Titre : Le Réveil du Havre : organe républicain ["puis" organe républicain-socialiste indépendant "puis" organe du Parti républicain démocratique]
Éditeur : [s.n.] (Le Havre)
Date d'édition : 1893-04-01
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32854639q
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 avril 1893 01 avril 1893
Description : 1893/04/01 (N75). 1893/04/01 (N75).
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k32632752
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-89667
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/04/2019
1
2 e Année — N° 75 — Samedi 1 er Avril
DIX CENTIMES LE NUMERO
2 e Année — 12 Germinal An 101 — Pi 0 75.
■S
Réveil
ORGANE RÉPUBLICAIN
PRIX DES ABONNEMENTS :
UN AN SIX MOIS
Le Havre 5 fr. 3 fr.
Départements 6 fr. 3 50
ADMIIVISTMT10IY & RÉDACTION
15, RUE CASIMIR- P ÉRIER, 15
LE RÉ VE IL DU HA VRE paraît le Samedi
LEMAUVAISŒIL DU HAVRE
Décidément, le Havre paraît porter mal
heur aux ministres !
Chaque fois qu’un membre du Gouverne
ment s’aventure ou doit s’aventurer dans le
pays de Caux, c’est pour le Cabinet tout
entier le signal des pires calamités.
Déjà, Gambetta, Goblet, Yves Guyot, en
avaient fait l’expérience. Trois voyages chez
nous, trois renversements de ministères. Les
gens qui croient à la fatalité ont beau jeu, en
présence de cette triple coïncidence.
On pouvait croire que la présence de M.
Jules Siegfried au ministère du commerce —
où il a en vérité fait bien peu de chose,
puisqu’il n’a même pas rapporté le fameux
Décret sur les lards salés d’Amérique — con-
jurerait le mauvais œil que possède notre
région à l’encontre de nos gouvernants.
Il n’en a rien été.
Pour comble d’ironie, c’est au moment
même où M. Jules Siegfried, en compagnie
de son collègue, M. Dupuy, — vous savez, le
fameux M. Dupuy, l’homme aux opinions
successives et contradictoires? — s’apprêtait
à rentrer dans' sa bonne ville du Havre, au
son du canon et avec l’appareil imposant
que nous devons au Consulat, que la male-
chance vient s’abattre sur le Cabinet Ribot.
À peine les mâts vénitiens profilaient-ils
sur le boulevard de Strasbourg leurs sil
houettes grêles, que retentissait chez nous
cette nouvelle peu étonnante, d’essence assez
commune et à laquelle on s’habitue : « Le
cabinet se meurt ! le cabinet est mort ! »
Il est heureux -pour nous que le pro
gramme des fêtes du centenaire de Casimir
Delavigne ait été définitivement arrêté, car
si la chute du ministère Ribot se fut produite
quelques jours plus tôt, on eût vu sans doute
quelque adorateur des puissances éphémères
de la politique se lever pour proposer de
remettre à des jours meilleurs les fêtes litté
raires qu’on nous a préparées.
Mais comme les violons sont commandés
et que les marmitons sûnt déjà en train d’é
laborer leurs sauces, nous aurons concerts et
banquets, en dépit de ce deuil public que de
vrait être la retraite du cabinet Ribot. Il y
aura, sans doute, quelques ministres de
moins. On épargnera aux fonctionnaires qui
s’apprêtaient déjà à revêtir leur frac ou leurs
costumes chamarrés pour se rendre à la Sous-
Préfecture, plus d’une courbette subalterne.
Quelques boutonnières attendront encore leur
légitime ornement.
liais, en somme, si la crise ministérielle
que nous traversons ne doit pas avoir pour
efîl nécessaire d’attirer la pluie, le renver
sement du ministère Ribot n’aura pas d’in-
eorfPéj lient majeur. Il y aura tout de même
desjjeiix, un ballon et des courses nautiques.
M,k Casimir Delavigne, le principal inté-
resS, ipouvait sortir du tombeau pour donner
sonSfis en cette grave conjoncture, il for
muler iï lertainement son avis en ce distique,
peutfê r^l\s; prosaïque que certaines Messé-
nieimc ■, et pour lequel nous ne demandons
pasHh prix à la Société havraise d’Etudes
divers is :
Consol z-vous, Havrais, pourvu qu’il fasse beau,
De la s mdaine mort du cabinet Ribot !
