Titre : Le Réveil du Havre : organe républicain ["puis" organe républicain-socialiste indépendant "puis" organe du Parti républicain démocratique]
Éditeur : [s.n.] (Le Havre)
Date d'édition : 1894-08-04
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32854639q
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 04 août 1894 04 août 1894
Description : 1894/08/04 (N156). 1894/08/04 (N156).
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k3263355n
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-89667
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 28/04/2019
4 e Afinée — 17 Thermidor An 102 — N # 156
ORGANE RÉPUBLICAIN-SOCIALISTE INDÉPENDANT
FBIX DES ABONNEMENTS :
Le Havre....
Départements.
UN an six MOIS
3 fr. 2 fr.
4 fr. 2 50
ADMINISTRATION & RÉDACTION
15, RUE CASIMIR-PÉRIRR, 15
LE RÉVEIL DU HAVRE paraît tous les Samedis
PRIX DES INSERTIONS:
Annonces 25 cent, la ligne
Réclames 50 cent, la ligne
On traite à Forfait
La Réorganisation de la Police
ÀMABON BRULÉ
:l_a_
ilRdilAiyi LA M1C1
Pendant que députés er sénateurs jouissent
en paix des vacances, qu’ils ont bien gagnées,
si l’on songe aux longs et fructueux travaux
de la session qui vient de prendre tin ; tra
vaux qui ont effleuré toutes les questions
sans en résoudre aucune et ont abouti à la
fameuse loi que l’on sait, M. le Ministre de
l'Intérieur est loin de se reposer sur ses lau
riers. Chacun le croit en quelque délicieuse
station balnéaire, rétablissant sa santé ébran
lée par les.émotions de toutes sortes éprouvées
en quelques mois, buvant religieusement le
nombre de Verres d’eau réglementaire et con
templant les jaillissantes fontaines dont :
La gerbe épanouie
En mille Heurs,
Où Phœbé réjouie
Met ses couleurs,
Tombe comme une pluie
De larges pleurs.
Plus prosaïque, il s’occupe tout simplement
d’un projet de loi portant réorganisation
complète de la police.
D’après renseignements pris à bonne source,
M. Dupuy songerait à centraliser tous les
services dans la main d’un fonctionnaire
unique et s’efforcerait d’enlever aux muni
cipalités toute influence sur les agents des dits
services.
En un mot, nous assisteric ns, sans doute,
à la création d’un ministère de la police.
On n’ose pas encore le dire, mais on y court
à grands pas.
Que pensez-vous de cela ?
Il ne suffit pas au président du Conseil
d’avoir fait voter une loi draconienne, il lui
faut encore les moyens de l’appliquer souvent,
très souvent.
Or, malgré l’invite à la dénonciation in
troduite dans un des articles, M. Dupuy
connaît assez les Français pour savoir que le
rôle de mouchard est peu goûté par nos com
patriotes. Ce n’est pas sans amertune qu’il
songe qu’il n’aura pas journellement une cin
quantaine de citoyens à faire déporter. À force
de se creuser la cervelle, il vient de s’écrier :
Eurêka !
En effet, enlever aux Maires tout pouvoir
sur les polices municipales, fondre toutes les
polices en une seule qui marchera comme un
seul homme à un simple signe du gouverne
ment, c’est là une conception digne d’un
porphyrogénète et nous ne devons pas nous
étonner qu’elle émane d’un homme aussi
libéral.
De cette façon, il sera facile d’augmenter
dans une large proportion le nombre des
agents provocateurs.
La France sera divisée en deux camps ;
d’un côté, les mouchards ; de l’autre, les
citoyens honnêtes et paisibles qui seront en
butte aux vexations d’une genfe policière à
laquelle on aura laissé la bride sur le cou et
qui, nous en sommes certains, n’aura pas
besoin d’excitant pour nous montrer son
savoir-faire.
De Morny, préparant le coup d’Etat du
2 Décembre, n’opérait pas plus habilement.
M. Dupuy tient à le dépasser.
A sa rentrée, le Parlement suivra-t-il le
ministre dans la voie dangereuse où il veut
l’entraîner ? On ne saurait certes dire ce que
nous deviendrons d'ici la fin de cette légis
lature, quels événement surgiront.
