Titre : Le Réveil du Havre : organe républicain ["puis" organe républicain-socialiste indépendant "puis" organe du Parti républicain démocratique]
Éditeur : [s.n.] (Le Havre)
Date d'édition : 1894-06-02
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32854639q
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 02 juin 1894 02 juin 1894
Description : 1894/06/02 (N147). 1894/06/02 (N147).
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k3263346p
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-89667
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 28/04/2019
4* Année — üi° 147 — Samedi 2 Juin 1894.
CINQ CENTIMES LE NUMERO
4 e Année — 18 Prairial An 102 — N° 147.
ORGANE RÉPUBLICAIN
mX SES ABONNEMENTS :
Le' Havre... . ...
Départements...
un an six mois
3 fr. 2 fr.
4 fr. 2 50
ADMINISTRATION & RÉDACTION
T. ‘ ?'•? ;• i ■ fi\; I ; -:•••••• ' • :
15, RUE CASIMIR-PÉRI ER. 15
LE RÉVEIL DU RA VRE paraît tous les Samedis
PRIX DES iXSERTÏOWS :
Annonces.... . .......... 25 cent. la ligne
Réclames 50 cent. la ligne
On traite à Forfait
M. Sadi Carnot doit être satisfait ; pendant
huit grands jours il va pouvoir dormir tran
quille : le nouveau ministère est fait.,
l)upuy s'est enfin décidé à conduire le char
de l’Etat, non pas qu’il ait eu un seul moment
d’hésitation; depuis longtemps il en grillait
d’envie. La cravache de Casimir.Périer l’émer
veillait, et il aspirait au moment o.ù il pour
rait montrer à rEurope que la tr'.que d’un
auverpin e.-t supérieur au fouet d’un graud
seigneur minier. •
Mais les collaborateurs lui faisaient défaut ;
le mastodonte du Puy avait beau multiplier
les démarches, personne ne se souciait de faire
partie d’un cabinet éphémère. ,
Renonçant à s’entourer de personnalités
quelque peu marquantes, Dupuy s’est rabattu
sur des insignifiances en quête de réel api e ;
là, il a trouvé son affaire; pas tout £ fait*
cependant, puisque la iparine est confiée.à un
homme qui ^epait, certes, bien embarrassé si
ou lui demandait do faire le point, et dont les
x , >Vlr ;
connaissances nautiques se bornent a savoir
nager ; et les affaires étrangères à un employé
qui a dû, par ordre supérieur, accepter un
avancement qui ne lui sourit guère.
Quant au jeune Poincarré, il a hésité long
temps, bien longtemps, on a dû lui promettre
de bien belles compensations en cas de chute,
car ce n’est qu’à son corps défendant qu’il est
entré dans la combinaison.
Tous les autres néo-ministres sont gens sans
importance et peuvent être considérés comme
des bouches-trous.
No,us nous plaisons — abstraction faite de
la folle envie d’avoir un maroquin sous le bras —
à leur reconnaître un certain courage. Quels
sont les hommes sensés qui, n’étant pas éblouis,
hypnotisés par l’envie de détenir — ne fût-ce
que quelques heures — une parcelle du pou
voir, eussent osés se solidariser avec le général
Mercier, s’il y a seulement un mot de vrai
dans l’affaire Turpin ?
Jusqu’à plus ample informé, nous nous
refusons à croire que le chef suprême de l’ar
mée française ait agi comme le disent Le Jour
nal, et quelques autres grands organes pari
siens. -S’il en était ainsi, ce ne serait plus de
la bêtise, de la stupidité, ce serait de la tra
hison ! ' '
Nous espérons que nous n’aurons pas à
subir ce dernier affront : un officier général
français incitant l’inventeur d’un engin de
guerre à vendre son secret à l’ennemi. Ce
serait à.rougir d’être Français.
Quoi qu’il en soit, le gouvernement a le
devoir de répondre catégoriquement et nette
ment à l’interpellation qui lui sera faite à ce
sujet. Il faut au pays une réponse de soldat,
brève et claire. Toute hésitation, tout retard,
toute ambiguïté serait une fuite : on ne déserte
pas devant l’ennemi.