SEMAINE POLITIQUE
FRANCE
Election législative du 26 Mars 1893
M0NTDID1ER (Somme)
L’élection de Montdidier donne le résultat sui
vant :
MM. Leroy, républicain 9.664 voix. Elu
le comte de Beaurepaire,
réactionnaire 5.913 »
Il s’agissait de remplacer M. Descaure, réac
tionnaire, décédé. C’est donc une nouvelle victoire
pour la République.
HAUTE-SAONE
Election au Conseil général, pour le canton de
Champagney
Inscrits 3.590 — Votants 2.877
MM. Peroz, républicain 1.933 voix. Elu
Mariotte, réactionnaire... 936 »
11 s’agissait de remplacer M. Baïhaut.
M. Mariotte, candidat réactionnaire est le rédac
teur en chef du Nouvelliste de la Haute-Saône ;
il avait été condamné, récemment, pour diffamation
envers M. Baïhaut.
M. Challemel-Lacour en prenant possession du
fauteuil présidentiel au Luxembourg, a prononcé
un discours dans lequel il a rappelé les services
rendus à la République par son prédécesseur,
M. Jules Ferry :
« Nous sommes, a-t-il dit, à une heure où il n’y
a le salut que dans la proclamation haute et
franche de la vérité.
« Nous arrivons à un spectacle prodigieux.
Ceux qui exploitent ce mouvement vous crient :
« C’est la faute à la Constitution ». Les partisans
du régime du calme ou les fauteurs d’anarchie
disent : « T’est la fin de la République. »
« Je ne veux pas défendre ici la Constitution de
1875 ; même défigurée par des modifications peu
heureuses, elle donne au pouvoir qui seul en user
de fortes garanties et à la liberté toutes les ga
ranties.
« Non ! la faute de ce qui arrive appartient au
parti qui a mal pratiqué le gouvernement parle-
lementaire et qui en a méconnu la nature. Depuis
quinze ans, il n’a pas été pratiqué sérieusement
une seule fois ; il n’y a jamais eu de cabinet ho
mogène et solidaire, ni une majorité prête à le
soutenir sans fantaisie et sans défaillance... »
M. Challemel-Lacour, en prononçant son dis
cours, — pour ne pas dire son réqusitoire, — pré-
voyait-il déjà la chute du ministère ? Tout nous le
fait supposer, car, par 247 voix contre 242 la
Chambre amis, jeudi, le ministère en échec, en se
prononçant contre la disjonction de la réforme des
boissons de la loi de finances.
Ce résultat n’a surpris personne, et, depuis plu
sieurs jours déjà, on savait qu’un aussaut suprême
serait donné au ministère Ribot avant les va-
vances.
Pour tous les habitués de la Chambre, il est cer
tain que la question des boissons a été non pas la
cause, mais le prétexte de la nouvelle crise.
Si le ministère était sorti triomphant de cette
première épreuve, il aurait rencontré de nouvelles
difficultés à l’occasion de la loi sur les opérations
de Bourse et du vote des douzièmes provisoires.
On avait même deux interpellations en réserve:
l’une sur sa politique générale, l’autre sur l’atti
tude prise par le ministère de la justice vis-à-vis
de M. Andrieux.
M. Ribot n’a pas chercher à éviter le combat.
Avec une bonne grâce parfaite et une très grande
simplicité, il a offert à la majorité, dès le premier
vote, l’occasion quelle semblait chercher, et il
fait la déclaration suivante :
« La Chambre doit se mettre en face des
réalités.
« Trois douzièmes provisoires ont été déjà votés :
on n’a jamais dépassé ce chiffre. La Chambre sait
quel trouble cette mesure jette dans l’adminis
tration : on ne peut même plus créer des bureaux
de poste.
« A la veille d’aller devant les électeurs, la
Chambre ne voudra pas mettre en péril le budget
de 1893 et aussi celui de 1894, car on retrouvera
au mois de mai les mêmes difficultés.
« Aucune atteinte n’est portée aux prérogatives
de la Chambre ; il ne s’agit pas d’incliner ses
droits devant les prétentions du Sénat.
« Le gouvernement est prêt à se faire devant le
Sénat le défenseur des votes de la Chambre. En
ce qui concerne la réforme des boissons, il ne
s’agit pas de l’abandonner. On pourra la résoudre
soit par une loi spéciale, soit dans le budget de
1894 ; mais pense-t-on qu’on puisse faire l’accord
sur cette question, d’ici à ce soir ou à demain,
entre les deux Chambres ? Le gouvernement ne le
pense pas.