On peut dire, du moins, que le pays vit au
milieu de cruelles énigmes, agité, inquiet,
assiégé par le problème social sans cesse
renaissant, désirant la paix intérieure, fati
gué d’être ballotté entre la liberté et la servi
tude, appelant de toutes ses forces la réali
sation des vœux légitimes de la démocratie et
répudiant hautement les procédés monar
chiques, mis en honneur par un gouverne
ment réactionnaire, portant une étiquette
républicaine.
Nous espérons qu'après avoir pris contact
a vec leurs électeurs, les parlementaires se seron t
assez imprégnés de l’esprit populaire pour
donner vigoureusement le coup de balai, qui
rendra Dupuy et consorts aux douceurs de
la vie privée.
Nous aurons grand plaisir à entendre l’ex
universitaire se dire :
Mon rêve est mort sans espoir qu’il renaisse ;
Le temps m’échappe, et l’orgueil imposteur
Pousse au néant les jours de ma jeunesse.
Comme un troupeau dont il fut le pasteur.
Pierre MÉR1TEL.
ENGINS DE GUERRE
La commission des inventions militaires vient
d’inviter le fameux Turpin à faire les expériences
décisives pour prouver l’excellence de sa merveil
leuse machine de guerre. On va, bien entendu, lui
donner pour cela toutes les facilités nécessaires et
nous espérons, avec tous les patriotes, un succès
indiscutable.
Mais voici qu’un autre inventeur, très pauvre
dit-on, met, à l’instar de Turpin, la commission
en demeure d’examiner très sérieusement un engin
destructeur inédit et de lui donner, comme à Tur
pin, des facilités d’expérimentation, sous menace
de le vendre à l’étranger, toujours comme Turpin,
dans le cas où en ferait fi.
Voilà une commission bien embarrassée, car, à
chaque instant, les inventeurs viennent lui mettre
sous la gorge une nouvelle mécanique avec force
menaces et récriminations.
Vrai, un peu de plus, je plaindrais ces braves
militaires techniciens.
Cette fois, il paraît que c’est on ne peut plus
sérieux (toujours comme pour Turpin) ; il s’agit
d’une roue meurtrière qui, placée sur les rails
d’une voie ferrée partirait seule, après une légère
impulsion initiale, à la vitesse de 120 kilomètres
à l’heure. Son diamètre est de 5 mètres, son épais
seur de 2 m. 50. Elle est creuse et porte 24 obus
de 0 m. 90 de longueur, chacun de ces obus en
contient 4 ou 5 dans son intérieur.
Cette roue énorme pèserait, toute chargée,
20,000 kilog. environ. Lancée sur une voie de
chemin de fer avec la vitesse que nous avons citée
tout à l’heure, elle viendrait à la rencontre d’un
train chargé de troupes ou de munitions et, dans
son éclatement formidable, le détruirait entière
ment par l’explosion simultanée de 100 ou 120
obus à la mélinite.
Quelle fricassée, mes enfants, et comme c’est
beau la guerre scientifique !
Pauvre humanité, sans cesse occupée à se muti
ler bêtement pour le plus grand plaisir et intérêt
de ses exploiteurs !...
P. H.
DUEL DRUMONT-D’ELVA
Drumont a été blessé à la cuisse gauche, dès la
première reprise, après un très vif engagement.
Il paraît que ce duel est en train do faire des
petits et MM. de Boisandré et Papillaud de la
Libre Parole ont dû envoyer leurs témoins a MM.
de Dion et Paulmier, témoins de M. d’Elva, au
sujet de l’article de Drumont, paru mardi matin.
Bon courage, messieurs !
Un journal havrais trouvait dernièrement ab
surde et ridicule « l’invention des agents provo
cateurs » qui, disait-il, n’avaient jamais existé
que dans le cerveau des députés socialistes.
A ce stipendié, nous mettrons tout simplement
sous les yeux ce fragment du procès intenté au
journal Le Peuple , par la préfecture du Rhône et
1 1 police de Lyon, relatif à un certain Amadon :
— M e Viviani. — Vous dites, Monsieur l’avo
cat général, que le témoin (Amadon) a appartenu
à la police. En quelle qualité ? Est-ce comme gar
dien de la paix ?
— L’avocat général. — Non !
— M* Viviani. — Alors, c’est comme agent de
la police politique ?... C’est comme agent provo
cateur?...
Silence de M. l'avocat général.
— M* Viviani. — Ce silence me suffit.
Pas besoin de commentaires, n’est-ce pas ?
