Titre : Le Réveil du Havre : organe républicain ["puis" organe républicain-socialiste indépendant "puis" organe du Parti républicain démocratique]
Éditeur : [s.n.] (Le Havre)
Date d'édition : 1900-06-02
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32854639q
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 02 juin 1900 02 juin 1900
Description : 1900/06/02 (N214). 1900/06/02 (N214).
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k3263413n
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-89667
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 05/05/2019
5 e Année— N° 214.
CINQ CENTIMES LE NUMÉRO
Samedi 2 Juin 1900.
Organe du Parti Républicain Démocratique
PRIX DES ABONNEMENTS
Le Havre et la Seine-Inférieure par an 3 fr.
Départements. » 4 fr.
ADMINISTRATION ET RÉDACTION
15, RUE GASIMIR-PÉRIER, 15
Secrétaire de la Rédaction.... ff. thouhmeret
L’ImPRIMEUR-GÉRANT F. LE ROY
Prix des Insertions :
Annonces 25 centimes la ligne
Réclames 50 i>
On traite à forfait
La situation du ministère n’est
nullement ébranlée par suite du dé
part du général de Galliffet ; nous
devons reconnaître bien plutôt qu’elle
en reste consolidée. Le prestige du
nom de l’ancien ministre de la
guerre a pu fournir un appui au ca
binet lors de sa constitution, quand
une partie de l’armée était en ré
bellion ouverte contre le gouverne
ment ; mais il n’en est pas moins
vrai que, fatigué par l’âge, affaibli
par sa dernière maladie, le général
de Galliffet ne pouvait plus consacrer
à sa mission toute l’énergie néces
saire.
L’incident Fritsch a prouvé qu’il
n’était plus maître de ses bureaux.
D’un autre côté, un certain nombre
de députés de l’extrême gauche
n’accordaient leurs votes au minis
tère de défense républicaine qu’a
vec parcimonie, en se souvenant que
l’un de ses membres avait pris part
à la répression sanglante de la
Commune.
Le général André, appelé à lui
succéder, a donné des preuves d’un
républicanisme viril. La presse na
tionaliste l’attaque dès le début de
son arrivée au pouvoir, c’est pour
lui, ainsi que pour nous, un gage de
la solidité de ses convictions.
Il faut réorganiser le ministère
de la guerre et refaire l’esprit de
l’arniée. Le général André a com
mencé en changeant son état-major
de ministre. Qu’il ne s’arrête pas en
chemin.
Nous le répéterons, la Nation
n’est pas faite pour l’armée ; mais
l’armée pour défendre la Nation.
Dans le discours qu’il a prononcé,
dimanche dernier, aux environs de
Paris et mardi, à la Chambre, M.
Léon Bourgeois a cherché à dissi
per l’équivoque qu’entretiennent,
pour leur cause,les nationalistes.Très
judicieusement, il a fait ressortir que
le parti des patriotes ne pouvait être
autre que celui qui, depuis trente
ans, s’est attaché, après nos défaites,
à rétablir les forces militaires du
pays. Au nationalisme mensonger
et dupeur, il a opposé le parti natio
nal qui se soucie, tout à la fois, de la
défense de nos frontières et de la
suprématie du pouvoir civil comme
élément indispensable à la liberté
publique, à l’existence de la Répu
blique et à la marche constante vers
une civilisation meilleure.
C’est en vain que l’on a vu M.
Méline, l’homme funeste à la philo
sophie politique de la France ainsi
qu’à son régime économique, venir
pousser les derniers rugissements
de la bête aux abois ; une majorité
compacte s’est formée à la Chambre,
décidée à soutenir fermement le mi
nistère.
Je n’ai pas la prétention de croire
pour cela que les nationalistes dé
sarmeront et qu’ils cesseront de
troubler la tranquillité du pays. Je
sais bien que la faction cléricale
médite d’opposer à la récente et
belle manifestation républicaine de
la province, l’élection du Conseil
municipal de Paris, et qu’elle fera
tout son possible pour exciter les
désordres dans la rue pour impres
sionner les départements ; mais est-
elle sûre que la population parisienne
voudra la suivre et recommencer
les scènes tumultueuses du procès
Zola.
