Titre : Le Réveil du Havre : organe républicain ["puis" organe républicain-socialiste indépendant "puis" organe du Parti républicain démocratique]
Éditeur : [s.n.] (Le Havre)
Date d'édition : 1894-07-28
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32854639q
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 28 juillet 1894 28 juillet 1894
Description : 1894/07/28 (N155). 1894/07/28 (N155).
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k32633547
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-89667
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 28/04/2019
4 e innée — N° 155 — Samedi 28 Juillet 1894.
CINQ CENTIMES LE NUMERO
4 e innée — 10 Thermidor in 102 — N° 155
ORGANE RÉPUBLICAIN-SOCIALISTE INDÉPENDANT
— - -------
PBIX DES ABONNEMENTS :
UN AN SIX MOIS
Le Havre..... 3 fr. 2 fr.
Départements 4 fr. 2 50
ADMINISTRATION & RÉDACTION
15, RUE CASIMIR-PÉHIRR, 15
LE RÉVEIL DU HAVRE paraît tous les Samedis
A U
SÉNAT
AU SÉNAT
La Chambre des députés a enfin voté cette
fameuse loi contre les menées anarchistes
(lisez contre la presse).
Cédant à l’inqualifiable pression ministé
rielle, les défenseurs nés de la liberté vien
nent de forger les fers qui leur sont destinés.
Car, que nos bons parlementaires ne s’y trom
pent pas, en bâillonnant la presse, ils ont
donné au gouvernement le moyen de suppri
mer toutcontrôle, d’empécher toute discussion
desesactes, môme etsurtoutles plus arbitraires.
Les électeurs ne connaîtront plus des affaires
publiques que ce que Dupuy voudra bien
leur laisser dire par un semblant de presse;
celle qui ne craint pas d’affirmer que son
indépendance ne souffrira aucunement de
l’application de la loi nouvelle. Nous le cro
yons facilement : comment porter atteinte à
«ne chose qui n’existe pas?
Le journaliste, le vrai, celui qui écrivait
selon sa conscience, va disparaître, c’est là
le but depuis longtemps caressé par le grand
Auvergnat.
Par quelle aberration, par quel -étrange
concours de circonstances a-t-il été impossible
de former, dans une Chambre qui, après tout,
compte des hommes intelligents, un groupe
d’opposition assez compact, assez fort, pour
faire échec aux menées ténébreuses du minis
tère ? Une loi rétrograde, donnant un pouvoir
formidable à quelques hommes dont tout
commandait de se défier, a été acceptée par
lés représentants du peuple qui s’honorait
d’être le plus libéral du monde.
La piètre conseillère que la peur !
Il a suffi à un ministre, que rien ne recom
mande, de poser la question de confiance tous
les quarts d’heure, pour amener une majorité
vacillante à lui livrer la France pieds et poings
liés.
Sans parler des faux républicains, dont le
concours dévoué est toujours acquis au gou
vernement de quelque nuance qu’il soit, il est
permis de demander à la droite ce qu’elle a
fait des sentiments chevaleresques d’antan ?
Qu’a-t- elle fait de cette fameuse liberté pour
tous qu’elle réclamait à grands cris lorsqu’elle
se prétendait .opprimée par la gueuse ? Ces
nobles hobereaux sont-ils tellement dégénérés
que la peur les amène à baiser la botte d’un
Dupuy ?
Si quelque chose était capable d’atténuer
la douleur, la honte que nous cause l’acte
servile qui vient de s’accomplir, c’est la pensée
que ceux-là même qui ont aidé le gouverne
ment dans son œuvre malfaisante seront les
premières victimes de leur pusillanimité.
Bientôt la main de fer du président du Conseil
les étreindra à la gorge et étouffera le cri de
détresse qu’ils voudront pousser, mais trop
tard.
