Titre : L'Amusant havrais : littéraire, illustré : paraissant tous les samedis
Éditeur : [s.n.] (Le Havre)
Date d'édition : 1898-01-22
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32692468r
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 22 janvier 1898 22 janvier 1898
Description : 1898/01/22. 1898/01/22.
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k3251814j
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-7685
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/01/2019
Administration : 6 bis, Rue Bernardin de Saint-Pierre. — LE HAVRE
Aimé MALLIFAUD, Directeur
Le
ABONNEMENTS
Havre: Un An 5 fr. | Départements: Un An
Pour les annonces on traite à forfait en s'adressant à VAdministration du Journal
Rédaction-. 6 bis, Rue Bernardin de Saint-Pierre. — LE HAVRE
Bureaux Ouverts: les Lundi, Mercredi, Jeudi et Samedi, de 9 h. à 11 h. du matin
LA CAMPAGNE
EN FAVEUR DE
DREYFUS
Bazaine, cet être qui déshonorait la-planète
et dont Abdul-Hamid lui-mème n’aurait pas
serré la main, occupait, dit-on, sa vieillesse
à écrire ses mémoires, qu’il avait intitulés
« La justification d’un traître ». Quelque
temps avant sa mort, sa famille, consciente
pour lui,supprima le livre et eut l’intelligence
de ne désirer que l’oubli. Ce sens moral a
manqué à la famille Dreyfus. Il est vrai qu’elle
n’a pas pour se réconforter la pensée que son
délicieux parent s’est évadé, comme l’homme
de Metz, et cela avec plus ou moins d’aide
officielle.
Cette idée de la fuite possible, qu’il fallait,
hélas ! abandonner, est vraisemblablement la
cause de la campagne’ actuelle. La famille
Dreyfus ne peut supporter la pensée qu’elle a
perdu irrémédiablement une intelligence qui
menaçait d’être aussi productive que celle de
l’ex-capitaine d’artillerie, etil convient,après
un pareil laps de temps, d’user de tous les
moyens possibles pour que la signature qui
a figuré sur un pacte d'espionnage s’étalât à
nouveau au bas des quittances de loyer des
immeubles acquis avec l’argentd’outre-Rhin.
C’est pourquoi tous les bons coreligion
naires, tous ceux qui se réclament d’une
parenté plus ou moins lointaine avec le nom
bril de Moïse, se sont une fois de plus syndi
qués et, criant à l’erreur judiciaire, ont battu
la caisse sur le tréteau de certains éditeurs
de brochures, pendant qu’accourait à l’aide
une phalange de publicistes spéciaux. Du
fond de tous les ghettos et de toutes les juden-
gasses on a pu entendre monter des cris
éplorés de « Justice », alors que, dominant le
tout, le Rhin lui-même apaisait un peu le
tumulte de son cours pour laisser passer la
clameur joyeuse et ironique de la Germanie.
Allons, ne désespérons pas; grâce à tout ce
bruit, Guillaume, l’esprit hanté par d’autres
préoccupations, grave et triste comme
M. Georges d’Esparbès avant d’être forcé de
mettre à mort tous ses demi-soldes, a laissé
passer trois jours sans parler de son grand-
père, mais un soir, n’y tenant plus, il a ras
semblé sa cour, et calmant d’un geste protec
teur les hochs! qui partaient déjà isolés (car
ses familiers manifestent de suite leur enthou
siasme dès qu’ils voient seulement s’agiter
les augustes lèvres), il a déclaré nettement
qu’il comptait bien voir l’année prochaine
celui qui sera redevenu enfin M. Dreyfus
monter à la tribune française comme rappor
teur du budget de la guerre. Le prisonnier
n’a-t-il pas informé dernièrement sa famille,
dans une lettre touchante, qu’on était plus
mal certainement à File du Diable qu’à Biribi !
Et l’empereur allemand, qui est au courant de
toutes les productions de notre littérature
nationale et qui, en tant que poète, a un faible
pour Bruant, a été touché jusqu’aux larmes
parce détail lui rappelant la chanson cé
lèbre. Il a notifié à son entourage qu’il
annexerait plutôt la Guyane que de voir se
prolonger une situation pareille.
D’ailleurs, a-t-il ajouté, ces Français ne
seront jamais raisonnables et ne se déci
deront à être tranquilles que lorsque j’aurai
conquis le boulevard Montmartre et que je
pourrai ainsi faire jouer mes pièces de
théâtre aux Variétés. Leurs moeurs du reste
y gagneraient, et je suis assuré que la sympa- ,
’tliie de M. Scheurer-Kestner me serait tout j
à fait acquise en cette occasion, car dans .
mes vaudevilles l’innocence n’est jamais per- !
sécutée, nulle petite femme ne se déshabille,
et les entractes sont avantageusement rem
plis par des lectures de la Bible.
A-t-on idée d’abord, a continué le Kaiser,
d’une intolérance semblable à la leur? Ainsi,
l'autre jour, mon grand chambellan m’ayant
annoncé que j’avais dans ma garde-robe
287 tuniques piquées des vers et 163 culottes
un peu vétustes, j’ai eu l’idée d’envoyer quel
ques-uns de ces uniformes hors de service au
capitaine Dreyfus qu’on forçait dans son île
à se mettre en civil, ce qui est dur pour un
militaire.
