Titre : Le Réveil du Havre : organe républicain ["puis" organe républicain-socialiste indépendant "puis" organe du Parti républicain démocratique]
Éditeur : [s.n.] (Le Havre)
Date d'édition : 1899-09-16
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32854639q
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 16 septembre 1899 16 septembre 1899
Description : 1899/09/16 (N177). 1899/09/16 (N177).
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k3263376t
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-89667
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 28/04/2019
Samedi 16 Septembre 1899.
Ày>-
fr Année — N® 177.
CINQ CENTIMES LE NUMÉRO
Reveil
Havre
Organe du Parti Républicain Démocraiitiue
PRIX DES ABONNEMENTS
ADMINISTRATION ET RÉDACTION
Prix des Insertions :
Le Havre et la Seine-Inférieure par an
Départements »
3 fr.
4 fr.
15, PLTJIE
Secrétaire de la Rédaction F. THOMfMERET
L’Imprimeur-Gérant F. LE K O Y
Annonces
Réclames,
Demandez le Réveil
s>u Havre dans tous les
kiosque» et marchands
dé journaux le samedi
matin»
TT3ST
Panama militaire
Nous n’entreprendrons pas de re
prendre, après nos confrères de ia
presse quotidienne, les péripéties de
la dernière semaine du procès de
Tiennes. Tout le monde est suffisam-
mant édifié sur le scandale de géné
raux coupables se substituant au
président et dirigeant les débats à
leur gré, et refusant de répondre
aux questions embarrassantes. Tout
cela est dans la mémoire de tous.
Nous voulons seulement enregis
trer, avec nos confrères de la presse
indépendante, l’incohérence lamen
table d’un verdict qui est la traduc
tion fidèle et tangible du par ordre
que l’on a tant reproché à Zola.
Par une aberration qui-dépasse
toute compréhension, il s’est trouvé
cinq militaires pour décider que le
crime de trahison comporte une
atténuation. C’est du moins ainsi
que l’on devrait traduire leur juge
ment en le soumettant à une inter
prétation logique. Mais qu’a à faire
la logique avec les tribunaux mili
taires ?
Interprété par les circonstances
qui l’ont accompagné, ce verdict
signifie clairement que le Conseil de
guerre a considéré Dreyfus comme
innocent, mais qu’il l’a sacrifié au
prétendu honneur des généraux.
Ainsi s’est accompli le programme
tracé par Mercier : « Ou lui, ou
moi ! » Les trois galons du capitaine
Dreyfus innocent n’étaient rien en
considération des plumes d’autruche
des Mercier, des Roget, des Gonse.
Les jésuites et les patriotards
triomphent donc. Que la victoire
remportée par eux sur la justice et
la vérité leur soit légère ! Mais ils
auraient tort de compter sur le dé
sarmement de leurs adversaires. En
effet, à tout considérer le verdict de
Rennes, qui abaisse la peine
et qui révèle l’existence de deux
juges convaincus de l’innocence
de Dreyfus, est un premier suc
cès. La brèche est faite dans cette
forteresse qu’on proclamait inacces
sible. Elle s’écroulera à bref délai.
Pour cela que faut-il? Que les dé
fenseurs de la vérité persévèrent
dans leur attitude.
C’est aux bons citoyens qu’il ap
partient de garder en main la dé
fense de l’innocence persécutée.
Puisque le Conseil de Rennes a dé
montré que les idées de justice lui
étaient étrangères, il faut chercher
la solution en dehors et au-dessus
de l’armée, dans la conscience du
peuple qu’il faut renseigner et éclai
rer, et qu’il faut arracher à cette
presse immonde qui couvre aujour
d’hui les fautes de TEtat-Major,
comme elle a couvert naguère,
moyennant finances, les tripotages
et les scandales de Panama.
Car n’est-ce pas un nouveau Pa
nama, uh Panama militaire, que
cette affaire dans laquelle le haut
commandement, qui n’a pas su dé
fendre la patrie, sacrifie notre pres
tige moral dans le monde ?
LE RÉVEIL.
