Titre : Le Réveil du Havre : organe républicain ["puis" organe républicain-socialiste indépendant "puis" organe du Parti républicain démocratique]
Éditeur : [s.n.] (Le Havre)
Date d'édition : 1894-08-18
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32854639q
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 18 août 1894 18 août 1894
Description : 1894/08/18 (N158). 1894/08/18 (N158).
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k3263357g
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-89667
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 28/04/2019
4® Année — S® 158 — Samedi 18 Août 1834.
CINQ CENTIMES LE NUMÉRO
4 e Année — 1 er Frnclidor An 102 — N® 158
ORGANE RÉPUBLICAIN-SOCIALISTE INDÉPENDANT
PRIX DES ABONNEMENTS :
UN AN SIX MOIS
Le Havre 3 fr. 2 fr.
Départements 4 fr. 2 50
Â
ADMINISTRATION & RÉDACTION
15, RUE CASIMIR-FÉRIER, 15
LE RÉVEIL DU HA VRE paraît tous les Samedis
PRIX DES INSERTIONS :
Annonces 25 cent, la ligne
Réclames 50 cent, la ligne
On traite à Forfait
LA MESSE !
A. L A ME SSE!
Les opportuniste?, les ralliés et les cléri
caux qui, depuis quelques années, mènent le
corps électoral du Havre et de la région,
doivent être satisfaits. Leur politique d’abdi
cation et de conciliation à outrance porte ses
fruits, et il faut convenir qu’ils sont d’une
belle venue.
Passé, le temps de la lutte contre le cléri
calisme, cette lèpre de la Société et de la
famille ! passée, la neutralité en matière
religieuse ! reléguée aux vieilles lunes, la
mémoire des républicains du Havre qui, soit
par leurs discours, soit parla pompe purement
civile de leurs funérailles, tenaient à mani
fester leur antipathie contre tous les cultes,
quelle que soit la couleur de leurs oripeaux.
Le Havre, énervé par l’opportunisme, se
change en capucinière. Un pas de plus et
tous nos concitoyens devront se munir de leur
billet de confession, à la grande joie des
bedeaux de paroisse.
En attendant cet heureux jour, le Havre
va à la messe. Et il va, chose assez singu
lière et qui mérite qu’on s’y arrête un instant,
à l’instigation de ceux qui devraient s’abs
tenir de toute propagande cléricale.
Dira-t-on que nous exagérons ? Qu’on en
juge plutôt.
Nous avons au Havre un certain nombre
de corporations composées, bien entendu,
d’ouvriers qui n’ont rien à gagner à la
fréquentation des gens d’église.
Or, à part les employés des tabacs et les
métallurgistes, toutes, ou à peu près toutes
les sociétés, ne comprennent pas une solennité
corporative sans accompagnement de messe en
musique et de pain bénit.
Les ouvriers des Docks éprouvent-ils le
besoin de se réunir en une fête fraternelle ?
vite une messe ! vite une bénédiction du curé
de Saint-Nicolas !
De même pour les voiliers. Au lieu de se
contenter d’agapes démocratiques, ainsi qu’il
sied à des citoyens libres, dégagés de toute
superstition, ils vont, eux aussi, entendre
une messe.
Et notez que, pris individuellement, chacun
des ouvriers des Docks et des voiliers professe
la plus profonde indifférence pour tout ce qui
touche à la religion. Pendant cinquante-deux
dimanches de l’année, ils s’en passent à mer
veille. Mais il est de bon ton, paraît-il, d’aller
entendre bêler dans une pagode quelconque
des chants liturgiques, en une langue incom
prise.
Ces pratiques moyenâgeuses qui font
l’étonnement des vrais ouvriers socialistes et
la joie des marguilliers dont ces manifesta
tions emplissent la caisse, ne sont pas les seuls
incidents que nous ayons à noter dans notre
vie locale. Malheureusement, il y a autre
chose et nous avons le devoir de l’indiquer.
A la rigueur, les associations dont nous
parlons peuvent répondre qu'elles obéissent
soit à de vieux usages, soit à des sollicitations
féminines ou patronales et qu’au surplus elles
sont libres de donner leur argent aux curés.
Mais les fonctionnaires? Que vont-ils répon
dre, si nous leur demandons compte de la part
qu’ils prennent officiellement à des manifesta
tions dont le seul but est de ravaler l’autorité
civile. Ont-ils le droit de laisser porter
atteinte à la dignité des fonctions dont ils
sont temporairement investis.
