Titre : Le Réveil du Havre : organe républicain ["puis" organe républicain-socialiste indépendant "puis" organe du Parti républicain démocratique]
Éditeur : [s.n.] (Le Havre)
Date d'édition : 1893-05-06
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32854639q
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 06 mai 1893 06 mai 1893
Description : 1893/05/06 (N80). 1893/05/06 (N80).
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k3263280c
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-89667
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/04/2019
N° 80
Samedi 0 Mai 1898
DIX CENTIMES LE NUMERO
2 e innée — 17 Floréal ân 101 — îl° 80
Réveil
|| M
Havre
ORGANE RÉPUBLICAIN
PRIX DES ABONNEMENTS :
UN AN SIX MOIS
Le Havre ' 5 fr. 3 fr.
Départements 6 fr. 3 50
ADMINISTRATION & RÉDACTION
15, RUE CASIMIR-PÉRIER, 15
LE RÉ VE IL DURA VRE paraît le Samedi
PRIX DES INSERTIONS:
Annonces 25 cent. la ligne
Réclames 50 cent, la ligne
On traite à Forfait
SOCIALISTES
ÉT
TREMBLEURS
Comme il fallait s’y attendre, la journée du 1 er
Mai, a été des plus calmes dans notre ville.
Les organes réactionnaires et opportunistes
l’ont constaté avec une visible satisfaction, en
ayant l’air d’insinuer que la population ouvrière
du Havre ne comprenait rien à cet anniversaire.
C’est peut-être aller un peu loin.
Sans doute, les syndicats ouvriers ne sont pas
encore, chez nous, organisés assez puissamment
pour pouvoir proposer, par mesure générale, de
fêter, par un chômage concerté, le 1 er Mai socialiste.
Mieux vaut, dans ce cas, attendre, que de s’expo
ser à une manifestation insuffisante que l’on ex
ploiterait ensuite contre la classe ouvrière.
Mais les travailleurs du Havre ont prouvé qu’ils
ne se désintéressaient pàs de la question sociale,
et que les revendications faites dans leur intérêt
ne ies laissaient pas indifférents.
Les applaudissements qui ont accueilli, diman
che, la remarquable conférence de M. Roussel,
en sont une première preuve. Les déductions, en
quelque sorte mathématiques, présentées par
l’éloquent conférencier, ont frappé plus d’un esprit
sincère et gagné à la cause socialiste mainte
recrue. Aussi, ne pouvons-nous que nous réjouir
de voir les travailleurs s’empresser à ces réunions
où l’on traite de la science sociale.
Il ne faut pas l’oublier en effet, le socialisme
comporte, comme 1-histoire, comme la médecine,
comme toutes les sciences, un enseignement con
sistant dans un exposé de principes et dans l’ap
préciation des faits.
Ceux qui pioclament qu’on peut résoudre, par
un simple décret, et sans étude préliminaire, la
S uestion sociale, sont des ignorants ou des fourbes.
•emandez-leaux Jules Guesde, aux Benoist Malon,
à tous ces penseurs qui ne sont parvenus aux
convictions fortes que par un labeur incessant, en
appliquant au problème social de notre époque les
modes d’investigation empruntés aux autres scien
ces exactes ou d’observation.
Oïi ne retourne pas une société comme un gant.
Pour la transformer, il faut la connaître. Ainsi
que l'a dit en termes excellents M. Roussel dans
sa conférence : « Pas de transformation sociale
sans évolution. » Il en est de la société comme des
organismes vivants qui suivent dans leur dévelop
pement et dans leur déclin certaines lois déter
minées qu’il faut déterminer.
Connaître ces lois en tant qu’elles s’appliquent
à l’homme ; faire en sorte qu’il se développe dans
un milieu favorable à son évolution intellectuelle,
morale et physique; éliminer les causes dépri
mantes, au premier rang desquelles l’oppression
industrielle dont souffre le prolétariat, telle est la
tâche du socialisme moderne. Nous souhaitons que
la classe ouvrière se pénètre de plus en plus de
ces principes qui assureront son affranchissement.
La soirée du 1 er Mai a fourni aux pionniers de
l’idée socialiste, une nouvelle occasion de se comp
ter. La réunion de l’Elysée, en dépit d’une cer
taine confusion, a montré la ferme intention des
syndicats ouvriers du Havre, représentée par leur
fédération, de se montrer à la hauteur de leur
tâche. La veille, l’importante corporation des mé
tallurgistes avait, en patronnant la conférence
Roussel, nettement rompu avec les traditions op
portunistes de ses anciens meneurs. La Fédéra
tion des Chambres syndicales qui, sans doute,
recevra bientôt l’adhésion des métallurgistes, a
affirmé, à l’Elysée, les mêmes tendances. Il faut
s’en féliciter, car cette entente des travailleurs est
une condition nécessaire de la victoire.
Cette .même réunion, en consacrant l’union de
diverses fractions du parti républicain sur le ter
rain socialiste, a donné l’occasion au groupe anar
chiste, assez peu nombreux au Havre, d’affirmer
son existence. On connaît la rengaine ordinaire
de l’auarchie : « L’ouvrier n’a rien à attendre de
« sa représentation dans les assemblées électi-
« ves. Quand il arrive au pouvoir, c’est pour tra-
« hir les siens. Dès lors, il faut faire la révolution
« sociale, sans se préoccuper de rien organiser. »
Cette école dispense ses adeptes de toute étude.
Elle est exclusive de toute discussion et nette
ment antiscientifique. De telles théories ne se
discutent même pas. Elles font, d’ailleurs, les af
faires de la bourgeoisie, qui a tout intérêt à repré
senter la classe ouvrière sous un aspect défavora
ble. L’anarchiste est, en réalité, le meilleur allié
du bourgeois, en ce qu’il essaie d’empêcher les
forces ouvrières de s’organiser.