La bataille se dessine trop nette
ment, aujourd’hui, entre la réaction
et la République; les plus réfrac
taires à cette opinion, tels que M.
Fénoux, reconnaissent maintenant
ce que, plus clairvoyant nous leur
disons depuis plus d’un an.
Le Gaulois , avec Arthur Meyer,
en sera pour ses frais quand, parla
plume de Desmoulins, il incite sour
dement Paris à l’action réaction
naire.
Un écueil réside encore cependant,
il s’agit de la loi d’amnistie.
Dans la confusion et l’équivoque
qui n’est pas partout disparue, son
vote entraînerait à la faillite de
la justice; les criminels relèveraient
plus audacieusement la tête, ainsi
que le constate Emile Zola ; l’agita
tion reprendrait de plus belle. Et
alors, sous peine d’un retour à plus
de cent années en arrière; des pires
désordres; sous peine des scènes dé
sastreuses, de basse vengeance et
de honteuse férocité qui accompa
gnent toujours la sombre reprise des
forces et des prérogatives du cléri
calisme, la constitution d’un comité
de salut public, qu’on le sache, s’im
poserait. C’est par la terreur qu’il
faudrait frapper les fauteurs de
guerre civile.
Et je me demande avec anxiété,
parfois, si les républicains seront
acculés à pareille nécessité pour sau
ver le pays, comme en 93. Car l’his
toire se recommence sans cesse, et
les mêmes procédés durent être
employés, même par les monarchies,
chaque fois que l’ordre social fut en
péril.
Les réacteurs se terrent quand
vient pour eux l’heure du réel dan
ger.
Pour échapper à semblables me
sures que je serais le premier à
déplorer mais qui s’imposent fata
lement aux époques lugubres, il
faut au gouvernement de la force
et de l’énergie. Nous espérons qu’ins
truit par les derniers événements,
l’une et l’autre ne lui feront pas
défaut.
Alf. HENRI.
nous nous étions prêt à lui faire cré
dit, puisqu’il déclarait vouloir faire
respecter par les chefs militaires la
discipline de la République.
Depuis lors,, nous avons toujours
librement jugé ses actes, donnant
notre adhésion aux mesures prises
par M. de Galliffet pour mettre un
terme aux manifestations incorrectes
de certains officiers, blâmant au con
traire le ministre de la guerre lorsqu’il
semblait encourager par sa faiblesse
les fautes et même les crimes dont les
Gonse, les- Cbamoin et les Mercier ont
donné l’exemple.
Aucune sympathie n’entrait jamais
dans des éloges que, parfois, nous
avons décernés au général de Galliffet ;
il se disait résolu à défendre la Répu
blique, il tenta même à diverses re
prises de tenir sa parole ; nous n’avions
donc aucun motif de douter de sa
loyauté, mais nous n’avons jamais
pensé que le parti républicain dût le
regarder comme un des siens, et nos
regrets ne le suivront pas dans sa
retraite.
Le successeur du général'de Gai-
AD MINISTÈRE DE LA GUERRE
Que tout ceci est amusant ! Les
journaux qui, au gré de leurs tempé
rament ou de l’appétit de leurs lec
teurs, couvraient hier encore M. de
Gallifet d’injures ou l’enveloppaient
d’insinuations, prenant la défense du
démissionnaire. Il était hier une honte
pour l’armée. Il en est devenu l’hon
neur. Une nuit a suffi pour cette mé
tamorphose... Nous avons, quant à
nous, mieux à faire qu’à épiloguer
sur cette sortie du général. Il est parti.
Un autre est là. Que va-t-il faire ?