Mais, ajouta-t-il, quand on aura réussi à
retirer le condamné des griffes qui paraissent
décidées à no pas le lâcher, il y aura de la
joie « Unter den Linden ». J’ai composé
en prévision de ce beau jour un hymne
à grande orchestration que j’ai intitulé :
« Retour d'un nouvel Alcibiade dans sa
patrie », et je lui conférerai autant d’ordres et
de croix qu’on lui a arraché de boutons dans
la cour de l'Ecole militaire. Du reste, grâce
à une habile pression diplomatique, je ne dé
sespère pas de le voir occuper — cette réha
bilitation lui est due — un poste important
dans le haut commandement français On
pourrait même fort bien, et cela nous serait
d’un grand profit, lui attribuer la place du
général Saussier qui va se trouver vacante
dans quelques mois. Cette idée qui m’a beau
coup séduit est, je dois le dé larer, de
M. Bernard Lazare, bit l’empereur allemand,
ayant ainsi parlé, vida trois chopes, proféra
quelques jurons à l’adresse de Bismarck et se
remit à un sonnet commencé eu l’honneur de
Mme Réjane, alors de passage à Berlin.
Quant à l’opinion publique française aux
prises avec toute cette campagne, on aura
beau essayer do la troubler et lui offrir la
cuisine savante de révélations prétendues
fulgurantes, elle restera inébranlable dans
ses convictions de la première heure, con
victions fortement motivées et affermies
par le jugement récent du conseil de guerre.
L’empereur Guillaume II n’est pas encore
appelé à envoyer de sitôt, en signe d’enthou
siasme, son propre yacht le « Hohenzollern »
pour rapatrier le traître.
L’accolade fraternelle sera pour plus tard.
Rayon X.
CHRONIQUE
PAR
Francisque Sarcey
Parmi les victimes du tueur de bergers, il
s’en trouvait une dont l’assassinat avait eu
lieu dans les environs de Dijon. Des soup
çons s’élevèrent contre un malheureux
homme qui vivait fort à l’écart. Il se nom
mait Grenier. Il fut arrêté, puis relâché faute
de preuves. Deux journaux de la localité,
sans que nous ayons pu savoir les mobiles
qui les avaient poussés, s’acharnèrent après
lui et finirent par ameuter, contre cet infor
tuné, les fureurs de l’opinion publique. On
répandit le bruit que si le parquet avait
rendu une ordonnance de non-lieu, c’est que
Grenier était un bourgeois à son aise et qu’il
était, bien qu'à un degré fort éloigné, parent
d’un des membres de la magistrature.
La rumeur publique devint si forte que le
parquet dut faire une instruction nouvelle.
Mais, il faut lui rendre cette justice : comme
il ne put découvrir aucune preuve certaine de
la culpabilité de l’homme qu’elle accusait, il
le relâcha de nouveau et laissa, sans mot
dire, les calomniateurs poursuivre leur cam
pagne.
Vous en avez appris le résultat par les jour
naux : ce Grenier, forcé de quitter le pays,
où tout le monde le traitait d’assassin; sa
maison en ruine, sa famille au désespoir.
Mais ce n’est pas sur ce point, si douleureux
qu’il soit, que je prétends arrêter votre at
tention.
Les deux journaux, enragés de voir qu’ils ne
pouvaient vaincre la résistance des magistrats,
qui continuaient à garder le silence, persua
dés comme ils l’étaient de l’innocence de
Grenier, s’avisèrent, pour les forcer dans
leurs derniers retranchements, d’un truc qui
vous paraîtra peut-être singulier, mais qui
devait réussir, car il était fondé sur un des
préjugés les plus absurdes et les plus tena
ces de ce temps : ils en appelèrent au suffrage
universel.
Il y avait à élire des conseillers d’arrondis
sement. Ils présentèrent leur gérant dans
trois cantons, et, dans ces trois cantons, le
gérant obtint une forte majorité et fut élu.
Vous allez me demander, sans doute, quel
rapport il peut bien y avoir entre l’élection
d’un conseiller d’arrondissement et la ques
tion de savoir quel est l’assassin d’un berger
dont le cadavre a été découvert dans un bois?
Il n’y en a aucun, et c’est cela, précisément,
qui fait l’étrangeté de la chose. Ainsi, voilà
deux journaux qui disent à une population :
« Il s’est commis un crime, et nous tenons
Grenier pour le vrai coupable. La magistra
ture se refuse à le poursuivre. Il faut savoir
qui, d’elle ou de nous, a raison dans cette
occurrence.
« Nous vous soumettons l’affaire.
« Si vous élisez notre gérant, ce sera signe
que vous nous donnez raison; et, une fois
que le suffrage universel aura prononcé, il
faudra bien que nos magistrats se rendent ;
car il y a un pouvoir qui est au-dessus
d’eux, puisqu’il est au-dessus de tout : c’est
le suffrage universel, l’unique et tout-puissant
-souverain. »
La population entre dans cette idée.
Gomme elle est, depuis longtemps, travaillée
par les ennemis de ce pauvre Grenier ;
comme toutes les commères du canton ne
font aucun doute de sa culpabilité, on vote,
d’un commun accord, pour le gérant du jour
nal. On l’élit conseiller d’arrondissement,
non pour qu’il donne, sur les affaires de l’ar
rondissement, des conseils dont on ne se
soucie point, mais uniquement parce que son
nom est une protestation contre l’inertie des
magistrats.
C’est un plébiscite, par voie détournée, sur
une question de fait : Grenier est-il, oui ou
non, l’auteur de l’assassinat commis sur la
personne d’un berger ?
Qui ne voit l’impertinence du procédé ?