Si le ministère naissant se tire de ce mau-
vais pas, peut-être,vivra-t-il quelque temps,
malgré Tes préventions du Parlement. On lui
saura gré de nous avoir délivré de l’angoisse
qui nous oppressait. Si au contraire il bat en
retraite et se dérobe, ç’en est fait de lui, il
aura vécu ce que vivent les roses. Et alors,
nous ne donnerions pas dix centimes des
paulettes étoilées du ministre de la guerre.
Du reste, cet incident, qui, au premier
abord, semble de nature à précipiter la chute
du cabinet, est au contraire un heureux évé
nement pour lui, à condition que le principal
intéressé s’en tire les mains propres.
Et, qu’on ne s’y trompe pas, tombant sur
une pareille question, l’effondrement de l’écha
faudage si péniblement édifié par Dupuy aurait
un tel retentissement, que les assises de
l’Elysée en seraient ébranlées.
On a beaucoup reproché à feu le président
Gréyy de s’être mêlé ou d’avoir laissé ses
proches .et ses familiers se mêler d’un tas de
choses plus ou moins troubles., 1,1 semblerait
que son successeur le jalouse : à tort ou à ;
raison, le nom du chef de l’Etat se trouye
souvent, trop souvent prononcé. D’après la
Constitution, il est irresponsable et n’a aucune
part dans le gouvernement et son rôle doit, se
borner à représenter la France toutes les fois
qu'elle a besoin d'être symbolisée par un
personnage en chair et en os. Il nous paraît
que c’est là un rôle assez honorable et le
sitnple bon sens ; fait, une loi au premier
magistrat de la République de n’être compro
mis dans aucune affaire louche qu’elle se
monte à Copenhague ou^qu’elle se traite avec
un ex-détenu.
Nous ne mettons pas un seul instant en
doute l’impeccabilité Te M. Sadi Carnot,
mais il devrait savoir que la « femme de César
ne doit pas être soupçonnée ».
Tout ceci nous amène à une conclusion
qui ne laisse pas de nous causer! quelque
peine et quelque souci pour l’avenir de notre
démocratie. Sans cesse, ministres, sénateurs,
députés ont à la bouche le mot : progrès ; ils
nous en rabattent les oreilles !
A grand renfort de fanfares, dans toutes
les solennités publiques, dans tous les ban
quets, dans tous les congrès où les représen
tants autorisés du Parlement prennent la
parole, le thème est le. même : lu , progrès,
toujours le progrès F -
Ce progrès qui devrait nous crever les
yeux, nous ne l’apercevons nulle part : Que
Flammarion nous soit en aide !
Le nouveau ministère ressemble fort à son
prédécesseur ; le président actuel de la Répu
blique à l’ancien. Et nous ne pouvons que
nous écrier avec le sage :
Ejusdem farinæ,!
Pierre MÉRITEL.
L’AFFAIRE TURPIN
Les journaux quotidiens ont mis au courant de
la nouvelle affaire Turpin, le public qui s’intéresse
d’une façon autrement passionnée à cet événement
qu’au badigeonnage de la boutique ministérielle
de l’opportunisme.
La très émouvailte appréciation de Mme Sévé-
riae, dans VEclair, semble àvoir mis. au point
exact la question Turpin.
Nos lecteurs nous excuseront de ne la pou
voir publier, vu le manque de place dans nos
colonnes.' , : • . . ' ' v' r f
Cette triste affaire (sur laquelle rien d’absolu-
inent irrévocable n’est encore prouvé au moment
où nous écrivons), est une confirmation trop pro
bante de nos. appréciations antérieures sur la poli
tique qui préside à la direction de nos affaires
étrangères.
Elle en est le corollaire forcé, fatal.
Etant donné un pays dont le budget annuel est
de trois milliards, ayant dépensé en armements
et réformes militaires plus de douze milliards en
vingt ans, confiez la direction plus ou moins
occulte de ces monceaux d’or à des Arton, à des
Cornélius Herz, des Casimir Périer, des Dupuy,
Bourgeois, Clémeuceau et autres, comment vou
lez-vous qà’un inventeur de génie, un Turpin,
puisse trouver autre abri qu’une cellule à Mazas ?
Il vient, ce malheureux, les mains pleines de
moyens de défense qu’il veut offrir à son pays, la
France, pour assurer sa sécurité, son triomphe
en cas de guerre et par celà même le maintien de
la paix européenne pour longtemps. On le re
pousse. Un ministre de la guerre prétend qu’il a
peur d’être sali à son contact, car Turpin salit
tout ce qu’il approche (sic).