Prenons un exemple : Il y a quelques jours,
sous prétexte de célébrer une messe en l’hon
neur de M. Carnot, M. le curé de Notre-Dame
a imaginé d’inviter tout le monde officiel du
Havre : armée, magistrature, fonctionnaires
de tout ordre.
Au lieu de laisser M. le curé se débrouiller
comme il l’entendait avec ses invitations, qui
devaient conserver leur caractère privé,
les autorités civiles ont pris la plume
et invité conseillers municipaux, conseillers
généraux et d’arrondissement, magistrats,
officiers, etc, à venir prier à Notre-Dame
pour Pâme de M. Carnot.
Nous ne parlerons que pour mémoire de ce
qui s’est passé dans cette cérémonie. Dans un
sermon d’une cocasserie qui dépasse les
limites permises, M. l’abbé Varin a déclaré à
plusieurs reprises : a Je suis un ange ! » pro
pos pour lequel nous le renverrons à Pascal,
qui, nous l’espérons, il ne prendra pas pour
un cierge. Il a ajouté aussi que la mort de
M. Carnot « est une nouvelle preuve de la
grandeur de la Providence ! » On n’est pas
plus spirituel.
Non, nos administrateurs n’y ont rien à
gagner à ces cérémonies.
Qu’ils aillent individuellement prier, se
confesser, communier, voire même porter un
cierge,un goupillon ou une hallebarde dans un
lieu de culte,c’estun droit dont ils peuvent user
à leur gré et que personne ne leur contestera.
Mais nous nions qu’ils peuvent, comme repré
sentants de la Ville ou de l’Etat, inviter leurs
subordonnés à faire acte de religion. Ce serait
nous ramener aux détestables pratiques du
16 mai, et nous sommes persuadés qu’ils en
auraient horreur.
Alors que l’école est neutre, indifférente à
toute religion, il faut que nos administrations
s’abstiennent de toute propagande religieuse
que ce soit pour Bouddha, pour le Sacré-Cœur,
pour Mahomet ou la vache à Colas.
La République n’a d’ailleurs rien à gagner
à la fréquentation des sacristies.
VERUS.
— nÉB»
DÉLIT D’OPINION
La semaine qui vient de s’écouler n’a pas été
des plus favorables aux honnêtes gouvernants qui
jouissent de nous avec une impudence, qui n’a
d’égale que leur férocité.
Le procès des Trente a piteusement abouti à
l’acquittement scandaleux (pour Bulot et autres)
de tous les inculpés, sauf les trois ou quatre
voleurs auxquels on avait voulu le3 river. La
presse indépendante est unanime à féliciter le
Jury de son verdict ; le reste des journaux vendus,
vendables et à vendre fulmine, vocifère ou
pleure.
Quant au pays, il est certain qu’effrayé de
l’arbitraire offert en perspective par la nouvelle
loi, dite contre les menées anarchistes, il s’est
senti réconforté en voyant le Jury essentiellement
bourgeois donner au ministère public, un aver
tissement précieux pour l’avenir.
II est probable que les approvisionneurs atti
trés des Tribunaux y regarderont à deux fois
avant de traduire, même en police correctionnelle,
les délits d’opinion. Car c’est bien ce genre de
délit qui a été visé dans le procès des Trente et
sur lequel la douzaine de bourgeois jurés n’a pas
voulu porter condamnation.
Où donc s’arrêterait-on, en effet, une fois entré
dans cette voie ? Est-il possible de faire à un
être pensant un crime de penser autrement que
son Voisin ? L’homme le plus illettré et le moins
intelligent vous dit chaque jour : « toutes les
opinions sont libres » ; c’est la sagesse des nations,
le bon sens populaire qui se chargent de faire
justice de ce prétendu délit d’opinion lequel
appelle fatalement le « procès de tendance » pour
aboutir à l’arbitraire, à l'injustice dans toutes ses
hideuses manifestations et ses conséquences in
sondables.
C’est en vertu de ce prétendu délit d’opinion,
travesti de toute manière pour les besoins d’une
cause, que l’on compte arriver à traquer les
apôtres du socialisme et, en général, tous ceux
qui font une opposition ardente au gouvernement
de Casimir-Périer, Dupuy, Guérin et consorts.
Ils s’en défendent, parbleu, et prétendent n’avoir
en vue que la répression des menées anarchistes.
