Titre : Le Réveil du Havre : organe républicain ["puis" organe républicain-socialiste indépendant "puis" organe du Parti républicain démocratique]
Éditeur : [s.n.] (Le Havre)
Date d'édition : 1893-02-11
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32854639q
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 11 février 1893 11 février 1893
Description : 1893/02/11 (N68). 1893/02/11 (N68).
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k3263268x
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-89667
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/04/2019
1
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4
j
5
2® Année — N® 68 — Samedi 11 Février 1898.
DIX CENTIMES LE NUMERO
2* Année — 28 Plnviôse An 101 — N°
Le Réveil
Havre
ORGANE RÉPUBLICAIN
PRIX DES ABONNEMENTS
UN AN
Le Havre .... 5 fr.
Départements 6 fr.
six MOIS
3 fr.
3 50
ADMINISTRATION & RÉDACTION
15, RUE CASIMIR-PÉRIER, 15
LE RÉVEIL DU HA VRE paraît le Samedi
PRIX DES INSERTIONS :
.Annonces .. 25 cent, la ligne
j| Réclames 50 cent, la ligne
On traite à Forfait
ENTRE MODERES
Dans sa séance de mercredi, la Chambre a
donné à la France un spectacle bien fait pour
l’étonner. Trop timorée pour renverser ce
ministère Ribot qui préside si étrangement
aux destinées de la République, elle a voulu
lui donner une leçon. Non contente d'avoir
applaudi le discours de M. Cavaignac, plus
que celui de M. Ribot, elle a voté l’ordre du
jour qu’il proposait. Elle a fait davantage :
elle a ordonné l’affichage de ce discours, ce
qui constitue, pour le ministère, un blâme indi
rect, à raison de son attitude dans les affaires
de Panama. mI ML . Jt . ■ <
Bien que M. Cavaignac se soit maintenu,
dans son discours, sur le terrain des généralités
et des principes de gouvernement, sans atta
quer formellement M. Rouvier dont il a con
damné les doctrines, à mots couverts, on ne
peut s’empêcher d’approuver, en somme, les
tendances de sa harangue.
Il a eu raison de dénoncer comme un dan
ger cet'te influence néfaste de la finance sur
la politique, et de dire que la République est
au-dessus de ces turpitudes. Mais, en centre-
gauche qui connaît son monde parlementaire
et l’influence à certaines heures des doctrines
du juste milieu, il a négligé de conclure, ce
qui est vraiment dommage, car il nous eût
sans doute appris en quoi les modérés qui
appliquent sans cesse le précepte « enrichis
sez-vous ! » importé de l’orléanisme dans la
République, pourraient avoir de l’autorité
devant un pays exploité et déshonoré presque
parles tripoteurs.
Il faut qu’on le sache et qu’on le répète.
En dépit de ses tendances doctrinaires, M.
Cavaignac a voulu, avant tout, tirer un
pétard. Il a jugé que le moment était bon pour
le parti auquel il appartient d’ouvrir la porte
aux ralliés. En quoi il continue cette belle
politique des Rouvier qui, naguère, fraternisait
avec de Mackau, et de Carnot qui bénit
aujourd’hui des cardinaux.
Mais ce qu’il y a de plaisant dans la circon
stance, c’est que ce sont précisément Rouvier
et Carnot qui font les frais de cette évolution.
Leur modérantisme, paraît-il, n’était pas suf
fisant. Les Cavaignac et les Fiou sont là qui
attendent, prêts à occuper le ministère, et, au
besoin, la présidence de la République.
Cette lutte entre modérés, qui s’attachent
à oomplaire à l’envi aux ennemis de nos ins
titutions, serait plaisante, si la République
a’en était l’enjeu.
Il n’y a malheureusement, au fond da tout
e@la, qu’une question de personnes : Cavai
gnac remplacera-t-il Carnot?
L'accueil fait par les réactionnaires au fils
du mitrailleur de Juin 1848, n’est pas pour
nous rassurer. En voilà un, certes, qui ne
résoudra pas la question sociale ! On peut,
aur ce point, se reposer sur ses traditions de
fiamille.
Il a négligé, d’ailleurs, dans son exposé de
principes, d'indiquer le vrai remède. Cela eût
déplu à ses amis de la droite.