S’il nous est permis de donner un conseil à nos
amis des syndicats, c’est de n’admettre aucune
compromission avec ces énergumènes, le plus
souvent affectés de graves maladies cérébrales, et
de ne jamais leur confier les secrets de leur propa
gande, ni de leur tactique. L’expérience a en effet
démontré que la police politique a plus d’un repré
sentant parmi les anarchistes et qu’il est prudent
de les tenir à l’écart.
Pendant que les socialistes du Havre se réu
nissaient pacifiquement, M. Dupuy, ministre de
l’Intérieur, sauvait à Paris la société menacée.
On sait, en effet, que M. Dupuy, après tant
d’autres, dirige actuellement l’usine de la place
Beauvau, autrefois gérée par M. Constans, la
quelle produit la paix intérieure et au besoin la
guerre civile, suivant les besoins de la politique
du moment.
Pour exercer ce métier de sauveur, il faut peu
peu de scrupules, et ne pas être embarrassé de ces
vieux principes de probité politique qui font rire
les hommes du centre. M. Constans y avait long
temps excellé. M. Dupuy, l’homme aux opinions
successives, y a débuté par un coup de maître en
faisant brutaliser par ses agents des députés
ouvriers. > '
. On se souvient des formalités qu’il fallait
remplir naguère pour arrêter les sénateurs ou
députés panamistes. On y mettait des formes. La
justice nâtionâle se gantait pour poser la main
au collet des chéquards.
Mais s’agit-il de députée ouvriers ? Vous appe
lez-vous Baudin ou Dumay, au lieu de Baïhaut?
Le plus grossier des ai gousins est bien suffisant
pour vous barrer la route. Au poste! vous qui vous
permettez de réclamer pacifiquement la journée
de huit heures ! Et si vous résistez, n’en doutez
pas, on vous passera à tabac dans lin coin du
violon.
Voilà où nous en sommes, sous le consulat de
M. Carnot, grâce à la majorité opportuniste qui
ne sait nous faire respecter ni à l’intérieur, ni à
à l’extérieur et qui, pendant qu’elle veut enrayer
en France le mouvement ouvrier, se laisse stupi
dement jouer par l’Angleterre en Egypte.
Le grand Gustave Flaubert, a mis une étiquette
sur la classe des couards et des satisfaits, lorsqu’il
a dit : « J’appelle bourgeois tout ce qui pense bas
sement. »
Serons-nous donc obligés de dire : « Nous
appelons ministre tout ce qui agit bêtement ? »
^ VERUS.
SEMAI NE POL ITIQUE
FRANCE
Depuis le commencement de la semaine, la
presse entière n’est remplie que de faits résultants
des manifestations survenues à l’occasion du 1 er
Mai. Nos lecteurs connaissent déjà, par les jour
naux quotidiens, tous les détails et incidents de la
fête du travail, et ils nous excuseront de n’en par
ler que des faits les plus saillants et qu’il importe
de répéter.
Selon les uns, — et les quoditiens de notre ville,
grands et petits, sont de cet avis, — Je chef du ca
binet, M. Dupuy, s’est affirmé, ce jour-la un véri
table homme d’Etat, un homme à poigne et de
gouvernement. Et de là ils ont pour lui une vérita
ble admiration, d’où ils conclufnt de suite, que le
cabinet actuel, avec un tel chef, peut aspirer, dé
sormais, à diriger les élections législatives de sep
tembre.
Nous ne sommes point de cet avis. Nous sommes
tout et autant que nos grands confrères partisans
de la tranquillité publique ; mais nous n’admet
trons jamais que pour la maintenir, l’autorité
vienne la troubler par la violence. Et quelle que
soit la morgue avec laquelle ait répondu M. le mi
nistre de l’intérieur à l’interpellation Dumay, nous
ne trouverons jamais, dans ses procédés césariens,
suffisamment de motifs pour voir en lui un sau
veur, digne de notre entière confiance, à plus forte
raison moins encore celle de diriger ies prochaines
élections.
*
4 4
Mais M. le ministre de l’intérieur s’est ravisé
depuis. Il s’est, dit-on, décidé à prendre des infor
mations personnelles au sujet des faits qui se sont
passés le 1 er mai à la caserne du Château-d’Eau, et
plus particulièrement des circonstances qui ont
accompagné rarrestation du député Baudin. Mieux
vaut tard que jamais.
Toutefois, puisque M. Dupuy devait êtçe amené
à soumettre à une enquête sérieuse les actes de
brutalité reprochés à la police, il eût été de sa part
à la fois plus adroit et plus loyal de ne les pas cou
vrir par avance d’une approbation sans réserve
sur laquelle il sera peut-être obligé de revenir
demain.
M. Dupuy a paru penser qu’il ne pouvait, sans se
faire taxer’de faiblesse et sans paraître déserter
son devoir de chef de gouvernement, laisser met
tre en discussion, nous ne dirous pas les ordres
qu’il avait donnés, mais la façon dont ils ont été
exécutés. En cela, il s’est trompé. Personne ne nie
que le ministre de l’intérieur, qui a la responsabi
lité de l’ordre dans la rue, n’ait en même temps le
devoir de le faire respecter par quiconque, député
ou non. le trouble et contrevient aux lois. Si M. le
député Baudin a réellement commisun délit, qu’on
l’eût appréhendé, conduit au poste et même tra
duit en police correctionnelle, nul n’y eût pu trou
ver à redire, car les lois sont faites pour tout le
monde et les membres du Parlement y sont soumis
tout aussi bien que les simples électeurs. Mais il y
a eu dans cette affaire au moins quelque chose de
trop, c’est le « passage à tabac ». M. Baudin a fait
cette déclaration :
« J’étais tenu par les agents dans le corps de
garde ; nn brigadier a répondu : « Ail ! c’est un
député. Eh ! bien, voilà ce que nous en faisons ».