« La Chambre ne voudra pas condamner le gou
vernement à ne pas-avoir de budget. Nous dési
rons l’accord, parce que nous le croyons utile et
nécessaire à la cause* même de la République.
« Si la Chambre veut que nous le demandions au
Sénat dans des conditions que nous considérons
comme impossibles, qu’elle le dise : îe gouverne
ment aura dégagé sa responsabilité. »
MM. Jamais, Locftroy et Peytraî insistent
encore pour la disjonction et la clôture est enfin
prononcée.
Après une discussion assez confuse sur la posi
tion de la question, il est entendu que c’est la
disjonction qui sera mise aux voix.
M. Ribot rappelle que ^gouvernement-demande
la disjonction.
— J’ai indiqué, tout à l’heure, dit-il, les consé
quences politiques du vote..
Pendant le scrutin — qui donne lieu à un poin
tage — les députés se groupent au pied dus bureau
et des discussions très vives* éclatent sur la récep
tion des bulletins.
Le président intervient et fait connaître que les
bulletins peuvent être reçus- jusqu’à ce qu’il ait
annoncé le pointage.
A cinq heures et quart, ML. Casimir-Périer fait
connaître le résultat du scrutin.
Pour la disjonction : 242 voix :
Contre la disjonction : 247 voix.
La disjonction n’est pas adoptée. On applaudit.
— La Chambre est mûre pour la dissolution,
s’écrie M. Armand Després, qui provoque ainsi
une salve d’applaudissements.
Mais M. Ribot demande la parole:
« En présence du vote quii vient d’être- émis,
dit-il, la Chambre comprend que le cabinet ne
puisse continuer la discussion du budget. Mais il
y a des mesures immédiates à prendre dans-l’inté
rêt du pays. Je demande à la Chambre de se réunir
ce soir. »
La Chambre décide en effet qu’elle se réunira
dans la soirée, à neuf heures.
Séance du soir. — A neuf du- soir, la séance a
été reprise. +
A ce moment l’aspect de la. salle est plutôt gai.
Beaucoup de députés sont en habit et dans les tri
bunes, absolument bondées, on constate la présence
de beaucoup de dames en toilette de théâtre.
M. Tirard est seul au banc des ministres. Après
l’adoption du procès-verbal, il monte à la tribune
et dit :
« M. le président de la République ayant
chargé le gouvernement démissionnaire de pour
voir à l’expédition des affaires, j’ai l’honneur de
déposer sur le bureau de la Chambre, au nom du
gouvernement, un projet de loi portant ouverture
de crédits provisoires applicables aux mois d’avril
et de mai 1893. »
M. Edouard Lockroy, au nom de la commission
fait la déclaration suivante :
« Votre commission du budget, après avoir
entendu le ministre des finances, vous propose de
voter un seul douzième provisoire. Elle substitue
donc au projet qui a été déposé tout à l’heure par
le gouvernement en autre projet portant ouver
ture de crédits applicables au mois d’avril 1893. »
A la majorité de 504 voix contre 5, l’ensemble
est adopté.
A onze heures, le président avise l’Assemblée
que le projet est voté au Sénat et demande à la
Chambre quel jour elle veut se réunir.
Au Sénat. — Dans les couloirs du Sénat, com
me dans ceux de la Chambre on est unanime à
prédire que la solution de la crise sera difficul-
tueuse.
On considérait comme une indication au chef
de l’Etat le vote d’un seul douzième provisoire au
lieu de deux. Il y avait là une manifestation très
claire du désir de la Chambre de ne s’en aller
qu’après avoir voté le budget et s’être par consé
quent mise d’accord avec le nouveau cabinet.
On semble généralement croire, qu’à l’excep
tion du ministre de la guerre et du ministre de la
marine, le cabinet sera entièrement renouvelé.
Suivant un bruit très accrédité, un « tuyau »
très sérieux, il faudrait faire une troisième excep
tion en faveur de M. Develle.
Le ministre actuel des affaires étrangères pren
drait dans cette combinaison la présidence du
conseil et le ministère de l’intérieur. Il aurait
pour principal collaborateur M. Méline.
Nous ne rapportons bien entendu ces bruits qu’à
titre de simples infcfrmations.