Moins disposés à ménager les réactionnaires
et leurs alliés de la finance, MM. Jaurès et
Millerand ont indiqué la réforme sociale qui
s’impose et dont la réalisation ruinerait l’in-
fluenee de ceux qui font trafic de leur con
science ou de celle d'autrui.
Nous ne pouvons que féliciter MM. Jaurès
et Millerand d’avoir placé la question sur son
véritable terrain. Nous sommes peu surpris,
d’ailleurs, de voir que la Chambre actuelle,
affectée de l’incohérence incorrigible et du
gâtisme moral qu’on lui connaît, n’a pas voté
leur ordre du jour. Peut-on demander la solu
tion franche des questions à ceux qui ont tou
jours passé leur temps à les éluder ?
Le pays, nous en avons le ferme espoir,
saura, au milieu de ces tristes débats, recon
naître les siens. Il comprendra, que seules,
des réformes radicales dans nos lois et dans
nos institutions parlementaires, peuvent
guérir le mal dont il souffre.
Dégoûté des opportunistes qui ont ajourné
toutes les réformes, et dont certains ont tri
poté dans Panama, écœuré de voir la réaction
gagner du terrain par le fait de MM. Carnot
et Ribot, qui, placés au premier rang, de
vaient défendre la République, il n’ira pas
se jeter dans les bras des modérés, — çes
modérés sont républicains. M. Cavaignac en
sera pour ses frais. Ce bloc enfariné ne dit
rien qui vaille au pays, qui veut non l’arrêt,
mais le développement de la démocratie, et
qui aime avant tout les situations franches.
SEMAINE POLITIQUE
FRANCE
La Chambre des députés a continué cette se
maine la discussion du budget, par les budgets
spéciaux des colonies, de l'Algérie, des postes et
télégraphes. *
*
* *
La Chambre des mises en accusation a rendu
son arrêt dans l’affaire de corruption.
Ont été mis hors de cause: MM. Rouvier, dé
puté ; Dévès, Albert Grévy, Léon Renault, séna
teurs ; Cottu, administrateur de la Compagnie de
Panama.
Sont renvoyés devant la Cour d’assises : MM.
Dugué de la Fauconnerie, AntoninProust,députés;
Béral, sénateur ; Baïhaut, député démissionnaire ;
Sans-Leroy, Gobron, anciens députés ; Ch. de
Lesseps et Fontane, administrateurs de la Com
pagnie de Panama; Blondin. Arton.
★
X X
Cet arrêt a été le motif d’une séance mouvemen
tée, mercredi dernier, à la Chambre des députés,
où M. Goussot a demandé à interpeller le Gouver
nement sur la question de savoir si, après épuise
ment des juridictions ordinaires, aucun jugement
n’ayant été rendu, il ne reste plus à donner aucune
sanction politique aux mesures dont le garde des
sceaux avait psjis l’initiative.
★
X X
La discussion a eu lieu immédiatement.
M. Goussot trouve étrange que M. Rouvier ne
défère pas à la Cour d’Assises, M. Andrieux, qui
l’a attaqué.
M. Bourgeois, ministre de la justice, répond. Il
dit que le gouvernement a fait ce qu’il avait à
faire ; il a fait appliquer la loi, on veut davantage;
M. Bourgeois ne voit dans les attaques actuelles
qu’une manœuvre de parti à laquelle il ne se prê
tera pas !
M. Cavaignac parle ensuite et dit que des faits
de deux ordres se sont produits. Des faits de cor
ruption d’abord ; un ministre a reçu de l’argent au
moment du dépôt d’un projet de loi. D’autre part,
des sociétés financières, des agents financiers in
ternationaux, jouaient dans la politique française
un rôle, y exerçaient une influence que nous ne
soupçonnions pas. Il faut donner au pays la certi
tude que de pareils faits ne se renouvelleront plus.
Pourquoi le pays a-t-il manifesté pour la Répu
blique un attachement opiniâtre et persévérant ?
Pourquoi la masse des humbles s’est-elle attachée
au gouvernement de la République V C’est parce
que ce gouvernement a été pour elle le gouverne
ment du droit et de la justice. Il ne faut donc plus
que le pays ait des doutes sur ce point.