Nous savons bien qu’aucune pasquinade
n’a coûté au ministère pour terrifier la Cham
bre. Renouvelant la manièie de Bismarck
qui agitait le spectre français devant le
Reischtag toutes les fois qu’il voulait obtenir
un nouvel impôt, Dupuy a joué du fantôme
anarchiste avec un succès dont il doit être
fier. Au fond, il sait aussi bien que nous que
la presse anarchiste n’existe plus depuis beau
temps, seulement, comme il voulait jouir en
paix de sa dictature, comme il désirait être
ministre à vie, il a cherché et trouvé le moyen
de se rendre invulnérable. C’était bien simple :
laisser parler tous les gens qui consentiraient
à prendre ses instructions ; fermer la bouche
à ceux qui oseraient le discuter.
Qu’il soit heureux ! ça y est : le tour est
joué.
Désormais, messieurs les Députés, il faudra
être bien sages. Ne vgus avisez plus de déplaire
à votre seigneur et maître : il vous en cuirait.
Vous n’aurez, du reste, que ce que vous
méritez; des hommes courageux vous ont
montré le fossé; vous avez tenu à faire la
culbute, tant pis pour vous.
Vous avez pu entendre l’admirable discours
de Jaurès sans broncher, sans sentir la terri
ble responsabilité que vous encouriez et que,
cependant, l’éloquent orateur vous faisait tou
cher du doigt. H n’y a plus rien à attendre
de vous.
Quant à nous, chers confrères, prenons
garde ! Bon gré, mal gré, il va nous falloir
chanter Hosannah ! toutes les fois qu'un
emplumé ou un chamarré quelconque daignera
desserrer les dents pour nous signifier ses
volontés. Sans cela, en avant la déportation !
Eh bien ! non, nous n’irons pas jusque là.
Le gouvernement a gagné la première man
che, soit. Mais il a compté sans les hôtes du
Luxembourg qu’il traite dédaigneusement en
faisant dire par les feuilles officieuses qu’un
jour suffira au Sénat pour examiner et voter
la loi.
Les Pères conscrits ne se laisseront pas
mener comme de petits garçons, ils voudront
prouver à la France attentive qu’ils sont bons
à autre chose qu’à enregistrer les caprices du
pouvoir exécutif.
Peut-être seront-ils le grain de sable qui
renversera l’édifice laborieusement construit
par Dupuy.
Ce jour-là, nous serons bien forcé de recon
naître que la haute Assemblée est quelquefois
utile, et nous crierons bien sincèrement :
Vive le Sénat !
Pierre MÉRITEL.
ONE LOI POPULAIRE
Enfin, cette loi funeste, autant que fameuse, est
votée, après quinze jours de débats acharnés et
passionnants.
Les annales parlementaires n’ont peut-être
jamais enregistré une aussi mémorable bataille :
d’un côté, l’épaisse masse de la majorité si mer
veilleusement domestiquée par Dupuy et consorts,
de l’autre, une minuscule phalange socialiste et
radicale, combattant pied à pied, vaillamment et
sans répit.
Cette petite légion d’extrême-gauche a failli
mettre en déroute complète la grosse armée du
centre.
Samedi soir, de grands avantages avaient été
remportés et le désordre régnait complètement
dans cette loi désagrégée en partie par l’adoption
d’amendements en formelle contradiction avec les
textes d’ensemble.
Un peu plus, c’était la victoire des socialistes
et la chute irrémédiable du ministère ; mais la
majorité si éprouvée, a eu le dimanche tout entier
pour réparer ses pertes et choisir une nouvelle
tactique. Les généraux Dupuy, Rouvier, Reinach
ont sué sang et eau pour remonter le courage de
leurs soldats, auxquels ils ont recommandé de ne
plus combattre, c’est-à-dire de ne plus rien dire,
mais de se borner à opposer aux infatigables as
saillants leur masse, leur force d’inertie.
Aussi, depuis lundi jusqu’au vote du dernier
article (à part une brutalité à l’égard de la presse
assistant aux séances, qu’ils ont chassé de sa tri
bune), n’ont-ils plus fait qu’une chose : voter. Sur
un signe de Dupuy, ils votaient ; sur un geste de
Reinach, ils votaient... Plus de discussions, plus
de riposte aux attaques des socialistes ; le Gouver
nement daignait à peine accuser les coups, et ses
féaux votaient, votaient encore, votaient toujours.
