Titre : L'Amusant havrais : littéraire, illustré : paraissant tous les samedis
Éditeur : [s.n.] (Le Havre)
Date d'édition : 1898-01-08
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32692468r
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 08 janvier 1898 08 janvier 1898
Description : 1898/01/08. 1898/01/08.
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k32518134
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-7685
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/01/2019
LITTÉRAIRE, ILLUSTRÉ
Paraissant tous les Samedis
8 JANVIER 1898
Administration : 6 bis, Rue Bernardin de Saint-Pierre. — LE HAVRE
Aimé MALLIFAUD, Directeur
ABONNEMENTS
Le Havre : Un An 5 fr. | Départements : Un An
Pour les annonces on traite à forfait en s'adressant à VAdministration du Journal
6 fr.
Rédaction : 6 bis, Rue Bernardin de Saint-Pierre. — LE HAVRE
Bureaux Ouverts: les Lundi, Mercredi, Jeudi et Samedi, de 9 h. à 11 h. du matin
CHRONIQUE
SOUVENIRS
PAR
Francisque Sarcey
J’ai beaucoup connu Ernest Hoschedé;
nous étions de vieux labadens. J’étais déjà
un des anciens de la pension Massin, quand
il y entra tout jeune, car il y avait bien entre
nous neuf ou dix ans de distance ; mais en ce
temps-là, sui'iw.. puai ceux qui fcuô'üb'iâicïïi
leur rhétorique, les études ne duraient pas
moins de dix années. 11 y avait une autre dif
férence : c’est que j’avais été admis à titre gra
tuit dans cette institution riche où la bour
geoisie cossue de l’époque mettait volontiers
ses fils, et queHoschedé était né d’une famille
plus que millionnaire.
J’ignore si, à présent, dans les lycées ou
dans les maisons de jésuites, on tient compte
de ces dissemblances ; de notre temps elles
n’existaient pas. Il y avait dans les classes
des forts et des cancres, de bons garçons ou
de méchantes gales ; il n - y avait pas de pau
vres et de riches, pas plus qu’il n’y avait de
catholiques et- de juifs. L’égalité et la tolé
rance régnaient dans ces établissements, sans
môme que nous sachions bien au juste ce que
c’était que la tolérance et 1 égalité. C était
comme le souffle d’esprit de la vieille Uni
versité. J’ai passé dix ans de ma vie avec des
camarades qui, pour la plupart, avaient do
mestiques et voiture. Jamais je n’ai souffert
de ma pauvreté, qui était pourtant extrême.
Car je n’avais pour mes menus plaisirs que
cinq sous par semaine, et encore ne me les
payait-on presque jamais.
Lorsque Hoschedé sortit de chez Massin,
après ses études faites, et assez brillamment
faites, au lycée Charlemagne, il entra dans la
maison de commerce de ses parents, qui
était une des plus considérables de Paris. Si
je ne la nomme pas, c’est que son nom ne fait
rien à l’affaire. C’était l’usage en ce temps-là.
Les grands négociants faisaient donner à leur
fils l’éducation classique, et ces jeunes gens
n’en devenaient pas moins d’excellents chefs
de commerce.
Combien n’ai : je pas, plus tard, retrouvé de
camarades dans le grand commerce parisien,
avec qui j’avais plaisir à nous rappeler nos
études premières, avec qui je me trouvais en
communion d’idées et de langage, malgré la
divergence des routes que nous avions sui
vies 1 J’en sais un qui, au sortir de la pension
Massin où il avait été brillant élève, fut pris
par son oncle qui était le plus gros négociant
en toiles de Paris. 11 commença par ficeler et
porter les paquets et faire une besogne de
manœuvre. Il passa par tous les grades de la
maison ; on l’envoya dans une fabrique où il
fut manouvrier, un an contre-maître ; on le
rappela à Paris, où il finit par devenir un des
trois administrateurs qui gouvernaient tout
ce négoce. Le soir, il rentrait chez lui, dans
la petite chambre qu’on lui avait aménagée,
et lisait ou relisait, se tenant au courant de
toutes les œuvres de l’esprit.
Hoschedé n’avait pas le goût du commerce.
Il aimait les arts, et parmi les arts il avait
choisi la peinture pour étrel’objet de ses pré
occupations, soit qu’en eflet il eût un goût
naturel plus particulier pour les tableaux,
soit qu’il obéit à cet engouement qui a été
■général, il y a une trentaine d’années, pour
les barbouilleurs de toiles.
Il se prit de passion pour un certain nom
bre de peintres qui passaient pour être de
hardis novateurs. Il se composa une galerie
de leurs tableaux qu’il achetait fort cher, car
il payait sans compter. Il jouait au Mécène.
Un Mécène très bon garçon, joyeux vivant,
aimable compagnon, qui vivait avec tous les
artistes patronnés par lui sur un pied d’aima
ble intimité, les admettant à sa table, emplis
sant sa maison de leurs gais propos, toujours
prêt à les aider lorsqu’il s’agissait pour eux
de traverser une crise difficile.
Il eut des jours de splendeur. On parlait de
ses fêtes. On citait sa galarie, on l’eût volon
tiers comparé à Médicis. Il était devenu popu
laire dans le monde des ateliers où il se plai
sait et où il était bien reçu. Car on l’aimait,
quoiqu’il payât. On le savait homme d’esprit,
plein de bonne humeur et le cœur vraiment
'chaud.
Il y eut une heure de désenchantement.