Quel que soit le remplaçant du gé
néral de Gallifet, il nous sera permis
d’exprimer un regret qui ne touche
pas sa personne. C’est que, surtout
aux heures de péril, il faille faire
appel à un militaire pour représenter
le pouvoir vis-à-vis de l’armée. La
faute en est à la République et dans
la République aux partis débiles qui
aiment dans le pouvoir la parade,
hissant jusqu’à cette demi-hauteur
leurs représentants, et ne savent pas
déléguer au ministère un homme qui
peut parler au nom de la loi et par
elle faire l’épée en un salut respec
tueux. La tradition républicaine est
rompue — par la faute des républi-
liffefc est M. le général André, qui cai / ? s * , , , A , ,
& Quant au general André, que tous
dépeignent comme un républicain
résolu et qui a su, jusqu’à cette heure,
éviter le péril des popularités malsai
nes, nous ne demandons pas mieux
que de croire sur ces convictions les
témoins de sa vie. Le fait seul d’avoir
accepté en cet état de désarroi profond
le portefeuille de la guerre et de n’a
voir rien redouté des sourdes colères
de la haute armée, nous permet de lui
faire confiance. Il n’a rien à attendre
de ce côté — et tout des républicains
Lorsqu’au mois de juin 1899 le
général de Galliffet entra au ministère
de la guerre, nous avons dit que nous
n’oubliions rien de son passé, mais que
commande la 10 e division d’infante
rie en garnison à Paris. Le nouveau
ministre de la guerre est âgé de 62 ans,
et il appartient à la phalange des
polytechniciens, dont la camaraderie
fameuse est une force pour leur ambi
tion personnelle, mais une faiblesse
pour le bien général.
On dit le général André ennemi dé
claré de la politique dans l’armée et
on rappelle qu’il avait lui-même in
terdit, il y a quelques mois, l’entrée
des journaux nationalistes dans les
casernes de sa division. Nous avions,
à cette époque, fait nos réserves au
sujet de cet ordre du jour qui valut
au général André des bordées d’in
jures de la presse cléricale.
Cet incident fait, aujourd’hui, l'ob
jet de nouveaux commentaires et les
feuilles nationalistes y trouvent un
prétexte pour attaquer violemment,
pour insulter même grossièrement le
nouveau ministre.
La Libre Parole le traite de « drey
fusard, antipathique et faux savant »
et considère sa nomination comme'
« un nouveau défi jeté à l’armée » ;
Y Echo de Paris se réserve ; Y Eclair se
contente d’annoncer une nouvelle in
terpellation sur la démission deM. de
Galliffet, et Y Intransigeant dit que le
général André « ne déparera pas le
Cabinet Dreyfus ».
Souhaitons que Y Intransigeant dise
vrai, car nous craignons bien qu’un
général en activité de service, et qui
pourra demain se trouver sous la dé
pendance de ses subordonnés d’au
jourd’hui, manque de courage pour
accomplir la besogne d’assainisse
ment, de régénération de l’armée na
tionale.
C’est un ministre civil qu’il eût
fallu, à l’heure actuelle, au ministère
de la guerre; puisse M. Waldeck-
Rousseau ne pas se repentir de ne pas
l’avoir compris !
qui ne lui demandent, en retour,
que de balayer au ministère de la
guerre la réaction militaire et cléri
cale - complice des coups de main
parlementaires. Nous attendons un
acte suivi d’autres.
René VIVIAN!.
A l’heure où paraîtront ces lignes,
le Sénat aura prononcé, sans doute,
son arrêt sur la question d’amnistie.
Cependant, il est utile de faire en
tendre à tout le pays, quelle que soit
la solution adoptée, l’admirable lan
gage tenu sur cette question par Zola.
Dans ce nouveau pamphlet, d’une
dialectique serrée et puissante, d’une
éloquence brutale, le grand écrivain
a surpassé encore, sinon par le cou
rage, au moins par l'élévation de la
pensée, son immortel: «J’accuse».