LES GAIETÉS DE LA SEMAINE
Le Banquet des 100 kilos
En cette époque où l’ambition de nos contem
porains est de détenir un record quelconque, il
semblait tout naturel que les gens gratifiés par la
nature d’un abdomen développé, voulussent aussi
créer une association dont le mieux partagé, au
point de vue du poids, détiendrait le record et
serait, de tout droit, le président.
Il vient, en effet, de se fonder à Saint-Denis
(Seine) un cercle qui prend le titre de Société
amicale « des 100 kilos.
Il sera indispensable, pour faire partie de la
susdite société, d’avoir le poids indiqué par les
statuts.
Il ne sera tenu aucun compte de la qualité des
postulants. On n’exigera que la quantité et le
volume.
Ceci est d’ailleurs prouvé par l’exemple suivant:
Un conseiller d’arrondissement, M. Gambier,
ayant posé sa candidature, s'est vu impitoyable
ment éliminé, parce que, une fois ses poches
vidées, il ne pesait que quatre-vingt dix-neuf kilos
et cent grammes !
Faute de neuf cents grammes, M. Gambier n’a
pu être admis.
On a tout lieu de croire qu’il prendra des mesu
res pour pouvoir subir, avec succès, les épreuves
d’admission, au prochain concours.
Un banquet mensuel réunira ces messieurs et
leur permettra de se rendre compte de leur état et
de l’améliorer au besoin, chacun devant avoir
l’ambition de décrocher la timbale du record.
Cette association des seize négociants prouve
que le commerce se porte bien à Saint-Denis, ce
qui est toujours agréable à constater et que, de
plus, les gens considérables n’y font point défaut.
J. NARZAC.
PAR
L’Homme qui rit
LA FIN DUNE RACE
Sur la vaste pelouse à l’épais tapis de boue, tout
un monde de gens affairés est là, qui patauge.
Jeunes et vieux, maigres et gras, tous vont, vien
nent, avec un entrain endiablé, devisant, en un
argot étrange où reviennent sans cesse les mots :
favori... bien en forme... disqualification...
tuyau... performance... et tutti quanti.
Les paris s’engagent ; les poules commencent ;
les bureaux du mutuel sont pris d’assaut! Les
books formnat la haie, brandissant leurs tableaux
de cotes, et dominant le brouhaha général de leurs
cris canailles : « Voyez la queute l... Linotte,
six contre un je donne !... Qui paie deux,
Laïs 1 ... »
Un bruit assourdissant emplit l’air et martèle le
tympan. On se croirait à la Bourse autour de la
corbeille, ou aux halles un jour de marché.
Les amis se happent au passage et se communi
quent — d’un air conspirateur — les surprises de
la dernière minute, le nom du tuyau qui, tout à
l’heure, leur fera.. perdre leurs cent sous.
Cependant, la cloche retentit. Les chevaux sor
tent du pesage et défilent sur la piste, sous le
regard curieux des jolies mondaines aux pimpantes
toilettes claires, un peu risquées par ce ciel gris
ardoise.
Mais le signal est donné ; le drapeau s’abaisse ;
les chevaux partent ventre à terre emportant dans
leur course folle leur jockey dont la casaque en.
soie bariolée jette quand même sa note gaie sous
le jour sale. Ils vont à bride abattue, dévorant
l’espace, pour... s’améliorer.
S’améliorer ?... Qui croit encore à l’améliora
tion de la race chevaline par les courses, aujour
d’hui ? Pas moi, je vous assure ! S’il y a amélio
ration ici, c’est de la caisse des veinards et voilà
tout !
Et puis, pourquoi l’améliorer maintenant, ce
pauvre cheval ? Est-ce pour lui faire sentir davan
tage que sa race touche à sa fin ? Car, n’en doutez
pas, la race chevaline est en train de disparaître
delà... circulation. Le chemin de fer et dame
bicyclette lui ont déjà porté un rude coup, et le
pétrole, la vapeur, le gaz, l’électricité, le petit
journal, que sais-je encore ! achèveront sa sup
pression... en tant que moteur, bien entendu!
C’est l’inéluctable loi du transformisme qui s’atta
che à ses pas. Il aura beau lutter, il ne pourra pas
s’y soustraire. Petit à petit, on le supprimera pour
le remplacer par des moteurs plus rapides. Et
tenez, dans l'armée, il ne sera plus bientôt qu’à
l’état de souvenir.