C’est quand il lui fallut vendre cette galerie
dont il était si fier et qui lui avait coûté tant
de soins et tant d’argent. Je vous ai déjà dit
qu’il n’avait aucun goût pour le commerce :
il n’eut pas plus de chance dans le commerce
des tableaux que dans celui que lui avait lé
gué son père ; il vendit à perte. Ce fut un dé
sastre.
Un autre que lui en aurait conçu quelque
dépit; mais il n’était pas homme à faire la gri
mace à la fo: tune adverse. Il but le bouillon,
un fort bouillon, sans un mot de chagrin ou
de mécontentement contre ceux qui le lui
avaient servi. Il ne s’en prit qu’au peu de
flair du public, et cette leçon , ne le détacha
pas des peintres.
Il possédait une fort belle propriété à Mont-
geron, et plus d’une fois, il m'avait invité à y
venir passer quelques jours. J’ai si peu de
temps à moi que j’avais toujours refusé. Mais
un jour il arriva :
— Tu sais, me dit-il, cette fois il n’y a pas à
dire. Il faut que tu viennes. Paul Baudry m’a
promis de faire un crayon de ma fille ; il hé
sitait à faire le voyage. Je lui ai dit que tu ve
nais passer trois ou quatre jours à la maison.
Il a accepté. Je t’ai promis. Tu ne peux pas
me démentir.
Je reçus, en effet, un mot de Baudry me de
mandant si j’allais à Montgeion. Nous partî
mes ensemble, nous y trouvâmes installés
deux outrois peintres plus ou moins célèbres,
à qui Hoschedé avait commandédes panneaux
pour la décoration de sa villa. La propriété
était ravissante; le maître de la maison, d’une
gaieté extraordinaire, la famille nombreuse et
pleine de bonnes grâces.
Mais Baudry était d'un naturel timide, ren
tré et sauvage. Tout ce bruit de rires l’effa
rouchait. Il avait rêvé d’une thébaïde où il
pourrait passer quelques heures à travailler,
dans un coin, moi causant avec lui et lui li
sant des vers. Ce n’étaient que parties de plai
sir, et le soir on jouait des lotos extraordi
naires qui se prolongeaient fort tard dans la
nuit.
Baudry, comme c’était son habitude quand
il était ennuyé, tortillait sa petite moustache.
— Je m’en vais, dit-il; il n’y a moyen, ici,
de rien faire qui vaille. On s’amuse trop.
L’UNION FAIT LA FORCE ! par Georges CRELL
Au commandement de: Partez!... vous tirerez chacun de votre côté. Le Partez!
groupe vainqueur touchera un quart de vin aux grandes manœuvres.
Crac Patatras!
J’étais moi-même
pressé de repartir ; je
serrai la main de Hos
chedé qui nous témoi
gna tous ses regrets. J’ai
su après qu’à ce moment
déjà sa fortune était
plus qu’entamée et que
la catastrophe était
proche.
Elle fut terrible. Elle
fut complète.
Il ne resta rien, abso
lument rien à cet excel
lent garçon des millions
de son héritage ; tout fut
payé>- iu ci'° il rc d xx 1 -
à ce point de chasser la
pièce de cent sous pour
dîner, à un âge où d’or
dinaire on a fait sa posi
tion.
Je l’admirai dans ce
nouvel avatar. Rien
n’altéra sa gaieté.
Il se mit à écrire dans
les journaux, toujours
vaillant et de bonne
humeur, heureux de
vivre dans un milieu qui
lui plaisait et pour le
quel il se sentait fait.
Je le voyais de loin en
loin quand il avait à me
recommander, soit un
acteur, soit une actrice
de ses amies, soit un
journal dans lequel il
écrivait. Point quéman
deur, quoique beso
gneux, toujours l’esprit
alerte et en mouvement.
Il rêvait toujours de
fonder des revues qui
réformeraient l’art, ou
des journaux qui révo
lutionneraient le théâ
tre. Il venaii me
parler de ses projets,
et, quand je lui demandais des nouvelles de
sa situation, il esquissait un geste, d’indiffé
rence moqueuse : ça lui était bien égal !
Et il avait eu des millions !
FRANCISQUE SARCEY.
LA FÊTE DES ROIS
Depuis l'origine de 1 histoire, la 1 ète des
Rois, cet usage qui nous vient du paganisme,
a toujours été célébrée en tout temps et sous
tous les régimes par les peuples, les sei
gneurs et les Rois eux-mêmes.
On peut affirmer, sans crainte d’être
contredit, que dimanche, dans plusieurs
familles, même de nos souverains républi
cains, on célébrera encore la fête des tyrans
en acclamant par le cri traditionnel : « Le
Roi boit ! » celui que la fève aura désigné
comme Majesté d’un jour.
La belle étoile d’Orient dirigeant les ro : s
mages, dont l’Epiphanie fête au même jour
le souvenir, n’a pas seulement brillé pour
conduire les pieux pèlerins; n’a-t-elle pas
resplendi à nouveau sur la France le jour où
Dieu fit naître Jeanne d’Arc? C’était le
6 janvier 1410. N'esl-ce pas la même éloile
qui vint illuminer divinement la noble guer
rière et qui sut la guider si héroïquement?
La fête des Rois est bien essentiellement
une fête de famille, à laquelle il faut laisser
toute la saveur des siècles passés.
Je me souviens d’avoir assisté à cette
charmante cérémonie, dans une famille où
cet usage avait conservé son caractère icli-
gieux et naïf des temps écoulés.
A la fin d'un copieux repas, la galette
traditionnelle fut apportée solennellement ;
le grand-père, vieillard octogénaire, après
une courte prière au Roi des Rois, coupa le
gâteau en parts égales, le recouvrit cl une
belle serviette blanche, puis désigna le plus
jeune garçon pour faire la distribution.
