nécessité, la débauche, sous ses
diverses formes, un moyen d’exis
tence pour beaucoup. Et voilà le
fossé fangeux auquel on semble à
tout prix vouloir nous acculer.
Alf. HENRI.
LE TRAI TRE
Un marquis de l’ancien régime,
égaré dans la Chambre des députés
de la République, a proféré, à la fin
delà séance d’avant hier, eetteparole
monumentale :
« Il n’est pas permis de traiter
Louis XVI de traître. »
Ah, vraiment ! Cela n’est pas per
mis ! Et qui le défend, s’il vous plaît,
monsieur le marquis de Kéroüartz ?
Sa trahison était tellement évi
dente, son entente avec les ennemis
de la nation était si pleinement dé
montrée, que ceux-là mêmes des con
ventionnels qui hésitaient à exercer
la fonction déjugés, ou qui ne vou
laient l’exercer que sauf appel au
peuple, furent les premiers à voter
oui sur la question de culpabilité.
Pas un ne vota non.
C’est le 15 janvier 1793 que fut
posée la question en ces termes :
« Louis Capet est-il coupable de
conspiration contre la liberté publique
et d’attentats contre la sûreté géné
rale de l’Etat ? »
Et voici le résultat de l’appel no
minal :
Le nombre total des députés à la
Convention nationale était de 749.
De ce total, il y avait à déduire :
7 absents pour cause de maladie;
4 absents sans motif connu ; 20 dé
putés en mission. Soit : 31 absents.
Restaient 718 présents. Sur ce
nombre de 718, il y eut 10 absten
tions ou récusations, par scrupule de
juger ; 3 énoncèrent leur opinion sans
répondre nettement à la question
posée.
Les 705 votants répondirent unani
mement oui.
673 dirent ce simple mot : oui ; tel
le citoyen Orléans, député de Paris,
l’ex-duc et prince du sang. Il y eut
des murmures à ce moment ; des col
lègues qui pourtant votaient comme
lui crièrent : oc Ah! le monstre! Son
parent, son sang ! » Ce monstre est
l’ancêtre du prétendant actuel, de
celui que ses fidèles appellent encore
le Roi.
Us déclarèrent voter oui, comme lé
gislateurs, mais sans avoir la qualité
déjugés. Parmi ceux-là, Lanjuinais,
ce qui n’empêche pas son descendant
de professer un royalisme ardent.
Enfin, deux déclarèrent voter oui,
comme citoyen, mais sans avoir la
qualité de juges,i
Je le répète : il n’y eut pas un seul
non.
C’est l’histoire qui applique à
Louis XVI la qualification de traître ;
ffen déplaise à tous les marquis du
monde, elle lui restera. S. L.
Ce que coûtent les Marines de guerre
. A réunir les crédits inscrits aux
budgets des sept puissances maritimes
les plus importantes du globe, l’An
gleterre, la France, l'Allemagne, les
Etats-Unis, l’Italie, la Russie et le
Japon, on arrive au total énorme de
« 1 milliard 863 millions 828,075 fr. »
Et ce sacrifice prélevé sur les res
sources des nations se renouvelle tous
les ans !
C’est l’Angleterre qui dépense le
plus. Elle figure dans ce total pour
653 millions. Viennent ensuite la
France avec 345 millions, les Etats-
Unis avec 243, la Russie avec 207,
l’Allemagne avec 167.
SOUS LE GLAIVE
T^esitc ans après — Comment taons
avons perdu FAIsaee et la Lor
raine — Un discours de poète
— An nom de l’Alsace !
Céder ou périr.
Il y trente ans, un événement dou
loureux se plaçait dans notre histoire :
la cession à l’Allemagne de l’Alsace
et de la Lorraine. A ce moment, la
France épuisée par six mois d’une
lutte terrible, sans hommes, sans ar
mes, sans argent, ne pouvait plus
résister davantage. La paix était in
dispensable; l’ennemi, maître de la
situation, l’accorda à des conditions
douloureuses, en nous arrachant deux
de nos plus belles et plus riches pro
vinces.
Ce fut le 1 er mars 1871 que la ra
tification vint en discussion devant
l’Assemblée Nationale réunie à Bor
deaux. Rarement, un Parlement vit
une séance plus solennelle et plus
triste à la fois. Le cœur serré, les
larmes aux yeux, les représentants et
les spectateurs qui s’écrasaient dans
les tribunes publiques, écoutèrent le
rapporteur delà Commission, M.Vic
tor Lefranc, exposer les tristesses de la
situation et conclure en proposant
l’adoption du projet de loi et en ex
primant la confiance dans l’avenir.