«•»
Heures de tristesse
J’ai eu, comme tout bon Français,
l’orgueil de voir la nation entière
resplendir sur le monde comme un
flambeau de lumière, de justice et
de vérité. Il n’est pas défendu, je
suppose, d’aimer son pays, de
l’aimer non seulement pour son sol
fertile, son climat généreux, mais
aussi pour ia sagesse de ses institu
tions, par amour-propre, devant
l’élan superbe, l’exemple vigoureux
qu’il a donné à tous les peuples ;
aussi, j’ai souffert avec bien d’autres,
de l’arrêt inique rendu-par le
de guerre de Rennes.
Nous sentons maintenant tout le
poids de nos heures d’indifférence,
avec le regret de cette fatale pro
pension à nous endormir, suivant
l’expression courante, sur les lau
riers conquis. Triste réveil qui nous
accable.
Depuis deux ans, ce qu’il y a de
viril, de conscience et d’humanité
lutte en France pour obtenir la ré
paration d’une erreur, que dis-je ?
d’un attentat judiciaire. Depuis deux
ans, à mesure que la vérité s’avan
ce, le flot des mensonges et des cri
mes s’accumule pour faire obstacle
à la justice. Deux ans, et la raison
n’a pas encore triomphé, et Ton
s’étonne que le monde civilisé qui
s’était habitué à recevoir la puis
sante clarté de notre savoir et de 1
notre science, n’apercevant plus que
le vide, l’ombre menaçante de nos
querelles intestines, cherche d’ins
tinct le point obscur d’oh lui venait
le jour aux belles matinées du prin
temps.
L’on voudrait que l’Europe ne
s’inquiétât pas de l’état moral de la
France quand, dans les plaines de la
Russie résonne encore le rugissement
des canons de Napoléon I er . Le fracas
des batailles du premier empire date
de ce siècle, et l’Europe n’est qu’à
peine remise de l’effroi que lui ins
piraient les armées du Corse aux
cheveux plats. La France, elle-même,
saigne toujours de la blessure que
lui a faite au flanc le grand conqué
rant dans son étreinte meurtrière.
On nous dit que, malgré son génie
militaire, il a laissé le pays plus petit
qu’il ne l'avait pris, tout en ayant
coûté à la Patrie un million d’exis
tences humaines, mais il est respon
sable encore de notre isolement dans
le monde en 1870, quand les batail
lons allemands foulèrent nos champs
et envahirent nos villes et villages,
sous la coupable légèreté du bas
empire de Napoléon III, qui voulait
sur des ruines consolider son trône.
A ce moment, nos généraux surent-
ils défendre le sol sacré du pays qu’ils
avaient si aveuglément jeté dans
l’aventure où ils ne firent preuve que
de leur incapacité? Les nations,
autrefois coalisées contre ies armées
de l’empire, nous laissèrent égorger
avec la satisfaction d’être débarras
sées d’un ennemi dangereux.
Oui, l’état moral de la France
peut paraître un danger aux peu
ples étrangers, pareeque nous avons
des tendances à restaurer la dicta
ture militaire qu’ils ont durement
éprouvée.
L’état moral de la France est, par
dessus tout, un danger pour elle-
même, pour l’intégrité de son terri
toire, sans reparler de l’amoindris
sement de son prestige intellectuel,
voilà ce qui me navre. Car, croyez-le
bien, si nous n’avons hâte de réparer
nos fautes au plus vite, si on n’o
blige l’Allemagne à livrer ses se
crets, elle les dévoilera à son heure,
pour la honte de nos généraux.
N’est-ce donc rien que trois con
seils de guerre successivement affir
ment la culpabilité d’un innnocent,
et l’innocence d’un traître ? Or, un
jour viendra peut-être ou, nos fron
tières envahies, de nouveaux Ba
zaine capituleront, l’ennemi tenant
en respect des armées entières par
quelques feuilles de papier. Voilà ce
qu’a voulu dire Zola dans son bel et
profond article : « Le cinquième
acte », inspiré car me haute sagesse
et un patriotisme vraiment éclairé.
Le Petit Havre ment, il le sait,
quand il parle de l’appel à l’étran
ger. Il sagit d’une crainte salutaire,
qui n’est qu’une prévoyance réfléchie
qu’il faut insuffler au pays.