— Pour qui ce morceau? demandait le
grand-père.
— Pour le bon Dieu, répondait l’enfant.
Et la part était mise de côté pour être
donnée au premier pauvre qui se présente
rait ; — c’était charmant de simplicité anti
que.
Mais ce qui me toucha particulièrement
fut le choix d’un roi par une mignonne de
cinq ans que le hasard béni avait sacrée
Reine.
— Qui choisis-tu pour ton Roi ? lui de
manda sa maman.
L’enfant hésita un moment, après avoir
promené son long regard bleu sur chacun
de nous ; puis elle se leva, disparut pendant
quelques minutes et revint accompagnée
d’unpauvrepetitêtre souffreteux, qu’elleins-
talla triomphalement à son côté. La chère
petite s’était souvenue que tout au haut de
la maison végétait un pauvre enfant, vivant
des bienfaits de tous, et, doux ange de la cha
rité, elle avait voulu en faire son Roi.
Pendant un jour, une heure, une minute,
n’avons-nous pas tous notre royauté?
Roi est le poète lorsqu’il s’entend accla
mer par une foule délirante. Reine est la
femme chez tous les peuples, dans tous les
mondes. Qui sait mieux régner, avec autant
d’autorité, et abdiquer avec plus de désin
volture ?
Roi est le soldat qui, là-bas, au Tonkin,
donne son sang à la patrie. Reines du ciel,
les chères et saintes femmes qui viennent
apaiser les souffrances, calmer les douleurs.
J’ai nommé les sœurs de charité. Fête reli
gieuse ou profane, coutume antique ou mo
derne, laissons pétrir les gâteaux savoureux
N’avons-nous pas chacun notre Roi ou notre.
Reine ? N’avons-nous pas tous notre étoile
qui nous guide ?
Prenez votre part du gâteau, vous avez la
fève. Elevez votrecoupe, et, dans le royaume
de votre cœur, dites en fermant les yeux :
« Je bois à toi, ô mon Roi ! Je bois à toi, ô
ma Reine ! »
v’ià du renfort
L'ACTUALITÉ
lies î^ois
— Mon vieux! si tu veux, nous allons tra
vailler aune restauration de régime!
— Ça va !
— Viens dîner chez moi...
— Chacun son hareng...
— Ça va bien moins.. Je n’ai pas le sou !...
— Tu n’apporteras qu’une sardine!...
Et voilà comment nous nous trouvâmes
réunis, ce soir d’Epiphanie, une quinzaine
d’amis autour d’une table somptueuse
qu’eussent enviée les Mages. Il y avait là,
devant six livres de pain, un hectomètre de
boudin et une brioche appétissante quoique
pas encore payée; le peintre corse Alasepia,
grand talent momentanément ignoré ; le
poète Christobal, communément appelé
Christopodeballe, dont le volume « La Lyre
des reins » obtint tant de succès; le sculpteur
Terglèze dont le génie attend quinze francs
pour acné erunpeu d’argile; Castor Duplan,
i’arehitecte bien connu... des billards, du
café X. et d’autres encore...
Quand nous fûmes au dessert, c’est-à-dire
immédiatement après le boudin, le sculpteur
Terglèze crut le moment venu de faire un
petit speech :
— Messieurs, dit-il, nous avons beaucoup
de talent! L’avenir le prouvera certainement,
mais le présent s’obstine à nous refuser ses
faveurs...
— La main de ma sœur! hasarda timide
ment le poète Christopodeballe qui cherchait
une rime.
Terglèze continua :
— Que dire, Messieurs, de ce déplorable
état de choses? Que penser, messieurs, de
notre ingrate patrie ?
« Puisque le gouvernement de la Répu
blique dédaigne nos talents, puisqu’il se plaît
à méconnaître notre génie au bénéfice de la
horde des politiciens, je vous propose de nous
réunir sous notre tente. Nous* y deviserons en
paix... Nous pourrons y étudier la possibilité
d’une existence en dos pays meilleurs et sous
la puissance d’autocrates artistes. Tout
d’abord, et pour nous donner l’illusion pas
sagère d’une heure de royauté, nous allons
dire le roi que nous voudrions être... Ensuite
nous couperons en autant de parts que nous
sommes cette brioche aimable, et celui à qui
écherra la fève sera le potentat heureux ! »
Des bravos enthousiastes saluèrent la pé
roraison de Terglèze, et incontinent tout le
monde piocha dans les méandres de ses sou
venirs.
— Moi, déclara simplement le philosophe
Tripette, je voudrais être le roi d’Espagne;
d’abord parce qu’il n’a que neuf ans et qu’il a
l’avenir devant lui. Si j’étais le petit monar
que régenté, je pourrais augurer des jours
futurs... Je pourrais espérer c're un Napo
léon, un César ou un Alexandre!
— Tu n’es qu’une brute, répliqua sèche
ment Alasepia...Moi, je voudrais être le Tzar.
Ah ! ètreNicolas II... Pouvoir disposer de mes
sujets à ma guise... Être propriétaire des
mines de Sibérie... Avoir le droit et les pou
voirs d’y envoyer les présidents du Jury qui
systématiquement refusent chaque année
mes tableaux...