Et M. Godefroy Cavaignac déposé un ordre du
jour disant : gouvernement dans la répression de tous les faits
de corruption, et résolue à empêcher le retour de
pratiques gouvernementales qu’elle réprouve, passe
à l’ordre du jour ».
*
¥ ¥
M. Ribot, président du Conseil, ne voit pas dans
les paroles de M. Cavaignac un reproche pour le
gouvernement. Il dit que celui-ci a saisi la justice,
qui a prononcé ; il faut s’incliner.
M. Jaurès constate que tout le monde est d’ac
cord pour protester contre l’influence corruptive
de la puissance de l’argent, que le parti socialiste
s’efforce de faire disparaître.
Il ne suffit pas de parler d’honnêteté comme l’a
fait à la tribune M. Cavaignac ; il faut à des
solutions morales nouvelles donner comme sanc
tion et garantie des solutions sociales nouvelles.
Le Panama n’est pas, dit-il, un étroit procès
instruit contre quelques hommes, entre les murs
étroits d’un prétoire; c’est le procès de l’ordre
soci il finissant qui est commencé, et il faut y
subtituer un ordre social plus juste.
M. Deschanel craint que l’on ait facilité la fuite
de Cornélius Herz et d’Arton et demande si tous
les magistrats ont pris les mesures nécessaires !
★
X X
MM. Jaurès et Millerand déposent l’ordre du
jour suivant :
« La Chambre, convaincue que l’application
résolue et méthodique de la politique socialiste est
seule de nature à mettre fin aux scandales qui sont
la conséquence naturelle et nécessaire du régime
économique actuel, passe à l’ordre du jour. »
Le gouvernement s’est rallié à l’ordre du jour
du M.Cavaignac, qui a été adopté par 522 voix.
Puis, la Chambre a décidé l’affichage du discours
de M. Cavaignac et de l’ordre du jour qu’elle venait
de voter. ■ L
*
X X
La première Chambre de la Cour vient de ren
dre son jugement dans le procès de Panama.
Ferdinand de Lesseps et Charles de Lesseps
sont condamnés chacun à cinq ans de prison
et 3,000 fr. d’amende.
Fontane et Cottu à deuxans de prison et 3,000 fr.
d’amende.
Eiffel à deux ans de prison et vingt mille francs
d’amende.
LA POLITIQUE
A l’énorme majorité de 446 voix contre 3., la
Chambre a adopté l’ordre du jeur de M. Cavai
gnac ; elle a en outre décidé l’affichage du discours
prononcé par l’honorable député de la Sarthe. Il
y a là, c’est bien certain, une manifestation
parlementaire exceptionnellement importante ; il
serait donc très désirable d’en pouvoir fixer la
portée d’une façon très précise. Or, elle n’ap
paraît pas avec une parfaite clarté dans le texte
voté par la quasi-ananimité des députés. On
remarque que le gouvernement n’y est explici
tement ni suffisamment approuvé, ni blâmé. Il
est vrai qu’il s’est finalement rallié à l’ordre du
jour Cavaignac, ce qui tendrait à faire croire
qu’il le considère comme approbatif ; mais il est
pour tout le monde hors de doute qu’il l’a fait à
son corps défendant, et seulement pour la chute
sur un terrain où il ne lui plaisait pas de tomber
— ce qui modifie singulièrement les conclusions
à tirer du vote. Aussi l’impression générale est-
elle que le ministère est atteint de la façon la
plus grave. Toutefois, sa défaite gardant l’appa
rence mathématique d’une victoire, il ne démis
sionnera pas. Les gens qui ne voient que la sur
face des choses diront : Il n’y a rien de changé ;
il n’y a qu’un discours de plus.
C’est vrai. Seulement ce discours va être affi
ché dans toutes les communes de France ; il sera
lu et commenté par des millions de lecteurs, et il
n’est pas précisément fait pour réjouir ceux qui
comptaient étouffer sous l’éteignoir des complai
sances. judiciaires les scandales du Panama. M.