Ah ! s’il avait été juif un tant soit peu alle
mand ou même polonais j...
' Turpin avait inventé la méliniie : on lui donne
250,000 fr. et la croix ; à quelque temps de là, à la
suite d’un procès embrouillé où Freycinet n’a pas
eu le beau rôle, on vous bloque en prison mon
Turpin et on lui arrache sa croix. Les 250,000 fr.
ont vécu ce que vivent 250,000 fr. aux mains d’un
inventeur, l’espace de deux ou trois expériences
faites à ses frais, bien entendu, lorsque sous là
pression de la clameur publique on l’a rendu à la
liberté.
Il veut quand même, après toutes'ces péripéties,
doter la France d’un.armement incotlriü jusqu’ici
et qui, paraît-il, peut assurer à notre pays toute
suprématie sur les armées étrangères.
On lui rit au nez, on l’éconduit, on le raille :
il salit tout ce qu’il touche.
En admettant que Turpin (qui a fait ses preuves)
ait exagéré l’importance de cet armement nouveau
et la supériorité de ce terrible engin destructeur
dont tous les journaux nous font des descriptions
merveilleuses ; en admettant même que ces MM.
Carnot, Mercier, etc... craignissent de se salir au
contact de Turpin, n’était-il pas de leur devoir
strict de nommer une commission spéciale chargée
de s’aboucher avec l’inventeur et de traiter avec
lui, si cela était possible, pour le salut de la
patrie ?
Non, cela ne plaisait pas à ces polytechniciens,
selon la formule. Turpin dut se retirer... jusqu’en
Belgique : tel était leur bon plaisir. Là, paraît-
il, après quelques tentatives infructueuses auprès
du gouvernement français, sollicité par les repré
sentants des autres nations, il a succombé à la
tentation de mettre à profit le fruit de son idée et
vendu à Y Anglais ou à Y Allemand, le secret
qu’il réservait pour son pays.
A qui la faute ? Il faut espérer que les interpel
lations et questions qui vont se produire à la
Chambre feront la complète lumière sur ce point.
Nous attendons, et surtout nous avons tant d’es-
pèir dans le bon génie de la France, que nous ne
véulons pas croire encore à la consommation irré
médiable du crime de haute-trahison.
Pierre HOUCHARD.
Dernière heure. — Il paraît que le flair d’ar
tilleur du général Mercier, ministre de la guerre,
va remplacer avantageusement les engins' de
Turpin. -
LES HOt UfEflUK M INISTRES
M. DUPUY
Président du Conseil. — Intérieur et Cultes.
C’est la quatrième fois que M. Dupuy (Charles),
s’empare d’un portefeuille.
Il a été, tour à tour, ministre de l’instruction
publique, dans les cabinets Loubet et Ribot. Puis
il présida le ministère d’avril 1893.
La chance s’attache à lui. Il est, de bouveau,
président du Conseil et n’a que 43 ans.
Souhaitbris, pour le bonheur de la France, que
le Parlement le rejette bientôt au tas dontl’ex-pion
ri’alurait jamais dû émerger.
Au physique : très gros ; capable d’àvaler le
budget à lui seul.
" M. POINCARRÉ
Ministre des Finances
M. Poincarré a été miriistfe dé l’instruction pu
blique, dans le cabinet Dupuy (4 avril 1893). Il
était, ces jours derniers, rapporteur de la commis
sion du budget.
C’est un homme universel, il sait tout, il a toutes
les compétences et toutes les complaisances.
Il peut faire, indifféremment, un secrétaire d’E
tat aux Finances, aux Travaux publics, au Com
merce ou a l’Instruction.
Très jeune, — 34 ans à peine, — il ira loin si
les.... parlementaires ne le mangent pas.
M. GUÉRIN
Ministre de la Justice
Guérin (Eugène), sénateur du,Vaucluse, ancien
sous-ordre de Dupuy (4 avril 1893).
Ex-avoué d’Avignon, ne s’est jamais distingué
d’aucune manière.
Est ignoré de la grande majorité du pays.
Services exceptionnels : a signé la grâce de
Turpin.
M. FÉLIX FAURE
Ministre de la Marine
Député de la 2 e circonscription du Havre.
A été plusieurs fois sous-secrétaire d’Etat.