Déjà, la reine bicyclette y a fait son apparition.
Avant peu, nos brillants officiers seront montés
sur des machines automobiles auxquelles on don
nera, bien entendu, des formes plus gracieuses
que celles des voitures ayant pris part au concours
de l’autre jour. Rien n’empêcherait de leur con
server l’apparence d’un superbe coursier, mais au
lieu d’une tête de cheval, on placerait à l’avant de
la machine, comme autrefois à la proue des voi
liers, le buste d’Attila, de Jules César, de Napo
léon I er , ou d’un autre tyran, pour servir d’exemple
à nos généraux et les entraîner au feu. Et au lieu
de lire dans les comptes rendus de batailles qu’à
l’attaque du fort de X, le colonel Z a eu son cheval
tué sous lui, on y trouvera à l’avenir des notes de
ce genre : « Au combat de N, le brave général G
a eu sa machine fortement endommagée par un
éclat d’obus qui lui a fait une telle brèche, que
l’échappement devipeur qui s’est produit a fait
craindre un moment une explosion. »
On finira bien par trouver aussi, espérons-le,
un moteur pratique — au pétrole, par exemple —
pour le char de l’Etat. Du coup, ce sera le boule
versement complet de toutes nos idées leçues et,
en présence du terrible liquide devenu instrument
de progrès et de civilisation, il nous faudra faire
amende honorable et élever des statues à Maxime
Lisbonne, son précurseur.
Oui, le règne du cheval est bien fini, mainte
nant! Don Quichotte rougirait aujourd’hui de sa
rossinante.
Il n’est plus utile d’enfourcher Pégase pour
atteindre au Parnasse : un simple pneu ou une
marche sur les mains suffisent de nos jours pour
mener à la gloire.
Et lui, le fougueux solipède, quel rôle jouera-t-il
dans les sociétés de demain ? C’est bien simple !
Repoussé par le tramway, dédaigné par le fiacre,
méprisé par le camion, il aura le même sort que
son prédécesseur, le bœuf, qu’il a détrôné
Car il est de ce inonde où coucous et carrosses
Ont le pire destin.
Et rosse il vivra ce que vivent les rosses,
L’espace d’un matin.
Et au lieu de l’entraîner à des courses échevelées,
sous prétexte d’amélioration, on le laissera paisi
blement paître dans les vertes prairies où il s’en
graissera en vue de la boucherie hippophagique.
ORGANE RÉPUBLICAIN-SOCIALISTE INDÉPENDANT
FBIX DES ABONNEMENTS :
Le Havre....
Départements.
UN an six MOIS
3 fr. 2 fr.
4 fr. 2 50
ADMINISTRATION & RÉDACTION
15, RUE CASIMIR-PÉRIRR, 15
LE RÉVEIL DU HAVRE paraît tous les Samedis
PRIX DES INSERTIONS:
Annonces 25 cent, la ligne
Réclames 50 cent, la ligne
On traite à Forfait
La Réorganisation de la Police
ÀMABON BRULÉ
:l_a_
ilRdilAiyi LA M1C1
Pendant que députés er sénateurs jouissent
en paix des vacances, qu’ils ont bien gagnées,
si l’on songe aux longs et fructueux travaux
de la session qui vient de prendre tin ; tra
vaux qui ont effleuré toutes les questions
sans en résoudre aucune et ont abouti à la
fameuse loi que l’on sait, M. le Ministre de
l'Intérieur est loin de se reposer sur ses lau
riers. Chacun le croit en quelque délicieuse
station balnéaire, rétablissant sa santé ébran
lée par les.émotions de toutes sortes éprouvées
en quelques mois, buvant religieusement le
nombre de Verres d’eau réglementaire et con
templant les jaillissantes fontaines dont :
La gerbe épanouie
En mille Heurs,
Où Phœbé réjouie
Met ses couleurs,
Tombe comme une pluie
De larges pleurs.
Plus prosaïque, il s’occupe tout simplement
d’un projet de loi portant réorganisation
complète de la police.
D’après renseignements pris à bonne source,
M. Dupuy songerait à centraliser tous les
services dans la main d’un fonctionnaire
unique et s’efforcerait d’enlever aux muni
cipalités toute influence sur les agents des dits
services.
En un mot, nous assisteric ns, sans doute,
à la création d’un ministère de la police.