LES PROCES DE U TILLE
La ville du Havre va avoir à soutenir un grand
nombre de procès qui lui sont intentés par des
propriétaires ou des usiniers de la vallée de Saint-
Laurent ; ceux-ci réclamant des indemnités pour
le préjudice qui leur est causé par la captation
. PRIX DES INSERTIONS :
Annonces 25 cent, la ligne
Réclames 50 cent, la ligne
On traite à Forfait
des sources dont les eaux faisaient marcher les
roues de leurs moulins ou de leurs usines ; il s’agit
dans l’ensemble de plusieurs centaines de mille
francs. Le bruit nous revient que la plupart de ces
procès sont provoqués par la négligence et l’in
souciance de l’Administration municipale ; les
pourparlers préalables ont été conduits avec une
telle*mollesse qu’ils ne pouvaient amener aucune
entente ; mais, voici où les choses s’aggravent.
On sait qu’avant d’exercer une action contre une
commune, le demandeur est tenu d’adresser air
préfet ou au sous-préfet un mémoire exposant sa
réclamation, et que l’action ne peut être portée
devant les tribunaux que deux mois après le
dépôt de ce mémoire, immédiatement communiqué
à la commune. Et bien, M. Rident, avoué, pre
mier adjoint, chargé du contentieux, a laissé écou
ler pour là plupart des affaires litigieuses en sus
pens ce délai de deux mois sans en saisir, ni le
Conseil municipal, ni la commission du conten
tieux. Il s’ëst enfin d'écidé récemment à consulter
la commission du contentieux, mais s’est dispensé
d’étudier les affaires, et laisse aller les choses au
hasard des-événements. Il a convoqué quelques-uns
des demandeurs et a à peine discuté avec eux,
n’ayant pas d’arguments à leur opposer. On nous
affirme même que M. Rident n’a jamais visité les
moulins qu’on offre de vendre à la ville ou pour
lesquels on réclame-des indemnités ! Il est vrai
ment bien préparé pour soutenir les intérêts de la
Ville et faire de la besogne sérieuse, soit à l’amia
ble, soit en justice. Un avocat d’une partie adverse
disait récemment dans une conversation particu~
lière qu’il éprouvait un véritable malaise d’avoir
devant lui des adversaires aussi peu sérieux pour
des affaires importantes.
En voyant le Conseil municipal d’une grande
ville commerciale, maritime et industrielle mettre
à sa tête un avocat et un avoué, la population
pouvait au moins compter que ses affaires judi
ciaires seraient traitées supérieurement. Il n’en
est malheureusement rien, et cruelle que puisse
être la valeur professionnelle de M, Rident, nous
sommes bien obligés de reconnaître qu’il lui
manque les qualités administratives nécessaires à
un premier adjoint, chargé du contentieux.
JLA. POLICE
Nous apprenons que notre dernier article sur la
police a soulevé en haut lieu une certaine émotion.
Nous n’avons pas à revenir sur les critiques,
dont nous nous sommes fait l’écho, contre la répar
tition peu démocratique qui a été? faite des fonds
votés par le Conseil municipal et qui avaient pour
but de récompenser, dans une certaine mesure,
les agents de leur belle conduite pendant l’épidémie
cholérique. Tous ceux qui ont à cœur de recon
naître le dévouement chez les petits comme chez
les grands, chez les subalternes comme chez les
supérieurs, seront de notre avis.
Les observations que nous avons formulées au
sujet des scandales de la foire de la place Thiers,
ont donné lieu à une démarche assez insolite.
Un commissaire de police, homme fort aimable
d’ailleurs, s’est présenté dans nos bureaux pour
avoir des renseignements sur les exhibitions de
certaines baraques. Nous avons répondu ce que
nous devions répondre. Nous garantissons absolu
ment l’information par nous donnée dans notre
dernier numéro. Mais nous ne sommes pas chargés
de faire la police des foires de notre région. Le
service de la police dispose de moyens d’investi
gation autrement puissants que de simples parti
culiers.
Il nous suffit de dire que les scandales auxquels
nous avons fait allusion se sont passés dans cer
taines baraques où l’on exhibe des femmes à per
choir.
Nous ne sommes pas autrement enthousiastes
de la Ligue du Père la Vertu, et nous n’avons
aucun goût pour la feuille de vigne, ni pour les
indignations pudibondes de certains vieux Mes
sieurs. Mais il n’est peut-être pas absolument
nécessaire de mêler aux réjouissances populaires
des divertissements plus que scabreux.