Tout mauvais cas est niable, n’est-ce pas, M.
Dupuy ? C'était sans doute aussi pour réprimer
les menées anarchistes que le même Dupuy
essayait, aux élections législatives de l’année
dernière, d’acheter Drumont et sa Libre Parole
pour un siège de député avec une trentaine de
mille francs autour, ce qui n’a nullement été
démenti.
N’était-ce pas aussi dans le même but qu’il
fourrait Ducret à Mazas et versait en même temps
deux mille francs par mois à La. Cocarde ?
Ces procédés qui ne sont pas nouveaux pour
raient peut-être diminuer le nombre des délits
d’opinion, s’ils réussissaient toujours, car toute
la presse étant la propriété exclusive du président
du Conseil, il est clair qu’elle n’aurait plus qu’un
rôle facile à remplir: chanter sur tous les tons les
louanges du maître.
Malheureusement pour nos petites providences
à maroquin, celà ne réussit pas toujours et ils en
restent pour leurs frais bien, penauds et honteux
comme renard qu’une poule aurait pris.
Soyez tranquilles,ils sont hommes de ressources
et vont chercher autre chose de mieux pour con
server précieusement ce fameux délit d’opinion.
Pierre HOUCHARD.
BONNE FOI MINISTÉRIELLE
En déployant une somme d’énergie, d’efforts,
incroyables pour faire voter la nouvelle loi sur la
presse, le gouvernement savait parfaitement qu’il
se procurait par ce moyen un grand nombre de
mouchards volontaires. Cependant, comme quel
ques députés avaient des scrupules et demandaient
que de justes représailles fussent exercées contre
les faux délateurs, M. Guérin, garde des sceaux,
n’hésita pas à répondre à M. Gauthier de Clagny,
auteur d’un amendement dans ce sens :
« La victime aura toujours la ressource de
poursuivre le délateur par toutes les voies de droit.
On le lui fera connaître. »
Or, un brave honnête homme de Colombes, M.
Lenepveu, signalé comme un anarchiste dange
reux par une crapule quelconque, et qui vit tout
récemment sa maison mise sens dessus-dessous
par une bande de policiers, ressemblant plutôt à
une horde de barbares mettant à sac une ville
ennemie qu’à des agents de l’autorité, a eu la
naïveté de croire en la parole donnée. Plein de
confiance, il s’en est allé trouver le secrétaire
général de la préfecture de police et lui a demandé
le nom de son dénonciateur, afin de pouvoir le
poursuivre devant les tribunaux.
Malgré son bon droit, il a été éconduit : la pré
fecture protège le lâche dénonciateur et n’entend
pas qu’on y touche.
La moralité qui se dégage de ce fait, c’est que
les Français sauront maintenant que dans leur
pays il y a deux façons d’entendre l’honneur : une
à l’usage des simples citoyens, l’autre particulière
aux ministres.
M...
EXÉCUTION DE CASERIO
M. Deibler et ses aides sont arrivés à Lyon
jeudi matin.
Ils sont descendus à l’hôtel des Voyageurs, en
face de la gare de Perrache.
Cette nouvelle s’est rapidement répandue dans
Lyon et y a causé une certaine émotion, d’autant
plus, qu’à cause de la fête, il y avait beaucoup de
monde dans les rues et dans les cafés.
On craignait de voir une foule considérable
autour de l’échafaud et déjà à onze heures du soir,
des groupes se dirigeaient sur le cours Suchet où
l’exécution devait avoir lieu à deux pas de la prison
Saint-Paul.
Juste à ce moment un orage épouvantable écla
ta. Un pluie diluvienne se mit à tomber accompa
gnée d’éclairs et de tonnerre.
En quelques minutes, les ruisseaux démesuré
ment grossis envahissaient la chaussée et, aux
abords de la prison, il était impossible de passer.
On pense bien que les curieux se sont enfuis et
que la police n’a pas eu de peine à contenir la
foule.
Cependant, des mesures extraordinaires ont été
prises. Tous les gardiens de la paix ont été mobi
lisés, ainsi que des militaires de toutes armes, in
fanterie et cavalerie.
On avait cru tout d’abord que cela ne pouvait
avoir lieu cette nuit. Mais M. Rivaud, préfet du
Rhône, a vivement insisté pour que tout fut ter
miné avant la fin de la semaine, parce que les
troupes de la garnison devaient quitter la ville
lundi matin pour prendre part à des manœuvres.