Cavaignac n’a ménagé rien ni personne. Il n’a
reculé devant aucune vérité ; il a dénoncé la
vénalité des uns, la duplicité des autres, appelé
la vindicte publique sur les corrompus qu’on
épargne, réclamé une justice plus impartiale et
plus ferme, adjuré ceux qui ont assumé, en ces
heures difficiles, la responsabilité du gouverne
ment, de faire leur devoir tout entier et de remplir
jusqu’au bout leurs engagements ; bref, il a parlé
en homme qui place le souci de la probité pu
blique au-dessus du misérable intérêt des cote
ries. Il ne faut pas se dissimuler que ce langage
viril, hardi et' loyal aura un grand écho dans le
pays, et qu’il est en parfait accord avec le senti
ment des foules.
Faut-il en conclure qu’au cas où une crise
ministérielle s’ouvirait demain, M. Cavaignac se
trouverait, par la situation qu’il vient de prendre,
désigné au choix de M. le Président de la Répu
blique ? Peut-être. Il le serait à coup sûr, si déjà
des bruits fâcheux ne circulaient pas au sujet
d’une entente préalable avec le groupe des ralliés,
en vue de former un gouvernement mi-partie
centre droit et centre gauche. Si ces bruits se
confirmaient, M. Cavaignac pourrait bien y trou
ver la pierre d'achoppement de sa fortune minis
térielle. Dieu merci, il n’y a pas à la Chambre de
majorité pour une politique rétrograde.
CHOSES DE MARINE
La discussion du budget de la marine vient de
toucher au port, après un bon discours de Lockroy
un discours éclectique du rapporteur ; un petit air
de clairon patriotique de l’amiral T ministre et une
gaffe d’un brave colonel d’artillerie, commissaire
du gouvernement. Mais pourquoi aussi impose-
t-on aux militaires de prononcer des discours à la
Chambre ? Ce n’est pas leur affaire et c’est une
sottise, dans un gouvernement de discussion, de
prendre pour porte-paroles des hommes dont le
métier est de commander des bâtiments ou des
troupes.
Je suis resté silencieux à mon banc, non pas
que je n’eusse rien à dire, mais parce que j’ai consi
déré qu’étant donné l’esprit du moment, j’aurais
parlé dans le vide ; or, je n’aime pas parler pour
rien. Si j’étais intervenu, j’aurais montré avec
M. Lockroy que la défense des côtes partagées
entre les départements de la guerre et de la marine
donne lieu à de nombreux tiraillements.
Nos voisins italiens et allemands ont fait chez
eux l’unité nécessaire en consacrant ce principe
que le matelot canonnier peut seul tirer sur un
navire. Nous en sommes encore à partager les forts
et batteries de côtes entre l’artillerie de terre et
l’artillerie ie marine, au risque de voir naître en
temps de guerre des hésitations dangereuses et de
cruelles méprises.
Quelques améliorations de détails ont bien été
apportées à cette situation, mais rien encore résolu
quant aux difficultés de principe ; aucun plan d’en
semble n’existe, et, si la guerre venait à éclater,
on en serait peut-etre réduit sur bien des points à
de funestes improvisations.
Examinant la situation de nos ports de guerre
et de nos ports de commerce, j’aurais fait voir les
dangers que court notre arsenal de Cherbourg qui,
s’il n’est pas détruit en cas de guerre maritime*
aura un bonheur insolent. Quant à nos villes com
merciales du littoral de la Manche et de l’Atlanti
que, Dieu veuille qu’elles ne sortent pas de la
léthargie où elles vivent à la suite d’irréparables
malheurs.
Ceux qui ne comprennent pas la politique arro
gante de l’Angleterre n’ont qu’à étudier notre
marine, car ce n’est pas seulement sur les anglo-
mânes qui nous représentent ou dirigent notre po
litique extérieure qu’elle a son plus grand appui :
c’est dans la force de la marine anglaise et la fai
blesse de la nôtre. L'Angleterre reprend en ce mo
ment même ses entreprises sur le Maroc, elle traite
l’Egypte en terre conquise et son souverain en
sujet, parce qu’elle sait que nous ne pouvons pas
lui parler haut et ferme, puisque nous n’avons pas
une marine assez forte pour appuyer nos injonc
tions. Si jamais un malheur maritime nous frappe,
il y a quelques hommes dans ce pays pour lesquels
on ne trouvera jamais de châtiments assez sévères.
Pour juger l’étendue de leur responsabilité, il
suffit d’examiner l’état de nos forces dans l’Océan
et dans la Manche.