2 e Année — N° 75 — Samedi 1 er Avril
DIX CENTIMES LE NUMERO
2 e Année — 12 Germinal An 101 — Pi 0 75.
■S
Réveil
ORGANE RÉPUBLICAIN
PRIX DES ABONNEMENTS :
UN AN SIX MOIS
Le Havre 5 fr. 3 fr.
Départements 6 fr. 3 50
ADMIIVISTMT10IY & RÉDACTION
15, RUE CASIMIR- P ÉRIER, 15
LE RÉ VE IL DU HA VRE paraît le Samedi
LEMAUVAISŒIL DU HAVRE
Décidément, le Havre paraît porter mal
heur aux ministres !
Chaque fois qu’un membre du Gouverne
ment s’aventure ou doit s’aventurer dans le
pays de Caux, c’est pour le Cabinet tout
entier le signal des pires calamités.
Déjà, Gambetta, Goblet, Yves Guyot, en
avaient fait l’expérience. Trois voyages chez
nous, trois renversements de ministères. Les
gens qui croient à la fatalité ont beau jeu, en
présence de cette triple coïncidence.
On pouvait croire que la présence de M.
Jules Siegfried au ministère du commerce —
où il a en vérité fait bien peu de chose,
puisqu’il n’a même pas rapporté le fameux
Décret sur les lards salés d’Amérique — con-
jurerait le mauvais œil que possède notre
région à l’encontre de nos gouvernants.
Il n’en a rien été.
Pour comble d’ironie, c’est au moment
même où M. Jules Siegfried, en compagnie
de son collègue, M. Dupuy, — vous savez, le
fameux M. Dupuy, l’homme aux opinions
successives et contradictoires? — s’apprêtait
à rentrer dans' sa bonne ville du Havre, au
son du canon et avec l’appareil imposant
que nous devons au Consulat, que la male-
chance vient s’abattre sur le Cabinet Ribot.
À peine les mâts vénitiens profilaient-ils
sur le boulevard de Strasbourg leurs sil
houettes grêles, que retentissait chez nous
cette nouvelle peu étonnante, d’essence assez
commune et à laquelle on s’habitue : « Le
cabinet se meurt ! le cabinet est mort ! »
Il est heureux -pour nous que le pro
gramme des fêtes du centenaire de Casimir
Delavigne ait été définitivement arrêté, car
si la chute du ministère Ribot se fut produite
quelques jours plus tôt, on eût vu sans doute
quelque adorateur des puissances éphémères
de la politique se lever pour proposer de
remettre à des jours meilleurs les fêtes litté
raires qu’on nous a préparées.
Mais comme les violons sont commandés
et que les marmitons sûnt déjà en train d’é
laborer leurs sauces, nous aurons concerts et
banquets, en dépit de ce deuil public que de
vrait être la retraite du cabinet Ribot. Il y
aura, sans doute, quelques ministres de
moins. On épargnera aux fonctionnaires qui
s’apprêtaient déjà à revêtir leur frac ou leurs
costumes chamarrés pour se rendre à la Sous-
Préfecture, plus d’une courbette subalterne.
Quelques boutonnières attendront encore leur
légitime ornement.
liais, en somme, si la crise ministérielle
que nous traversons ne doit pas avoir pour
efîl nécessaire d’attirer la pluie, le renver
sement du ministère Ribot n’aura pas d’in-
eorfPéj lient majeur. Il y aura tout de même
desjjeiix, un ballon et des courses nautiques.
M,k Casimir Delavigne, le principal inté-
resS, ipouvait sortir du tombeau pour donner
sonSfis en cette grave conjoncture, il for
muler iï lertainement son avis en ce distique,
peutfê r^l\s; prosaïque que certaines Messé-
nieimc ■, et pour lequel nous ne demandons
pasHh prix à la Société havraise d’Etudes
divers is :
Consol z-vous, Havrais, pourvu qu’il fasse beau,
De la s mdaine mort du cabinet Ribot !
SEMAINE POLITIQUE
FRANCE
Election législative du 26 Mars 1893
M0NTDID1ER (Somme)
L’élection de Montdidier donne le résultat sui
vant :
MM. Leroy, républicain 9.664 voix. Elu
le comte de Beaurepaire,
réactionnaire 5.913 »
Il s’agissait de remplacer M. Descaure, réac
tionnaire, décédé. C’est donc une nouvelle victoire
pour la République.