Jusqu’à présent, ne s’est jamais distingué nulle
part.
A voir à l’œuvre.
Au physique ; grand, bel homme et puis...
voilà tout.
Espérons, cependant, qu’il prendra à cœur les
intérêts du Havre et nous fera revenir sur notre
premier jugement.
C’est la grâce que nous lui souhaitons et à nous
aussi.
M. DELCASSÉ
Ministre des Colonies
C’est un petit homme vif, alerte. Il est né à
Pamiers en 1852. Bon or.ateur.
Déjà, il a été, à deux reprises, sous-ministre des
colonies.
Devrait connaître son affaire.
Signe particulier : n’a jamais rien cassé.
M. Georges LEYGUES
Ministre de l’Instruction publique
Avocat à Villeneuve-s/Lot, où il est né en 1857.
Poète, a publié, en 1884, un volume en vers,
La Lyre d'Airain, ouvrage qui fut couronné par
l’Académie française. D’abord aimable. Sera bien
accueilli par le monde artiste.
M. LOURTrES
Ministre du Commerce
Sénateur du département des Landes. A fait
partie de plusieurs commissions importantes. En
dehors de cela, est tout à fait inconnu.
M, BARTHOU
Ministre des Travaux publics
Trente-deux ans. Originaire des Basses-Pyré
nées. Député depuis 1889.
Parle avec beaucoup d’accent et n’arrive jamais,
vu la longueur de ses discours interminables et
diffus, à se faire écouter. A la seule menace de le
voir apparaître à la tribune, tous ses collègues
s’éclipsent.
M. HANOTAUX
Ministre des Affaires étrangères
Directeur des affaires étrangères et consulaires
au ministère dont il vient d’accepter la charge.
A la réputation d’être un diplomate habile.
jEst ministre à son corps défendant et parce
qUe personne n’a voulu de l’emploi.
’e sera que le secrétaire particulier de Dupuy.
i * ■ '• • • •
jll nous reste, à signaler les deux ministres qui
faisaient partie du précédent cabinet.
M. VIGER continuera à distribuer des croix du
mérite agricole.
Quant au général MERCIER, il a du plomb
daùs l’aile: quoiqu’il en dise, l’appareil Turpin
est bon à quelque chose.
Signes particuliers : a beaucoup de flair
d’artilleur, mais est le seul à s’en apercevoir ; déteste
les pontonniers qui, cependant, n’ont jamais
essayé de lui faire passer le styx.
CINQ CENTIMES LE NUMERO
4 e Année — 18 Prairial An 102 — N° 147.
ORGANE RÉPUBLICAIN
mX SES ABONNEMENTS :
Le' Havre... . ...
Départements...
un an six mois
3 fr. 2 fr.
4 fr. 2 50
ADMINISTRATION & RÉDACTION
T. ‘ ?'•? ;• i ■ fi\; I ; -:•••••• ' • :
15, RUE CASIMIR-PÉRI ER. 15
LE RÉVEIL DU RA VRE paraît tous les Samedis
PRIX DES iXSERTÏOWS :
Annonces.... . .......... 25 cent. la ligne
Réclames 50 cent. la ligne
On traite à Forfait
M. Sadi Carnot doit être satisfait ; pendant
huit grands jours il va pouvoir dormir tran
quille : le nouveau ministère est fait.,
l)upuy s'est enfin décidé à conduire le char
de l’Etat, non pas qu’il ait eu un seul moment
d’hésitation; depuis longtemps il en grillait
d’envie. La cravache de Casimir.Périer l’émer
veillait, et il aspirait au moment o.ù il pour
rait montrer à rEurope que la tr'.que d’un
auverpin e.-t supérieur au fouet d’un graud
seigneur minier. •
Mais les collaborateurs lui faisaient défaut ;
le mastodonte du Puy avait beau multiplier
les démarches, personne ne se souciait de faire
partie d’un cabinet éphémère. ,
Renonçant à s’entourer de personnalités
quelque peu marquantes, Dupuy s’est rabattu
sur des insignifiances en quête de réel api e ;
là, il a trouvé son affaire; pas tout £ fait*
cependant, puisque la iparine est confiée.à un
homme qui ^epait, certes, bien embarrassé si
ou lui demandait do faire le point, et dont les
x , >Vlr ;
connaissances nautiques se bornent a savoir
nager ; et les affaires étrangères à un employé
qui a dû, par ordre supérieur, accepter un
avancement qui ne lui sourit guère.