Et la main tendue il m’a giflé à plusieurs repri
ses... . »
A cette affirmation si nette, qu’a opposé M. le
ministre de l’intérieur ? Il s’est contenté de don
ner lecture d’un rapport de police arffimant, bien
entendu, que tous ies torts étaient du côté, de M.
Baudin. Franchement, ce n’était pas assez. Cette
attitude du chef du gouvrnement est d’autant
plus fâcheuse que les actes de brutalité dont s’est
plaint Al. Baudin ne peuvent guère être sérieuse
ment contestés et qu’en fait le refus d’enquête
dans ces conditions prend la portée d’un encoura
gement à recommencer à la première occasiou Or,
la police n’est déjà que trop disposée à ce genre
d’exploits.
★
* *
Partout cependant, en province comme à Paris,
lé'plus' grand calme n’a cessé de régner. Ceux qui
ont tout a volonté, ceux qui ne se sont jamais trouvé
aux prises avec les difficultés de l’existence,ceuxqui
n’ont qu’à fouiller dans leurs poches pour puiser
l’argent à volonté, oh ! ceux-là, nous comprenons
volontiers qu’ils trouvent étrange de voir rouvrier
qui a charge de contributiorpet de famille et auquel
tout manque, qui vojt ies siens crier famine, et qui
a beau se fouiller et ne trouve-rien dans ses poches,
chassé de l’atelier avec beaucoup d’autres, rem
placés par les machines, réclamer la journée de
huit heures, afin que la répartition du travail
se trouve mieux faite. Et le 1 er Mai, disions-
nous choisi par les représentants des travailleurs,
pour manifester pacifiquementleurs revendications,
ne devrait être considéré par personne, comme
une occasion de provoquer la foule au désordre et
à résister à la force publique par la violence. Et
pourquoi, après taut, le prolétaire surtout en
République— ne pourrait user de sa liberté pour
essayer d’améliorer son sort et celui de ses sem
blables ? C’est un droit, suivant nous, qui devrait
être aussi respecté que celui de toutes autres mani
festations, tant que i’ordie public n’est point expo
sé à troublé.
*
¥ ¥
Chambre des Députés. — Une grave question so
ciale s’est discutée, ces jours derniers, à la Cham
bre : c’est le projet de la suppression des octrois.
L’article 1 er , qui reconnaît aux communes le droit
de remplacer les octrois, en tout ou partie, par
certaines taxes, est adopté.
M. Jamais a soutenu son amendement tendant à
rendre obligatoire la suppression des octrois pour
les substances alimentaires. lia déclaré qu’il re
prendra cet amendement à titre d’article addi
tionnel.
L’article 2, qui est également adopté, est ainsi
conçu : «Les taxes diverses prévues par la présente
loi seront assises et perçues, et les réclamations
jugées, comme en matière de contributions di
rectes. »
L’article 3 et dernier est adopté.
L’ensemble du projet est adopté par 492 voix
contre 65.
*
4 4
On dit que le gouvernement songerait à clore la
sessièn de la Chambre vers le 11 Juin. Cette mou-'
velle est inexacte, puisque, à plusieurs reprises,
le gouvernement a déclaré qu’il demanderait à la
Chambre actuelle de voter le budget de 1894, dont
le dépôt va être effectué. C’est dans ce budget que
doit figurer la réforme du régime des boissons
Il est donc impossible que la Chambre, si elle
doit voter ce budget, puisse se séparer avant les
fêtes du 14 Juillet, la discussion du budget ne pou
vant commencer que dans la première quinzaine
de juin.
ITALIE
Il n’est question à Rome, surtout depuis le dé
part de l’empereur d’Allemagne pour Naples, que
d’un incident qui a été très remarqué et très com
menté, malgré tous les efforts et toutes les consi
gnes du monde officiel.
On sait qu’au banquet d’honneur du Quirinal,
l’empereur a prononcé un toast en allemand, dont
on a beaucoup parlé, toast qui était d’ailleurs fort
entousiaste et que bien peu de personnes ont com
pris, car on parie peu l’allemand à Rome !
Après ce discours, le grand duc Wladimir, qui
avait à sa droite Mme Billot, femme de l’ambassa
deur de France près le Quirinal, se tourna vers
l’ambassadrice, et, le verre en main, parlant assez
haut pour êtte entendu de tous les assistants, il dit
de sa voix la plus nette :
« Moi, Madame, je bois à votre patrie, sans
phrases et de tout cœur. »
On devine l’effet produit par ces paroles fran
çaises après le toast allemand.
CHRONIQUE LOCULE
Salie Franklii\
Conférence par M. Roussel sur le so
cialisme et son avenir.
Il est fort regrettable que les ouvriers du Havre
n’aient pas afflué en masse, dimanche dernier, à
la conférence admirable faite par le citoyen
Roussel, de la Bourse du Travail, à Paris, car la
précision avec laquelle l’orateur expose ses théories
socialistes est d’un véritable charme. Contrairement
à bien d’autres conférences, presque toutes las
santes et dont le but n’est guère intéressant ; celle
du citoyen Roussel est imbue d’un bouta l’autre de
vérités, de faits saillants, qui lui ont mérité de
tous les assistants, de frénétiques applaudisse
ments.
La façon dont AI. Roussel expose la question est
tellement belle, qu’elle porte droit au cœur,
amenant même les larmes aux yeux des pauvres
diables sans travail, que des vérités touchent par
l’évidence même des faits.