Ah, cent fois misérables sont ceux
qui n’ont pas hésité à faire courir à
la France les plus graves événements
pour assouvir leurs haines, pour
satisfaire leurs cassions ou leur,
cupudité, semblables aux satyres
qui n’hésitent point à prostituer la
femme chaste pour se repaître dans
l’abjection.
Le complot était tramé, les listes
de proscription étaient prêtes. Ce
qu’il y avait d’énergie, de sain,
d’incorruptible dans le pays était
marqué au fer rouge. Il n’a tenu
qu’à un fil que cela ne réussit. Avec
Dupuy, convoitant la présidence de
la République, le coup était fait.
Heureusement ce fut Waldeck-
Rousseau. La suite justifiera nos
dires.
Alf. HENRI.
*
LES LISTES DE PROSCRIPTION
Des listes contenant les noms des
francs-macons et des personnes qui
se sont fait remarquer parleur atti
tude franchement républicaine et leur
ardeur à combattre le cléricalisme,
ont été saisies en grand nombre, chez
les anti-sémites, dans les différentes
villes où les perquisitions ont eu lieu.
Cela prouve que les partisans de
de l’ancien régime, au cas où ils s’em
pareraient de pouvoir, seraient tout
disposés à se débarasser des gens qui
pourraient leur être hostiles. Tout est
prévu, pesé mesuré ; eu huit jours
les fervents républicains se trouve
raient dans l’impossibilité de nuire au
parti des jésuites.
Ne pourrions nous pas imiter le
système des réactionnaires et, au lieu
d’agir avec clémence, envoyer loin de
notre pays les conspirateurs et les en-
soutanés.
Ce serait le moyen le plus sûr de
rendre à la France sa tranquilité.
L’ARMÉE PROFESSIONNELLE
Il s’est trouvé, dans ces dernières
années, des hommes assez courageux
pour faire connaître hautement leur
opinion sur les fonctionnaires élevés
qui gouvernent l’armée française ; ces
honnêtes citoyens, soit dans des livres
soit dans des feuilles publiques, n’ont
pas craint de jeter à la face des géné
raux ce qu’ils pensaient de leurs actes
scandaleux. Que de misères n’ont pas
eu à endurer ceux-là qui, en toute
franchise, ont osé ouvertement dévoi
ler au monde entier cette plaie qui,
lentement mais sûrement, ronge une
des premières nations civilisées ? C’est
qu’il n’est point aisé de rompre avec
les vieux préjugés, ni de faire com
prendre à la multitude asservie par
une caste ambitieuse et puissante,
qu’elle est, depuis longtemps, hélas,
le jouet de ces galonnards. On est
habitué à considérer ceux qui sont à
la tête de l’armée comme des hommes
de cœur et de dévouement parce que
jamais les fautes qu’ils ont commises,
même dénoncées publiquement, n’ont
été punies.
Je me souviens, en 1884, à l’époque
où le général Boulanger, dans toute
sa splendeur, était ministre de la
guerre, lui avoir remisses preuves de la
culpabilité' d un certain nombre d’offi
ciers qui, au moment des examens
du volontariat d’un an à Paris, se
livraient à un véritable trafic. Une
agence était établie au 11 de la rue
de Chabrol, et le directeur, un nommé
Lenoir, procurait aux candidats,
moyennant une somme de 5,000 ou
10,000 francs, suivant la fortune, les
questions qui devaient leur être
adressées. L’agence ne tarda pas à
disparaître, mais le brave général
étouffa l’affaire afin d’éviter, en punis
sant les coupables, un grand scandale
préjudiciable aux professionnels. Il
serait curieux de savoir ce que sont
devenus aujourd’hui les membres de
ces commissions d’examens!
En 1893, j’étais chargé, dans une
grande usine des environs de Paris,
de surveiller la fabrication du sucre
destiné à l’approvisionnement de
l'armée. Une grande commande de
sucre raffiné en tablettes avait été
passée au directeur propriétaire de
cet établissement.