Le suffrage universel est souverain, cela va
sans dire, mais dans l’ordre de la politique,
dans la sphère où le confinent la loi et le
bon sens. Quand il a choisi ses mandataires,
ils tiennent de lui le droit de gouverner en
son nom, et force est bien de leur obéir.
Mais est-ce une raison pour le consulter
sur des choses qui ne sont pas de sa com
pétence ? Est-ce que vous demanderiez
au suffrage universel quel est le meilleur mo
teur pour les automobiles ? Si Nansen a pris
le plus court chemin pour aller au pôle ?
Si l’homme est nécessairement victime des
influences ataviques ou s’il y peut échapper ?
Que sais-je, moi ! Le suffrage universel n’a
point à se prononcer sur des problèmes qui
ne sont pas de son ressort.
Au temps du second Empire, il arriva à
Napoléon III, qui composait une histoire
de César, de vouloir se rendre compte de
l’emplacement qu’occupait Alésia. C’était là
un problème qui avait suscité de longues
querelles entre savants, les uns tenant pour un
endroit, les autres pour un autre. L’empereur,
après avoir examiné les deux emplacements
pour lesquels on se disputait, en choisit un
qu’il déclara adopter.
Et, le lendemain, les journaux dévoués au
gouvernement disaient en choeur :
— Voilà une question heureusement termi
née ! L’empereur a parlé, i'1 n’y a plus de dé
bat possible.
Je me souviens que nous prîmes la liberté
de nous moquer de ces courtisans, qui
croyaient que l’empereur n’avait qu’à dire un
seul mot pour trancher une question discutée
par les archéologues.
L’empereur était pourtant souverain. Mais
il ne l’était que dans les choses de gouverne
ment.
— Au théâtre, disait le roi Charles X à
Victor Hugo, je n’ai, comme les autres, que
place au parterre.
Eh bien ! il en va de même du suffrage uni
versel.
C’est une des turlutaines du temps présent
de croire que le suffrage universel soit apte
à dénouer tous les problèmes, à promulguer
dans tous les ordres d’idées ou de faits un
credo auquel il faille absolument se soumettre.
Ses partisans lui décernent l’infaillibilité
qu’ils refusent au pape.
Mais le pape n’est infaillible ( même pour
ceux qui croient en son infaillibilité) que
s’il parle ex cathedra, c’est-à-dire que si, as
sis dans la chaire de saint Pierre, il résout
une des questions théologiques qui agitent l’E
glise. Mais, s’il s’avise de causer avec un pein
tre des fresques de Raphaël, il y a gros à pa
rier que c’est le peintre qui aura raison
contre le pape, tout infaillible qu’il est.
La superstition du suffrage universel est
une des plus dangereuses qu’ait vu naître et
se développer notre temps. Le suffrage uni
versel n’est, hélas ! que trop sujet à l’erreur,
môme dans les choses où il est censé se
connaître, où il est réellement souverain, où
il faut lui obéir bon gré mal gré. A plus forte
raison quand il se mêle ou quand on le mêle
à celles qui ne le regardent pas.
Un magistrat habile et intelligent qui fait
son enquête sur un crime, qui interroge pré
venus et témoins, qui pèse les moindres
circonstances et se forme une opinion, len
tement et sur preuves, est mieux outillé,
pour arriver à la vérité que cet étourdi de
suffrage universel, qui se prononce sans exa
men, au gré de la passion qui l’emporte.
Le suffrage universel, au dix-huitième siè
cle, a demandé à cor et à cri la condamna
tion de Galas. C’est Voltaire qui, après avoir
étudié l’affaire, démontra son innocence. Vol
taire eut, ce jour-là, en dépit du proverbe,
plus d’esprit que tout le monde.
J’imagine que nos confrères de Dijon doi
vent être, aujourd’hui, un peu honteux de la
campagne qu’ils ont menée contre ce pauvre
Grenier, avec l’assentiment et l’aide du su r -
frage universel.
Je souhaiterais que cet exemple vous servît
de leçon, que vous apprissiez à n’y estimer
le suffrage universel qu’à sa juste valeur, et
je pencherais à croire qu’il n’en a aucune.
Francisque Sarcey
% « ♦ 11■ ■ ■ 11 « ♦ «■■»■«» ♦ ♦ «on» ♦ ♦ «bbob « ♦ «mw» «►><»♦ «arasa» ♦ •
On part pour la mer. Madame fait ses mal
les (vingt - trois robes, dix-sept paires de
bottines, le reste à l’avenant).
Monsieur, impatienté, lui demande si c’est
bien tout, et si elle n’attend plus rien de chez
le couturier.
— Non, répond madame.
Ah ! mais si, reprend-elle vivement, j’at
tends la note !
L’ACTUALITÉ
ON RENTRE
« La rentrée des Chambres
s'est opérée arec tout le céré
monial accoutumé... »
(TOUS I.BS JOURNAUX)
Entrez, Mesdames et messieurs ! c’est ici
le champ de foire, de foire parlementaire. ..
Ça ne sent pas très bon, mais on s’y amuse
tout de même.. . On y lutte à mains plates,
car la platitude est la raison d’ordre de ce
qui s’y passe. Entrez tous ! vous y verrez des
choses surprenantes. Des honnêtes gens et
des imbéciles, des hommes très forts et des
roublards. J’entends par roublards ceux qui
touchent des roubles et par honnêtes gens
les idiots... La salle est pleine... Entrez !
entrez ! Veus ne regretterez pas votre argent,
bien qu’on vous le vole. . . Celui qu’on ne
vous prendra pas à la porte, on vous le pren
dra dans la poche sous prétexte de contribu
tions... Entrez ! entrez ! Il est rarement donné
d’assister à un spectacle aussi panaché... Je
ne dis pas réconfortant.