Après s’être élevé contre le projet
d’amnistie qui, sous le fallacieux
prétexte d’apaisemeot, est la néga
tion de toute justice et de toute ordre
social « en mettant dans le même sac
les honnêtes gens et les
coquins, su
prême équivoque qui achèvera de
pourrir la conscience nationale ».
Emile Zola refait l’historique de
l’affaire et nous montre comment et
pourquoi elle a pris les proportions
qu’elle a atteintes.
« Au début, dans l’affaire Dieyfus,
il n’y a eu qu’une question de justice,
l’erreur judiciaire dont quelques ci
toyens, de cœur plus juste, plus ten
dre que les autres sans doute, ont
voulu la réparation. Personnellement,
je n’y ai pas vu d’abord autre chose.
Et voilà que, bientôt, à mesure que
la monstrueuse aventure se déroulait,
que les responsabilités remontaient
plus haut, gagnaient les chefs mili
taires, les fonctionnaires, les hommes
au pouvoir, la question s’est emparée
du corps politique tout entier, trans
formant la cause célèbre eu une crise
terrible et générale, où le sort de la
France elle-même semblait devoir se
décider. C’est ainsi que, peu à peu,
deux partis se sont trouvés aux pri
ses : d’un côté, toute la réaction, tous
les adversaires de la véritable Répu
blique que nous devrions avoir, tous
les esprits qui, sans qu’ils le sachent
peut-être, sont pour l’autorité sous
ses diverses formes, religieuse, mili
taire, politique; de l’autre, toute la
libre action vers l’avenir, tous les
cerveaux libérés par la science, tous
ceux qui vont à la vérité, à la justice,
qui croient au progrès continu, dont
les conquêtes finiront par réaliser un
jour le plus de bonheur possible. Et,
dès lors, la bataille a été sans merci.
« De judiciaire qu’elle était, quelle
aurait dû rester, l’affaire Dreyfus est
devenue politique. Tout le venin est
là. Elle a été l’occasion qui a fait mon
ter brusquement à la surface l’obscur
travail d’empoisonnement et de dé
composition dont les adversaires de la
République minaient le régime depuis
trente ans. Il apparaît aujourd’hui à
tous les yeux que la France, la der
nière des grandes nations catholiques
restée debout et puissante, a été choi
sie par le catholicisme, je dirai mieux
par le papisme, pour restaurer le pou
voir défaillant de Rome ; et c’est ainsi
qu’un envahissement sourd s’est fait,
que les jésuites, sans parler des autres
instruments religieux, se sont empa
rés de la jeunesse, avec une adresse
incomparable ; si bien qu’un beau
matin, la France de Voltaire, la France
qui n’est pourtant pas encore retour
née avec les curés, s’est réveillée clé
ricale, aux mains d’une administration,
d’une magistrature, d’une haute ar
mée qui prend son mot d’ordre à
Rome. Les apparences illusoires sont
tombées d'un seul coup, on s’est
aperçu que nous n’avions de la Répu
blique que l’étiquette, on a senti que
nous marchions sur un terrain miné
de toutes parts, où cent années de
conquêtes démocratiques allaient s’ef
fondrer.
« La France était sur le point d’ap
partenir à la réaction, voilà le cri,
voilà la terreur. »
Zola touche ensuite du doigt la plaie
qui nous ronge : plus de magistrats
pour juger impartialement; les chefs
de l’armée se solidarisant avec Mer
cier, les fonctionnaires n’obéissant
plus aux ordres du gouvernement,
sans crainte de le trahir. Il y a là
une angoisse profonde.
pouvoir, s’apercevant qu’ils n’ont plus
dans la main aucun des rouages né
cessaires
« Comment gouverner enfin
avec honnêteté, lorsque pas un fonc
tionnaire n’exécutera honnêtement les
ordres?...
«... les Chambres affolées, en
proie aux factions, tombées à l’igno
minie de l’égoïsme étroit et des ques
tions personnelles.