Profitant de ses relations avec les
officiers supérieurs chargés de recevoir
la marchandise à Billancourt, le patron
introduisit dans sa fabrication moitié
de sucre cristallisé, ce qui certaine
ment causait un gros préjudice à
l’Etat. Pour redonner à sa précieuse
denrée un bel aspect, il ajoutait de
l’eau oxygénée, du bleu d’outremer
et d’autres produits dangereux. Je
refusai de me prêter à cette manœuvre,
et prévins aussitôt le ministre de la
guerre. Ma réclamation fut reconnue
juste, et l’on retira immédiatement la
commande à l’industriel. Mais il fal
lait à tout prix sauver l’honneur de
l’armée et, encore une fois, les offi
ciers sortirent indemnes.
Voilà certes des faits; ils prouvent
que les fonctionnaires que nous entre
tenons à grand frais pour diriger notre
armée, sont bien, pour la plupart,
tels que les représentent MM. E. Zola
et Urbain Gohier.
Il faudrait que les citoyens possé
dant des documents sur les abus du
fonctionnarisme militaire, aientl’éner-
gie de les dévoiler. On en constituerait
un livre qui serait la meilleure arme
pour les combattre.
Félix Thommeret
25 centimes la ligne
50 »
Oïl traite à forfait
M° Ménard et l’arrêt de Rennes
Dreyfus a été condamné ainsi que
le soutenait dans ce journal, en un
article d’une psychologie approfondie,
notre ami Louis Duvallet. Il a été
condamné parce que ses juges ont cru
qu’il y avait opposition entre les inté
rêts de l’armée et la cause de Dreyfus,
parce qu’ils ont voulu sauver les gé
néraux coupables de forfaiture et de
faux.
M e Mornard, l’éminent avocat,
avait bien compris le danger qu’il y
avait à aller demander à des mili
taires la réparation des fautes com
mises par leur condisciples, qu’on en
juge par le passage de sa plaidoirie à
la Cour de cassation :
« Si je vous demande, Messieurs,
« de casser l’arrêt de 1894 en ren
ia: voyant devant un autre Conseil de
« guerre, c’est, je tiens à le dire ici,
« pour bien dégager ma responsabi-
« lité sur la demande formelle de Mme
« Dreyfus, ma cliente, qui désire ab-
« solument que ce soit par ses pairs
« que l’infortuné capitaine reçoive
« enfin justice ; s’il n’avait dépendu
« sans renvoi que j’eusse conclu. »
.En effet, la Cour de cassation eut
pu prononcer l'acquittement et l’eut
prononcé, sans doute, ayant à juger
aux lieu et place du Conseil de guerre,
devant lequel aucune charge n’a été
produite qui n’ait été examinée par
le tribunal suprême, exception faite
du bafouillage de Cernucki.
C’est à la Cour de cassation qu’ap
partient maintenant le dernier mot.
DELIRIDM ANTISÉMITIQÜE
On était unanime à trouver à la
grande artiste qu’est Sarah Bernhardt
un talent incomparable ; mais l’on
s’est aperçu, dans le camp des anti
sémites, que l’éminente tragédienne
serait juive, ce qui ne retire rien à
ses qualités de cœur et d’esprit.
Vous voyez, cependant, la fureur
des nationalistes s’aiguiser. Quoi,
une israélite se permettrait d’obtenir
les faveurs du public ! Non, ce n’est
pas possible, se sont-ils écriés. Dru-
mont, le suave Drumont, dans un
article de fonds, trouve à Sarah la
voix chevrotante, et tous les sous-
Drumont de répéter en chœur la chan
son apprise. Les compliments les plus
sangrenus à l’égard d’une femme leur
échappent.
C’est leur affaire ! Nous qui avons
entendu au Havre, ces jours derniers,
la tendre Marguerite de la Dame aux
Camélias , éternellement jeune dans le
rôle qu’elle rend de façon toujours
émouvante, nous n’avons pas besoin
de l’opinion dramatique du triste
sieur de ia Libre-Parole.
Nous ririons peut-être de telles
prétentions artistiques si nous ne sa
vions qu’il existe dans certaines at
taques virulentes le fonds de bêtise et
de haine qui souille l’ame des anti
sémites.