Il n’est pas nécessaire d’insister sur la division
légère de l’Atlantique. Elle est composée de deux
croiseurs en bois, ÏAréthuse et le Magon , et d’un
aviso également en bois, le Hussard. Ces navires
sans vitesse, sans puissance offensive ni défensive,
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2® Année — N® 68 — Samedi 11 Février 1898.
DIX CENTIMES LE NUMERO
2* Année — 28 Plnviôse An 101 — N°
Le Réveil
Havre
ORGANE RÉPUBLICAIN
PRIX DES ABONNEMENTS
UN AN
Le Havre .... 5 fr.
Départements 6 fr.
six MOIS
3 fr.
3 50
ADMINISTRATION & RÉDACTION
15, RUE CASIMIR-PÉRIER, 15
LE RÉVEIL DU HA VRE paraît le Samedi
PRIX DES INSERTIONS :
.Annonces .. 25 cent, la ligne
j| Réclames 50 cent, la ligne
On traite à Forfait
ENTRE MODERES
Dans sa séance de mercredi, la Chambre a
donné à la France un spectacle bien fait pour
l’étonner. Trop timorée pour renverser ce
ministère Ribot qui préside si étrangement
aux destinées de la République, elle a voulu
lui donner une leçon. Non contente d'avoir
applaudi le discours de M. Cavaignac, plus
que celui de M. Ribot, elle a voté l’ordre du
jour qu’il proposait. Elle a fait davantage :
elle a ordonné l’affichage de ce discours, ce
qui constitue, pour le ministère, un blâme indi
rect, à raison de son attitude dans les affaires
de Panama. mI ML . Jt . ■ <
Bien que M. Cavaignac se soit maintenu,
dans son discours, sur le terrain des généralités
et des principes de gouvernement, sans atta
quer formellement M. Rouvier dont il a con
damné les doctrines, à mots couverts, on ne
peut s’empêcher d’approuver, en somme, les
tendances de sa harangue.
Il a eu raison de dénoncer comme un dan
ger cet'te influence néfaste de la finance sur
la politique, et de dire que la République est
au-dessus de ces turpitudes. Mais, en centre-
gauche qui connaît son monde parlementaire
et l’influence à certaines heures des doctrines
du juste milieu, il a négligé de conclure, ce
qui est vraiment dommage, car il nous eût
sans doute appris en quoi les modérés qui
appliquent sans cesse le précepte « enrichis
sez-vous ! » importé de l’orléanisme dans la
République, pourraient avoir de l’autorité
devant un pays exploité et déshonoré presque
parles tripoteurs.
Il faut qu’on le sache et qu’on le répète.
En dépit de ses tendances doctrinaires, M.
Cavaignac a voulu, avant tout, tirer un
pétard. Il a jugé que le moment était bon pour
le parti auquel il appartient d’ouvrir la porte
aux ralliés. En quoi il continue cette belle
politique des Rouvier qui, naguère, fraternisait
avec de Mackau, et de Carnot qui bénit
aujourd’hui des cardinaux.
Mais ce qu’il y a de plaisant dans la circon
stance, c’est que ce sont précisément Rouvier
et Carnot qui font les frais de cette évolution.
Leur modérantisme, paraît-il, n’était pas suf
fisant. Les Cavaignac et les Fiou sont là qui
attendent, prêts à occuper le ministère, et, au
besoin, la présidence de la République.
Cette lutte entre modérés, qui s’attachent
à oomplaire à l’envi aux ennemis de nos ins
titutions, serait plaisante, si la République
a’en était l’enjeu.
Il n’y a malheureusement, au fond da tout
e@la, qu’une question de personnes : Cavai
gnac remplacera-t-il Carnot?
L'accueil fait par les réactionnaires au fils
du mitrailleur de Juin 1848, n’est pas pour
nous rassurer. En voilà un, certes, qui ne
résoudra pas la question sociale ! On peut,
aur ce point, se reposer sur ses traditions de
fiamille.
Il a négligé, d’ailleurs, dans son exposé de
principes, d'indiquer le vrai remède. Cela eût
déplu à ses amis de la droite.
Moins disposés à ménager les réactionnaires
et leurs alliés de la finance, MM. Jaurès et
Millerand ont indiqué la réforme sociale qui
s’impose et dont la réalisation ruinerait l’in-
fluenee de ceux qui font trafic de leur con
science ou de celle d'autrui.