On n’ose pas encore le dire, mais on y court
à grands pas.
Que pensez-vous de cela ?
Il ne suffit pas au président du Conseil
d’avoir fait voter une loi draconienne, il lui
faut encore les moyens de l’appliquer souvent,
très souvent.
Or, malgré l’invite à la dénonciation in
troduite dans un des articles, M. Dupuy
connaît assez les Français pour savoir que le
rôle de mouchard est peu goûté par nos com
patriotes. Ce n’est pas sans amertune qu’il
songe qu’il n’aura pas journellement une cin
quantaine de citoyens à faire déporter. À force
de se creuser la cervelle, il vient de s’écrier :
Eurêka !
En effet, enlever aux Maires tout pouvoir
sur les polices municipales, fondre toutes les
polices en une seule qui marchera comme un
seul homme à un simple signe du gouverne
ment, c’est là une conception digne d’un
porphyrogénète et nous ne devons pas nous
étonner qu’elle émane d’un homme aussi
libéral.
De cette façon, il sera facile d’augmenter
dans une large proportion le nombre des
agents provocateurs.
La France sera divisée en deux camps ;
d’un côté, les mouchards ; de l’autre, les
citoyens honnêtes et paisibles qui seront en
butte aux vexations d’une genfe policière à
laquelle on aura laissé la bride sur le cou et
qui, nous en sommes certains, n’aura pas
besoin d’excitant pour nous montrer son
savoir-faire.
De Morny, préparant le coup d’Etat du
2 Décembre, n’opérait pas plus habilement.
M. Dupuy tient à le dépasser.
A sa rentrée, le Parlement suivra-t-il le
ministre dans la voie dangereuse où il veut
l’entraîner ? On ne saurait certes dire ce que
nous deviendrons d'ici la fin de cette légis
lature, quels événement surgiront.
On peut dire, du moins, que le pays vit au
milieu de cruelles énigmes, agité, inquiet,
assiégé par le problème social sans cesse
renaissant, désirant la paix intérieure, fati
gué d’être ballotté entre la liberté et la servi
tude, appelant de toutes ses forces la réali
sation des vœux légitimes de la démocratie et
répudiant hautement les procédés monar
chiques, mis en honneur par un gouverne
ment réactionnaire, portant une étiquette
républicaine.
Nous espérons qu'après avoir pris contact
a vec leurs électeurs, les parlementaires se seron t
assez imprégnés de l’esprit populaire pour
donner vigoureusement le coup de balai, qui
rendra Dupuy et consorts aux douceurs de
la vie privée.
Nous aurons grand plaisir à entendre l’ex
universitaire se dire :
Mon rêve est mort sans espoir qu’il renaisse ;
Le temps m’échappe, et l’orgueil imposteur
Pousse au néant les jours de ma jeunesse.
Comme un troupeau dont il fut le pasteur.
Pierre MÉR1TEL.
ENGINS DE GUERRE
La commission des inventions militaires vient
d’inviter le fameux Turpin à faire les expériences
décisives pour prouver l’excellence de sa merveil
leuse machine de guerre. On va, bien entendu, lui
donner pour cela toutes les facilités nécessaires et
nous espérons, avec tous les patriotes, un succès
indiscutable.
Mais voici qu’un autre inventeur, très pauvre
dit-on, met, à l’instar de Turpin, la commission
en demeure d’examiner très sérieusement un engin
destructeur inédit et de lui donner, comme à Tur
pin, des facilités d’expérimentation, sous menace
de le vendre à l’étranger, toujours comme Turpin,
dans le cas où en ferait fi.
Voilà une commission bien embarrassée, car, à
chaque instant, les inventeurs viennent lui mettre
sous la gorge une nouvelle mécanique avec force
menaces et récriminations.
Vrai, un peu de plus, je plaindrais ces braves
militaires techniciens.
Cette fois, il paraît que c’est on ne peut plus
sérieux (toujours comme pour Turpin) ; il s’agit
d’une roue meurtrière qui, placée sur les rails
d’une voie ferrée partirait seule, après une légère
impulsion initiale, à la vitesse de 120 kilomètres
à l’heure. Son diamètre est de 5 mètres, son épais
seur de 2 m. 50. Elle est creuse et porte 24 obus
de 0 m. 90 de longueur, chacun de ces obus en
contient 4 ou 5 dans son intérieur.