HAUTE-SAONE
Election au Conseil général, pour le canton de
Champagney
Inscrits 3.590 — Votants 2.877
MM. Peroz, républicain 1.933 voix. Elu
Mariotte, réactionnaire... 936 »
11 s’agissait de remplacer M. Baïhaut.
M. Mariotte, candidat réactionnaire est le rédac
teur en chef du Nouvelliste de la Haute-Saône ;
il avait été condamné, récemment, pour diffamation
envers M. Baïhaut.
M. Challemel-Lacour en prenant possession du
fauteuil présidentiel au Luxembourg, a prononcé
un discours dans lequel il a rappelé les services
rendus à la République par son prédécesseur,
M. Jules Ferry :
« Nous sommes, a-t-il dit, à une heure où il n’y
a le salut que dans la proclamation haute et
franche de la vérité.
« Nous arrivons à un spectacle prodigieux.
Ceux qui exploitent ce mouvement vous crient :
« C’est la faute à la Constitution ». Les partisans
du régime du calme ou les fauteurs d’anarchie
disent : « T’est la fin de la République. »
« Je ne veux pas défendre ici la Constitution de
1875 ; même défigurée par des modifications peu
heureuses, elle donne au pouvoir qui seul en user
de fortes garanties et à la liberté toutes les ga
ranties.
« Non ! la faute de ce qui arrive appartient au
parti qui a mal pratiqué le gouvernement parle-
lementaire et qui en a méconnu la nature. Depuis
quinze ans, il n’a pas été pratiqué sérieusement
une seule fois ; il n’y a jamais eu de cabinet ho
mogène et solidaire, ni une majorité prête à le
soutenir sans fantaisie et sans défaillance... »
M. Challemel-Lacour, en prononçant son dis
cours, — pour ne pas dire son réqusitoire, — pré-
voyait-il déjà la chute du ministère ? Tout nous le
fait supposer, car, par 247 voix contre 242 la
Chambre amis, jeudi, le ministère en échec, en se
prononçant contre la disjonction de la réforme des
boissons de la loi de finances.
Ce résultat n’a surpris personne, et, depuis plu
sieurs jours déjà, on savait qu’un aussaut suprême
serait donné au ministère Ribot avant les va-
vances.
Pour tous les habitués de la Chambre, il est cer
tain que la question des boissons a été non pas la
cause, mais le prétexte de la nouvelle crise.
Si le ministère était sorti triomphant de cette
première épreuve, il aurait rencontré de nouvelles
difficultés à l’occasion de la loi sur les opérations
de Bourse et du vote des douzièmes provisoires.
On avait même deux interpellations en réserve:
l’une sur sa politique générale, l’autre sur l’atti
tude prise par le ministère de la justice vis-à-vis
de M. Andrieux.
M. Ribot n’a pas chercher à éviter le combat.
Avec une bonne grâce parfaite et une très grande
simplicité, il a offert à la majorité, dès le premier
vote, l’occasion quelle semblait chercher, et il
fait la déclaration suivante :
« La Chambre doit se mettre en face des
réalités.
« Trois douzièmes provisoires ont été déjà votés :
on n’a jamais dépassé ce chiffre. La Chambre sait
quel trouble cette mesure jette dans l’adminis
tration : on ne peut même plus créer des bureaux
de poste.
« A la veille d’aller devant les électeurs, la
Chambre ne voudra pas mettre en péril le budget
de 1893 et aussi celui de 1894, car on retrouvera
au mois de mai les mêmes difficultés.
« Aucune atteinte n’est portée aux prérogatives
de la Chambre ; il ne s’agit pas d’incliner ses
droits devant les prétentions du Sénat.
« Le gouvernement est prêt à se faire devant le
Sénat le défenseur des votes de la Chambre. En
ce qui concerne la réforme des boissons, il ne
s’agit pas de l’abandonner. On pourra la résoudre
soit par une loi spéciale, soit dans le budget de
1894 ; mais pense-t-on qu’on puisse faire l’accord
sur cette question, d’ici à ce soir ou à demain,
entre les deux Chambres ? Le gouvernement ne le
pense pas.
« La Chambre ne voudra pas condamner le gou
vernement à ne pas-avoir de budget. Nous dési
rons l’accord, parce que nous le croyons utile et
nécessaire à la cause* même de la République.