Cependant, la séance de mercredi a fait excep
tion et le citoyen Jaurès, par un discours d’une
éloquence qui a frappé d’admiration ses plus hai
neux adversaires, a pu faire sortir de leur mutisme
les carpes gouvernementales. Dans une envolée
d’une haute conception de la responsabilité réelle
à établir sur les crimes d’anarchie, Jaurès trem
pant son doigt dans le sang des victimes, en a
marqué au front les hideux panamistesen disant :
« Les grands coupables responsables de l’anar
chisme, les voilà ! Frappez-Ies, eux aussi, ou bien
ne votez pas cette loi. »
Avec combien de justesse et de raison, ce bril
lant orateur a démontré que leur loi pourrait
s’appeler la loi des chéquards en remontant à
l’origine de cette politique funeste, dite des
affaires qui a étouffé la politique des principes,
contrairement à l’esprit de Gambetta lui-même.
Le régime politico-financier qui en est résulté,
nous a conduit au Panamisme, et c’est pour sau
vegarder les précieux avantages qu’en ont retirés
les fervents de ce système, c’est pour assurer leur
sécurité de jouissance que l’on vote cette loi,
négation de toute liberté.
Ils ne craindront plus que la Presse puisse
aboyer : « aux voleurs ! » ; iis pourront se livrer
à leurs fructueuses spéculations par l’injustice et
la corruption. Tout citoyen empêcheur de chéquer
en rond sera saisi, bloqué, puis relégué. Les me
sures sont déjà prises, dit-on, et tel amiral aurait
été pressenti sur les ressources actuelles que peu
vent offrir nos transports spéciaux pour la dépor
tation des socialistes et des mauvais esprits qui ne
veulent pas admettre que Casimir-Périer est Dieu
et que Dupuy est son prophète.
Nous ne nous sommes pas gênés jusqu’ici pour
proclamer hautement notre sentiment sur les
répugnants personnages pour lesquels Jaurès pro
posait le petit amendement suivant :
« Seront considérés comme ayant provoqué aux
actes de propagande anarchiste tous les ministres,
sénateurs, députés, qui auront trafiqué de leur
mandat, touché des pots-de-vin et participé à des
affaires financières véreuses, soit en figurant dans
les conseils d’administration de sociétés condam
nées en justice, soit en prônant lesdites affaires
par la presse ou par la parole devant une ou plu
sieurs personnes. »
Nous continuerons à penser tout haut au Réveil
du Havre; car cet amendement qui n’a été repoussé
qu’à une majorité de 4 voix aura, dans tout notre
pays de France, un retentissement favorable en
dépit de la loi scélérate ; rejeté par la Chambre, il
sera adopté par le peuple, dans le bon sens et la
probité duquel nous avons confiance.
D’ailleurs le Sénat ne s’est pas encore prononcé
à l’heure où nous écrivons ces lignes. Qui sait si
ces vieillards, ces vieilles harpes, selon l’expres
sion de Gambetta ne montreront pas plus d’indé
pendance que les centriers à Dupuy et que les
chéquards à Rouvier ? Peut-être le Luxembourg
réserve-t-il une surprise au Palais-Bourbon.
Avouez que la leçon serait singulièrement bonne.
Dans tous les cas, le pays a suivi les débats
avec un vif intérêt ; il sait aujourd’hui où se trou
vent ses vrais amis ; il saura les distinguer de
ceux qui, protecteurs de l’injustice et de la corrup
tion veulent lui ravir tout contrôle au risque de le
précipiter dans la guerre civile.
Pierre BOUCHARD.