Quant au jeune Poincarré, il a hésité long
temps, bien longtemps, on a dû lui promettre
de bien belles compensations en cas de chute,
car ce n’est qu’à son corps défendant qu’il est
entré dans la combinaison.
Tous les autres néo-ministres sont gens sans
importance et peuvent être considérés comme
des bouches-trous.
No,us nous plaisons — abstraction faite de
la folle envie d’avoir un maroquin sous le bras —
à leur reconnaître un certain courage. Quels
sont les hommes sensés qui, n’étant pas éblouis,
hypnotisés par l’envie de détenir — ne fût-ce
que quelques heures — une parcelle du pou
voir, eussent osés se solidariser avec le général
Mercier, s’il y a seulement un mot de vrai
dans l’affaire Turpin ?
Jusqu’à plus ample informé, nous nous
refusons à croire que le chef suprême de l’ar
mée française ait agi comme le disent Le Jour
nal, et quelques autres grands organes pari
siens. -S’il en était ainsi, ce ne serait plus de
la bêtise, de la stupidité, ce serait de la tra
hison ! ' '
Nous espérons que nous n’aurons pas à
subir ce dernier affront : un officier général
français incitant l’inventeur d’un engin de
guerre à vendre son secret à l’ennemi. Ce
serait à.rougir d’être Français.
Quoi qu’il en soit, le gouvernement a le
devoir de répondre catégoriquement et nette
ment à l’interpellation qui lui sera faite à ce
sujet. Il faut au pays une réponse de soldat,
brève et claire. Toute hésitation, tout retard,
toute ambiguïté serait une fuite : on ne déserte
pas devant l’ennemi.
Si le ministère naissant se tire de ce mau-
vais pas, peut-être,vivra-t-il quelque temps,
malgré Tes préventions du Parlement. On lui
saura gré de nous avoir délivré de l’angoisse
qui nous oppressait. Si au contraire il bat en
retraite et se dérobe, ç’en est fait de lui, il
aura vécu ce que vivent les roses. Et alors,
nous ne donnerions pas dix centimes des
paulettes étoilées du ministre de la guerre.
Du reste, cet incident, qui, au premier
abord, semble de nature à précipiter la chute
du cabinet, est au contraire un heureux évé
nement pour lui, à condition que le principal
intéressé s’en tire les mains propres.
Et, qu’on ne s’y trompe pas, tombant sur
une pareille question, l’effondrement de l’écha
faudage si péniblement édifié par Dupuy aurait
un tel retentissement, que les assises de
l’Elysée en seraient ébranlées.
On a beaucoup reproché à feu le président
Gréyy de s’être mêlé ou d’avoir laissé ses
proches .et ses familiers se mêler d’un tas de
choses plus ou moins troubles., 1,1 semblerait
que son successeur le jalouse : à tort ou à ;
raison, le nom du chef de l’Etat se trouye
souvent, trop souvent prononcé. D’après la
Constitution, il est irresponsable et n’a aucune
part dans le gouvernement et son rôle doit, se
borner à représenter la France toutes les fois
qu'elle a besoin d'être symbolisée par un
personnage en chair et en os. Il nous paraît
que c’est là un rôle assez honorable et le
sitnple bon sens ; fait, une loi au premier
magistrat de la République de n’être compro
mis dans aucune affaire louche qu’elle se
monte à Copenhague ou^qu’elle se traite avec
un ex-détenu.
Nous ne mettons pas un seul instant en
doute l’impeccabilité Te M. Sadi Carnot,
mais il devrait savoir que la « femme de César
ne doit pas être soupçonnée ».
Tout ceci nous amène à une conclusion
qui ne laisse pas de nous causer! quelque
peine et quelque souci pour l’avenir de notre
démocratie. Sans cesse, ministres, sénateurs,
députés ont à la bouche le mot : progrès ; ils
nous en rabattent les oreilles !
A grand renfort de fanfares, dans toutes
les solennités publiques, dans tous les ban
quets, dans tous les congrès où les représen
tants autorisés du Parlement prennent la
parole, le thème est le. même : lu , progrès,
toujours le progrès F -
Ce progrès qui devrait nous crever les
yeux, nous ne l’apercevons nulle part : Que
Flammarion nous soit en aide !