Nous ne pouvons que féliciter MM. Jaurès
et Millerand d’avoir placé la question sur son
véritable terrain. Nous sommes peu surpris,
d’ailleurs, de voir que la Chambre actuelle,
affectée de l’incohérence incorrigible et du
gâtisme moral qu’on lui connaît, n’a pas voté
leur ordre du jour. Peut-on demander la solu
tion franche des questions à ceux qui ont tou
jours passé leur temps à les éluder ?
Le pays, nous en avons le ferme espoir,
saura, au milieu de ces tristes débats, recon
naître les siens. Il comprendra, que seules,
des réformes radicales dans nos lois et dans
nos institutions parlementaires, peuvent
guérir le mal dont il souffre.
Dégoûté des opportunistes qui ont ajourné
toutes les réformes, et dont certains ont tri
poté dans Panama, écœuré de voir la réaction
gagner du terrain par le fait de MM. Carnot
et Ribot, qui, placés au premier rang, de
vaient défendre la République, il n’ira pas
se jeter dans les bras des modérés, — çes
modérés sont républicains. M. Cavaignac en
sera pour ses frais. Ce bloc enfariné ne dit
rien qui vaille au pays, qui veut non l’arrêt,
mais le développement de la démocratie, et
qui aime avant tout les situations franches.
SEMAINE POLITIQUE
FRANCE
La Chambre des députés a continué cette se
maine la discussion du budget, par les budgets
spéciaux des colonies, de l'Algérie, des postes et
télégraphes. *
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* *
La Chambre des mises en accusation a rendu
son arrêt dans l’affaire de corruption.
Ont été mis hors de cause: MM. Rouvier, dé
puté ; Dévès, Albert Grévy, Léon Renault, séna
teurs ; Cottu, administrateur de la Compagnie de
Panama.
Sont renvoyés devant la Cour d’assises : MM.
Dugué de la Fauconnerie, AntoninProust,députés;
Béral, sénateur ; Baïhaut, député démissionnaire ;
Sans-Leroy, Gobron, anciens députés ; Ch. de
Lesseps et Fontane, administrateurs de la Com
pagnie de Panama; Blondin. Arton.
★
X X
Cet arrêt a été le motif d’une séance mouvemen
tée, mercredi dernier, à la Chambre des députés,
où M. Goussot a demandé à interpeller le Gouver
nement sur la question de savoir si, après épuise
ment des juridictions ordinaires, aucun jugement
n’ayant été rendu, il ne reste plus à donner aucune
sanction politique aux mesures dont le garde des
sceaux avait psjis l’initiative.
★
X X
La discussion a eu lieu immédiatement.
M. Goussot trouve étrange que M. Rouvier ne
défère pas à la Cour d’Assises, M. Andrieux, qui
l’a attaqué.
M. Bourgeois, ministre de la justice, répond. Il
dit que le gouvernement a fait ce qu’il avait à
faire ; il a fait appliquer la loi, on veut davantage;
M. Bourgeois ne voit dans les attaques actuelles
qu’une manœuvre de parti à laquelle il ne se prê
tera pas !
M. Cavaignac parle ensuite et dit que des faits
de deux ordres se sont produits. Des faits de cor
ruption d’abord ; un ministre a reçu de l’argent au
moment du dépôt d’un projet de loi. D’autre part,
des sociétés financières, des agents financiers in
ternationaux, jouaient dans la politique française
un rôle, y exerçaient une influence que nous ne
soupçonnions pas. Il faut donner au pays la certi
tude que de pareils faits ne se renouvelleront plus.
Pourquoi le pays a-t-il manifesté pour la Répu
blique un attachement opiniâtre et persévérant ?
Pourquoi la masse des humbles s’est-elle attachée
au gouvernement de la République V C’est parce
que ce gouvernement a été pour elle le gouverne
ment du droit et de la justice. Il ne faut donc plus
que le pays ait des doutes sur ce point.
Et M. Godefroy Cavaignac déposé un ordre du
jour disant :
de corruption, et résolue à empêcher le retour de
pratiques gouvernementales qu’elle réprouve, passe
à l’ordre du jour ».