Le nez d’un juif leur donne des
crises d’épilepsie, toute la nuit un
cauchemar affreux les hante, durant
lequel le magnifique organe de Sarah
s’est transformé en langues de feu
qui les harcèlent.
Non contents d’être grotesques, ils
sont fous.
Alf. H.
Ày>-
fr Année — N® 177.
CINQ CENTIMES LE NUMÉRO
Reveil
Havre
Organe du Parti Républicain Démocraiitiue
PRIX DES ABONNEMENTS
ADMINISTRATION ET RÉDACTION
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Le Havre et la Seine-Inférieure par an
Départements »
3 fr.
4 fr.
15, PLTJIE
Secrétaire de la Rédaction F. THOMfMERET
L’Imprimeur-Gérant F. LE K O Y
Annonces
Réclames,
Demandez le Réveil
s>u Havre dans tous les
kiosque» et marchands
dé journaux le samedi
matin»
TT3ST
Panama militaire
Nous n’entreprendrons pas de re
prendre, après nos confrères de ia
presse quotidienne, les péripéties de
la dernière semaine du procès de
Tiennes. Tout le monde est suffisam-
mant édifié sur le scandale de géné
raux coupables se substituant au
président et dirigeant les débats à
leur gré, et refusant de répondre
aux questions embarrassantes. Tout
cela est dans la mémoire de tous.
Nous voulons seulement enregis
trer, avec nos confrères de la presse
indépendante, l’incohérence lamen
table d’un verdict qui est la traduc
tion fidèle et tangible du par ordre
que l’on a tant reproché à Zola.
Par une aberration qui-dépasse
toute compréhension, il s’est trouvé
cinq militaires pour décider que le
crime de trahison comporte une
atténuation. C’est du moins ainsi
que l’on devrait traduire leur juge
ment en le soumettant à une inter
prétation logique. Mais qu’a à faire
la logique avec les tribunaux mili
taires ?
Interprété par les circonstances
qui l’ont accompagné, ce verdict
signifie clairement que le Conseil de
guerre a considéré Dreyfus comme
innocent, mais qu’il l’a sacrifié au
prétendu honneur des généraux.
Ainsi s’est accompli le programme
tracé par Mercier : « Ou lui, ou
moi ! » Les trois galons du capitaine
Dreyfus innocent n’étaient rien en
considération des plumes d’autruche
des Mercier, des Roget, des Gonse.
Les jésuites et les patriotards
triomphent donc. Que la victoire
remportée par eux sur la justice et
la vérité leur soit légère ! Mais ils
auraient tort de compter sur le dé
sarmement de leurs adversaires. En
effet, à tout considérer le verdict de
Rennes, qui abaisse la peine
et qui révèle l’existence de deux
juges convaincus de l’innocence
de Dreyfus, est un premier suc
cès. La brèche est faite dans cette
forteresse qu’on proclamait inacces
sible. Elle s’écroulera à bref délai.
Pour cela que faut-il? Que les dé
fenseurs de la vérité persévèrent
dans leur attitude.
C’est aux bons citoyens qu’il ap
partient de garder en main la dé
fense de l’innocence persécutée.
Puisque le Conseil de Rennes a dé
montré que les idées de justice lui
étaient étrangères, il faut chercher
la solution en dehors et au-dessus
de l’armée, dans la conscience du
peuple qu’il faut renseigner et éclai
rer, et qu’il faut arracher à cette
presse immonde qui couvre aujour
d’hui les fautes de TEtat-Major,
comme elle a couvert naguère,
moyennant finances, les tripotages
et les scandales de Panama.
Car n’est-ce pas un nouveau Pa
nama, uh Panama militaire, que
cette affaire dans laquelle le haut
commandement, qui n’a pas su dé
fendre la patrie, sacrifie notre pres
tige moral dans le monde ?
LE RÉVEIL.
«•»
Heures de tristesse
J’ai eu, comme tout bon Français,
l’orgueil de voir la nation entière
resplendir sur le monde comme un
flambeau de lumière, de justice et
de vérité. Il n’est pas défendu, je
suppose, d’aimer son pays, de
l’aimer non seulement pour son sol
fertile, son climat généreux, mais
aussi pour ia sagesse de ses institu
tions, par amour-propre, devant
l’élan superbe, l’exemple vigoureux
qu’il a donné à tous les peuples ;
aussi, j’ai souffert avec bien d’autres,
de l’arrêt inique rendu-par le
de guerre de Rennes.