LETTRE DE Ste-ADRESSE
Nous avons reçu d’un de nos amis de Ste-Adresse,
la très intéressante lettre suivante :
Monsieur le Directeur du journal
Le Réveil du Havre ,
J’ai lu avec plaisir, dans l’avant dernier numéro
mx DES INSERTIONS :
Annonces 25 cent, la ligne
Réclames 50 cent, la ligne
On traite à Forfait
de votre journal, l’entrefilet annonçant votre
intention d'ouvrir les colonnes du Réveil du Havre
aux communications intéressant la commune de
Ste-Adresse.
En prenant cette décision, vous avez répondu
aux souhaits d’un grand nombre de nos conci
toyens désireux, depuis longtemps, d’avoir à leur
disposition un organe leur permettant de formuler
librement leurs desiderata. Aussi, je viens au
nom d’un groupe de mes amis et en mon nom
personnel, vous remercier de l’hospitalité que vous
voulez bien offrir à nos communications, et vous
assurer que nous la mettrons bientôt à contribu
tion, pour demander certaines réformes qui demeu
rent dans l’oubli et n’entrent pas dans une période
de réalisation, faute d’être signalées à l’attention
de qui de droit.
En terminant, permettez-moi, Monsieur le
Directeur, un léger avis. Ne vous départissez, sous
aucun prétexte, des conditions que votre annonce
impose à ces communications pour trouver bon
accueil dans vos colonnes ! Que celles-ci ne puis
sent pas prendre une tournure agressive et ne
revêtent jamais un caractère diffamatoire, et vous
aurez fait de la bonne besogne.
Veuillez excuser à ma franchise le petit conseil
ci-dessus et croyez, Monsieur le Directeur, à ma.
profonde estime.
Un lecteur assidu de Sainte-Adresse .
Sainte-Adresse, le 22 juillet 1894.
*
* *
Nous sommes trop heureux de la promesse de-
communications qui nous est faite par notre cor
respondant, pour ne pas l’enregistrer comme le
gage d’une collaboration suivie de sa part.
En ouvrant une chronique de Ste-Adresse, nous
avions pensé être utile à nos concitoyens: la lettre
ci-dessus vient de nous prouver que nous ne nous
étions pas trompé et nous engage à persévérer -
dans notre idée. A Sainte-Adresse, comme partout
ailleurs, il y a des réformes à faire — réformes
urgentes souvent, — mais qui n’entrent pas dans
une période de réalisation — comme nous l’écrit
notre aimable correspondant — faute d’être signa
lées à qui de droit.
On recule toujours devant les ennuis d’une
pétition pour obtenir satisfaction sur un point de
détail qui a cependant son importance. D’un
autre côté, une réclamation individuelle risque
fort de n’être pas prise en considération, tandis
qu’un article de journal, par la publicité qu’il
reçoit, a plus de chances d’amener un résultat.
C’est pourquoi nous nous ferons l’interprète de
celles des réclamations ou réformes qui seront
portées à notre connaissance et les soutiendrons,
avec énergie, auprès des personnes susceptibles
de les faire aboutir.
Nous avons le ferme espoir d’être aidé dans notre
tâche par nos concitoyens, qui peuvent être assu
rés de trouver près de nous la plus grande sympa
thie pour leurs communications.
Pour terminer, remercions notre ami de Ste-
Adresse du petit conseil contenu dans sa lettre.
Nous sommes bien d’accord avec lui sur le point
qu’il vise et pouvons lui donner la ferme assurance
que nous écarterons impitoyablement celles des
communications qui ne seraient pas courtoises et
renfermeraient une allégation diffamatoire. D’ail
leurs, notre entrefilet d’il y a 15 jours, ne présen
tait aucune ambiguïté à ce sujet.
Maintenant, nous sommes à la disposition de nos
amis de Ste-Adresse, et commencerons samedi pro
chain notre première chronique,d’après les rensei
gnements qui nous seront parvenus.
★
* #
Samedi dernier, dans notre compte rendu de la
Cavalcade de Ste-Adresse, nous avons attribué;
une barbe postiche au Roi Charles IX, alors que-
celui-ci était imberbe comme le devait être uir
roitelet de 13 ans. Nous nous empressons de rec
tifier notre erreur, pour donner satisfaction à l’ami
B... qui a été très sensible, paraît-il, au reproche
que nous lui avions fait de n’être pas entré complè
tement dans la peau de son personnage. Avec ou
sans barbe, il n’en est pas moins le parfait cava
lier que nous avons dit.