Cette roue énorme pèserait, toute chargée,
20,000 kilog. environ. Lancée sur une voie de
chemin de fer avec la vitesse que nous avons citée
tout à l’heure, elle viendrait à la rencontre d’un
train chargé de troupes ou de munitions et, dans
son éclatement formidable, le détruirait entière
ment par l’explosion simultanée de 100 ou 120
obus à la mélinite.
Quelle fricassée, mes enfants, et comme c’est
beau la guerre scientifique !
Pauvre humanité, sans cesse occupée à se muti
ler bêtement pour le plus grand plaisir et intérêt
de ses exploiteurs !...
P. H.
DUEL DRUMONT-D’ELVA
Drumont a été blessé à la cuisse gauche, dès la
première reprise, après un très vif engagement.
Il paraît que ce duel est en train do faire des
petits et MM. de Boisandré et Papillaud de la
Libre Parole ont dû envoyer leurs témoins a MM.
de Dion et Paulmier, témoins de M. d’Elva, au
sujet de l’article de Drumont, paru mardi matin.
Bon courage, messieurs !
Un journal havrais trouvait dernièrement ab
surde et ridicule « l’invention des agents provo
cateurs » qui, disait-il, n’avaient jamais existé
que dans le cerveau des députés socialistes.
A ce stipendié, nous mettrons tout simplement
sous les yeux ce fragment du procès intenté au
journal Le Peuple , par la préfecture du Rhône et
1 1 police de Lyon, relatif à un certain Amadon :
— M e Viviani. — Vous dites, Monsieur l’avo
cat général, que le témoin (Amadon) a appartenu
à la police. En quelle qualité ? Est-ce comme gar
dien de la paix ?
— L’avocat général. — Non !
— M* Viviani. — Alors, c’est comme agent de
la police politique ?... C’est comme agent provo
cateur?...
Silence de M. l'avocat général.
— M* Viviani. — Ce silence me suffit.
Pas besoin de commentaires, n’est-ce pas ?
LES GAIETÉS DE LA SEMAINE
Le Banquet des 100 kilos
En cette époque où l’ambition de nos contem
porains est de détenir un record quelconque, il
semblait tout naturel que les gens gratifiés par la
nature d’un abdomen développé, voulussent aussi
créer une association dont le mieux partagé, au
point de vue du poids, détiendrait le record et
serait, de tout droit, le président.
Il vient, en effet, de se fonder à Saint-Denis
(Seine) un cercle qui prend le titre de Société
amicale « des 100 kilos.
Il sera indispensable, pour faire partie de la
susdite société, d’avoir le poids indiqué par les
statuts.
Il ne sera tenu aucun compte de la qualité des
postulants. On n’exigera que la quantité et le
volume.
Ceci est d’ailleurs prouvé par l’exemple suivant:
Un conseiller d’arrondissement, M. Gambier,
ayant posé sa candidature, s'est vu impitoyable
ment éliminé, parce que, une fois ses poches
vidées, il ne pesait que quatre-vingt dix-neuf kilos
et cent grammes !
Faute de neuf cents grammes, M. Gambier n’a
pu être admis.
On a tout lieu de croire qu’il prendra des mesu
res pour pouvoir subir, avec succès, les épreuves
d’admission, au prochain concours.
Un banquet mensuel réunira ces messieurs et
leur permettra de se rendre compte de leur état et
de l’améliorer au besoin, chacun devant avoir
l’ambition de décrocher la timbale du record.
Cette association des seize négociants prouve
que le commerce se porte bien à Saint-Denis, ce
qui est toujours agréable à constater et que, de
plus, les gens considérables n’y font point défaut.
J. NARZAC.
PAR
L’Homme qui rit
LA FIN DUNE RACE
Sur la vaste pelouse à l’épais tapis de boue, tout
un monde de gens affairés est là, qui patauge.
Jeunes et vieux, maigres et gras, tous vont, vien
nent, avec un entrain endiablé, devisant, en un
argot étrange où reviennent sans cesse les mots :
favori... bien en forme... disqualification...
tuyau... performance... et tutti quanti.
Les paris s’engagent ; les poules commencent ;
les bureaux du mutuel sont pris d’assaut! Les
books formnat la haie, brandissant leurs tableaux
de cotes, et dominant le brouhaha général de leurs
cris canailles : « Voyez la queute l... Linotte,
six contre un je donne !... Qui paie deux,
Laïs 1 ... »
Un bruit assourdissant emplit l’air et martèle le
tympan. On se croirait à la Bourse autour de la
corbeille, ou aux halles un jour de marché.