On se serait donc trouvé sans force armée et
l’exécution aurait du être retardée d’un mois.
C’est à cette raison qu’il faut attribuer le peu
de jours qui ont séparé la condamnation de Case-
rio de son exécution.
En effet, Caserio qui tua le président le 24 juin,
comparut le 2 août devant la Cour d’assises ; le
lendemain, il était condamné à mort.
Il aura donc attendu treize jours l’application
de la terrible sentence prononcée contre lui.
L’assassin de M. Carnot a été guillotiné à
quatre heures du matin.
TREMBLONS, AMIS !
Parbleu ! nous n’avons qu’à bien nous tenir ::
Hendlé nous a déclaré la guerre f
Qui ça, Hendlé ? demandez-vous ?
Comment, vous ignorez Hendlé, vous avez vécu
jusqu’à ce jour sans vous intéresser à lui ? Mais
vous ne savez donc rien ?
Hendlé, c’est le préfet de la Seine-Inférieure,
c’est un des roquets les mieux dressés de la meute
opportuniste, c’est un des larbins les plus en
faveur des antichambres ministérielles.
Eh bien ! le terrible Hendlé vient, dans un dis
cours pompeux, de mettre hors la loi les socialistes,
qui, a-t-il dit, « prétendent n'avoir rien de com
mun avec les anarchistes, et qui, cependant, par
leur attitude, par leur politique, par la violence de
leur plume ou de leur parole, par la résistance
qu’ils nous opposent dans notre œuvre et notre
action, sont les alliés inconscients de ces mal
faiteurs. »
Puis, haussant le ton, et soudain grandiloquent,
Hendlé s’exclame :
« Nous ne leur permettrons pas de nous traiter
de réactionnaires indignes de notre passé ! »
Bigre ! voilà qui est parlé.
Mais, triple sot, qui nous en empêchera ?
Il serait peut-être temps de voter une loi défen
dant aux administrés d’apprécier et de commen
ter la politique des fonctionnaires. Sinon, héroï
que Hendlé, nous userons, soyez en certain 1 , de
tout notre droit. Nous dirons et nous écrirons
autant qu’il nous plaira que vous êtes un insulteur
à gages et que vos patrons et vous conspirez à
tout instant contre la République au profit dé la
réaction.
Est-ce clair ?
Ce même M. Hendlé (que nous connaissons trop}
se dressait sur ses ergots, il y a deux ans, au
CINQ CENTIMES LE NUMÉRO
4 e Année — 1 er Frnclidor An 102 — N® 158
ORGANE RÉPUBLICAIN-SOCIALISTE INDÉPENDANT
PRIX DES ABONNEMENTS :
UN AN SIX MOIS
Le Havre 3 fr. 2 fr.
Départements 4 fr. 2 50
Â
ADMINISTRATION & RÉDACTION
15, RUE CASIMIR-FÉRIER, 15
LE RÉVEIL DU HA VRE paraît tous les Samedis
PRIX DES INSERTIONS :
Annonces 25 cent, la ligne
Réclames 50 cent, la ligne
On traite à Forfait
LA MESSE !
A. L A ME SSE!
Les opportuniste?, les ralliés et les cléri
caux qui, depuis quelques années, mènent le
corps électoral du Havre et de la région,
doivent être satisfaits. Leur politique d’abdi
cation et de conciliation à outrance porte ses
fruits, et il faut convenir qu’ils sont d’une
belle venue.
Passé, le temps de la lutte contre le cléri
calisme, cette lèpre de la Société et de la
famille ! passée, la neutralité en matière
religieuse ! reléguée aux vieilles lunes, la
mémoire des républicains du Havre qui, soit
par leurs discours, soit parla pompe purement
civile de leurs funérailles, tenaient à mani
fester leur antipathie contre tous les cultes,
quelle que soit la couleur de leurs oripeaux.
Le Havre, énervé par l’opportunisme, se
change en capucinière. Un pas de plus et
tous nos concitoyens devront se munir de leur
billet de confession, à la grande joie des
bedeaux de paroisse.
En attendant cet heureux jour, le Havre
va à la messe. Et il va, chose assez singu
lière et qui mérite qu’on s’y arrête un instant,
à l’instigation de ceux qui devraient s’abs
tenir de toute propagande cléricale.
Dira-t-on que nous exagérons ? Qu’on en
juge plutôt.