La rentrée des Chambres, mesdames et
messieurs, c’est la foire dans tout ce qu’elle a
de symbolique... Ce n’est pas que ça soit
très propre, mais ça tient de la place tout de
même. Entrez, tous, et vous allez assister à
cette petite cérémonie qui constitue la gloire
du pays, l’amusement des grandes personnes,
la joie des enfants et l’avenir des gardiens de
prison !
Entrez tous ! On ne paie qu’en sortant. ..
et vous paierez tout de suite parce que vous
n’y resterez pas longtemps...
Le premier salon où vous serez introduit,
c’est la salle des Pas Perdus. . . On l’appelle
ainsi parce que la seconde, qui est la salle
des séances, peut s’appeler la salle des
Paroles perdues. Pour vous autres, il n’y
aura pas que les paroles, il y aura vos illu
sions et votre temps qui seront perdus...
Et tout ça... c’est comme la vertu de ma
sœur: quand c’est perdu... ça ne se retrouve
jamais.
Entrez 1 entrez !
Le théâtre de la foire possède une troupe
de choix qui permet la ligùration. Nous ne
craignons pas la concurrence, bien qu’elle
soit l’âme du commerce. Les appointements
de vingt-cinq francs par jour nous permet
tent d’entretenir des danseuses... Nos dé
putés quand ils ont fini de parler pour ne
rien dire chantent ou font chanter... Pen
dant ce temps-là, la République danse et
tout le monde est heureux et content.
Vive la République ! Entrez ! entrez !...
Dépêchez-vous... nous allons refuser du
monde.
Vous allez assister au cortège, au grand
défilé de nos gloires nationales.. .
En avant la musique ! Des gloires, nous en
avons des tonneaux, des fûts, des barriques.
Des gloires, il n’y a que cela chez nous. C’est
comme les cheveux d’Eléonore... quand il
n’y en a plus il y en a encore... Des gloi
res ! nos moyens nous permettent d’en
vendre... Elles sont bon teint et résistent au
lavage. Les plus sales lessives ne gâtent pas
le linge. Les serviettes ministérielles s’écu-
lent, mais ne moisissent pas! Entrez! entrez !
l’on commence !
Voici venir M. Brisson entouré de l’es
corte : huit baïonnettes et un colonel. . . On
conduit les bandits avec moins d’honneur,
mesdames et messieurs. .. Vous verrez sou
rire le distingué président de la Chambre.. .
On appelle M. Brisson, M. La Pluie qui
marche... L’humanité est méchante. Etant
donné que la pluie est assommante quand
elle tombe, quand elle marche elle n’est que
rasante... Cela tombe sous le sens commun.
Derrière le- sourire de la présidence vous
verrez, mesdames et messieurs, s’avancer le
Bureau... Le Bureau est raide et digne...
comme il convient à tout bureau de bois...
à tout bureau de chêne. .. Dans le fond, les
bureaux ne servent pas à grand’ chose. . . Ça
pare, ça distingue et ça orne... Quand il n’y
a pas le sou dans la caisse on a toujours un
beau bureau. On la fait à la pose ; ça ne sert
pas à grand’chose, c’est l’a, b, c du pot aux
roses... Entrez ! entrez !
Afin que le spectacle soit unique (nous ne
parlerons des vestes qu’au mois de mai pro
chain) nous ferons défiler à vos yeux les
phénomènes que la France nous envoie. On
adresse au Jardin des Plantes les bêtes rares
qu’on découvre ; on expédie à la Chambre les
veaux à deux têtes qu’on trouve dans les
départements... La France est riche... la
Chambre est belle.
Attention! mesdames .et messieurs,., vous
allez voir des vétérinaires, des huissiers, des
dentistes, des poètes, des Arabes et des domp
teurs... Vous allez assister à des cérémonies
diverses et inattendues... On lèverades poids,
on avalera des couleuvres et on arrachera
des dents.
Les poids qu’on lèvera sont représentés par
l’impôt sur le revenu et les petits douzièmes,
qui, à force d’être provisoires, sont devenus
définitifs.
Les couleuvres qu’on vous lera avaler se
ront la vipère Egalité, le serpent à sonnettes
Liberté et le boa constrietor Fraternité. Tout
cela se digère sans douleur quand on le mange
en musique, et on vous en donnera... Si la
grosse caisse se crève, on vous jouera de l’o-
phicléïde et la digestion s’opérera tout de
même.
Quant aux molaires qu’on vous extirpera,
elles se nomment plâtre, pognon, argent ou
galette suivant le cas, les milieux et les cir
constances...
Ouvrez vos yeux, mesdames... nous allons
vous servir le grand jeu.
Voici venir... Allah! Allah! le calife Gre
nier... Celui qui se lave si souvent les pieds
devrait laver la conscience de ses collègues.
Il ne le fait pas, parcequ’il a l’esprit de corps,
ce qui est inévitable quand on sedébarbouille
les pieds.
Puisque nous en sommes au cabinet de
toilette, arrêtons au passage l’artiste capil
laire, qui s’appelle Chauvin probablement
parce qu’il a des cheveux, ou que ses pom
mades les font tomber. Il est suivi — comme
la misère suit le pauvre monde — par le cha
pelier Fabérot: cheveux et chapeaux, tout cela
se tient comme le juge et la prison, comme
la teigne et la pauvreté.