*
¥ ¥
M. Ribot, président du Conseil, ne voit pas dans
les paroles de M. Cavaignac un reproche pour le
gouvernement. Il dit que celui-ci a saisi la justice,
qui a prononcé ; il faut s’incliner.
M. Jaurès constate que tout le monde est d’ac
cord pour protester contre l’influence corruptive
de la puissance de l’argent, que le parti socialiste
s’efforce de faire disparaître.
Il ne suffit pas de parler d’honnêteté comme l’a
fait à la tribune M. Cavaignac ; il faut à des
solutions morales nouvelles donner comme sanc
tion et garantie des solutions sociales nouvelles.
Le Panama n’est pas, dit-il, un étroit procès
instruit contre quelques hommes, entre les murs
étroits d’un prétoire; c’est le procès de l’ordre
soci il finissant qui est commencé, et il faut y
subtituer un ordre social plus juste.
M. Deschanel craint que l’on ait facilité la fuite
de Cornélius Herz et d’Arton et demande si tous
les magistrats ont pris les mesures nécessaires !
★
X X
MM. Jaurès et Millerand déposent l’ordre du
jour suivant :
« La Chambre, convaincue que l’application
résolue et méthodique de la politique socialiste est
seule de nature à mettre fin aux scandales qui sont
la conséquence naturelle et nécessaire du régime
économique actuel, passe à l’ordre du jour. »
Le gouvernement s’est rallié à l’ordre du jour
du M.Cavaignac, qui a été adopté par 522 voix.
Puis, la Chambre a décidé l’affichage du discours
de M. Cavaignac et de l’ordre du jour qu’elle venait
de voter. ■ L
*
X X
La première Chambre de la Cour vient de ren
dre son jugement dans le procès de Panama.
Ferdinand de Lesseps et Charles de Lesseps
sont condamnés chacun à cinq ans de prison
et 3,000 fr. d’amende.
Fontane et Cottu à deuxans de prison et 3,000 fr.
d’amende.
Eiffel à deux ans de prison et vingt mille francs
d’amende.
LA POLITIQUE
A l’énorme majorité de 446 voix contre 3., la
Chambre a adopté l’ordre du jeur de M. Cavai
gnac ; elle a en outre décidé l’affichage du discours
prononcé par l’honorable député de la Sarthe. Il
y a là, c’est bien certain, une manifestation
parlementaire exceptionnellement importante ; il
serait donc très désirable d’en pouvoir fixer la
portée d’une façon très précise. Or, elle n’ap
paraît pas avec une parfaite clarté dans le texte
voté par la quasi-ananimité des députés. On
remarque que le gouvernement n’y est explici
tement ni suffisamment approuvé, ni blâmé. Il
est vrai qu’il s’est finalement rallié à l’ordre du
jour Cavaignac, ce qui tendrait à faire croire
qu’il le considère comme approbatif ; mais il est
pour tout le monde hors de doute qu’il l’a fait à
son corps défendant, et seulement pour la chute
sur un terrain où il ne lui plaisait pas de tomber
— ce qui modifie singulièrement les conclusions
à tirer du vote. Aussi l’impression générale est-
elle que le ministère est atteint de la façon la
plus grave. Toutefois, sa défaite gardant l’appa
rence mathématique d’une victoire, il ne démis
sionnera pas. Les gens qui ne voient que la sur
face des choses diront : Il n’y a rien de changé ;
il n’y a qu’un discours de plus.
C’est vrai. Seulement ce discours va être affi
ché dans toutes les communes de France ; il sera
lu et commenté par des millions de lecteurs, et il
n’est pas précisément fait pour réjouir ceux qui
comptaient étouffer sous l’éteignoir des complai
sances. judiciaires les scandales du Panama. M.
Cavaignac n’a ménagé rien ni personne. Il n’a
reculé devant aucune vérité ; il a dénoncé la
vénalité des uns, la duplicité des autres, appelé
la vindicte publique sur les corrompus qu’on
épargne, réclamé une justice plus impartiale et
plus ferme, adjuré ceux qui ont assumé, en ces
heures difficiles, la responsabilité du gouverne
ment, de faire leur devoir tout entier et de remplir
jusqu’au bout leurs engagements ; bref, il a parlé
en homme qui place le souci de la probité pu
blique au-dessus du misérable intérêt des cote
ries. Il ne faut pas se dissimuler que ce langage
viril, hardi et' loyal aura un grand écho dans le
pays, et qu’il est en parfait accord avec le senti
ment des foules.