« Mais ce n’est pas tout, le plus
grave et le plus douloureux est qu’on
a laissé empoisonner le pays par une
presse immonde, qui l’a gorgé avec
impudence de mensonges, de calom
nies, d’ordures et d’outrages, jusqu’à
I
CINQ CENTIMES LE NUMÉRO
Samedi 2 Juin 1900.
Organe du Parti Républicain Démocratique
PRIX DES ABONNEMENTS
Le Havre et la Seine-Inférieure par an 3 fr.
Départements. » 4 fr.
ADMINISTRATION ET RÉDACTION
15, RUE GASIMIR-PÉRIER, 15
Secrétaire de la Rédaction.... ff. thouhmeret
L’ImPRIMEUR-GÉRANT F. LE ROY
Prix des Insertions :
Annonces 25 centimes la ligne
Réclames 50 i>
On traite à forfait
La situation du ministère n’est
nullement ébranlée par suite du dé
part du général de Galliffet ; nous
devons reconnaître bien plutôt qu’elle
en reste consolidée. Le prestige du
nom de l’ancien ministre de la
guerre a pu fournir un appui au ca
binet lors de sa constitution, quand
une partie de l’armée était en ré
bellion ouverte contre le gouverne
ment ; mais il n’en est pas moins
vrai que, fatigué par l’âge, affaibli
par sa dernière maladie, le général
de Galliffet ne pouvait plus consacrer
à sa mission toute l’énergie néces
saire.
L’incident Fritsch a prouvé qu’il
n’était plus maître de ses bureaux.
D’un autre côté, un certain nombre
de députés de l’extrême gauche
n’accordaient leurs votes au minis
tère de défense républicaine qu’a
vec parcimonie, en se souvenant que
l’un de ses membres avait pris part
à la répression sanglante de la
Commune.
Le général André, appelé à lui
succéder, a donné des preuves d’un
républicanisme viril. La presse na
tionaliste l’attaque dès le début de
son arrivée au pouvoir, c’est pour
lui, ainsi que pour nous, un gage de
la solidité de ses convictions.
Il faut réorganiser le ministère
de la guerre et refaire l’esprit de
l’arniée. Le général André a com
mencé en changeant son état-major
de ministre. Qu’il ne s’arrête pas en
chemin.
Nous le répéterons, la Nation
n’est pas faite pour l’armée ; mais
l’armée pour défendre la Nation.
Dans le discours qu’il a prononcé,
dimanche dernier, aux environs de
Paris et mardi, à la Chambre, M.
Léon Bourgeois a cherché à dissi
per l’équivoque qu’entretiennent,
pour leur cause,les nationalistes.Très
judicieusement, il a fait ressortir que
le parti des patriotes ne pouvait être
autre que celui qui, depuis trente
ans, s’est attaché, après nos défaites,
à rétablir les forces militaires du
pays. Au nationalisme mensonger
et dupeur, il a opposé le parti natio
nal qui se soucie, tout à la fois, de la
défense de nos frontières et de la
suprématie du pouvoir civil comme
élément indispensable à la liberté
publique, à l’existence de la Répu
blique et à la marche constante vers
une civilisation meilleure.
C’est en vain que l’on a vu M.
Méline, l’homme funeste à la philo
sophie politique de la France ainsi
qu’à son régime économique, venir
pousser les derniers rugissements
de la bête aux abois ; une majorité
compacte s’est formée à la Chambre,
décidée à soutenir fermement le mi
nistère.
Je n’ai pas la prétention de croire
pour cela que les nationalistes dé
sarmeront et qu’ils cesseront de
troubler la tranquillité du pays. Je
sais bien que la faction cléricale
médite d’opposer à la récente et
belle manifestation républicaine de
la province, l’élection du Conseil
municipal de Paris, et qu’elle fera
tout son possible pour exciter les
désordres dans la rue pour impres
sionner les départements ; mais est-
elle sûre que la population parisienne
voudra la suivre et recommencer
les scènes tumultueuses du procès
Zola.