Ce "n’est pas tout, Mesdames et Messieurs,
vous en aurez pour votre argent... Voici le
clan des chevelus, ceux qui ont peur des ci-
Aimé MALLIFAUD, Directeur
Le
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Bureaux Ouverts: les Lundi, Mercredi, Jeudi et Samedi, de 9 h. à 11 h. du matin
LA CAMPAGNE
EN FAVEUR DE
DREYFUS
Bazaine, cet être qui déshonorait la-planète
et dont Abdul-Hamid lui-mème n’aurait pas
serré la main, occupait, dit-on, sa vieillesse
à écrire ses mémoires, qu’il avait intitulés
« La justification d’un traître ». Quelque
temps avant sa mort, sa famille, consciente
pour lui,supprima le livre et eut l’intelligence
de ne désirer que l’oubli. Ce sens moral a
manqué à la famille Dreyfus. Il est vrai qu’elle
n’a pas pour se réconforter la pensée que son
délicieux parent s’est évadé, comme l’homme
de Metz, et cela avec plus ou moins d’aide
officielle.
Cette idée de la fuite possible, qu’il fallait,
hélas ! abandonner, est vraisemblablement la
cause de la campagne’ actuelle. La famille
Dreyfus ne peut supporter la pensée qu’elle a
perdu irrémédiablement une intelligence qui
menaçait d’être aussi productive que celle de
l’ex-capitaine d’artillerie, etil convient,après
un pareil laps de temps, d’user de tous les
moyens possibles pour que la signature qui
a figuré sur un pacte d'espionnage s’étalât à
nouveau au bas des quittances de loyer des
immeubles acquis avec l’argentd’outre-Rhin.
C’est pourquoi tous les bons coreligion
naires, tous ceux qui se réclament d’une
parenté plus ou moins lointaine avec le nom
bril de Moïse, se sont une fois de plus syndi
qués et, criant à l’erreur judiciaire, ont battu
la caisse sur le tréteau de certains éditeurs
de brochures, pendant qu’accourait à l’aide
une phalange de publicistes spéciaux. Du
fond de tous les ghettos et de toutes les juden-
gasses on a pu entendre monter des cris
éplorés de « Justice », alors que, dominant le
tout, le Rhin lui-même apaisait un peu le
tumulte de son cours pour laisser passer la
clameur joyeuse et ironique de la Germanie.
Allons, ne désespérons pas; grâce à tout ce
bruit, Guillaume, l’esprit hanté par d’autres
préoccupations, grave et triste comme
M. Georges d’Esparbès avant d’être forcé de
mettre à mort tous ses demi-soldes, a laissé
passer trois jours sans parler de son grand-
père, mais un soir, n’y tenant plus, il a ras
semblé sa cour, et calmant d’un geste protec
teur les hochs! qui partaient déjà isolés (car
ses familiers manifestent de suite leur enthou
siasme dès qu’ils voient seulement s’agiter
les augustes lèvres), il a déclaré nettement
qu’il comptait bien voir l’année prochaine
celui qui sera redevenu enfin M. Dreyfus
monter à la tribune française comme rappor
teur du budget de la guerre. Le prisonnier
n’a-t-il pas informé dernièrement sa famille,
dans une lettre touchante, qu’on était plus
mal certainement à File du Diable qu’à Biribi !
Et l’empereur allemand, qui est au courant de
toutes les productions de notre littérature
nationale et qui, en tant que poète, a un faible
pour Bruant, a été touché jusqu’aux larmes
parce détail lui rappelant la chanson cé
lèbre. Il a notifié à son entourage qu’il
annexerait plutôt la Guyane que de voir se
prolonger une situation pareille.
D’ailleurs, a-t-il ajouté, ces Français ne
seront jamais raisonnables et ne se déci
deront à être tranquilles que lorsque j’aurai
conquis le boulevard Montmartre et que je
pourrai ainsi faire jouer mes pièces de
théâtre aux Variétés. Leurs moeurs du reste
y gagneraient, et je suis assuré que la sympa- ,
’tliie de M. Scheurer-Kestner me serait tout j
à fait acquise en cette occasion, car dans .
mes vaudevilles l’innocence n’est jamais per- !
sécutée, nulle petite femme ne se déshabille,
et les entractes sont avantageusement rem
plis par des lectures de la Bible.
A-t-on idée d’abord, a continué le Kaiser,
d’une intolérance semblable à la leur? Ainsi,
l'autre jour, mon grand chambellan m’ayant
annoncé que j’avais dans ma garde-robe
287 tuniques piquées des vers et 163 culottes
un peu vétustes, j’ai eu l’idée d’envoyer quel
ques-uns de ces uniformes hors de service au
capitaine Dreyfus qu’on forçait dans son île
à se mettre en civil, ce qui est dur pour un
militaire.