Nous avons au Havre un certain nombre
de corporations composées, bien entendu,
d’ouvriers qui n’ont rien à gagner à la
fréquentation des gens d’église.
Or, à part les employés des tabacs et les
métallurgistes, toutes, ou à peu près toutes
les sociétés, ne comprennent pas une solennité
corporative sans accompagnement de messe en
musique et de pain bénit.
Les ouvriers des Docks éprouvent-ils le
besoin de se réunir en une fête fraternelle ?
vite une messe ! vite une bénédiction du curé
de Saint-Nicolas !
De même pour les voiliers. Au lieu de se
contenter d’agapes démocratiques, ainsi qu’il
sied à des citoyens libres, dégagés de toute
superstition, ils vont, eux aussi, entendre
une messe.
Et notez que, pris individuellement, chacun
des ouvriers des Docks et des voiliers professe
la plus profonde indifférence pour tout ce qui
touche à la religion. Pendant cinquante-deux
dimanches de l’année, ils s’en passent à mer
veille. Mais il est de bon ton, paraît-il, d’aller
entendre bêler dans une pagode quelconque
des chants liturgiques, en une langue incom
prise.
Ces pratiques moyenâgeuses qui font
l’étonnement des vrais ouvriers socialistes et
la joie des marguilliers dont ces manifesta
tions emplissent la caisse, ne sont pas les seuls
incidents que nous ayons à noter dans notre
vie locale. Malheureusement, il y a autre
chose et nous avons le devoir de l’indiquer.
A la rigueur, les associations dont nous
parlons peuvent répondre qu'elles obéissent
soit à de vieux usages, soit à des sollicitations
féminines ou patronales et qu’au surplus elles
sont libres de donner leur argent aux curés.
Mais les fonctionnaires? Que vont-ils répon
dre, si nous leur demandons compte de la part
qu’ils prennent officiellement à des manifesta
tions dont le seul but est de ravaler l’autorité
civile. Ont-ils le droit de laisser porter
atteinte à la dignité des fonctions dont ils
sont temporairement investis.
Prenons un exemple : Il y a quelques jours,
sous prétexte de célébrer une messe en l’hon
neur de M. Carnot, M. le curé de Notre-Dame
a imaginé d’inviter tout le monde officiel du
Havre : armée, magistrature, fonctionnaires
de tout ordre.
Au lieu de laisser M. le curé se débrouiller
comme il l’entendait avec ses invitations, qui
devaient conserver leur caractère privé,
les autorités civiles ont pris la plume
et invité conseillers municipaux, conseillers
généraux et d’arrondissement, magistrats,
officiers, etc, à venir prier à Notre-Dame
pour Pâme de M. Carnot.
Nous ne parlerons que pour mémoire de ce
qui s’est passé dans cette cérémonie. Dans un
sermon d’une cocasserie qui dépasse les
limites permises, M. l’abbé Varin a déclaré à
plusieurs reprises : a Je suis un ange ! » pro
pos pour lequel nous le renverrons à Pascal,
qui, nous l’espérons, il ne prendra pas pour
un cierge. Il a ajouté aussi que la mort de
M. Carnot « est une nouvelle preuve de la
grandeur de la Providence ! » On n’est pas
plus spirituel.
Non, nos administrateurs n’y ont rien à
gagner à ces cérémonies.
Qu’ils aillent individuellement prier, se
confesser, communier, voire même porter un
cierge,un goupillon ou une hallebarde dans un
lieu de culte,c’estun droit dont ils peuvent user
à leur gré et que personne ne leur contestera.
Mais nous nions qu’ils peuvent, comme repré
sentants de la Ville ou de l’Etat, inviter leurs
subordonnés à faire acte de religion. Ce serait
nous ramener aux détestables pratiques du
16 mai, et nous sommes persuadés qu’ils en
auraient horreur.
Alors que l’école est neutre, indifférente à
toute religion, il faut que nos administrations
s’abstiennent de toute propagande religieuse
que ce soit pour Bouddha, pour le Sacré-Cœur,
pour Mahomet ou la vache à Colas.
La République n’a d’ailleurs rien à gagner
à la fréquentation des sacristies.
VERUS.
— nÉB»
DÉLIT D’OPINION
La semaine qui vient de s’écouler n’a pas été
des plus favorables aux honnêtes gouvernants qui
jouissent de nous avec une impudence, qui n’a
d’égale que leur férocité.