— Moi, hasarda timidement le jeune doc
teur sans clientèle O. Taupcie, je voudrais
être empereur de Chine; d’abord parce
que :
La Chine est un pays charmant
Qui doit me plaire assurément.
et ensuite parce que je pourrais ordonner à
tout le monde de s’ouvrir le ventre. C’est ça
— Toi, tu nous trompes, rugit Christopode
balle, tu voudrais être Empereur de Chine-
pour alimenter tes vices... Ce qui te séduit,
c’est le bateau de fleurs, et le petit chinois
dans l’eau-de-vie. Ab ! combien j’ai des idées
plus nobles et plus simples... Je voudrais être
le Prince de Monaco pour vivre sous le ciel
enchanteur du Midi... Les jardins fleuris
bercent 1 âme de poésie. Je jonglerais avec
les métaphores sans les soucis matériels qui
jettent tant de vilaine prose sur mon cœur
de poète... Et puis je jouerais à la roulette...
et des fois je gagnerais
cent sous... Au prix où
est l’absinthe au sucre...
cela ne ferait pas mal
dans le paysage.
— Moi, "dit pompeu
sement l’architecte Cas
tor Duplan, je voudrais
êtrePape, rien que pour
avoir le droit d’embêter
les puissances.
— Ah! fous que vous
ôtes, dit avec un sou
rire dédaigneux Lama-
jour le musicien, dont
les solos de triangle ont
assuré la réputation; je
voudrais être, moi, le
Sultan... Vous save'.
Abdul-Hamid à qui les
maigres sont si recon
naissants.
— ? ? ? ?
— Oui, puisqu’il a
battu la Grèce... Ah ! si
j’étais le Sultan... Vous
parlez, messieurs du
harem que je m’établi
rais... J’aurais des fem
mes de tous les pays,
des Mauresques et des
L.aponnes, des sauvages
et des Espagnoles, des
femmes de Zanzibar et
de celles de Ménilmon-
tant... Ah! si j’étais
Sultan, messieurs, ma
générosité serait à la
hauteur de ma gloire...
Je vous comblerais
d’honneurs... vous se
riez tous pour le moins
gardiens de mon sé
rail... Je vous donne
rais cent vingt francs
par mois et nourris,
mais je vous ferais cou
per les...
— Têtes de tous ceux
qui se hasarderaient à tromper notre sur
veillance... C’est bien, renchérit le docteur
O. Taupcie; d’abord ça rendrait service à la
science...
■ — Moi, dit simplement le dessinateur Pin-
çot de Krin, il y a un roi que je ne voudrais
pas être : c’est M. Félix Faure. D’abord il me
faudrait voir tous les jours M. Méline et au
moins deux fois par semaine M. Crozier. Je
ne pourrais pas m’intfinement satisfaire sans
qu’aussitôt le chef du protocole m’éclairât
d’un bougeoir et que le président du Conseil
me tendit du papier!...
★
■k ★
Messieurs, à qui la Fève!
Les convives s’apprêtèrent à couper la brio
che...
T’nez bon
— Je n’ai plus un poil de sec, dit Alasepia.
— Tant mieux! <;a économisera le champa
gne, répondit Castor Duplan.
Déjà ies morceaux de brioche circulaient et
les dents hésitantes se hasardaient en des cir
convolutions timides...
La fève ne se montrait pas...
Tous crurent l’avoir. Déjà, quelques-uns
avaient fini leur morceau. Tous les regards
se portèrent sur ceux qui plus lents en te
naient encore dans leurs doigts.
Quand tout fut mangé, un murmure de dé
sappointement courut dans l’assistance...
Pas plus de fève que sur ma main.
Au même moment un coup de sonnette se
fit entendre: un coup de sonnette autoritaire,
brutal, imposant, légal.
— C’est peut-être la fève qui a lin remords
et qui vient, dit quelqu’un... Je vais ouvrir.
A peine la porte fut-elle entrebâillée qu’un
homme d’as|iect sévère entra, très raide et
très digne. Il s’avança vers le maître de céans
et tranquillement :
— Monsieur... nous sommes aujourd’hui le
7 janvier...
— Parfaitement... les Rois... c’était hier
l’Epiphanie.
Le monsieur noir reprit...
— Hier, c’était les Rois... Aujourd’hui, c’est
simplement Leroy, Gustave Leroy, huissier
auprès du tribunal civil de la Seine, qui vient
vous demander au nom de votre propriétaire
les dix-huit termes que vous restez à lui de
voir...
Comme l’assistance un peu décontenancée
se regardait, Alasepia farceur se mit à dire :
— Monsieur l’huissier, si nous avions su que
Leroy se présenterait, nouslui aurions gardé
un peu do brioche...
Mais M. Leroy (Gustave) ne se départit
point de son sérieux.
— Messieurs, nous dit-il, si — en fait de
brioche —je n’ai pas ma galette immédiate
ment, vous allez vider les lieux...
Et comme, docilement, on obtempérait, un
convive qui jusque-là avait été silencieux se
prit à dire :
— Eh bien, moi, voilà le roi que je voudrais
ôl re !
Illustrations de Jack Abeillé.
Texte de René Dubreuil.
Invite Monsieur à Dîner!
par G. Cotirleline
Eh bien, je file. Si on vient pour le gaz, tu
diras que j’irai payer... Ah! il est également
à craindre que l’on vienne de chez Crépin ;
tu diras qu’on repasse demain... ou samedi...
dans quelques jours, quoi!... Gré saleté de
purée ! quand est-ce donc que ça finira ?...
J’ai écrit à Ferdinand pour lui emprunter dix
louis, mais je doute que ça prenne. Enfin !..,
Au revoir. (A l’enfant, un crapaud de quatre -
ans, qui s'amuse dans un coin avec un bou
chon.) Tu seras bien sage, hein ! Doudou,
pendant que je serai sorti ?