A. DRESSE.
CINQ CENTIMES LE NUMERO
4 e innée — 10 Thermidor in 102 — N° 155
ORGANE RÉPUBLICAIN-SOCIALISTE INDÉPENDANT
— - -------
PBIX DES ABONNEMENTS :
UN AN SIX MOIS
Le Havre..... 3 fr. 2 fr.
Départements 4 fr. 2 50
ADMINISTRATION & RÉDACTION
15, RUE CASIMIR-PÉHIRR, 15
LE RÉVEIL DU HAVRE paraît tous les Samedis
A U
SÉNAT
AU SÉNAT
La Chambre des députés a enfin voté cette
fameuse loi contre les menées anarchistes
(lisez contre la presse).
Cédant à l’inqualifiable pression ministé
rielle, les défenseurs nés de la liberté vien
nent de forger les fers qui leur sont destinés.
Car, que nos bons parlementaires ne s’y trom
pent pas, en bâillonnant la presse, ils ont
donné au gouvernement le moyen de suppri
mer toutcontrôle, d’empécher toute discussion
desesactes, môme etsurtoutles plus arbitraires.
Les électeurs ne connaîtront plus des affaires
publiques que ce que Dupuy voudra bien
leur laisser dire par un semblant de presse;
celle qui ne craint pas d’affirmer que son
indépendance ne souffrira aucunement de
l’application de la loi nouvelle. Nous le cro
yons facilement : comment porter atteinte à
«ne chose qui n’existe pas?
Le journaliste, le vrai, celui qui écrivait
selon sa conscience, va disparaître, c’est là
le but depuis longtemps caressé par le grand
Auvergnat.
Par quelle aberration, par quel -étrange
concours de circonstances a-t-il été impossible
de former, dans une Chambre qui, après tout,
compte des hommes intelligents, un groupe
d’opposition assez compact, assez fort, pour
faire échec aux menées ténébreuses du minis
tère ? Une loi rétrograde, donnant un pouvoir
formidable à quelques hommes dont tout
commandait de se défier, a été acceptée par
lés représentants du peuple qui s’honorait
d’être le plus libéral du monde.
La piètre conseillère que la peur !
Il a suffi à un ministre, que rien ne recom
mande, de poser la question de confiance tous
les quarts d’heure, pour amener une majorité
vacillante à lui livrer la France pieds et poings
liés.
Sans parler des faux républicains, dont le
concours dévoué est toujours acquis au gou
vernement de quelque nuance qu’il soit, il est
permis de demander à la droite ce qu’elle a
fait des sentiments chevaleresques d’antan ?
Qu’a-t- elle fait de cette fameuse liberté pour
tous qu’elle réclamait à grands cris lorsqu’elle
se prétendait .opprimée par la gueuse ? Ces
nobles hobereaux sont-ils tellement dégénérés
que la peur les amène à baiser la botte d’un
Dupuy ?
Si quelque chose était capable d’atténuer
la douleur, la honte que nous cause l’acte
servile qui vient de s’accomplir, c’est la pensée
que ceux-là même qui ont aidé le gouverne
ment dans son œuvre malfaisante seront les
premières victimes de leur pusillanimité.
Bientôt la main de fer du président du Conseil
les étreindra à la gorge et étouffera le cri de
détresse qu’ils voudront pousser, mais trop
tard.
Nous savons bien qu’aucune pasquinade
n’a coûté au ministère pour terrifier la Cham
bre. Renouvelant la manièie de Bismarck
qui agitait le spectre français devant le
Reischtag toutes les fois qu’il voulait obtenir
un nouvel impôt, Dupuy a joué du fantôme
anarchiste avec un succès dont il doit être
fier. Au fond, il sait aussi bien que nous que
la presse anarchiste n’existe plus depuis beau
temps, seulement, comme il voulait jouir en
paix de sa dictature, comme il désirait être
ministre à vie, il a cherché et trouvé le moyen
de se rendre invulnérable. C’était bien simple :
laisser parler tous les gens qui consentiraient
à prendre ses instructions ; fermer la bouche
à ceux qui oseraient le discuter.