Nous pouvons ici donner maintenant le compte
.rendu de cette réunion.
C’est le citoyen Ohé, de la.Chambre syndicale
des ouvriers métallurgistes, qui, dans une courte
allocution, ouvré la séance. Il reunrcie les per
sonnes présentes d’avoir bien voulu se rendre à
rappel qui était faitjdans l’intérêt de.tous.
La Salle Franklin, qui contient environ deux
mille cinq cents personnes, était loin d’être pleine.
Environ cinq à six cents assistants tout au plus.
Mais si ce nombre était malheureusement trop
minime, il f.» ut reconnaître, qu’en revanche, il a bu
cette vérité froide qui l’a remué et lui facilite
maintenant la réponse aux questions inventées par
les monarchistes, les conservateurs et les oppor
tunistes, aussi diffuses qu’insensées et toujours
enveloppées d’un im;ige bleu se dissipant toujours
d’un moment à l’autre laissant le prolétaire sous
l’amertume cruelle de.la déception.
Nous croyons utile de. dire que le citoyen
Roussel n’est pas un exalté, c’est un sincère qui
expose ses théories avec calme, y joignant un
talent oratoire peu commun et si parfois il élève
la voix, on est heureux de constater ique son élo
cution est sincère et qu’e.le part du ccpur.
Le conférencier commence en disant qu’une
tous les ouvriers, au mois, 50 0/0 sont sans travail,
l’orateur en explique la c mse par l’extension
prise par la machine, et à ce sujet, il élabore ce
fait' « Autrefois, à Paris, dans la cordonnerie, il
se trouvait de véritables artistes du genre ; en-
tr’autres ceux qui piquaient le point anglais; au
jourd’hui, les maisons qui employaient huit ou
vriers à ce piquage, livrent le même travail, et ce
même travail est évidemment aussi bien fait par
une machine conduite par un enfant d;e quatorze à
quinze ans, a peine rétribué sans doute. »
Sans précisément attaquer la classe dirigeante,
il dit qu’elle ignore ces statistiques et qu’il appar
tient au parti socialiste de la renseigner, qu’il est
absolument nécessaire qu’un minimum ne salaire
soit établi, que la durée du travail soit exactement
fixée et que tout cela soit fait, même sous le
contrôle des municipalités. L’est en produisant
beaucoup et ne consommant en réalité que très
peu que la machine est venue mettre ies intérêts
de l’ouvrier en déplorable cause, pendant que loin
de satisfaire le capitaliste — ce que l’on pouvait
croire — elle compromettrait également son inté
rêt le jour où le travail viendrait à manquer. Loin
de chercher à combattre la science, le citoyen
Roussel montre que le socialiste demande une
réglementation de travail,
« Les corporations sont l’école primaire de l’or
ganisation ouvrière, le socialisme pur est l’école
supérieure ; or, il s’agit de la journée de huit
heures qui permettrait de briser'les exigences du
patronat et qui assurerait à celui qui ne travaille
pas, et qui serait ainsi forcement embauché, un
morceau de pain pour ies siens. »
Le que l’orateur repousse avec énergie, c’est la
concurrence du patronat qui oblige un ouvrier de
travailler, comme dans certaines maisons, dix-
huit heures sur vingt-quatre. Avec la journée de
huit heures, l’ouvrier en aura au moins huit
autres à rester avec les siens et ne s’adonnera pas
à l’ivresse du vin comme voulait bien le dire M.
Le Roy-Baulieu, car si l’ouvrier boit aujourd’hui
des produits infectes (toujours fabriqués et falsi
fiés par de grandes industries), c’est pour oublier
son malheureux sort, et avec la conviction de
prouver en cette ivresse, l’oubli de son atroce
surmenage.
Il faut, dit le citoyen Roussel, arriver à cette
révolution pacifique, car elle est une nécessité
économique, indispensable a la classe ouvrière.
Autrement, c’est aller infailliblement à la plus,
violente des révolutions, engendrée par la situation
inextricable de ne pouvoir ni produire, ni con
sommer.
Après avoir dit comment et dans quelles circon
stances germa l’idée de la célébration du l« r Mai,
et que tout ouvrier devrait aujourd’hui fêter de
grand cœur, l’orateur nous démontre clairement
l’excellent but des syndicats.
« Rien ne sera fait, tant que l’ouvrier n’aura
pas la force du groupement pour faire valoir son
double droit du minimum des salaires et du maxi
mum d’heures de travail, tant qu’il n’aura pas gi
retenir entre ses mains le pouvoir municipal poli
tique, par l’accession dans les * onseils. »
Beaucoup de citoyens — des intéressés ceux-là,—
prétendent que si les mairies étaient envahies par
ies socialistes, tout irait à vau-l’eau, au pillage,
etc.. Le sont là des préjugés qu’il faut à tout prix,
combattre. Nous avons des exemples.
Depuis que la ville de Alarseilie possède une mu
nicipalité socialiste, a-t-on eu à signaler là des
abus ? Au contraire. Le plus grand ordre règne
dans i’Hôtel-de-Ville et surtout dans les finances,
ht a Roubaix ? Est-ce que cette mairie a été livrée
au pillage par les socialistes qui y régnent? Allons
donc ! Jamais budget municipal n’avait été si scru
puleusement épluché et des économies considéra
bles ont été réalisées, leur permettant, dans la
même année, de nourrir, aux frais de la ville, tous
les enfants des pauvres. Voilà, citoyens, s’écrie le
conférencier, des résultats probants, de nature à
vous engager à choisir vos élus parmi les socialis
tes ou du moins parmi ceux qui accepent leurs doc
trines et leurs programmes.
Il faut, ajoute le conférencier, que les communes
prennent sous leur protection les enfants jusqu’à
ce qu’ils aient l'âge de produire, et les vieillards
qui ont donné une longue carrière de travail.