Nous sentons maintenant tout le
poids de nos heures d’indifférence,
avec le regret de cette fatale pro
pension à nous endormir, suivant
l’expression courante, sur les lau
riers conquis. Triste réveil qui nous
accable.
Depuis deux ans, ce qu’il y a de
viril, de conscience et d’humanité
lutte en France pour obtenir la ré
paration d’une erreur, que dis-je ?
d’un attentat judiciaire. Depuis deux
ans, à mesure que la vérité s’avan
ce, le flot des mensonges et des cri
mes s’accumule pour faire obstacle
à la justice. Deux ans, et la raison
n’a pas encore triomphé, et Ton
s’étonne que le monde civilisé qui
s’était habitué à recevoir la puis
sante clarté de notre savoir et de 1
notre science, n’apercevant plus que
le vide, l’ombre menaçante de nos
querelles intestines, cherche d’ins
tinct le point obscur d’oh lui venait
le jour aux belles matinées du prin
temps.
L’on voudrait que l’Europe ne
s’inquiétât pas de l’état moral de la
France quand, dans les plaines de la
Russie résonne encore le rugissement
des canons de Napoléon I er . Le fracas
des batailles du premier empire date
de ce siècle, et l’Europe n’est qu’à
peine remise de l’effroi que lui ins
piraient les armées du Corse aux
cheveux plats. La France, elle-même,
saigne toujours de la blessure que
lui a faite au flanc le grand conqué
rant dans son étreinte meurtrière.
On nous dit que, malgré son génie
militaire, il a laissé le pays plus petit
qu’il ne l'avait pris, tout en ayant
coûté à la Patrie un million d’exis
tences humaines, mais il est respon
sable encore de notre isolement dans
le monde en 1870, quand les batail
lons allemands foulèrent nos champs
et envahirent nos villes et villages,
sous la coupable légèreté du bas
empire de Napoléon III, qui voulait
sur des ruines consolider son trône.
A ce moment, nos généraux surent-
ils défendre le sol sacré du pays qu’ils
avaient si aveuglément jeté dans
l’aventure où ils ne firent preuve que
de leur incapacité? Les nations,
autrefois coalisées contre ies armées
de l’empire, nous laissèrent égorger
avec la satisfaction d’être débarras
sées d’un ennemi dangereux.
Oui, l’état moral de la France
peut paraître un danger aux peu
ples étrangers, pareeque nous avons
des tendances à restaurer la dicta
ture militaire qu’ils ont durement
éprouvée.
L’état moral de la France est, par
dessus tout, un danger pour elle-
même, pour l’intégrité de son terri
toire, sans reparler de l’amoindris
sement de son prestige intellectuel,
voilà ce qui me navre. Car, croyez-le
bien, si nous n’avons hâte de réparer
nos fautes au plus vite, si on n’o
blige l’Allemagne à livrer ses se
crets, elle les dévoilera à son heure,
pour la honte de nos généraux.
N’est-ce donc rien que trois con
seils de guerre successivement affir
ment la culpabilité d’un innnocent,
et l’innocence d’un traître ? Or, un
jour viendra peut-être ou, nos fron
tières envahies, de nouveaux Ba
zaine capituleront, l’ennemi tenant
en respect des armées entières par
quelques feuilles de papier. Voilà ce
qu’a voulu dire Zola dans son bel et
profond article : « Le cinquième
acte », inspiré car me haute sagesse
et un patriotisme vraiment éclairé.
Le Petit Havre ment, il le sait,
quand il parle de l’appel à l’étran
ger. Il sagit d’une crainte salutaire,
qui n’est qu’une prévoyance réfléchie
qu’il faut insuffler au pays.
Ah, cent fois misérables sont ceux
qui n’ont pas hésité à faire courir à
la France les plus graves événements
pour assouvir leurs haines, pour
satisfaire leurs cassions ou leur,
cupudité, semblables aux satyres
qui n’hésitent point à prostituer la
femme chaste pour se repaître dans
l’abjection.