Qu’il soit heureux ! ça y est : le tour est
joué.
Désormais, messieurs les Députés, il faudra
être bien sages. Ne vgus avisez plus de déplaire
à votre seigneur et maître : il vous en cuirait.
Vous n’aurez, du reste, que ce que vous
méritez; des hommes courageux vous ont
montré le fossé; vous avez tenu à faire la
culbute, tant pis pour vous.
Vous avez pu entendre l’admirable discours
de Jaurès sans broncher, sans sentir la terri
ble responsabilité que vous encouriez et que,
cependant, l’éloquent orateur vous faisait tou
cher du doigt. H n’y a plus rien à attendre
de vous.
Quant à nous, chers confrères, prenons
garde ! Bon gré, mal gré, il va nous falloir
chanter Hosannah ! toutes les fois qu'un
emplumé ou un chamarré quelconque daignera
desserrer les dents pour nous signifier ses
volontés. Sans cela, en avant la déportation !
Eh bien ! non, nous n’irons pas jusque là.
Le gouvernement a gagné la première man
che, soit. Mais il a compté sans les hôtes du
Luxembourg qu’il traite dédaigneusement en
faisant dire par les feuilles officieuses qu’un
jour suffira au Sénat pour examiner et voter
la loi.
Les Pères conscrits ne se laisseront pas
mener comme de petits garçons, ils voudront
prouver à la France attentive qu’ils sont bons
à autre chose qu’à enregistrer les caprices du
pouvoir exécutif.
Peut-être seront-ils le grain de sable qui
renversera l’édifice laborieusement construit
par Dupuy.
Ce jour-là, nous serons bien forcé de recon
naître que la haute Assemblée est quelquefois
utile, et nous crierons bien sincèrement :
Vive le Sénat !
Pierre MÉRITEL.
ONE LOI POPULAIRE
Enfin, cette loi funeste, autant que fameuse, est
votée, après quinze jours de débats acharnés et
passionnants.
Les annales parlementaires n’ont peut-être
jamais enregistré une aussi mémorable bataille :
d’un côté, l’épaisse masse de la majorité si mer
veilleusement domestiquée par Dupuy et consorts,
de l’autre, une minuscule phalange socialiste et
radicale, combattant pied à pied, vaillamment et
sans répit.
Cette petite légion d’extrême-gauche a failli
mettre en déroute complète la grosse armée du
centre.
Samedi soir, de grands avantages avaient été
remportés et le désordre régnait complètement
dans cette loi désagrégée en partie par l’adoption
d’amendements en formelle contradiction avec les
textes d’ensemble.
Un peu plus, c’était la victoire des socialistes
et la chute irrémédiable du ministère ; mais la
majorité si éprouvée, a eu le dimanche tout entier
pour réparer ses pertes et choisir une nouvelle
tactique. Les généraux Dupuy, Rouvier, Reinach
ont sué sang et eau pour remonter le courage de
leurs soldats, auxquels ils ont recommandé de ne
plus combattre, c’est-à-dire de ne plus rien dire,
mais de se borner à opposer aux infatigables as
saillants leur masse, leur force d’inertie.
Aussi, depuis lundi jusqu’au vote du dernier
article (à part une brutalité à l’égard de la presse
assistant aux séances, qu’ils ont chassé de sa tri
bune), n’ont-ils plus fait qu’une chose : voter. Sur
un signe de Dupuy, ils votaient ; sur un geste de
Reinach, ils votaient... Plus de discussions, plus
de riposte aux attaques des socialistes ; le Gouver
nement daignait à peine accuser les coups, et ses
féaux votaient, votaient encore, votaient toujours.