La, ville de Roubaix, avec dix-sept cents enfants
dans ses écoles maternelles, n’en a pas moins une
économie de 200,000 francs dans son budget.
Le citoyen Roussel n’hésite pas à déclarer que
Samedi 0 Mai 1898
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|| M
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PRIX DES ABONNEMENTS :
UN AN SIX MOIS
Le Havre ' 5 fr. 3 fr.
Départements 6 fr. 3 50
ADMINISTRATION & RÉDACTION
15, RUE CASIMIR-PÉRIER, 15
LE RÉ VE IL DURA VRE paraît le Samedi
PRIX DES INSERTIONS:
Annonces 25 cent. la ligne
Réclames 50 cent, la ligne
On traite à Forfait
SOCIALISTES
ÉT
TREMBLEURS
Comme il fallait s’y attendre, la journée du 1 er
Mai, a été des plus calmes dans notre ville.
Les organes réactionnaires et opportunistes
l’ont constaté avec une visible satisfaction, en
ayant l’air d’insinuer que la population ouvrière
du Havre ne comprenait rien à cet anniversaire.
C’est peut-être aller un peu loin.
Sans doute, les syndicats ouvriers ne sont pas
encore, chez nous, organisés assez puissamment
pour pouvoir proposer, par mesure générale, de
fêter, par un chômage concerté, le 1 er Mai socialiste.
Mieux vaut, dans ce cas, attendre, que de s’expo
ser à une manifestation insuffisante que l’on ex
ploiterait ensuite contre la classe ouvrière.
Mais les travailleurs du Havre ont prouvé qu’ils
ne se désintéressaient pàs de la question sociale,
et que les revendications faites dans leur intérêt
ne ies laissaient pas indifférents.
Les applaudissements qui ont accueilli, diman
che, la remarquable conférence de M. Roussel,
en sont une première preuve. Les déductions, en
quelque sorte mathématiques, présentées par
l’éloquent conférencier, ont frappé plus d’un esprit
sincère et gagné à la cause socialiste mainte
recrue. Aussi, ne pouvons-nous que nous réjouir
de voir les travailleurs s’empresser à ces réunions
où l’on traite de la science sociale.
Il ne faut pas l’oublier en effet, le socialisme
comporte, comme 1-histoire, comme la médecine,
comme toutes les sciences, un enseignement con
sistant dans un exposé de principes et dans l’ap
préciation des faits.
Ceux qui pioclament qu’on peut résoudre, par
un simple décret, et sans étude préliminaire, la
S uestion sociale, sont des ignorants ou des fourbes.
•emandez-leaux Jules Guesde, aux Benoist Malon,
à tous ces penseurs qui ne sont parvenus aux
convictions fortes que par un labeur incessant, en
appliquant au problème social de notre époque les
modes d’investigation empruntés aux autres scien
ces exactes ou d’observation.
Oïi ne retourne pas une société comme un gant.
Pour la transformer, il faut la connaître. Ainsi
que l'a dit en termes excellents M. Roussel dans
sa conférence : « Pas de transformation sociale
sans évolution. » Il en est de la société comme des
organismes vivants qui suivent dans leur dévelop
pement et dans leur déclin certaines lois déter
minées qu’il faut déterminer.
Connaître ces lois en tant qu’elles s’appliquent
à l’homme ; faire en sorte qu’il se développe dans
un milieu favorable à son évolution intellectuelle,
morale et physique; éliminer les causes dépri
mantes, au premier rang desquelles l’oppression
industrielle dont souffre le prolétariat, telle est la
tâche du socialisme moderne. Nous souhaitons que
la classe ouvrière se pénètre de plus en plus de
ces principes qui assureront son affranchissement.
La soirée du 1 er Mai a fourni aux pionniers de
l’idée socialiste, une nouvelle occasion de se comp
ter. La réunion de l’Elysée, en dépit d’une cer
taine confusion, a montré la ferme intention des
syndicats ouvriers du Havre, représentée par leur
fédération, de se montrer à la hauteur de leur
tâche. La veille, l’importante corporation des mé
tallurgistes avait, en patronnant la conférence
Roussel, nettement rompu avec les traditions op
portunistes de ses anciens meneurs. La Fédéra
tion des Chambres syndicales qui, sans doute,
recevra bientôt l’adhésion des métallurgistes, a
affirmé, à l’Elysée, les mêmes tendances. Il faut
s’en féliciter, car cette entente des travailleurs est
une condition nécessaire de la victoire.
Cette .même réunion, en consacrant l’union de
diverses fractions du parti républicain sur le ter
rain socialiste, a donné l’occasion au groupe anar
chiste, assez peu nombreux au Havre, d’affirmer
son existence. On connaît la rengaine ordinaire
de l’auarchie : « L’ouvrier n’a rien à attendre de
« sa représentation dans les assemblées électi-
« ves. Quand il arrive au pouvoir, c’est pour tra-
« hir les siens. Dès lors, il faut faire la révolution
« sociale, sans se préoccuper de rien organiser. »
Cette école dispense ses adeptes de toute étude.
Elle est exclusive de toute discussion et nette
ment antiscientifique. De telles théories ne se
discutent même pas. Elles font, d’ailleurs, les af
faires de la bourgeoisie, qui a tout intérêt à repré
senter la classe ouvrière sous un aspect défavora
ble. L’anarchiste est, en réalité, le meilleur allié
du bourgeois, en ce qu’il essaie d’empêcher les
forces ouvrières de s’organiser.