LE GOSSE
Oui, j’ s’rai sage.
le père
T’auras du bonben.
LE GOSSE
Pour combien ?
Paraissant tous les Samedis
8 JANVIER 1898
Administration : 6 bis, Rue Bernardin de Saint-Pierre. — LE HAVRE
Aimé MALLIFAUD, Directeur
ABONNEMENTS
Le Havre : Un An 5 fr. | Départements : Un An
Pour les annonces on traite à forfait en s'adressant à VAdministration du Journal
6 fr.
Rédaction : 6 bis, Rue Bernardin de Saint-Pierre. — LE HAVRE
Bureaux Ouverts: les Lundi, Mercredi, Jeudi et Samedi, de 9 h. à 11 h. du matin
CHRONIQUE
SOUVENIRS
PAR
Francisque Sarcey
J’ai beaucoup connu Ernest Hoschedé;
nous étions de vieux labadens. J’étais déjà
un des anciens de la pension Massin, quand
il y entra tout jeune, car il y avait bien entre
nous neuf ou dix ans de distance ; mais en ce
temps-là, sui'iw.. puai ceux qui fcuô'üb'iâicïïi
leur rhétorique, les études ne duraient pas
moins de dix années. 11 y avait une autre dif
férence : c’est que j’avais été admis à titre gra
tuit dans cette institution riche où la bour
geoisie cossue de l’époque mettait volontiers
ses fils, et queHoschedé était né d’une famille
plus que millionnaire.
J’ignore si, à présent, dans les lycées ou
dans les maisons de jésuites, on tient compte
de ces dissemblances ; de notre temps elles
n’existaient pas. Il y avait dans les classes
des forts et des cancres, de bons garçons ou
de méchantes gales ; il n - y avait pas de pau
vres et de riches, pas plus qu’il n’y avait de
catholiques et- de juifs. L’égalité et la tolé
rance régnaient dans ces établissements, sans
môme que nous sachions bien au juste ce que
c’était que la tolérance et 1 égalité. C était
comme le souffle d’esprit de la vieille Uni
versité. J’ai passé dix ans de ma vie avec des
camarades qui, pour la plupart, avaient do
mestiques et voiture. Jamais je n’ai souffert
de ma pauvreté, qui était pourtant extrême.
Car je n’avais pour mes menus plaisirs que
cinq sous par semaine, et encore ne me les
payait-on presque jamais.
Lorsque Hoschedé sortit de chez Massin,
après ses études faites, et assez brillamment
faites, au lycée Charlemagne, il entra dans la
maison de commerce de ses parents, qui
était une des plus considérables de Paris. Si
je ne la nomme pas, c’est que son nom ne fait
rien à l’affaire. C’était l’usage en ce temps-là.
Les grands négociants faisaient donner à leur
fils l’éducation classique, et ces jeunes gens
n’en devenaient pas moins d’excellents chefs
de commerce.
Combien n’ai : je pas, plus tard, retrouvé de
camarades dans le grand commerce parisien,
avec qui j’avais plaisir à nous rappeler nos
études premières, avec qui je me trouvais en
communion d’idées et de langage, malgré la
divergence des routes que nous avions sui
vies 1 J’en sais un qui, au sortir de la pension
Massin où il avait été brillant élève, fut pris
par son oncle qui était le plus gros négociant
en toiles de Paris. 11 commença par ficeler et
porter les paquets et faire une besogne de
manœuvre. Il passa par tous les grades de la
maison ; on l’envoya dans une fabrique où il
fut manouvrier, un an contre-maître ; on le
rappela à Paris, où il finit par devenir un des
trois administrateurs qui gouvernaient tout
ce négoce. Le soir, il rentrait chez lui, dans
la petite chambre qu’on lui avait aménagée,
et lisait ou relisait, se tenant au courant de
toutes les œuvres de l’esprit.
Hoschedé n’avait pas le goût du commerce.
Il aimait les arts, et parmi les arts il avait
choisi la peinture pour étrel’objet de ses pré
occupations, soit qu’en eflet il eût un goût
naturel plus particulier pour les tableaux,
soit qu’il obéit à cet engouement qui a été
■général, il y a une trentaine d’années, pour
les barbouilleurs de toiles.
Il se prit de passion pour un certain nom
bre de peintres qui passaient pour être de
hardis novateurs. Il se composa une galerie
de leurs tableaux qu’il achetait fort cher, car
il payait sans compter. Il jouait au Mécène.
Un Mécène très bon garçon, joyeux vivant,
aimable compagnon, qui vivait avec tous les
artistes patronnés par lui sur un pied d’aima
ble intimité, les admettant à sa table, emplis
sant sa maison de leurs gais propos, toujours
prêt à les aider lorsqu’il s’agissait pour eux
de traverser une crise difficile.
Il eut des jours de splendeur. On parlait de
ses fêtes. On citait sa galarie, on l’eût volon
tiers comparé à Médicis. Il était devenu popu
laire dans le monde des ateliers où il se plai
sait et où il était bien reçu. Car on l’aimait,
quoiqu’il payât. On le savait homme d’esprit,
plein de bonne humeur et le cœur vraiment
'chaud.
Il y eut une heure de désenchantement.
C’est quand il lui fallut vendre cette galerie
dont il était si fier et qui lui avait coûté tant
de soins et tant d’argent. Je vous ai déjà dit
qu’il n’avait aucun goût pour le commerce :
il n’eut pas plus de chance dans le commerce
des tableaux que dans celui que lui avait lé
gué son père ; il vendit à perte. Ce fut un dé
sastre.