Le procès des Trente a piteusement abouti à
l’acquittement scandaleux (pour Bulot et autres)
de tous les inculpés, sauf les trois ou quatre
voleurs auxquels on avait voulu le3 river. La
presse indépendante est unanime à féliciter le
Jury de son verdict ; le reste des journaux vendus,
vendables et à vendre fulmine, vocifère ou
pleure.
Quant au pays, il est certain qu’effrayé de
l’arbitraire offert en perspective par la nouvelle
loi, dite contre les menées anarchistes, il s’est
senti réconforté en voyant le Jury essentiellement
bourgeois donner au ministère public, un aver
tissement précieux pour l’avenir.
II est probable que les approvisionneurs atti
trés des Tribunaux y regarderont à deux fois
avant de traduire, même en police correctionnelle,
les délits d’opinion. Car c’est bien ce genre de
délit qui a été visé dans le procès des Trente et
sur lequel la douzaine de bourgeois jurés n’a pas
voulu porter condamnation.
Où donc s’arrêterait-on, en effet, une fois entré
dans cette voie ? Est-il possible de faire à un
être pensant un crime de penser autrement que
son Voisin ? L’homme le plus illettré et le moins
intelligent vous dit chaque jour : « toutes les
opinions sont libres » ; c’est la sagesse des nations,
le bon sens populaire qui se chargent de faire
justice de ce prétendu délit d’opinion lequel
appelle fatalement le « procès de tendance » pour
aboutir à l’arbitraire, à l'injustice dans toutes ses
hideuses manifestations et ses conséquences in
sondables.
C’est en vertu de ce prétendu délit d’opinion,
travesti de toute manière pour les besoins d’une
cause, que l’on compte arriver à traquer les
apôtres du socialisme et, en général, tous ceux
qui font une opposition ardente au gouvernement
de Casimir-Périer, Dupuy, Guérin et consorts.
Ils s’en défendent, parbleu, et prétendent n’avoir
en vue que la répression des menées anarchistes.
Tout mauvais cas est niable, n’est-ce pas, M.
Dupuy ? C'était sans doute aussi pour réprimer
les menées anarchistes que le même Dupuy
essayait, aux élections législatives de l’année
dernière, d’acheter Drumont et sa Libre Parole
pour un siège de député avec une trentaine de
mille francs autour, ce qui n’a nullement été
démenti.
N’était-ce pas aussi dans le même but qu’il
fourrait Ducret à Mazas et versait en même temps
deux mille francs par mois à La. Cocarde ?
Ces procédés qui ne sont pas nouveaux pour
raient peut-être diminuer le nombre des délits
d’opinion, s’ils réussissaient toujours, car toute
la presse étant la propriété exclusive du président
du Conseil, il est clair qu’elle n’aurait plus qu’un
rôle facile à remplir: chanter sur tous les tons les
louanges du maître.
Malheureusement pour nos petites providences
à maroquin, celà ne réussit pas toujours et ils en
restent pour leurs frais bien, penauds et honteux
comme renard qu’une poule aurait pris.
Soyez tranquilles,ils sont hommes de ressources
et vont chercher autre chose de mieux pour con
server précieusement ce fameux délit d’opinion.
Pierre HOUCHARD.
BONNE FOI MINISTÉRIELLE
En déployant une somme d’énergie, d’efforts,
incroyables pour faire voter la nouvelle loi sur la
presse, le gouvernement savait parfaitement qu’il
se procurait par ce moyen un grand nombre de
mouchards volontaires. Cependant, comme quel
ques députés avaient des scrupules et demandaient
que de justes représailles fussent exercées contre
les faux délateurs, M. Guérin, garde des sceaux,
n’hésita pas à répondre à M. Gauthier de Clagny,
auteur d’un amendement dans ce sens :
« La victime aura toujours la ressource de
poursuivre le délateur par toutes les voies de droit.
On le lui fera connaître. »
Or, un brave honnête homme de Colombes, M.
Lenepveu, signalé comme un anarchiste dange
reux par une crapule quelconque, et qui vit tout
récemment sa maison mise sens dessus-dessous
par une bande de policiers, ressemblant plutôt à
une horde de barbares mettant à sac une ville
ennemie qu’à des agents de l’autorité, a eu la
naïveté de croire en la parole donnée. Plein de
confiance, il s’en est allé trouver le secrétaire
général de la préfecture de police et lui a demandé
le nom de son dénonciateur, afin de pouvoir le
poursuivre devant les tribunaux.