Faut-il en conclure qu’au cas où une crise
ministérielle s’ouvirait demain, M. Cavaignac se
trouverait, par la situation qu’il vient de prendre,
désigné au choix de M. le Président de la Répu
blique ? Peut-être. Il le serait à coup sûr, si déjà
des bruits fâcheux ne circulaient pas au sujet
d’une entente préalable avec le groupe des ralliés,
en vue de former un gouvernement mi-partie
centre droit et centre gauche. Si ces bruits se
confirmaient, M. Cavaignac pourrait bien y trou
ver la pierre d'achoppement de sa fortune minis
térielle. Dieu merci, il n’y a pas à la Chambre de
majorité pour une politique rétrograde.
CHOSES DE MARINE
La discussion du budget de la marine vient de
toucher au port, après un bon discours de Lockroy
un discours éclectique du rapporteur ; un petit air
de clairon patriotique de l’amiral T ministre et une
gaffe d’un brave colonel d’artillerie, commissaire
du gouvernement. Mais pourquoi aussi impose-
t-on aux militaires de prononcer des discours à la
Chambre ? Ce n’est pas leur affaire et c’est une
sottise, dans un gouvernement de discussion, de
prendre pour porte-paroles des hommes dont le
métier est de commander des bâtiments ou des
troupes.
Je suis resté silencieux à mon banc, non pas
que je n’eusse rien à dire, mais parce que j’ai consi
déré qu’étant donné l’esprit du moment, j’aurais
parlé dans le vide ; or, je n’aime pas parler pour
rien. Si j’étais intervenu, j’aurais montré avec
M. Lockroy que la défense des côtes partagées
entre les départements de la guerre et de la marine
donne lieu à de nombreux tiraillements.
Nos voisins italiens et allemands ont fait chez
eux l’unité nécessaire en consacrant ce principe
que le matelot canonnier peut seul tirer sur un
navire. Nous en sommes encore à partager les forts
et batteries de côtes entre l’artillerie de terre et
l’artillerie ie marine, au risque de voir naître en
temps de guerre des hésitations dangereuses et de
cruelles méprises.
Quelques améliorations de détails ont bien été
apportées à cette situation, mais rien encore résolu
quant aux difficultés de principe ; aucun plan d’en
semble n’existe, et, si la guerre venait à éclater,
on en serait peut-etre réduit sur bien des points à
de funestes improvisations.
Examinant la situation de nos ports de guerre
et de nos ports de commerce, j’aurais fait voir les
dangers que court notre arsenal de Cherbourg qui,
s’il n’est pas détruit en cas de guerre maritime*
aura un bonheur insolent. Quant à nos villes com
merciales du littoral de la Manche et de l’Atlanti
que, Dieu veuille qu’elles ne sortent pas de la
léthargie où elles vivent à la suite d’irréparables
malheurs.
Ceux qui ne comprennent pas la politique arro
gante de l’Angleterre n’ont qu’à étudier notre
marine, car ce n’est pas seulement sur les anglo-
mânes qui nous représentent ou dirigent notre po
litique extérieure qu’elle a son plus grand appui :
c’est dans la force de la marine anglaise et la fai
blesse de la nôtre. L'Angleterre reprend en ce mo
ment même ses entreprises sur le Maroc, elle traite
l’Egypte en terre conquise et son souverain en
sujet, parce qu’elle sait que nous ne pouvons pas
lui parler haut et ferme, puisque nous n’avons pas
une marine assez forte pour appuyer nos injonc
tions. Si jamais un malheur maritime nous frappe,
il y a quelques hommes dans ce pays pour lesquels
on ne trouvera jamais de châtiments assez sévères.
Pour juger l’étendue de leur responsabilité, il
suffit d’examiner l’état de nos forces dans l’Océan
et dans la Manche.
Il n’est pas nécessaire d’insister sur la division
légère de l’Atlantique. Elle est composée de deux
croiseurs en bois, ÏAréthuse et le Magon , et d’un
aviso également en bois, le Hussard. Ces navires
sans vitesse, sans puissance offensive ni défensive,
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