S’il nous est permis de donner un conseil à nos
amis des syndicats, c’est de n’admettre aucune
compromission avec ces énergumènes, le plus
souvent affectés de graves maladies cérébrales, et
de ne jamais leur confier les secrets de leur propa
gande, ni de leur tactique. L’expérience a en effet
démontré que la police politique a plus d’un repré
sentant parmi les anarchistes et qu’il est prudent
de les tenir à l’écart.
Pendant que les socialistes du Havre se réu
nissaient pacifiquement, M. Dupuy, ministre de
l’Intérieur, sauvait à Paris la société menacée.
On sait, en effet, que M. Dupuy, après tant
d’autres, dirige actuellement l’usine de la place
Beauvau, autrefois gérée par M. Constans, la
quelle produit la paix intérieure et au besoin la
guerre civile, suivant les besoins de la politique
du moment.
Pour exercer ce métier de sauveur, il faut peu
peu de scrupules, et ne pas être embarrassé de ces
vieux principes de probité politique qui font rire
les hommes du centre. M. Constans y avait long
temps excellé. M. Dupuy, l’homme aux opinions
successives, y a débuté par un coup de maître en
faisant brutaliser par ses agents des députés
ouvriers. > '
. On se souvient des formalités qu’il fallait
remplir naguère pour arrêter les sénateurs ou
députés panamistes. On y mettait des formes. La
justice nâtionâle se gantait pour poser la main
au collet des chéquards.
Mais s’agit-il de députée ouvriers ? Vous appe
lez-vous Baudin ou Dumay, au lieu de Baïhaut?
Le plus grossier des ai gousins est bien suffisant
pour vous barrer la route. Au poste! vous qui vous
permettez de réclamer pacifiquement la journée
de huit heures ! Et si vous résistez, n’en doutez
pas, on vous passera à tabac dans lin coin du
violon.
Voilà où nous en sommes, sous le consulat de
M. Carnot, grâce à la majorité opportuniste qui
ne sait nous faire respecter ni à l’intérieur, ni à
à l’extérieur et qui, pendant qu’elle veut enrayer
en France le mouvement ouvrier, se laisse stupi
dement jouer par l’Angleterre en Egypte.
Le grand Gustave Flaubert, a mis une étiquette
sur la classe des couards et des satisfaits, lorsqu’il
a dit : « J’appelle bourgeois tout ce qui pense bas
sement. »
Serons-nous donc obligés de dire : « Nous
appelons ministre tout ce qui agit bêtement ? »
^ VERUS.
SEMAI NE POL ITIQUE
FRANCE
Depuis le commencement de la semaine, la
presse entière n’est remplie que de faits résultants
des manifestations survenues à l’occasion du 1 er
Mai. Nos lecteurs connaissent déjà, par les jour
naux quotidiens, tous les détails et incidents de la
fête du travail, et ils nous excuseront de n’en par
ler que des faits les plus saillants et qu’il importe
de répéter.
Selon les uns, — et les quoditiens de notre ville,
grands et petits, sont de cet avis, — Je chef du ca
binet, M. Dupuy, s’est affirmé, ce jour-la un véri
table homme d’Etat, un homme à poigne et de
gouvernement. Et de là ils ont pour lui une vérita
ble admiration, d’où ils conclufnt de suite, que le
cabinet actuel, avec un tel chef, peut aspirer, dé
sormais, à diriger les élections législatives de sep
tembre.
Nous ne sommes point de cet avis. Nous sommes
tout et autant que nos grands confrères partisans
de la tranquillité publique ; mais nous n’admet
trons jamais que pour la maintenir, l’autorité
vienne la troubler par la violence. Et quelle que
soit la morgue avec laquelle ait répondu M. le mi
nistre de l’intérieur à l’interpellation Dumay, nous
ne trouverons jamais, dans ses procédés césariens,
suffisamment de motifs pour voir en lui un sau
veur, digne de notre entière confiance, à plus forte
raison moins encore celle de diriger ies prochaines
élections.
*
4 4
Mais M. le ministre de l’intérieur s’est ravisé
depuis. Il s’est, dit-on, décidé à prendre des infor
mations personnelles au sujet des faits qui se sont
passés le 1 er mai à la caserne du Château-d’Eau, et
plus particulièrement des circonstances qui ont
accompagné rarrestation du député Baudin. Mieux
vaut tard que jamais.
Toutefois, puisque M. Dupuy devait êtçe amené
à soumettre à une enquête sérieuse les actes de
brutalité reprochés à la police, il eût été de sa part
à la fois plus adroit et plus loyal de ne les pas cou
vrir par avance d’une approbation sans réserve
sur laquelle il sera peut-être obligé de revenir
demain.
M. Dupuy a paru penser qu’il ne pouvait, sans se
faire taxer’de faiblesse et sans paraître déserter
son devoir de chef de gouvernement, laisser met
tre en discussion, nous ne dirous pas les ordres
qu’il avait donnés, mais la façon dont ils ont été
exécutés. En cela, il s’est trompé. Personne ne nie
que le ministre de l’intérieur, qui a la responsabi
lité de l’ordre dans la rue, n’ait en même temps le
devoir de le faire respecter par quiconque, député
ou non. le trouble et contrevient aux lois. Si M. le
député Baudin a réellement commisun délit, qu’on
l’eût appréhendé, conduit au poste et même tra
duit en police correctionnelle, nul n’y eût pu trou
ver à redire, car les lois sont faites pour tout le
monde et les membres du Parlement y sont soumis
tout aussi bien que les simples électeurs. Mais il y
a eu dans cette affaire au moins quelque chose de
trop, c’est le « passage à tabac ». M. Baudin a fait
cette déclaration :
« J’étais tenu par les agents dans le corps de
garde ; nn brigadier a répondu : « Ail ! c’est un
député. Eh ! bien, voilà ce que nous en faisons ».