Un autre que lui en aurait conçu quelque
dépit; mais il n’était pas homme à faire la gri
mace à la fo: tune adverse. Il but le bouillon,
un fort bouillon, sans un mot de chagrin ou
de mécontentement contre ceux qui le lui
avaient servi. Il ne s’en prit qu’au peu de
flair du public, et cette leçon , ne le détacha
pas des peintres.
Il possédait une fort belle propriété à Mont-
geron, et plus d’une fois, il m'avait invité à y
venir passer quelques jours. J’ai si peu de
temps à moi que j’avais toujours refusé. Mais
un jour il arriva :
— Tu sais, me dit-il, cette fois il n’y a pas à
dire. Il faut que tu viennes. Paul Baudry m’a
promis de faire un crayon de ma fille ; il hé
sitait à faire le voyage. Je lui ai dit que tu ve
nais passer trois ou quatre jours à la maison.
Il a accepté. Je t’ai promis. Tu ne peux pas
me démentir.
Je reçus, en effet, un mot de Baudry me de
mandant si j’allais à Montgeion. Nous partî
mes ensemble, nous y trouvâmes installés
deux outrois peintres plus ou moins célèbres,
à qui Hoschedé avait commandédes panneaux
pour la décoration de sa villa. La propriété
était ravissante; le maître de la maison, d’une
gaieté extraordinaire, la famille nombreuse et
pleine de bonnes grâces.
Mais Baudry était d'un naturel timide, ren
tré et sauvage. Tout ce bruit de rires l’effa
rouchait. Il avait rêvé d’une thébaïde où il
pourrait passer quelques heures à travailler,
dans un coin, moi causant avec lui et lui li
sant des vers. Ce n’étaient que parties de plai
sir, et le soir on jouait des lotos extraordi
naires qui se prolongeaient fort tard dans la
nuit.
Baudry, comme c’était son habitude quand
il était ennuyé, tortillait sa petite moustache.
— Je m’en vais, dit-il; il n’y a moyen, ici,
de rien faire qui vaille. On s’amuse trop.
L’UNION FAIT LA FORCE ! par Georges CRELL
Au commandement de: Partez!... vous tirerez chacun de votre côté. Le Partez!
groupe vainqueur touchera un quart de vin aux grandes manœuvres.
Crac Patatras!
J’étais moi-même
pressé de repartir ; je
serrai la main de Hos
chedé qui nous témoi
gna tous ses regrets. J’ai
su après qu’à ce moment
déjà sa fortune était
plus qu’entamée et que
la catastrophe était
proche.
Elle fut terrible. Elle
fut complète.
Il ne resta rien, abso
lument rien à cet excel
lent garçon des millions
de son héritage ; tout fut
payé>- iu ci'° il rc d xx 1 -
à ce point de chasser la
pièce de cent sous pour
dîner, à un âge où d’or
dinaire on a fait sa posi
tion.
Je l’admirai dans ce
nouvel avatar. Rien
n’altéra sa gaieté.
Il se mit à écrire dans
les journaux, toujours
vaillant et de bonne
humeur, heureux de
vivre dans un milieu qui
lui plaisait et pour le
quel il se sentait fait.
Je le voyais de loin en
loin quand il avait à me
recommander, soit un
acteur, soit une actrice
de ses amies, soit un
journal dans lequel il
écrivait. Point quéman
deur, quoique beso
gneux, toujours l’esprit
alerte et en mouvement.
Il rêvait toujours de
fonder des revues qui
réformeraient l’art, ou
des journaux qui révo
lutionneraient le théâ
tre. Il venaii me
parler de ses projets,
et, quand je lui demandais des nouvelles de
sa situation, il esquissait un geste, d’indiffé
rence moqueuse : ça lui était bien égal !
Et il avait eu des millions !
FRANCISQUE SARCEY.
LA FÊTE DES ROIS
Depuis l'origine de 1 histoire, la 1 ète des
Rois, cet usage qui nous vient du paganisme,
a toujours été célébrée en tout temps et sous
tous les régimes par les peuples, les sei
gneurs et les Rois eux-mêmes.
On peut affirmer, sans crainte d’être
contredit, que dimanche, dans plusieurs
familles, même de nos souverains républi
cains, on célébrera encore la fête des tyrans
en acclamant par le cri traditionnel : « Le
Roi boit ! » celui que la fève aura désigné
comme Majesté d’un jour.
La belle étoile d’Orient dirigeant les ro : s
mages, dont l’Epiphanie fête au même jour
le souvenir, n’a pas seulement brillé pour
conduire les pieux pèlerins; n’a-t-elle pas
resplendi à nouveau sur la France le jour où
Dieu fit naître Jeanne d’Arc? C’était le
6 janvier 1410. N'esl-ce pas la même éloile
qui vint illuminer divinement la noble guer
rière et qui sut la guider si héroïquement?
La fête des Rois est bien essentiellement
une fête de famille, à laquelle il faut laisser
toute la saveur des siècles passés.
Je me souviens d’avoir assisté à cette
charmante cérémonie, dans une famille où
cet usage avait conservé son caractère icli-
gieux et naïf des temps écoulés.
A la fin d'un copieux repas, la galette
traditionnelle fut apportée solennellement ;
le grand-père, vieillard octogénaire, après
une courte prière au Roi des Rois, coupa le
gâteau en parts égales, le recouvrit cl une
belle serviette blanche, puis désigna le plus
jeune garçon pour faire la distribution.
— Pour qui ce morceau? demandait le
grand-père.