Cependant, la séance de mercredi a fait excep
tion et le citoyen Jaurès, par un discours d’une
éloquence qui a frappé d’admiration ses plus hai
neux adversaires, a pu faire sortir de leur mutisme
les carpes gouvernementales. Dans une envolée
d’une haute conception de la responsabilité réelle
à établir sur les crimes d’anarchie, Jaurès trem
pant son doigt dans le sang des victimes, en a
marqué au front les hideux panamistesen disant :
« Les grands coupables responsables de l’anar
chisme, les voilà ! Frappez-Ies, eux aussi, ou bien
ne votez pas cette loi. »
Avec combien de justesse et de raison, ce bril
lant orateur a démontré que leur loi pourrait
s’appeler la loi des chéquards en remontant à
l’origine de cette politique funeste, dite des
affaires qui a étouffé la politique des principes,
contrairement à l’esprit de Gambetta lui-même.
Le régime politico-financier qui en est résulté,
nous a conduit au Panamisme, et c’est pour sau
vegarder les précieux avantages qu’en ont retirés
les fervents de ce système, c’est pour assurer leur
sécurité de jouissance que l’on vote cette loi,
négation de toute liberté.
Ils ne craindront plus que la Presse puisse
aboyer : « aux voleurs ! » ; iis pourront se livrer
à leurs fructueuses spéculations par l’injustice et
la corruption. Tout citoyen empêcheur de chéquer
en rond sera saisi, bloqué, puis relégué. Les me
sures sont déjà prises, dit-on, et tel amiral aurait
été pressenti sur les ressources actuelles que peu
vent offrir nos transports spéciaux pour la dépor
tation des socialistes et des mauvais esprits qui ne
veulent pas admettre que Casimir-Périer est Dieu
et que Dupuy est son prophète.
Nous ne nous sommes pas gênés jusqu’ici pour
proclamer hautement notre sentiment sur les
répugnants personnages pour lesquels Jaurès pro
posait le petit amendement suivant :
« Seront considérés comme ayant provoqué aux
actes de propagande anarchiste tous les ministres,
sénateurs, députés, qui auront trafiqué de leur
mandat, touché des pots-de-vin et participé à des
affaires financières véreuses, soit en figurant dans
les conseils d’administration de sociétés condam
nées en justice, soit en prônant lesdites affaires
par la presse ou par la parole devant une ou plu
sieurs personnes. »
Nous continuerons à penser tout haut au Réveil
du Havre; car cet amendement qui n’a été repoussé
qu’à une majorité de 4 voix aura, dans tout notre
pays de France, un retentissement favorable en
dépit de la loi scélérate ; rejeté par la Chambre, il
sera adopté par le peuple, dans le bon sens et la
probité duquel nous avons confiance.
D’ailleurs le Sénat ne s’est pas encore prononcé
à l’heure où nous écrivons ces lignes. Qui sait si
ces vieillards, ces vieilles harpes, selon l’expres
sion de Gambetta ne montreront pas plus d’indé
pendance que les centriers à Dupuy et que les
chéquards à Rouvier ? Peut-être le Luxembourg
réserve-t-il une surprise au Palais-Bourbon.
Avouez que la leçon serait singulièrement bonne.
Dans tous les cas, le pays a suivi les débats
avec un vif intérêt ; il sait aujourd’hui où se trou
vent ses vrais amis ; il saura les distinguer de
ceux qui, protecteurs de l’injustice et de la corrup
tion veulent lui ravir tout contrôle au risque de le
précipiter dans la guerre civile.
Pierre BOUCHARD.
LETTRE DE Ste-ADRESSE
Nous avons reçu d’un de nos amis de Ste-Adresse,
la très intéressante lettre suivante :
Monsieur le Directeur du journal
Le Réveil du Havre ,
J’ai lu avec plaisir, dans l’avant dernier numéro
mx DES INSERTIONS :
Annonces 25 cent, la ligne
Réclames 50 cent, la ligne
On traite à Forfait
de votre journal, l’entrefilet annonçant votre
intention d'ouvrir les colonnes du Réveil du Havre
aux communications intéressant la commune de
Ste-Adresse.