Et la main tendue il m’a giflé à plusieurs repri
ses... . »
A cette affirmation si nette, qu’a opposé M. le
ministre de l’intérieur ? Il s’est contenté de don
ner lecture d’un rapport de police arffimant, bien
entendu, que tous ies torts étaient du côté, de M.
Baudin. Franchement, ce n’était pas assez. Cette
attitude du chef du gouvrnement est d’autant
plus fâcheuse que les actes de brutalité dont s’est
plaint Al. Baudin ne peuvent guère être sérieuse
ment contestés et qu’en fait le refus d’enquête
dans ces conditions prend la portée d’un encoura
gement à recommencer à la première occasiou Or,
la police n’est déjà que trop disposée à ce genre
d’exploits.
★
* *
Partout cependant, en province comme à Paris,
lé'plus' grand calme n’a cessé de régner. Ceux qui
ont tout a volonté, ceux qui ne se sont jamais trouvé
aux prises avec les difficultés de l’existence,ceuxqui
n’ont qu’à fouiller dans leurs poches pour puiser
l’argent à volonté, oh ! ceux-là, nous comprenons
volontiers qu’ils trouvent étrange de voir rouvrier
qui a charge de contributiorpet de famille et auquel
tout manque, qui vojt ies siens crier famine, et qui
a beau se fouiller et ne trouve-rien dans ses poches,
chassé de l’atelier avec beaucoup d’autres, rem
placés par les machines, réclamer la journée de
huit heures, afin que la répartition du travail
se trouve mieux faite. Et le 1 er Mai, disions-
nous choisi par les représentants des travailleurs,
pour manifester pacifiquementleurs revendications,
ne devrait être considéré par personne, comme
une occasion de provoquer la foule au désordre et
à résister à la force publique par la violence. Et
pourquoi, après taut, le prolétaire surtout en
République— ne pourrait user de sa liberté pour
essayer d’améliorer son sort et celui de ses sem
blables ? C’est un droit, suivant nous, qui devrait
être aussi respecté que celui de toutes autres mani
festations, tant que i’ordie public n’est point expo
sé à troublé.
*
¥ ¥
Chambre des Députés. — Une grave question so
ciale s’est discutée, ces jours derniers, à la Cham
bre : c’est le projet de la suppression des octrois.
L’article 1 er , qui reconnaît aux communes le droit
de remplacer les octrois, en tout ou partie, par
certaines taxes, est adopté.
M. Jamais a soutenu son amendement tendant à
rendre obligatoire la suppression des octrois pour
les substances alimentaires. lia déclaré qu’il re
prendra cet amendement à titre d’article addi
tionnel.
L’article 2, qui est également adopté, est ainsi
conçu : «Les taxes diverses prévues par la présente
loi seront assises et perçues, et les réclamations
jugées, comme en matière de contributions di
rectes. »
L’article 3 et dernier est adopté.
L’ensemble du projet est adopté par 492 voix
contre 65.
*
4 4
On dit que le gouvernement songerait à clore la
sessièn de la Chambre vers le 11 Juin. Cette mou-'
velle est inexacte, puisque, à plusieurs reprises,
le gouvernement a déclaré qu’il demanderait à la
Chambre actuelle de voter le budget de 1894, dont
le dépôt va être effectué. C’est dans ce budget que
doit figurer la réforme du régime des boissons
Il est donc impossible que la Chambre, si elle
doit voter ce budget, puisse se séparer avant les
fêtes du 14 Juillet, la discussion du budget ne pou
vant commencer que dans la première quinzaine
de juin.
ITALIE
Il n’est question à Rome, surtout depuis le dé
part de l’empereur d’Allemagne pour Naples, que
d’un incident qui a été très remarqué et très com
menté, malgré tous les efforts et toutes les consi
gnes du monde officiel.
On sait qu’au banquet d’honneur du Quirinal,
l’empereur a prononcé un toast en allemand, dont
on a beaucoup parlé, toast qui était d’ailleurs fort
entousiaste et que bien peu de personnes ont com
pris, car on parie peu l’allemand à Rome !
Après ce discours, le grand duc Wladimir, qui
avait à sa droite Mme Billot, femme de l’ambassa
deur de France près le Quirinal, se tourna vers
l’ambassadrice, et, le verre en main, parlant assez
haut pour êtte entendu de tous les assistants, il dit
de sa voix la plus nette :
« Moi, Madame, je bois à votre patrie, sans
phrases et de tout cœur. »
On devine l’effet produit par ces paroles fran
çaises après le toast allemand.
CHRONIQUE LOCULE
Salie Franklii\
Conférence par M. Roussel sur le so
cialisme et son avenir.
Il est fort regrettable que les ouvriers du Havre
n’aient pas afflué en masse, dimanche dernier, à
la conférence admirable faite par le citoyen
Roussel, de la Bourse du Travail, à Paris, car la
précision avec laquelle l’orateur expose ses théories
socialistes est d’un véritable charme. Contrairement
à bien d’autres conférences, presque toutes las
santes et dont le but n’est guère intéressant ; celle
du citoyen Roussel est imbue d’un bouta l’autre de
vérités, de faits saillants, qui lui ont mérité de
tous les assistants, de frénétiques applaudisse
ments.
La façon dont AI. Roussel expose la question est
tellement belle, qu’elle porte droit au cœur,
amenant même les larmes aux yeux des pauvres
diables sans travail, que des vérités touchent par
l’évidence même des faits.
Nous pouvons ici donner maintenant le compte
.rendu de cette réunion.
C’est le citoyen Ohé, de la.Chambre syndicale
des ouvriers métallurgistes, qui, dans une courte
allocution, ouvré la séance. Il reunrcie les per
sonnes présentes d’avoir bien voulu se rendre à
rappel qui était faitjdans l’intérêt de.tous.