— Pour le bon Dieu, répondait l’enfant.
Et la part était mise de côté pour être
donnée au premier pauvre qui se présente
rait ; — c’était charmant de simplicité anti
que.
Mais ce qui me toucha particulièrement
fut le choix d’un roi par une mignonne de
cinq ans que le hasard béni avait sacrée
Reine.
— Qui choisis-tu pour ton Roi ? lui de
manda sa maman.
L’enfant hésita un moment, après avoir
promené son long regard bleu sur chacun
de nous ; puis elle se leva, disparut pendant
quelques minutes et revint accompagnée
d’unpauvrepetitêtre souffreteux, qu’elleins-
talla triomphalement à son côté. La chère
petite s’était souvenue que tout au haut de
la maison végétait un pauvre enfant, vivant
des bienfaits de tous, et, doux ange de la cha
rité, elle avait voulu en faire son Roi.
Pendant un jour, une heure, une minute,
n’avons-nous pas tous notre royauté?
Roi est le poète lorsqu’il s’entend accla
mer par une foule délirante. Reine est la
femme chez tous les peuples, dans tous les
mondes. Qui sait mieux régner, avec autant
d’autorité, et abdiquer avec plus de désin
volture ?
Roi est le soldat qui, là-bas, au Tonkin,
donne son sang à la patrie. Reines du ciel,
les chères et saintes femmes qui viennent
apaiser les souffrances, calmer les douleurs.
J’ai nommé les sœurs de charité. Fête reli
gieuse ou profane, coutume antique ou mo
derne, laissons pétrir les gâteaux savoureux
N’avons-nous pas chacun notre Roi ou notre.
Reine ? N’avons-nous pas tous notre étoile
qui nous guide ?
Prenez votre part du gâteau, vous avez la
fève. Elevez votrecoupe, et, dans le royaume
de votre cœur, dites en fermant les yeux :
« Je bois à toi, ô mon Roi ! Je bois à toi, ô
ma Reine ! »
v’ià du renfort
L'ACTUALITÉ
lies î^ois
— Mon vieux! si tu veux, nous allons tra
vailler aune restauration de régime!
— Ça va !
— Viens dîner chez moi...
— Chacun son hareng...
— Ça va bien moins.. Je n’ai pas le sou !...
— Tu n’apporteras qu’une sardine!...
Et voilà comment nous nous trouvâmes
réunis, ce soir d’Epiphanie, une quinzaine
d’amis autour d’une table somptueuse
qu’eussent enviée les Mages. Il y avait là,
devant six livres de pain, un hectomètre de
boudin et une brioche appétissante quoique
pas encore payée; le peintre corse Alasepia,
grand talent momentanément ignoré ; le
poète Christobal, communément appelé
Christopodeballe, dont le volume « La Lyre
des reins » obtint tant de succès; le sculpteur
Terglèze dont le génie attend quinze francs
pour acné erunpeu d’argile; Castor Duplan,
i’arehitecte bien connu... des billards, du
café X. et d’autres encore...
Quand nous fûmes au dessert, c’est-à-dire
immédiatement après le boudin, le sculpteur
Terglèze crut le moment venu de faire un
petit speech :
— Messieurs, dit-il, nous avons beaucoup
de talent! L’avenir le prouvera certainement,
mais le présent s’obstine à nous refuser ses
faveurs...
— La main de ma sœur! hasarda timide
ment le poète Christopodeballe qui cherchait
une rime.
Terglèze continua :
— Que dire, Messieurs, de ce déplorable
état de choses? Que penser, messieurs, de
notre ingrate patrie ?
« Puisque le gouvernement de la Répu
blique dédaigne nos talents, puisqu’il se plaît
à méconnaître notre génie au bénéfice de la
horde des politiciens, je vous propose de nous
réunir sous notre tente. Nous* y deviserons en
paix... Nous pourrons y étudier la possibilité
d’une existence en dos pays meilleurs et sous
la puissance d’autocrates artistes. Tout
d’abord, et pour nous donner l’illusion pas
sagère d’une heure de royauté, nous allons
dire le roi que nous voudrions être... Ensuite
nous couperons en autant de parts que nous
sommes cette brioche aimable, et celui à qui
écherra la fève sera le potentat heureux ! »
Des bravos enthousiastes saluèrent la pé
roraison de Terglèze, et incontinent tout le
monde piocha dans les méandres de ses sou
venirs.
— Moi, déclara simplement le philosophe
Tripette, je voudrais être le roi d’Espagne;
d’abord parce qu’il n’a que neuf ans et qu’il a
l’avenir devant lui. Si j’étais le petit monar
que régenté, je pourrais augurer des jours
futurs... Je pourrais espérer c're un Napo
léon, un César ou un Alexandre!
— Tu n’es qu’une brute, répliqua sèche
ment Alasepia...Moi, je voudrais être le Tzar.
Ah ! ètreNicolas II... Pouvoir disposer de mes
sujets à ma guise... Être propriétaire des
mines de Sibérie... Avoir le droit et les pou
voirs d’y envoyer les présidents du Jury qui
systématiquement refusent chaque année
mes tableaux...