Le complot était tramé, les listes
de proscription étaient prêtes. Ce
qu’il y avait d’énergie, de sain,
d’incorruptible dans le pays était
marqué au fer rouge. Il n’a tenu
qu’à un fil que cela ne réussit. Avec
Dupuy, convoitant la présidence de
la République, le coup était fait.
Heureusement ce fut Waldeck-
Rousseau. La suite justifiera nos
dires.
Alf. HENRI.
*
LES LISTES DE PROSCRIPTION
Des listes contenant les noms des
francs-macons et des personnes qui
se sont fait remarquer parleur atti
tude franchement républicaine et leur
ardeur à combattre le cléricalisme,
ont été saisies en grand nombre, chez
les anti-sémites, dans les différentes
villes où les perquisitions ont eu lieu.
Cela prouve que les partisans de
de l’ancien régime, au cas où ils s’em
pareraient de pouvoir, seraient tout
disposés à se débarasser des gens qui
pourraient leur être hostiles. Tout est
prévu, pesé mesuré ; eu huit jours
les fervents républicains se trouve
raient dans l’impossibilité de nuire au
parti des jésuites.
Ne pourrions nous pas imiter le
système des réactionnaires et, au lieu
d’agir avec clémence, envoyer loin de
notre pays les conspirateurs et les en-
soutanés.
Ce serait le moyen le plus sûr de
rendre à la France sa tranquilité.
L’ARMÉE PROFESSIONNELLE
Il s’est trouvé, dans ces dernières
années, des hommes assez courageux
pour faire connaître hautement leur
opinion sur les fonctionnaires élevés
qui gouvernent l’armée française ; ces
honnêtes citoyens, soit dans des livres
soit dans des feuilles publiques, n’ont
pas craint de jeter à la face des géné
raux ce qu’ils pensaient de leurs actes
scandaleux. Que de misères n’ont pas
eu à endurer ceux-là qui, en toute
franchise, ont osé ouvertement dévoi
ler au monde entier cette plaie qui,
lentement mais sûrement, ronge une
des premières nations civilisées ? C’est
qu’il n’est point aisé de rompre avec
les vieux préjugés, ni de faire com
prendre à la multitude asservie par
une caste ambitieuse et puissante,
qu’elle est, depuis longtemps, hélas,
le jouet de ces galonnards. On est
habitué à considérer ceux qui sont à
la tête de l’armée comme des hommes
de cœur et de dévouement parce que
jamais les fautes qu’ils ont commises,
même dénoncées publiquement, n’ont
été punies.
Je me souviens, en 1884, à l’époque
où le général Boulanger, dans toute
sa splendeur, était ministre de la
guerre, lui avoir remisses preuves de la
culpabilité' d un certain nombre d’offi
ciers qui, au moment des examens
du volontariat d’un an à Paris, se
livraient à un véritable trafic. Une
agence était établie au 11 de la rue
de Chabrol, et le directeur, un nommé
Lenoir, procurait aux candidats,
moyennant une somme de 5,000 ou
10,000 francs, suivant la fortune, les
questions qui devaient leur être
adressées. L’agence ne tarda pas à
disparaître, mais le brave général
étouffa l’affaire afin d’éviter, en punis
sant les coupables, un grand scandale
préjudiciable aux professionnels. Il
serait curieux de savoir ce que sont
devenus aujourd’hui les membres de
ces commissions d’examens!
En 1893, j’étais chargé, dans une
grande usine des environs de Paris,
de surveiller la fabrication du sucre
destiné à l’approvisionnement de
l'armée. Une grande commande de
sucre raffiné en tablettes avait été
passée au directeur propriétaire de
cet établissement.