La bataille se dessine trop nette
ment, aujourd’hui, entre la réaction
et la République; les plus réfrac
taires à cette opinion, tels que M.
Fénoux, reconnaissent maintenant
ce que, plus clairvoyant nous leur
disons depuis plus d’un an.
Le Gaulois , avec Arthur Meyer,
en sera pour ses frais quand, parla
plume de Desmoulins, il incite sour
dement Paris à l’action réaction
naire.
Un écueil réside encore cependant,
il s’agit de la loi d’amnistie.
Dans la confusion et l’équivoque
qui n’est pas partout disparue, son
vote entraînerait à la faillite de
la justice; les criminels relèveraient
plus audacieusement la tête, ainsi
que le constate Emile Zola ; l’agita
tion reprendrait de plus belle. Et
alors, sous peine d’un retour à plus
de cent années en arrière; des pires
désordres; sous peine des scènes dé
sastreuses, de basse vengeance et
de honteuse férocité qui accompa
gnent toujours la sombre reprise des
forces et des prérogatives du cléri
calisme, la constitution d’un comité
de salut public, qu’on le sache, s’im
poserait. C’est par la terreur qu’il
faudrait frapper les fauteurs de
guerre civile.
Et je me demande avec anxiété,
parfois, si les républicains seront
acculés à pareille nécessité pour sau
ver le pays, comme en 93. Car l’his
toire se recommence sans cesse, et
les mêmes procédés durent être
employés, même par les monarchies,
chaque fois que l’ordre social fut en
péril.
Les réacteurs se terrent quand
vient pour eux l’heure du réel dan
ger.
Pour échapper à semblables me
sures que je serais le premier à
déplorer mais qui s’imposent fata
lement aux époques lugubres, il
faut au gouvernement de la force
et de l’énergie. Nous espérons qu’ins
truit par les derniers événements,
l’une et l’autre ne lui feront pas
défaut.
Alf. HENRI.
nous nous étions prêt à lui faire cré
dit, puisqu’il déclarait vouloir faire
respecter par les chefs militaires la
discipline de la République.
Depuis lors,, nous avons toujours
librement jugé ses actes, donnant
notre adhésion aux mesures prises
par M. de Galliffet pour mettre un
terme aux manifestations incorrectes
de certains officiers, blâmant au con
traire le ministre de la guerre lorsqu’il
semblait encourager par sa faiblesse
les fautes et même les crimes dont les
Gonse, les- Cbamoin et les Mercier ont
donné l’exemple.
Aucune sympathie n’entrait jamais
dans des éloges que, parfois, nous
avons décernés au général de Galliffet ;
il se disait résolu à défendre la Répu
blique, il tenta même à diverses re
prises de tenir sa parole ; nous n’avions
donc aucun motif de douter de sa
loyauté, mais nous n’avons jamais
pensé que le parti républicain dût le
regarder comme un des siens, et nos
regrets ne le suivront pas dans sa
retraite.
Le successeur du général'de Gai-
AD MINISTÈRE DE LA GUERRE
Que tout ceci est amusant ! Les
journaux qui, au gré de leurs tempé
rament ou de l’appétit de leurs lec
teurs, couvraient hier encore M. de
Gallifet d’injures ou l’enveloppaient
d’insinuations, prenant la défense du
démissionnaire. Il était hier une honte
pour l’armée. Il en est devenu l’hon
neur. Une nuit a suffi pour cette mé
tamorphose... Nous avons, quant à
nous, mieux à faire qu’à épiloguer
sur cette sortie du général. Il est parti.
Un autre est là. Que va-t-il faire ?