Le nouveau ministère ressemble fort à son
prédécesseur ; le président actuel de la Répu
blique à l’ancien. Et nous ne pouvons que
nous écrier avec le sage :
Ejusdem farinæ,!
Pierre MÉRITEL.
L’AFFAIRE TURPIN
Les journaux quotidiens ont mis au courant de
la nouvelle affaire Turpin, le public qui s’intéresse
d’une façon autrement passionnée à cet événement
qu’au badigeonnage de la boutique ministérielle
de l’opportunisme.
La très émouvailte appréciation de Mme Sévé-
riae, dans VEclair, semble àvoir mis. au point
exact la question Turpin.
Nos lecteurs nous excuseront de ne la pou
voir publier, vu le manque de place dans nos
colonnes.' , : • . . ' ' v' r f
Cette triste affaire (sur laquelle rien d’absolu-
inent irrévocable n’est encore prouvé au moment
où nous écrivons), est une confirmation trop pro
bante de nos. appréciations antérieures sur la poli
tique qui préside à la direction de nos affaires
étrangères.
Elle en est le corollaire forcé, fatal.
Etant donné un pays dont le budget annuel est
de trois milliards, ayant dépensé en armements
et réformes militaires plus de douze milliards en
vingt ans, confiez la direction plus ou moins
occulte de ces monceaux d’or à des Arton, à des
Cornélius Herz, des Casimir Périer, des Dupuy,
Bourgeois, Clémeuceau et autres, comment vou
lez-vous qà’un inventeur de génie, un Turpin,
puisse trouver autre abri qu’une cellule à Mazas ?
Il vient, ce malheureux, les mains pleines de
moyens de défense qu’il veut offrir à son pays, la
France, pour assurer sa sécurité, son triomphe
en cas de guerre et par celà même le maintien de
la paix européenne pour longtemps. On le re
pousse. Un ministre de la guerre prétend qu’il a
peur d’être sali à son contact, car Turpin salit
tout ce qu’il approche (sic).
Ah ! s’il avait été juif un tant soit peu alle
mand ou même polonais j...
' Turpin avait inventé la méliniie : on lui donne
250,000 fr. et la croix ; à quelque temps de là, à la
suite d’un procès embrouillé où Freycinet n’a pas
eu le beau rôle, on vous bloque en prison mon
Turpin et on lui arrache sa croix. Les 250,000 fr.
ont vécu ce que vivent 250,000 fr. aux mains d’un
inventeur, l’espace de deux ou trois expériences
faites à ses frais, bien entendu, lorsque sous là
pression de la clameur publique on l’a rendu à la
liberté.
Il veut quand même, après toutes'ces péripéties,
doter la France d’un.armement incotlriü jusqu’ici
et qui, paraît-il, peut assurer à notre pays toute
suprématie sur les armées étrangères.
On lui rit au nez, on l’éconduit, on le raille :
il salit tout ce qu’il touche.
En admettant que Turpin (qui a fait ses preuves)
ait exagéré l’importance de cet armement nouveau
et la supériorité de ce terrible engin destructeur
dont tous les journaux nous font des descriptions
merveilleuses ; en admettant même que ces MM.
Carnot, Mercier, etc... craignissent de se salir au
contact de Turpin, n’était-il pas de leur devoir
strict de nommer une commission spéciale chargée
de s’aboucher avec l’inventeur et de traiter avec
lui, si cela était possible, pour le salut de la
patrie ?
Non, cela ne plaisait pas à ces polytechniciens,
selon la formule. Turpin dut se retirer... jusqu’en
Belgique : tel était leur bon plaisir. Là, paraît-
il, après quelques tentatives infructueuses auprès
du gouvernement français, sollicité par les repré
sentants des autres nations, il a succombé à la
tentation de mettre à profit le fruit de son idée et
vendu à Y Anglais ou à Y Allemand, le secret
qu’il réservait pour son pays.
A qui la faute ? Il faut espérer que les interpel
lations et questions qui vont se produire à la
Chambre feront la complète lumière sur ce point.
Nous attendons, et surtout nous avons tant d’es-
pèir dans le bon génie de la France, que nous ne
véulons pas croire encore à la consommation irré
médiable du crime de haute-trahison.
Pierre HOUCHARD.