Mais, ajouta-t-il, quand on aura réussi à
retirer le condamné des griffes qui paraissent
décidées à no pas le lâcher, il y aura de la
joie « Unter den Linden ». J’ai composé
en prévision de ce beau jour un hymne
à grande orchestration que j’ai intitulé :
« Retour d'un nouvel Alcibiade dans sa
patrie », et je lui conférerai autant d’ordres et
de croix qu’on lui a arraché de boutons dans
la cour de l'Ecole militaire. Du reste, grâce
à une habile pression diplomatique, je ne dé
sespère pas de le voir occuper — cette réha
bilitation lui est due — un poste important
dans le haut commandement français On
pourrait même fort bien, et cela nous serait
d’un grand profit, lui attribuer la place du
général Saussier qui va se trouver vacante
dans quelques mois. Cette idée qui m’a beau
coup séduit est, je dois le dé larer, de
M. Bernard Lazare, bit l’empereur allemand,
ayant ainsi parlé, vida trois chopes, proféra
quelques jurons à l’adresse de Bismarck et se
remit à un sonnet commencé eu l’honneur de
Mme Réjane, alors de passage à Berlin.
Quant à l’opinion publique française aux
prises avec toute cette campagne, on aura
beau essayer do la troubler et lui offrir la
cuisine savante de révélations prétendues
fulgurantes, elle restera inébranlable dans
ses convictions de la première heure, con
victions fortement motivées et affermies
par le jugement récent du conseil de guerre.
L’empereur Guillaume II n’est pas encore
appelé à envoyer de sitôt, en signe d’enthou
siasme, son propre yacht le « Hohenzollern »
pour rapatrier le traître.
L’accolade fraternelle sera pour plus tard.
Rayon X.
CHRONIQUE
PAR
Francisque Sarcey
Parmi les victimes du tueur de bergers, il
s’en trouvait une dont l’assassinat avait eu
lieu dans les environs de Dijon. Des soup
çons s’élevèrent contre un malheureux
homme qui vivait fort à l’écart. Il se nom
mait Grenier. Il fut arrêté, puis relâché faute
de preuves. Deux journaux de la localité,
sans que nous ayons pu savoir les mobiles
qui les avaient poussés, s’acharnèrent après
lui et finirent par ameuter, contre cet infor
tuné, les fureurs de l’opinion publique. On
répandit le bruit que si le parquet avait
rendu une ordonnance de non-lieu, c’est que
Grenier était un bourgeois à son aise et qu’il
était, bien qu'à un degré fort éloigné, parent
d’un des membres de la magistrature.
La rumeur publique devint si forte que le
parquet dut faire une instruction nouvelle.
Mais, il faut lui rendre cette justice : comme
il ne put découvrir aucune preuve certaine de
la culpabilité de l’homme qu’elle accusait, il
le relâcha de nouveau et laissa, sans mot
dire, les calomniateurs poursuivre leur cam
pagne.
Vous en avez appris le résultat par les jour
naux : ce Grenier, forcé de quitter le pays,
où tout le monde le traitait d’assassin; sa
maison en ruine, sa famille au désespoir.
Mais ce n’est pas sur ce point, si douleureux
qu’il soit, que je prétends arrêter votre at
tention.
Les deux journaux, enragés de voir qu’ils ne
pouvaient vaincre la résistance des magistrats,
qui continuaient à garder le silence, persua
dés comme ils l’étaient de l’innocence de
Grenier, s’avisèrent, pour les forcer dans
leurs derniers retranchements, d’un truc qui
vous paraîtra peut-être singulier, mais qui
devait réussir, car il était fondé sur un des
préjugés les plus absurdes et les plus tena
ces de ce temps : ils en appelèrent au suffrage
universel.
Il y avait à élire des conseillers d’arrondis
sement. Ils présentèrent leur gérant dans
trois cantons, et, dans ces trois cantons, le
gérant obtint une forte majorité et fut élu.
Vous allez me demander, sans doute, quel
rapport il peut bien y avoir entre l’élection
d’un conseiller d’arrondissement et la ques
tion de savoir quel est l’assassin d’un berger
dont le cadavre a été découvert dans un bois?
Il n’y en a aucun, et c’est cela, précisément,
qui fait l’étrangeté de la chose. Ainsi, voilà
deux journaux qui disent à une population :
« Il s’est commis un crime, et nous tenons
Grenier pour le vrai coupable. La magistra
ture se refuse à le poursuivre. Il faut savoir
qui, d’elle ou de nous, a raison dans cette
occurrence.
« Nous vous soumettons l’affaire.
« Si vous élisez notre gérant, ce sera signe
que vous nous donnez raison; et, une fois
que le suffrage universel aura prononcé, il
faudra bien que nos magistrats se rendent ;
car il y a un pouvoir qui est au-dessus
d’eux, puisqu’il est au-dessus de tout : c’est
le suffrage universel, l’unique et tout-puissant
-souverain. »
La population entre dans cette idée.
Gomme elle est, depuis longtemps, travaillée
par les ennemis de ce pauvre Grenier ;
comme toutes les commères du canton ne
font aucun doute de sa culpabilité, on vote,
d’un commun accord, pour le gérant du jour
nal. On l’élit conseiller d’arrondissement,
non pour qu’il donne, sur les affaires de l’ar
rondissement, des conseils dont on ne se
soucie point, mais uniquement parce que son
nom est une protestation contre l’inertie des
magistrats.
C’est un plébiscite, par voie détournée, sur
une question de fait : Grenier est-il, oui ou
non, l’auteur de l’assassinat commis sur la
personne d’un berger ?
Qui ne voit l’impertinence du procédé ?
Le suffrage universel est souverain, cela va
sans dire, mais dans l’ordre de la politique,
dans la sphère où le confinent la loi et le
bon sens. Quand il a choisi ses mandataires,
ils tiennent de lui le droit de gouverner en
son nom, et force est bien de leur obéir.