« Si la Chambre veut que nous le demandions au
Sénat dans des conditions que nous considérons
comme impossibles, qu’elle le dise : îe gouverne
ment aura dégagé sa responsabilité. »
MM. Jamais, Locftroy et Peytraî insistent
encore pour la disjonction et la clôture est enfin
prononcée.
Après une discussion assez confuse sur la posi
tion de la question, il est entendu que c’est la
disjonction qui sera mise aux voix.
M. Ribot rappelle que ^gouvernement-demande
la disjonction.
— J’ai indiqué, tout à l’heure, dit-il, les consé
quences politiques du vote..
Pendant le scrutin — qui donne lieu à un poin
tage — les députés se groupent au pied dus bureau
et des discussions très vives* éclatent sur la récep
tion des bulletins.
Le président intervient et fait connaître que les
bulletins peuvent être reçus- jusqu’à ce qu’il ait
annoncé le pointage.
A cinq heures et quart, ML. Casimir-Périer fait
connaître le résultat du scrutin.
Pour la disjonction : 242 voix :
Contre la disjonction : 247 voix.
La disjonction n’est pas adoptée. On applaudit.
— La Chambre est mûre pour la dissolution,
s’écrie M. Armand Després, qui provoque ainsi
une salve d’applaudissements.
Mais M. Ribot demande la parole:
« En présence du vote quii vient d’être- émis,
dit-il, la Chambre comprend que le cabinet ne
puisse continuer la discussion du budget. Mais il
y a des mesures immédiates à prendre dans-l’inté
rêt du pays. Je demande à la Chambre de se réunir
ce soir. »
La Chambre décide en effet qu’elle se réunira
dans la soirée, à neuf heures.
Séance du soir. — A neuf du- soir, la séance a
été reprise. +
A ce moment l’aspect de la. salle est plutôt gai.
Beaucoup de députés sont en habit et dans les tri
bunes, absolument bondées, on constate la présence
de beaucoup de dames en toilette de théâtre.
M. Tirard est seul au banc des ministres. Après
l’adoption du procès-verbal, il monte à la tribune
et dit :
« M. le président de la République ayant
chargé le gouvernement démissionnaire de pour
voir à l’expédition des affaires, j’ai l’honneur de
déposer sur le bureau de la Chambre, au nom du
gouvernement, un projet de loi portant ouverture
de crédits provisoires applicables aux mois d’avril
et de mai 1893. »
M. Edouard Lockroy, au nom de la commission
fait la déclaration suivante :
« Votre commission du budget, après avoir
entendu le ministre des finances, vous propose de
voter un seul douzième provisoire. Elle substitue
donc au projet qui a été déposé tout à l’heure par
le gouvernement en autre projet portant ouver
ture de crédits applicables au mois d’avril 1893. »
A la majorité de 504 voix contre 5, l’ensemble
est adopté.
A onze heures, le président avise l’Assemblée
que le projet est voté au Sénat et demande à la
Chambre quel jour elle veut se réunir.
Au Sénat. — Dans les couloirs du Sénat, com
me dans ceux de la Chambre on est unanime à
prédire que la solution de la crise sera difficul-
tueuse.
On considérait comme une indication au chef
de l’Etat le vote d’un seul douzième provisoire au
lieu de deux. Il y avait là une manifestation très
claire du désir de la Chambre de ne s’en aller
qu’après avoir voté le budget et s’être par consé
quent mise d’accord avec le nouveau cabinet.
On semble généralement croire, qu’à l’excep
tion du ministre de la guerre et du ministre de la
marine, le cabinet sera entièrement renouvelé.
Suivant un bruit très accrédité, un « tuyau »
très sérieux, il faudrait faire une troisième excep
tion en faveur de M. Develle.
Le ministre actuel des affaires étrangères pren
drait dans cette combinaison la présidence du
conseil et le ministère de l’intérieur. Il aurait
pour principal collaborateur M. Méline.
Nous ne rapportons bien entendu ces bruits qu’à
titre de simples infcfrmations.
LES PROCES DE U TILLE
La ville du Havre va avoir à soutenir un grand
nombre de procès qui lui sont intentés par des
propriétaires ou des usiniers de la vallée de Saint-
Laurent ; ceux-ci réclamant des indemnités pour
le préjudice qui leur est causé par la captation
. PRIX DES INSERTIONS :
Annonces 25 cent, la ligne
Réclames 50 cent, la ligne
On traite à Forfait
des sources dont les eaux faisaient marcher les
roues de leurs moulins ou de leurs usines ; il s’agit
dans l’ensemble de plusieurs centaines de mille
francs. Le bruit nous revient que la plupart de ces
procès sont provoqués par la négligence et l’in
souciance de l’Administration municipale ; les
pourparlers préalables ont été conduits avec une
telle*mollesse qu’ils ne pouvaient amener aucune
entente ; mais, voici où les choses s’aggravent.