Profitant de ses relations avec les
officiers supérieurs chargés de recevoir
la marchandise à Billancourt, le patron
introduisit dans sa fabrication moitié
de sucre cristallisé, ce qui certaine
ment causait un gros préjudice à
l’Etat. Pour redonner à sa précieuse
denrée un bel aspect, il ajoutait de
l’eau oxygénée, du bleu d’outremer
et d’autres produits dangereux. Je
refusai de me prêter à cette manœuvre,
et prévins aussitôt le ministre de la
guerre. Ma réclamation fut reconnue
juste, et l’on retira immédiatement la
commande à l’industriel. Mais il fal
lait à tout prix sauver l’honneur de
l’armée et, encore une fois, les offi
ciers sortirent indemnes.
Voilà certes des faits; ils prouvent
que les fonctionnaires que nous entre
tenons à grand frais pour diriger notre
armée, sont bien, pour la plupart,
tels que les représentent MM. E. Zola
et Urbain Gohier.
Il faudrait que les citoyens possé
dant des documents sur les abus du
fonctionnarisme militaire, aientl’éner-
gie de les dévoiler. On en constituerait
un livre qui serait la meilleure arme
pour les combattre.
Félix Thommeret
25 centimes la ligne
50 »
Oïl traite à forfait
M° Ménard et l’arrêt de Rennes
Dreyfus a été condamné ainsi que
le soutenait dans ce journal, en un
article d’une psychologie approfondie,
notre ami Louis Duvallet. Il a été
condamné parce que ses juges ont cru
qu’il y avait opposition entre les inté
rêts de l’armée et la cause de Dreyfus,
parce qu’ils ont voulu sauver les gé
néraux coupables de forfaiture et de
faux.
M e Mornard, l’éminent avocat,
avait bien compris le danger qu’il y
avait à aller demander à des mili
taires la réparation des fautes com
mises par leur condisciples, qu’on en
juge par le passage de sa plaidoirie à
la Cour de cassation :
« Si je vous demande, Messieurs,
« de casser l’arrêt de 1894 en ren
ia: voyant devant un autre Conseil de
« guerre, c’est, je tiens à le dire ici,
« pour bien dégager ma responsabi-
« lité sur la demande formelle de Mme
« Dreyfus, ma cliente, qui désire ab-
« solument que ce soit par ses pairs
« que l’infortuné capitaine reçoive
« enfin justice ; s’il n’avait dépendu
.En effet, la Cour de cassation eut
pu prononcer l'acquittement et l’eut
prononcé, sans doute, ayant à juger
aux lieu et place du Conseil de guerre,
devant lequel aucune charge n’a été
produite qui n’ait été examinée par
le tribunal suprême, exception faite
du bafouillage de Cernucki.
C’est à la Cour de cassation qu’ap
partient maintenant le dernier mot.
DELIRIDM ANTISÉMITIQÜE
On était unanime à trouver à la
grande artiste qu’est Sarah Bernhardt
un talent incomparable ; mais l’on
s’est aperçu, dans le camp des anti
sémites, que l’éminente tragédienne
serait juive, ce qui ne retire rien à
ses qualités de cœur et d’esprit.
Vous voyez, cependant, la fureur
des nationalistes s’aiguiser. Quoi,
une israélite se permettrait d’obtenir
les faveurs du public ! Non, ce n’est
pas possible, se sont-ils écriés. Dru-
mont, le suave Drumont, dans un
article de fonds, trouve à Sarah la
voix chevrotante, et tous les sous-
Drumont de répéter en chœur la chan
son apprise. Les compliments les plus
sangrenus à l’égard d’une femme leur
échappent.
C’est leur affaire ! Nous qui avons
entendu au Havre, ces jours derniers,
la tendre Marguerite de la Dame aux
Camélias , éternellement jeune dans le
rôle qu’elle rend de façon toujours
émouvante, nous n’avons pas besoin
de l’opinion dramatique du triste
sieur de ia Libre-Parole.
Nous ririons peut-être de telles
prétentions artistiques si nous ne sa
vions qu’il existe dans certaines at
taques virulentes le fonds de bêtise et
de haine qui souille l’ame des anti
sémites.
Le nez d’un juif leur donne des
crises d’épilepsie, toute la nuit un
cauchemar affreux les hante, durant
lequel le magnifique organe de Sarah
s’est transformé en langues de feu
qui les harcèlent.
Non contents d’être grotesques, ils
sont fous.
Alf. H.
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