Dernière heure. — Il paraît que le flair d’ar
tilleur du général Mercier, ministre de la guerre,
va remplacer avantageusement les engins' de
Turpin. -
LES HOt UfEflUK M INISTRES
M. DUPUY
Président du Conseil. — Intérieur et Cultes.
C’est la quatrième fois que M. Dupuy (Charles),
s’empare d’un portefeuille.
Il a été, tour à tour, ministre de l’instruction
publique, dans les cabinets Loubet et Ribot. Puis
il présida le ministère d’avril 1893.
La chance s’attache à lui. Il est, de bouveau,
président du Conseil et n’a que 43 ans.
Souhaitbris, pour le bonheur de la France, que
le Parlement le rejette bientôt au tas dontl’ex-pion
ri’alurait jamais dû émerger.
Au physique : très gros ; capable d’àvaler le
budget à lui seul.
" M. POINCARRÉ
Ministre des Finances
M. Poincarré a été miriistfe dé l’instruction pu
blique, dans le cabinet Dupuy (4 avril 1893). Il
était, ces jours derniers, rapporteur de la commis
sion du budget.
C’est un homme universel, il sait tout, il a toutes
les compétences et toutes les complaisances.
Il peut faire, indifféremment, un secrétaire d’E
tat aux Finances, aux Travaux publics, au Com
merce ou a l’Instruction.
Très jeune, — 34 ans à peine, — il ira loin si
les.... parlementaires ne le mangent pas.
M. GUÉRIN
Ministre de la Justice
Guérin (Eugène), sénateur du,Vaucluse, ancien
sous-ordre de Dupuy (4 avril 1893).
Ex-avoué d’Avignon, ne s’est jamais distingué
d’aucune manière.
Est ignoré de la grande majorité du pays.
Services exceptionnels : a signé la grâce de
Turpin.
M. FÉLIX FAURE
Ministre de la Marine
Député de la 2 e circonscription du Havre.
A été plusieurs fois sous-secrétaire d’Etat.
Jusqu’à présent, ne s’est jamais distingué nulle
part.
A voir à l’œuvre.
Au physique ; grand, bel homme et puis...
voilà tout.
Espérons, cependant, qu’il prendra à cœur les
intérêts du Havre et nous fera revenir sur notre
premier jugement.
C’est la grâce que nous lui souhaitons et à nous
aussi.
M. DELCASSÉ
Ministre des Colonies
C’est un petit homme vif, alerte. Il est né à
Pamiers en 1852. Bon or.ateur.
Déjà, il a été, à deux reprises, sous-ministre des
colonies.
Devrait connaître son affaire.
Signe particulier : n’a jamais rien cassé.
M. Georges LEYGUES
Ministre de l’Instruction publique
Avocat à Villeneuve-s/Lot, où il est né en 1857.
Poète, a publié, en 1884, un volume en vers,
La Lyre d'Airain, ouvrage qui fut couronné par
l’Académie française. D’abord aimable. Sera bien
accueilli par le monde artiste.
M. LOURTrES
Ministre du Commerce
Sénateur du département des Landes. A fait
partie de plusieurs commissions importantes. En
dehors de cela, est tout à fait inconnu.
M, BARTHOU
Ministre des Travaux publics
Trente-deux ans. Originaire des Basses-Pyré
nées. Député depuis 1889.
Parle avec beaucoup d’accent et n’arrive jamais,
vu la longueur de ses discours interminables et
diffus, à se faire écouter. A la seule menace de le
voir apparaître à la tribune, tous ses collègues
s’éclipsent.
M. HANOTAUX
Ministre des Affaires étrangères
Directeur des affaires étrangères et consulaires
au ministère dont il vient d’accepter la charge.
A la réputation d’être un diplomate habile.
jEst ministre à son corps défendant et parce
qUe personne n’a voulu de l’emploi.
’e sera que le secrétaire particulier de Dupuy.
i * ■ '• • • •
jll nous reste, à signaler les deux ministres qui
faisaient partie du précédent cabinet.
M. VIGER continuera à distribuer des croix du
mérite agricole.
Quant au général MERCIER, il a du plomb
daùs l’aile: quoiqu’il en dise, l’appareil Turpin
est bon à quelque chose.
Signes particuliers : a beaucoup de flair
d’artilleur, mais est le seul à s’en apercevoir ; déteste
les pontonniers qui, cependant, n’ont jamais
essayé de lui faire passer le styx.
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