— Moi, hasarda timidement le jeune doc
teur sans clientèle O. Taupcie, je voudrais
être empereur de Chine; d’abord parce
que :
La Chine est un pays charmant
Qui doit me plaire assurément.
et ensuite parce que je pourrais ordonner à
tout le monde de s’ouvrir le ventre. C’est ça
— Toi, tu nous trompes, rugit Christopode
balle, tu voudrais être Empereur de Chine-
pour alimenter tes vices... Ce qui te séduit,
c’est le bateau de fleurs, et le petit chinois
dans l’eau-de-vie. Ab ! combien j’ai des idées
plus nobles et plus simples... Je voudrais être
le Prince de Monaco pour vivre sous le ciel
enchanteur du Midi... Les jardins fleuris
bercent 1 âme de poésie. Je jonglerais avec
les métaphores sans les soucis matériels qui
jettent tant de vilaine prose sur mon cœur
de poète... Et puis je jouerais à la roulette...
et des fois je gagnerais
cent sous... Au prix où
est l’absinthe au sucre...
cela ne ferait pas mal
dans le paysage.
— Moi, "dit pompeu
sement l’architecte Cas
tor Duplan, je voudrais
êtrePape, rien que pour
avoir le droit d’embêter
les puissances.
— Ah! fous que vous
ôtes, dit avec un sou
rire dédaigneux Lama-
jour le musicien, dont
les solos de triangle ont
assuré la réputation; je
voudrais être, moi, le
Sultan... Vous save'.
Abdul-Hamid à qui les
maigres sont si recon
naissants.
— ? ? ? ?
— Oui, puisqu’il a
battu la Grèce... Ah ! si
j’étais le Sultan... Vous
parlez, messieurs du
harem que je m’établi
rais... J’aurais des fem
mes de tous les pays,
des Mauresques et des
L.aponnes, des sauvages
et des Espagnoles, des
femmes de Zanzibar et
de celles de Ménilmon-
tant... Ah! si j’étais
Sultan, messieurs, ma
générosité serait à la
hauteur de ma gloire...
Je vous comblerais
d’honneurs... vous se
riez tous pour le moins
gardiens de mon sé
rail... Je vous donne
rais cent vingt francs
par mois et nourris,
mais je vous ferais cou
per les...
— Têtes de tous ceux
qui se hasarderaient à tromper notre sur
veillance... C’est bien, renchérit le docteur
O. Taupcie; d’abord ça rendrait service à la
science...
■ — Moi, dit simplement le dessinateur Pin-
çot de Krin, il y a un roi que je ne voudrais
pas être : c’est M. Félix Faure. D’abord il me
faudrait voir tous les jours M. Méline et au
moins deux fois par semaine M. Crozier. Je
ne pourrais pas m’intfinement satisfaire sans
qu’aussitôt le chef du protocole m’éclairât
d’un bougeoir et que le président du Conseil
me tendit du papier!...
★
■k ★
Messieurs, à qui la Fève!
Les convives s’apprêtèrent à couper la brio
che...
T’nez bon
— Je n’ai plus un poil de sec, dit Alasepia.
— Tant mieux! <;a économisera le champa
gne, répondit Castor Duplan.
Déjà ies morceaux de brioche circulaient et
les dents hésitantes se hasardaient en des cir
convolutions timides...
La fève ne se montrait pas...
Tous crurent l’avoir. Déjà, quelques-uns
avaient fini leur morceau. Tous les regards
se portèrent sur ceux qui plus lents en te
naient encore dans leurs doigts.
Quand tout fut mangé, un murmure de dé
sappointement courut dans l’assistance...
Pas plus de fève que sur ma main.
Au même moment un coup de sonnette se
fit entendre: un coup de sonnette autoritaire,
brutal, imposant, légal.
— C’est peut-être la fève qui a lin remords
et qui vient, dit quelqu’un... Je vais ouvrir.
A peine la porte fut-elle entrebâillée qu’un
homme d’as|iect sévère entra, très raide et
très digne. Il s’avança vers le maître de céans
et tranquillement :
— Monsieur... nous sommes aujourd’hui le
7 janvier...
— Parfaitement... les Rois... c’était hier
l’Epiphanie.
Le monsieur noir reprit...
— Hier, c’était les Rois... Aujourd’hui, c’est
simplement Leroy, Gustave Leroy, huissier
auprès du tribunal civil de la Seine, qui vient
vous demander au nom de votre propriétaire
les dix-huit termes que vous restez à lui de
voir...
Comme l’assistance un peu décontenancée
se regardait, Alasepia farceur se mit à dire :
— Monsieur l’huissier, si nous avions su que
Leroy se présenterait, nouslui aurions gardé
un peu do brioche...
Mais M. Leroy (Gustave) ne se départit
point de son sérieux.
— Messieurs, nous dit-il, si — en fait de
brioche —je n’ai pas ma galette immédiate
ment, vous allez vider les lieux...
Et comme, docilement, on obtempérait, un
convive qui jusque-là avait été silencieux se
prit à dire :
— Eh bien, moi, voilà le roi que je voudrais
ôl re !
Illustrations de Jack Abeillé.
Texte de René Dubreuil.
Invite Monsieur à Dîner!
par G. Cotirleline
Eh bien, je file. Si on vient pour le gaz, tu
diras que j’irai payer... Ah! il est également
à craindre que l’on vienne de chez Crépin ;
tu diras qu’on repasse demain... ou samedi...
dans quelques jours, quoi!... Gré saleté de
purée ! quand est-ce donc que ça finira ?...
J’ai écrit à Ferdinand pour lui emprunter dix
louis, mais je doute que ça prenne. Enfin !..,
Au revoir. (A l’enfant, un crapaud de quatre -
ans, qui s'amuse dans un coin avec un bou
chon.) Tu seras bien sage, hein ! Doudou,
pendant que je serai sorti ?
LE GOSSE
Oui, j’ s’rai sage.
le père
T’auras du bonben.
LE GOSSE
Pour combien ?
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