Mais est-ce une raison pour le consulter
sur des choses qui ne sont pas de sa com
pétence ? Est-ce que vous demanderiez
au suffrage universel quel est le meilleur mo
teur pour les automobiles ? Si Nansen a pris
le plus court chemin pour aller au pôle ?
Si l’homme est nécessairement victime des
influences ataviques ou s’il y peut échapper ?
Que sais-je, moi ! Le suffrage universel n’a
point à se prononcer sur des problèmes qui
ne sont pas de son ressort.
Au temps du second Empire, il arriva à
Napoléon III, qui composait une histoire
de César, de vouloir se rendre compte de
l’emplacement qu’occupait Alésia. C’était là
un problème qui avait suscité de longues
querelles entre savants, les uns tenant pour un
endroit, les autres pour un autre. L’empereur,
après avoir examiné les deux emplacements
pour lesquels on se disputait, en choisit un
qu’il déclara adopter.
Et, le lendemain, les journaux dévoués au
gouvernement disaient en choeur :
— Voilà une question heureusement termi
née ! L’empereur a parlé, i'1 n’y a plus de dé
bat possible.
Je me souviens que nous prîmes la liberté
de nous moquer de ces courtisans, qui
croyaient que l’empereur n’avait qu’à dire un
seul mot pour trancher une question discutée
par les archéologues.
L’empereur était pourtant souverain. Mais
il ne l’était que dans les choses de gouverne
ment.
— Au théâtre, disait le roi Charles X à
Victor Hugo, je n’ai, comme les autres, que
place au parterre.
Eh bien ! il en va de même du suffrage uni
versel.
C’est une des turlutaines du temps présent
de croire que le suffrage universel soit apte
à dénouer tous les problèmes, à promulguer
dans tous les ordres d’idées ou de faits un
credo auquel il faille absolument se soumettre.
Ses partisans lui décernent l’infaillibilité
qu’ils refusent au pape.
Mais le pape n’est infaillible ( même pour
ceux qui croient en son infaillibilité) que
s’il parle ex cathedra, c’est-à-dire que si, as
sis dans la chaire de saint Pierre, il résout
une des questions théologiques qui agitent l’E
glise. Mais, s’il s’avise de causer avec un pein
tre des fresques de Raphaël, il y a gros à pa
rier que c’est le peintre qui aura raison
contre le pape, tout infaillible qu’il est.
La superstition du suffrage universel est
une des plus dangereuses qu’ait vu naître et
se développer notre temps. Le suffrage uni
versel n’est, hélas ! que trop sujet à l’erreur,
môme dans les choses où il est censé se
connaître, où il est réellement souverain, où
il faut lui obéir bon gré mal gré. A plus forte
raison quand il se mêle ou quand on le mêle
à celles qui ne le regardent pas.
Un magistrat habile et intelligent qui fait
son enquête sur un crime, qui interroge pré
venus et témoins, qui pèse les moindres
circonstances et se forme une opinion, len
tement et sur preuves, est mieux outillé,
pour arriver à la vérité que cet étourdi de
suffrage universel, qui se prononce sans exa
men, au gré de la passion qui l’emporte.
Le suffrage universel, au dix-huitième siè
cle, a demandé à cor et à cri la condamna
tion de Galas. C’est Voltaire qui, après avoir
étudié l’affaire, démontra son innocence. Vol
taire eut, ce jour-là, en dépit du proverbe,
plus d’esprit que tout le monde.
J’imagine que nos confrères de Dijon doi
vent être, aujourd’hui, un peu honteux de la
campagne qu’ils ont menée contre ce pauvre
Grenier, avec l’assentiment et l’aide du su r -
frage universel.
Je souhaiterais que cet exemple vous servît
de leçon, que vous apprissiez à n’y estimer
le suffrage universel qu’à sa juste valeur, et
je pencherais à croire qu’il n’en a aucune.
Francisque Sarcey
% « ♦ 11■ ■ ■ 11 « ♦ «■■»■«» ♦ ♦ «on» ♦ ♦ «bbob « ♦ «mw» «►><»♦ «arasa» ♦ •
On part pour la mer. Madame fait ses mal
les (vingt - trois robes, dix-sept paires de
bottines, le reste à l’avenant).
Monsieur, impatienté, lui demande si c’est
bien tout, et si elle n’attend plus rien de chez
le couturier.
— Non, répond madame.
Ah ! mais si, reprend-elle vivement, j’at
tends la note !
L’ACTUALITÉ
ON RENTRE
« La rentrée des Chambres
s'est opérée arec tout le céré
monial accoutumé... »
(TOUS I.BS JOURNAUX)
Entrez, Mesdames et messieurs ! c’est ici
le champ de foire, de foire parlementaire. ..
Ça ne sent pas très bon, mais on s’y amuse
tout de même.. . On y lutte à mains plates,
car la platitude est la raison d’ordre de ce
qui s’y passe. Entrez tous ! vous y verrez des
choses surprenantes. Des honnêtes gens et
des imbéciles, des hommes très forts et des
roublards. J’entends par roublards ceux qui
touchent des roubles et par honnêtes gens
les idiots... La salle est pleine... Entrez !
entrez ! Veus ne regretterez pas votre argent,
bien qu’on vous le vole. . . Celui qu’on ne
vous prendra pas à la porte, on vous le pren
dra dans la poche sous prétexte de contribu
tions... Entrez ! entrez ! Il est rarement donné
d’assister à un spectacle aussi panaché... Je
ne dis pas réconfortant.