Les amis se happent au passage et se communi
quent — d’un air conspirateur — les surprises de
la dernière minute, le nom du tuyau qui, tout à
l’heure, leur fera.. perdre leurs cent sous.
Cependant, la cloche retentit. Les chevaux sor
tent du pesage et défilent sur la piste, sous le
regard curieux des jolies mondaines aux pimpantes
toilettes claires, un peu risquées par ce ciel gris
ardoise.
Mais le signal est donné ; le drapeau s’abaisse ;
les chevaux partent ventre à terre emportant dans
leur course folle leur jockey dont la casaque en.
soie bariolée jette quand même sa note gaie sous
le jour sale. Ils vont à bride abattue, dévorant
l’espace, pour... s’améliorer.
S’améliorer ?... Qui croit encore à l’améliora
tion de la race chevaline par les courses, aujour
d’hui ? Pas moi, je vous assure ! S’il y a amélio
ration ici, c’est de la caisse des veinards et voilà
tout !
Et puis, pourquoi l’améliorer maintenant, ce
pauvre cheval ? Est-ce pour lui faire sentir davan
tage que sa race touche à sa fin ? Car, n’en doutez
pas, la race chevaline est en train de disparaître
delà... circulation. Le chemin de fer et dame
bicyclette lui ont déjà porté un rude coup, et le
pétrole, la vapeur, le gaz, l’électricité, le petit
journal, que sais-je encore ! achèveront sa sup
pression... en tant que moteur, bien entendu!
C’est l’inéluctable loi du transformisme qui s’atta
che à ses pas. Il aura beau lutter, il ne pourra pas
s’y soustraire. Petit à petit, on le supprimera pour
le remplacer par des moteurs plus rapides. Et
tenez, dans l'armée, il ne sera plus bientôt qu’à
l’état de souvenir.
Déjà, la reine bicyclette y a fait son apparition.
Avant peu, nos brillants officiers seront montés
sur des machines automobiles auxquelles on don
nera, bien entendu, des formes plus gracieuses
que celles des voitures ayant pris part au concours
de l’autre jour. Rien n’empêcherait de leur con
server l’apparence d’un superbe coursier, mais au
lieu d’une tête de cheval, on placerait à l’avant de
la machine, comme autrefois à la proue des voi
liers, le buste d’Attila, de Jules César, de Napo
léon I er , ou d’un autre tyran, pour servir d’exemple
à nos généraux et les entraîner au feu. Et au lieu
de lire dans les comptes rendus de batailles qu’à
l’attaque du fort de X, le colonel Z a eu son cheval
tué sous lui, on y trouvera à l’avenir des notes de
ce genre : « Au combat de N, le brave général G
a eu sa machine fortement endommagée par un
éclat d’obus qui lui a fait une telle brèche, que
l’échappement devipeur qui s’est produit a fait
craindre un moment une explosion. »
On finira bien par trouver aussi, espérons-le,
un moteur pratique — au pétrole, par exemple —
pour le char de l’Etat. Du coup, ce sera le boule
versement complet de toutes nos idées leçues et,
en présence du terrible liquide devenu instrument
de progrès et de civilisation, il nous faudra faire
amende honorable et élever des statues à Maxime
Lisbonne, son précurseur.
Oui, le règne du cheval est bien fini, mainte
nant! Don Quichotte rougirait aujourd’hui de sa
rossinante.
Il n’est plus utile d’enfourcher Pégase pour
atteindre au Parnasse : un simple pneu ou une
marche sur les mains suffisent de nos jours pour
mener à la gloire.
Et lui, le fougueux solipède, quel rôle jouera-t-il
dans les sociétés de demain ? C’est bien simple !
Repoussé par le tramway, dédaigné par le fiacre,
méprisé par le camion, il aura le même sort que
son prédécesseur, le bœuf, qu’il a détrôné
Car il est de ce inonde où coucous et carrosses
Ont le pire destin.
Et rosse il vivra ce que vivent les rosses,
L’espace d’un matin.
Et au lieu de l’entraîner à des courses échevelées,
sous prétexte d’amélioration, on le laissera paisi
blement paître dans les vertes prairies où il s’en
graissera en vue de la boucherie hippophagique.
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