Quel que soit le remplaçant du gé
néral de Gallifet, il nous sera permis
d’exprimer un regret qui ne touche
pas sa personne. C’est que, surtout
aux heures de péril, il faille faire
appel à un militaire pour représenter
le pouvoir vis-à-vis de l’armée. La
faute en est à la République et dans
la République aux partis débiles qui
aiment dans le pouvoir la parade,
hissant jusqu’à cette demi-hauteur
leurs représentants, et ne savent pas
déléguer au ministère un homme qui
peut parler au nom de la loi et par
elle faire l’épée en un salut respec
tueux. La tradition républicaine est
rompue — par la faute des républi-
liffefc est M. le général André, qui cai / ? s * , , , A , ,
& Quant au general André, que tous
dépeignent comme un républicain
résolu et qui a su, jusqu’à cette heure,
éviter le péril des popularités malsai
nes, nous ne demandons pas mieux
que de croire sur ces convictions les
témoins de sa vie. Le fait seul d’avoir
accepté en cet état de désarroi profond
le portefeuille de la guerre et de n’a
voir rien redouté des sourdes colères
de la haute armée, nous permet de lui
faire confiance. Il n’a rien à attendre
de ce côté — et tout des républicains
Lorsqu’au mois de juin 1899 le
général de Galliffet entra au ministère
de la guerre, nous avons dit que nous
n’oubliions rien de son passé, mais que
commande la 10 e division d’infante
rie en garnison à Paris. Le nouveau
ministre de la guerre est âgé de 62 ans,
et il appartient à la phalange des
polytechniciens, dont la camaraderie
fameuse est une force pour leur ambi
tion personnelle, mais une faiblesse
pour le bien général.
On dit le général André ennemi dé
claré de la politique dans l’armée et
on rappelle qu’il avait lui-même in
terdit, il y a quelques mois, l’entrée
des journaux nationalistes dans les
casernes de sa division. Nous avions,
à cette époque, fait nos réserves au
sujet de cet ordre du jour qui valut
au général André des bordées d’in
jures de la presse cléricale.
Cet incident fait, aujourd’hui, l'ob
jet de nouveaux commentaires et les
feuilles nationalistes y trouvent un
prétexte pour attaquer violemment,
pour insulter même grossièrement le
nouveau ministre.
La Libre Parole le traite de « drey
fusard, antipathique et faux savant »
et considère sa nomination comme'
« un nouveau défi jeté à l’armée » ;
Y Echo de Paris se réserve ; Y Eclair se
contente d’annoncer une nouvelle in
terpellation sur la démission deM. de
Galliffet, et Y Intransigeant dit que le
général André « ne déparera pas le
Cabinet Dreyfus ».
Souhaitons que Y Intransigeant dise
vrai, car nous craignons bien qu’un
général en activité de service, et qui
pourra demain se trouver sous la dé
pendance de ses subordonnés d’au
jourd’hui, manque de courage pour
accomplir la besogne d’assainisse
ment, de régénération de l’armée na
tionale.
C’est un ministre civil qu’il eût
fallu, à l’heure actuelle, au ministère
de la guerre; puisse M. Waldeck-
Rousseau ne pas se repentir de ne pas
l’avoir compris !
qui ne lui demandent, en retour,
que de balayer au ministère de la
guerre la réaction militaire et cléri
cale - complice des coups de main
parlementaires. Nous attendons un
acte suivi d’autres.
René VIVIAN!.
A l’heure où paraîtront ces lignes,
le Sénat aura prononcé, sans doute,
son arrêt sur la question d’amnistie.
Cependant, il est utile de faire en
tendre à tout le pays, quelle que soit
la solution adoptée, l’admirable lan
gage tenu sur cette question par Zola.
Dans ce nouveau pamphlet, d’une
dialectique serrée et puissante, d’une
éloquence brutale, le grand écrivain
a surpassé encore, sinon par le cou
rage, au moins par l'élévation de la
pensée, son immortel: «J’accuse».
Après s’être élevé contre le projet
d’amnistie qui, sous le fallacieux
prétexte d’apaisemeot, est la néga
tion de toute justice et de toute ordre
social « en mettant dans le même sac
les honnêtes gens et les
coquins, su
prême équivoque qui achèvera de
pourrir la conscience nationale ».