La rentrée des Chambres, mesdames et
messieurs, c’est la foire dans tout ce qu’elle a
de symbolique... Ce n’est pas que ça soit
très propre, mais ça tient de la place tout de
même. Entrez, tous, et vous allez assister à
cette petite cérémonie qui constitue la gloire
du pays, l’amusement des grandes personnes,
la joie des enfants et l’avenir des gardiens de
prison !
Entrez tous ! On ne paie qu’en sortant. ..
et vous paierez tout de suite parce que vous
n’y resterez pas longtemps...
Le premier salon où vous serez introduit,
c’est la salle des Pas Perdus. . . On l’appelle
ainsi parce que la seconde, qui est la salle
des séances, peut s’appeler la salle des
Paroles perdues. Pour vous autres, il n’y
aura pas que les paroles, il y aura vos illu
sions et votre temps qui seront perdus...
Et tout ça... c’est comme la vertu de ma
sœur: quand c’est perdu... ça ne se retrouve
jamais.
Entrez 1 entrez !
Le théâtre de la foire possède une troupe
de choix qui permet la ligùration. Nous ne
craignons pas la concurrence, bien qu’elle
soit l’âme du commerce. Les appointements
de vingt-cinq francs par jour nous permet
tent d’entretenir des danseuses... Nos dé
putés quand ils ont fini de parler pour ne
rien dire chantent ou font chanter... Pen
dant ce temps-là, la République danse et
tout le monde est heureux et content.
Vive la République ! Entrez ! entrez !...
Dépêchez-vous... nous allons refuser du
monde.
Vous allez assister au cortège, au grand
défilé de nos gloires nationales.. .
En avant la musique ! Des gloires, nous en
avons des tonneaux, des fûts, des barriques.
Des gloires, il n’y a que cela chez nous. C’est
comme les cheveux d’Eléonore... quand il
n’y en a plus il y en a encore... Des gloi
res ! nos moyens nous permettent d’en
vendre... Elles sont bon teint et résistent au
lavage. Les plus sales lessives ne gâtent pas
le linge. Les serviettes ministérielles s’écu-
lent, mais ne moisissent pas! Entrez! entrez !
l’on commence !
Voici venir M. Brisson entouré de l’es
corte : huit baïonnettes et un colonel. . . On
conduit les bandits avec moins d’honneur,
mesdames et messieurs. .. Vous verrez sou
rire le distingué président de la Chambre.. .
On appelle M. Brisson, M. La Pluie qui
marche... L’humanité est méchante. Etant
donné que la pluie est assommante quand
elle tombe, quand elle marche elle n’est que
rasante... Cela tombe sous le sens commun.
Derrière le- sourire de la présidence vous
verrez, mesdames et messieurs, s’avancer le
Bureau... Le Bureau est raide et digne...
comme il convient à tout bureau de bois...
à tout bureau de chêne. .. Dans le fond, les
bureaux ne servent pas à grand’ chose. . . Ça
pare, ça distingue et ça orne... Quand il n’y
a pas le sou dans la caisse on a toujours un
beau bureau. On la fait à la pose ; ça ne sert
pas à grand’chose, c’est l’a, b, c du pot aux
roses... Entrez ! entrez !
Afin que le spectacle soit unique (nous ne
parlerons des vestes qu’au mois de mai pro
chain) nous ferons défiler à vos yeux les
phénomènes que la France nous envoie. On
adresse au Jardin des Plantes les bêtes rares
qu’on découvre ; on expédie à la Chambre les
veaux à deux têtes qu’on trouve dans les
départements... La France est riche... la
Chambre est belle.
Attention! mesdames .et messieurs,., vous
allez voir des vétérinaires, des huissiers, des
dentistes, des poètes, des Arabes et des domp
teurs... Vous allez assister à des cérémonies
diverses et inattendues... On lèverades poids,
on avalera des couleuvres et on arrachera
des dents.
Les poids qu’on lèvera sont représentés par
l’impôt sur le revenu et les petits douzièmes,
qui, à force d’être provisoires, sont devenus
définitifs.
Les couleuvres qu’on vous lera avaler se
ront la vipère Egalité, le serpent à sonnettes
Liberté et le boa constrietor Fraternité. Tout
cela se digère sans douleur quand on le mange
en musique, et on vous en donnera... Si la
grosse caisse se crève, on vous jouera de l’o-
phicléïde et la digestion s’opérera tout de
même.
Quant aux molaires qu’on vous extirpera,
elles se nomment plâtre, pognon, argent ou
galette suivant le cas, les milieux et les cir
constances...
Ouvrez vos yeux, mesdames... nous allons
vous servir le grand jeu.
Voici venir... Allah! Allah! le calife Gre
nier... Celui qui se lave si souvent les pieds
devrait laver la conscience de ses collègues.
Il ne le fait pas, parcequ’il a l’esprit de corps,
ce qui est inévitable quand on sedébarbouille
les pieds.
Puisque nous en sommes au cabinet de
toilette, arrêtons au passage l’artiste capil
laire, qui s’appelle Chauvin probablement
parce qu’il a des cheveux, ou que ses pom
mades les font tomber. Il est suivi — comme
la misère suit le pauvre monde — par le cha
pelier Fabérot: cheveux et chapeaux, tout cela
se tient comme le juge et la prison, comme
la teigne et la pauvreté.
Ce "n’est pas tout, Mesdames et Messieurs,
vous en aurez pour votre argent... Voici le
clan des chevelus, ceux qui ont peur des ci-
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