La Salle Franklin, qui contient environ deux
mille cinq cents personnes, était loin d’être pleine.
Environ cinq à six cents assistants tout au plus.
Mais si ce nombre était malheureusement trop
minime, il f.» ut reconnaître, qu’en revanche, il a bu
cette vérité froide qui l’a remué et lui facilite
maintenant la réponse aux questions inventées par
les monarchistes, les conservateurs et les oppor
tunistes, aussi diffuses qu’insensées et toujours
enveloppées d’un im;ige bleu se dissipant toujours
d’un moment à l’autre laissant le prolétaire sous
l’amertume cruelle de.la déception.
Nous croyons utile de. dire que le citoyen
Roussel n’est pas un exalté, c’est un sincère qui
expose ses théories avec calme, y joignant un
talent oratoire peu commun et si parfois il élève
la voix, on est heureux de constater ique son élo
cution est sincère et qu’e.le part du ccpur.
Le conférencier commence en disant qu’une
tous les ouvriers, au mois, 50 0/0 sont sans travail,
l’orateur en explique la c mse par l’extension
prise par la machine, et à ce sujet, il élabore ce
fait' « Autrefois, à Paris, dans la cordonnerie, il
se trouvait de véritables artistes du genre ; en-
tr’autres ceux qui piquaient le point anglais; au
jourd’hui, les maisons qui employaient huit ou
vriers à ce piquage, livrent le même travail, et ce
même travail est évidemment aussi bien fait par
une machine conduite par un enfant d;e quatorze à
quinze ans, a peine rétribué sans doute. »
Sans précisément attaquer la classe dirigeante,
il dit qu’elle ignore ces statistiques et qu’il appar
tient au parti socialiste de la renseigner, qu’il est
absolument nécessaire qu’un minimum ne salaire
soit établi, que la durée du travail soit exactement
fixée et que tout cela soit fait, même sous le
contrôle des municipalités. L’est en produisant
beaucoup et ne consommant en réalité que très
peu que la machine est venue mettre ies intérêts
de l’ouvrier en déplorable cause, pendant que loin
de satisfaire le capitaliste — ce que l’on pouvait
croire — elle compromettrait également son inté
rêt le jour où le travail viendrait à manquer. Loin
de chercher à combattre la science, le citoyen
Roussel montre que le socialiste demande une
réglementation de travail,
« Les corporations sont l’école primaire de l’or
ganisation ouvrière, le socialisme pur est l’école
supérieure ; or, il s’agit de la journée de huit
heures qui permettrait de briser'les exigences du
patronat et qui assurerait à celui qui ne travaille
pas, et qui serait ainsi forcement embauché, un
morceau de pain pour ies siens. »
Le que l’orateur repousse avec énergie, c’est la
concurrence du patronat qui oblige un ouvrier de
travailler, comme dans certaines maisons, dix-
huit heures sur vingt-quatre. Avec la journée de
huit heures, l’ouvrier en aura au moins huit
autres à rester avec les siens et ne s’adonnera pas
à l’ivresse du vin comme voulait bien le dire M.
Le Roy-Baulieu, car si l’ouvrier boit aujourd’hui
des produits infectes (toujours fabriqués et falsi
fiés par de grandes industries), c’est pour oublier
son malheureux sort, et avec la conviction de
prouver en cette ivresse, l’oubli de son atroce
surmenage.
Il faut, dit le citoyen Roussel, arriver à cette
révolution pacifique, car elle est une nécessité
économique, indispensable a la classe ouvrière.
Autrement, c’est aller infailliblement à la plus,
violente des révolutions, engendrée par la situation
inextricable de ne pouvoir ni produire, ni con
sommer.
Après avoir dit comment et dans quelles circon
stances germa l’idée de la célébration du l« r Mai,
et que tout ouvrier devrait aujourd’hui fêter de
grand cœur, l’orateur nous démontre clairement
l’excellent but des syndicats.
« Rien ne sera fait, tant que l’ouvrier n’aura
pas la force du groupement pour faire valoir son
double droit du minimum des salaires et du maxi
mum d’heures de travail, tant qu’il n’aura pas gi
retenir entre ses mains le pouvoir municipal poli
tique, par l’accession dans les * onseils. »
Beaucoup de citoyens — des intéressés ceux-là,—
prétendent que si les mairies étaient envahies par
ies socialistes, tout irait à vau-l’eau, au pillage,
etc.. Le sont là des préjugés qu’il faut à tout prix,
combattre. Nous avons des exemples.
Depuis que la ville de Alarseilie possède une mu
nicipalité socialiste, a-t-on eu à signaler là des
abus ? Au contraire. Le plus grand ordre règne
dans i’Hôtel-de-Ville et surtout dans les finances,
ht a Roubaix ? Est-ce que cette mairie a été livrée
au pillage par les socialistes qui y régnent? Allons
donc ! Jamais budget municipal n’avait été si scru
puleusement épluché et des économies considéra
bles ont été réalisées, leur permettant, dans la
même année, de nourrir, aux frais de la ville, tous
les enfants des pauvres. Voilà, citoyens, s’écrie le
conférencier, des résultats probants, de nature à
vous engager à choisir vos élus parmi les socialis
tes ou du moins parmi ceux qui accepent leurs doc
trines et leurs programmes.
Il faut, ajoute le conférencier, que les communes
prennent sous leur protection les enfants jusqu’à
ce qu’ils aient l'âge de produire, et les vieillards
qui ont donné une longue carrière de travail.
La, ville de Roubaix, avec dix-sept cents enfants
dans ses écoles maternelles, n’en a pas moins une
économie de 200,000 francs dans son budget.
Le citoyen Roussel n’hésite pas à déclarer que
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