Emile Zola refait l’historique de
l’affaire et nous montre comment et
pourquoi elle a pris les proportions
qu’elle a atteintes.
« Au début, dans l’affaire Dieyfus,
il n’y a eu qu’une question de justice,
l’erreur judiciaire dont quelques ci
toyens, de cœur plus juste, plus ten
dre que les autres sans doute, ont
voulu la réparation. Personnellement,
je n’y ai pas vu d’abord autre chose.
Et voilà que, bientôt, à mesure que
la monstrueuse aventure se déroulait,
que les responsabilités remontaient
plus haut, gagnaient les chefs mili
taires, les fonctionnaires, les hommes
au pouvoir, la question s’est emparée
du corps politique tout entier, trans
formant la cause célèbre eu une crise
terrible et générale, où le sort de la
France elle-même semblait devoir se
décider. C’est ainsi que, peu à peu,
deux partis se sont trouvés aux pri
ses : d’un côté, toute la réaction, tous
les adversaires de la véritable Répu
blique que nous devrions avoir, tous
les esprits qui, sans qu’ils le sachent
peut-être, sont pour l’autorité sous
ses diverses formes, religieuse, mili
taire, politique; de l’autre, toute la
libre action vers l’avenir, tous les
cerveaux libérés par la science, tous
ceux qui vont à la vérité, à la justice,
qui croient au progrès continu, dont
les conquêtes finiront par réaliser un
jour le plus de bonheur possible. Et,
dès lors, la bataille a été sans merci.
« De judiciaire qu’elle était, quelle
aurait dû rester, l’affaire Dreyfus est
devenue politique. Tout le venin est
là. Elle a été l’occasion qui a fait mon
ter brusquement à la surface l’obscur
travail d’empoisonnement et de dé
composition dont les adversaires de la
République minaient le régime depuis
trente ans. Il apparaît aujourd’hui à
tous les yeux que la France, la der
nière des grandes nations catholiques
restée debout et puissante, a été choi
sie par le catholicisme, je dirai mieux
par le papisme, pour restaurer le pou
voir défaillant de Rome ; et c’est ainsi
qu’un envahissement sourd s’est fait,
que les jésuites, sans parler des autres
instruments religieux, se sont empa
rés de la jeunesse, avec une adresse
incomparable ; si bien qu’un beau
matin, la France de Voltaire, la France
qui n’est pourtant pas encore retour
née avec les curés, s’est réveillée clé
ricale, aux mains d’une administration,
d’une magistrature, d’une haute ar
mée qui prend son mot d’ordre à
Rome. Les apparences illusoires sont
tombées d'un seul coup, on s’est
aperçu que nous n’avions de la Répu
blique que l’étiquette, on a senti que
nous marchions sur un terrain miné
de toutes parts, où cent années de
conquêtes démocratiques allaient s’ef
fondrer.
« La France était sur le point d’ap
partenir à la réaction, voilà le cri,
voilà la terreur. »
Zola touche ensuite du doigt la plaie
qui nous ronge : plus de magistrats
pour juger impartialement; les chefs
de l’armée se solidarisant avec Mer
cier, les fonctionnaires n’obéissant
plus aux ordres du gouvernement,
sans crainte de le trahir. Il y a là
une angoisse profonde.
dans la main aucun des rouages né
cessaires
« Comment gouverner enfin
avec honnêteté, lorsque pas un fonc
tionnaire n’exécutera honnêtement les
ordres?...
«... les Chambres affolées, en
proie aux factions, tombées à l’igno
minie de l’égoïsme étroit et des ques
tions personnelles.
« Mais ce n’est pas tout, le plus
grave et le plus douloureux est qu’on
a laissé empoisonner le pays par une
presse immonde, qui l’a gorgé avec
impudence de mensonges, de calom
nies, d’ordures et d’outrages, jusqu’à
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