En prenant cette décision, vous avez répondu
aux souhaits d’un grand nombre de nos conci
toyens désireux, depuis longtemps, d’avoir à leur
disposition un organe leur permettant de formuler
librement leurs desiderata. Aussi, je viens au
nom d’un groupe de mes amis et en mon nom
personnel, vous remercier de l’hospitalité que vous
voulez bien offrir à nos communications, et vous
assurer que nous la mettrons bientôt à contribu
tion, pour demander certaines réformes qui demeu
rent dans l’oubli et n’entrent pas dans une période
de réalisation, faute d’être signalées à l’attention
de qui de droit.
En terminant, permettez-moi, Monsieur le
Directeur, un léger avis. Ne vous départissez, sous
aucun prétexte, des conditions que votre annonce
impose à ces communications pour trouver bon
accueil dans vos colonnes ! Que celles-ci ne puis
sent pas prendre une tournure agressive et ne
revêtent jamais un caractère diffamatoire, et vous
aurez fait de la bonne besogne.
Veuillez excuser à ma franchise le petit conseil
ci-dessus et croyez, Monsieur le Directeur, à ma.
profonde estime.
Un lecteur assidu de Sainte-Adresse .
Sainte-Adresse, le 22 juillet 1894.
*
* *
Nous sommes trop heureux de la promesse de-
communications qui nous est faite par notre cor
respondant, pour ne pas l’enregistrer comme le
gage d’une collaboration suivie de sa part.
En ouvrant une chronique de Ste-Adresse, nous
avions pensé être utile à nos concitoyens: la lettre
ci-dessus vient de nous prouver que nous ne nous
étions pas trompé et nous engage à persévérer -
dans notre idée. A Sainte-Adresse, comme partout
ailleurs, il y a des réformes à faire — réformes
urgentes souvent, — mais qui n’entrent pas dans
une période de réalisation — comme nous l’écrit
notre aimable correspondant — faute d’être signa
lées à qui de droit.
On recule toujours devant les ennuis d’une
pétition pour obtenir satisfaction sur un point de
détail qui a cependant son importance. D’un
autre côté, une réclamation individuelle risque
fort de n’être pas prise en considération, tandis
qu’un article de journal, par la publicité qu’il
reçoit, a plus de chances d’amener un résultat.
C’est pourquoi nous nous ferons l’interprète de
celles des réclamations ou réformes qui seront
portées à notre connaissance et les soutiendrons,
avec énergie, auprès des personnes susceptibles
de les faire aboutir.
Nous avons le ferme espoir d’être aidé dans notre
tâche par nos concitoyens, qui peuvent être assu
rés de trouver près de nous la plus grande sympa
thie pour leurs communications.
Pour terminer, remercions notre ami de Ste-
Adresse du petit conseil contenu dans sa lettre.
Nous sommes bien d’accord avec lui sur le point
qu’il vise et pouvons lui donner la ferme assurance
que nous écarterons impitoyablement celles des
communications qui ne seraient pas courtoises et
renfermeraient une allégation diffamatoire. D’ail
leurs, notre entrefilet d’il y a 15 jours, ne présen
tait aucune ambiguïté à ce sujet.
Maintenant, nous sommes à la disposition de nos
amis de Ste-Adresse, et commencerons samedi pro
chain notre première chronique,d’après les rensei
gnements qui nous seront parvenus.
★
* #
Samedi dernier, dans notre compte rendu de la
Cavalcade de Ste-Adresse, nous avons attribué;
une barbe postiche au Roi Charles IX, alors que-
celui-ci était imberbe comme le devait être uir
roitelet de 13 ans. Nous nous empressons de rec
tifier notre erreur, pour donner satisfaction à l’ami
B... qui a été très sensible, paraît-il, au reproche
que nous lui avions fait de n’être pas entré complè
tement dans la peau de son personnage. Avec ou
sans barbe, il n’en est pas moins le parfait cava
lier que nous avons dit.
A. DRESSE.
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