« Quelque pénible que vous’ pa
raisse le sacrifice, dit-il en descen
dant de la tribune, vous verrez, Mes
sieurs, où est la vérité et vous irez à
elle. »
Ce n’était pas l’avis d’Edgarc.
Quinet. Avec éloquence, il conjura
l’Assemblée de repousser le traité de
paix, malgré toutes les conséqueuces,
parce que, déclara-t-il, « ses condi
tions détruisent à la fois et le présent
et l’avenir de la France ».
Victor Hugo vint ensuite lire à
l’Assemblée un discours de poète,
beaucoup plus littéraire que raison
nable, dans lequel, acceptant le traité,
il envisageait déjà l’époque où nous
resaisirions l’Alsace et la Lorraine.
« Et ce n’est pas tout, s’écria-t-il
au milieu de la désapprobation pres
que unanime de l’auditoire, la France
reprendra Trêves, Mayence, Coblentz,
Cologne, toute la rive gauche du
Rhin et elle criera : C’est mon tour,
Allemagne, me voilà ! Sommes-nous
ennemis ? Non, je suis ta sœur. Et les
peuples ne feront plus qu’un peuple,
une seule république, unie parla fra
ternité. Fondons les Etats-Unis d’Eu
rope, la Liberté et la Paix universellè.
Et que la France dise à l’Allemagne :
Nous sommes amis, je n’oublie pas
que tu m’as débarrassée de mon em
pereur et j’accours te débarrasser du
tien. »
L’auteur des Misérables eut peu de
succès ce jour-là, non plus que Louis
Blanc qui, repoussant la paix, pro
nonça un discours de véritable homme
d’Etat mais dont les arguments firent
cependant peu d’effet. Seul, M. Relier,
représentant de l’Alsace, causa une
inexprimable émotion.
ce Celui qui devait prendre la pa
role à ma place, dit-il au milieu d’un
silence impressionnant, le maire de
Strasbourg, le doyen de notre députa
tion, se meurt de douleur et de cha
grin ; son agonie est le plus éloquent
des discours... Notre honneur, à nous
Alsaciens, reste entier Pour rester
Français, nous avons fait tous les sa
crifices et nous sommes prêts à les
faire encore. Nous voulons rester
Français et nous le resterons qu /,nd
meme ; il n’y a pas de puissance au
monde ni de traité qui puisse nous
empêcher de rester Français. »
Puis, ayant comparé l’Alsace à un
navire dont on céderait non seule
ment le bois, le fer, mais l’équipage,
la chair Pt l’âme des matelots, il ter
mine ainsi :
« Je n’ai plus l’espoir de changer
les résolutions trop arrêtées, hélas 1
dans un grand nombre d'esprits, mais
avant de quitter cette enceinte, je
tiens à protester, comme Alsacien et
comme Français, contre tin traité qui
est, à mes yeux, une injustice, uu
mensonge et un déshonneur, et si
l’Assemblée doit le ratifier, d’avance
j’en appelle à Dieu, vengeur des
causes justes, j’en appelle à la posté*
rité qui nous jugera, j’en appelle àJ
tous les peuples qui ne peuvent pas K
indéfiniment se laisser vendre comme 1
un vil bétail; j’en appelle enfin, à
l’épée des gens de cœur qui déchire
ront bientôt ce détestable traité. »
Comme, après ces paroles applau+ ù
dies par presque toute l’Assemblée, il
descendait de la tribune, M. Thiers,- a
qui passait devant lai pour y monter^
lui dit : « Donnez-nous les moyens >,
et comme M. Relier ne répondait pas,
il ajouta : « Alors, il ne faut pas nous or
donner des paroles ».
Puis il parla. Et avec une émotion ,\ v
qui allait parfois jusqu’aux larmes^! il va
exposa simplement, sans phrases, i:
l’épouvantable état dans lequel la.
guerre avait mis la France. Par des v;
faits et des chiffres, il montra l'orga
nisation militaire brisée,* les soldats
privés, depuis Sedan et Metz, des
cadres d’officiers, 110 régiments entra *
les mains de l’ennemi... *
A M. Louis Blanc qui avait parlé
de résistance à outrance et de guerre
à l’espagnole, il opposa, en la prou- L
vant, l’impossibilité dans laquelle se 4
■ J *
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 88.4%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 88.4%.
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://nutrisco-patrimoine.lehavre.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k3263452r/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://nutrisco-patrimoine.lehavre.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k3263452r/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://nutrisco-patrimoine.lehavre.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k3263452r/f1.image
- Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://nutrisco-patrimoine.lehavre.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k3263452r
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://nutrisco-patrimoine.lehavre.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k3263452r