On sait qu’avant d’exercer une action contre une
commune, le demandeur est tenu d’adresser air
préfet ou au sous-préfet un mémoire exposant sa
réclamation, et que l’action ne peut être portée
devant les tribunaux que deux mois après le
dépôt de ce mémoire, immédiatement communiqué
à la commune. Et bien, M. Rident, avoué, pre
mier adjoint, chargé du contentieux, a laissé écou
ler pour là plupart des affaires litigieuses en sus
pens ce délai de deux mois sans en saisir, ni le
Conseil municipal, ni la commission du conten
tieux. Il s’ëst enfin d'écidé récemment à consulter
la commission du contentieux, mais s’est dispensé
d’étudier les affaires, et laisse aller les choses au
hasard des-événements. Il a convoqué quelques-uns
des demandeurs et a à peine discuté avec eux,
n’ayant pas d’arguments à leur opposer. On nous
affirme même que M. Rident n’a jamais visité les
moulins qu’on offre de vendre à la ville ou pour
lesquels on réclame-des indemnités ! Il est vrai
ment bien préparé pour soutenir les intérêts de la
Ville et faire de la besogne sérieuse, soit à l’amia
ble, soit en justice. Un avocat d’une partie adverse
disait récemment dans une conversation particu~
lière qu’il éprouvait un véritable malaise d’avoir
devant lui des adversaires aussi peu sérieux pour
des affaires importantes.
En voyant le Conseil municipal d’une grande
ville commerciale, maritime et industrielle mettre
à sa tête un avocat et un avoué, la population
pouvait au moins compter que ses affaires judi
ciaires seraient traitées supérieurement. Il n’en
est malheureusement rien, et cruelle que puisse
être la valeur professionnelle de M, Rident, nous
sommes bien obligés de reconnaître qu’il lui
manque les qualités administratives nécessaires à
un premier adjoint, chargé du contentieux.
JLA. POLICE
Nous apprenons que notre dernier article sur la
police a soulevé en haut lieu une certaine émotion.
Nous n’avons pas à revenir sur les critiques,
dont nous nous sommes fait l’écho, contre la répar
tition peu démocratique qui a été? faite des fonds
votés par le Conseil municipal et qui avaient pour
but de récompenser, dans une certaine mesure,
les agents de leur belle conduite pendant l’épidémie
cholérique. Tous ceux qui ont à cœur de recon
naître le dévouement chez les petits comme chez
les grands, chez les subalternes comme chez les
supérieurs, seront de notre avis.
Les observations que nous avons formulées au
sujet des scandales de la foire de la place Thiers,
ont donné lieu à une démarche assez insolite.
Un commissaire de police, homme fort aimable
d’ailleurs, s’est présenté dans nos bureaux pour
avoir des renseignements sur les exhibitions de
certaines baraques. Nous avons répondu ce que
nous devions répondre. Nous garantissons absolu
ment l’information par nous donnée dans notre
dernier numéro. Mais nous ne sommes pas chargés
de faire la police des foires de notre région. Le
service de la police dispose de moyens d’investi
gation autrement puissants que de simples parti
culiers.
Il nous suffit de dire que les scandales auxquels
nous avons fait allusion se sont passés dans cer
taines baraques où l’on exhibe des femmes à per
choir.
Nous ne sommes pas autrement enthousiastes
de la Ligue du Père la Vertu, et nous n’avons
aucun goût pour la feuille de vigne, ni pour les
indignations pudibondes de certains vieux Mes
sieurs. Mais il n’est peut-être pas absolument
nécessaire de mêler aux réjouissances populaires
des divertissements plus que scabreux.
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 87.6%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 87.6%.
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://nutrisco-patrimoine.lehavre.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k32632752/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://nutrisco-patrimoine.lehavre.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k32632752/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://nutrisco-patrimoine.lehavre.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k32632752/f1.image
- Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://nutrisco-patrimoine.lehavre.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k32632752
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://nutrisco-patrimoine.lehavre.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k32632752
Facebook
Twitter