Malgré son bon droit, il a été éconduit : la pré
fecture protège le lâche dénonciateur et n’entend
pas qu’on y touche.
La moralité qui se dégage de ce fait, c’est que
les Français sauront maintenant que dans leur
pays il y a deux façons d’entendre l’honneur : une
à l’usage des simples citoyens, l’autre particulière
aux ministres.
M...
EXÉCUTION DE CASERIO
M. Deibler et ses aides sont arrivés à Lyon
jeudi matin.
Ils sont descendus à l’hôtel des Voyageurs, en
face de la gare de Perrache.
Cette nouvelle s’est rapidement répandue dans
Lyon et y a causé une certaine émotion, d’autant
plus, qu’à cause de la fête, il y avait beaucoup de
monde dans les rues et dans les cafés.
On craignait de voir une foule considérable
autour de l’échafaud et déjà à onze heures du soir,
des groupes se dirigeaient sur le cours Suchet où
l’exécution devait avoir lieu à deux pas de la prison
Saint-Paul.
Juste à ce moment un orage épouvantable écla
ta. Un pluie diluvienne se mit à tomber accompa
gnée d’éclairs et de tonnerre.
En quelques minutes, les ruisseaux démesuré
ment grossis envahissaient la chaussée et, aux
abords de la prison, il était impossible de passer.
On pense bien que les curieux se sont enfuis et
que la police n’a pas eu de peine à contenir la
foule.
Cependant, des mesures extraordinaires ont été
prises. Tous les gardiens de la paix ont été mobi
lisés, ainsi que des militaires de toutes armes, in
fanterie et cavalerie.
On avait cru tout d’abord que cela ne pouvait
avoir lieu cette nuit. Mais M. Rivaud, préfet du
Rhône, a vivement insisté pour que tout fut ter
miné avant la fin de la semaine, parce que les
troupes de la garnison devaient quitter la ville
lundi matin pour prendre part à des manœuvres.
On se serait donc trouvé sans force armée et
l’exécution aurait du être retardée d’un mois.
C’est à cette raison qu’il faut attribuer le peu
de jours qui ont séparé la condamnation de Case-
rio de son exécution.
En effet, Caserio qui tua le président le 24 juin,
comparut le 2 août devant la Cour d’assises ; le
lendemain, il était condamné à mort.
Il aura donc attendu treize jours l’application
de la terrible sentence prononcée contre lui.
L’assassin de M. Carnot a été guillotiné à
quatre heures du matin.
TREMBLONS, AMIS !
Parbleu ! nous n’avons qu’à bien nous tenir ::
Hendlé nous a déclaré la guerre f
Qui ça, Hendlé ? demandez-vous ?
Comment, vous ignorez Hendlé, vous avez vécu
jusqu’à ce jour sans vous intéresser à lui ? Mais
vous ne savez donc rien ?
Hendlé, c’est le préfet de la Seine-Inférieure,
c’est un des roquets les mieux dressés de la meute
opportuniste, c’est un des larbins les plus en
faveur des antichambres ministérielles.
Eh bien ! le terrible Hendlé vient, dans un dis
cours pompeux, de mettre hors la loi les socialistes,
qui, a-t-il dit, « prétendent n'avoir rien de com
mun avec les anarchistes, et qui, cependant, par
leur attitude, par leur politique, par la violence de
leur plume ou de leur parole, par la résistance
qu’ils nous opposent dans notre œuvre et notre
action, sont les alliés inconscients de ces mal
faiteurs. »
Puis, haussant le ton, et soudain grandiloquent,
Hendlé s’exclame :
« Nous ne leur permettrons pas de nous traiter
de réactionnaires indignes de notre passé ! »
Bigre ! voilà qui est parlé.
Mais, triple sot, qui nous en empêchera ?
Il serait peut-être temps de voter une loi défen
dant aux administrés d’apprécier et de commen
ter la politique des fonctionnaires. Sinon, héroï
que Hendlé, nous userons, soyez en certain 1 , de
tout notre droit. Nous dirons et nous écrirons
autant qu’il nous plaira que vous êtes un insulteur
à gages et que vos patrons et vous conspirez à
tout instant contre la République au profit dé la
réaction.
Est-ce clair ?
Ce même M. Hendlé (que nous connaissons trop}
se dressait sur ses ergots, il y a deux ans, au
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