Titre : Le Petit Havre : organe républicain, démocratique, socialiste ["puis" organe républicain démocratique "puis" bulletin d'informations locales]
Éditeur : [s.n.] (Havre)
Date d'édition : 1913-09-21
Contributeur : Fénoux, Hippolyte (1842-1913). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32836500g
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 21 septembre 1913 21 septembre 1913
Description : 1913/09/21 (A33,N11756). 1913/09/21 (A33,N11756).
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
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Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bd6t52637834c
Source : Bibliothèque municipale du Havre, PJ5
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 02/04/2023
33“ MHt — N 11,756
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S Centimes — EDFTION DU MATIN — S Centimes
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(53 Pages)
Dimanche 21 Septembre 1913
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L’AGENCE HAVAS, 8, place de la Bourse, est
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Le Petit Havre
ORGANE REPUBLICAIN DÉMOCRATIQUE
Le plus fort Tirage des Journaux de la Région
RE
Rédacteur en Chef. Gérant
HIPPOLYTE FÉNOUX
Auresser tout ce qui concerne la Rédaction
ô M. HIPPOLYTE Fénoux
85, Rue Fontenelle, 35
TÉLÉPHONE : Rédaction, No 7.60
ABONNEMENTS
Le Hayre. la Seine-Inférieure. PEure
l‘Oise"et la Somme
Autres Département». ..jocnocccc........
Union Postale .......
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On 8 «bonne également, SANS FRAIS, dans tous les Bureaux de Poste
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ÉLECTION SÉNATORIALE
du 21 Septembre 191s
M.LE Docteur BÉAL
- * Conseiller Général d’Argueil
Secrétaire du Conseil Général
CANDIDAT DES RÉPUBLICAINS DE GAUCHE
MOAABBEYR
Paris, trois heures matin
DÉPÊCHES COMMERCIALES
NEW-YORK, 20 SEPTEMBRE
Cotons t octobre, hausse 6 points ; dé-
zembre, hausse 12 points ; janvier, hausse
14 points; mars, hausse 15 points.
Calés : hausse 20 à 30 points.
NEW-YORK, 20 SEPTEMBRE
Cuivre Standard disp.
— novembre....
Amalgamat. Cop...
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J. D IOUK
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s. PRIGEDEN?
16 50
16 22
78 1/4
16 -
CHICAGO. 20 SEPTEMBRE
Blé sur
Maïs sur
Saindoux sur.
C.
Septembre
Décembre.
Septembre
Décembre.
Septembre
Décembre.
DU JOCB
c. PRECED
87 1/4
88 1/8
89 5 8
90 3/8
74 5 8
74 3 4
72 1/8
72 3/8
11 15
11 17
41 02
41 07
Le Voyage du Président
de la. République
| Bordeaux. — Avant son départ, M. Poinca
ré a charge le maire d’exprimer à la popula-
tion bordelaise l’expression de sa profonde
reconnaissance pour l’accueil enthousiaste et
thalsureux qu’elle lui a réservé.
Le passage à Angoulême
ANGOULÉME. — Le train présidentiel est ar-
rivé a 4 h. 49.
Il est resté en gare dix minutes pendant
lesquelles le président de la République a
reçu dans son wagon le préfet de la Cha
rente, le maire d’Angoulême et les sénateurs
et les députés du département.
Le passage à Poitiers
Poitiers. — M. Poincaré est passé à Poi
tiers à 6 h. 12.
Comme on lui annonçait que le Conseil
général avait émis le vœu que l’an prochain
Je président visitât le Poitou, M. Poincaré
répondit qu’il viendrait, mais demandait
qu’on lui laissât choisir son heure.
Après la présentation des autorités par le
préfet, le train est reparti au milieu des cris
de « Vive la République ! Vive Poincaré ».
L’Arrivée à Paris
Le président et Mme Poincaré, accompa
gnés de MM. Barthou, président du Conseil,
et Thierry, ministre des travaux publics,
sont rentrés hier soir à Paris, à 10 h. 30.
M. Poincaré a été salué à la gare par M.
Pichon, ministre des affaires étrangères ; M.
Delanney, préfet de la Seine ; M. Hennion,
préfet de police ; le gouverneur militaire de
Paris, etc.
Le président et Mme Poincaré sont rentrés
directement à l’Elysée
Malgré l’heure tardive, une foule nom
breuse se pressait aux abords de la gare et a
acclamé le président et Mme Poincaré.
M. MASS A REVERS
Ne vers. — M. Massé, ministre du com-
merce et des postes et télégraphes, qui doit
inaugurer de nouvelles constructions com-
munales, est arrivé à Nevers hier, en com
pagnie de son chef de cabinet.
Il a été reçu à la gare par toutes les per
sonnalités du département.
Un bataillon d’infanterie a rendu les hon
neurs.
Un vin d’honneur a été offert à la mairie.
Après que les souhaits de bienvenue lui
eurent été adressés par le maire, le ministre
a prononcé un discours dans lequel il a dit
que les attaques dirigées contre le gouver-
nement étaient injustifiées, car jamais, dit-
Il, un gouvernement n’a suivi un program-
me aussi complet de défense laïque.
En terminant, le ministre a annoncé que
le Cabinet allait déposer, dès la rentrée
des Chambres, un projet de loi sur les finan
ces.
L’ESCADRE RUSSE A BREST
JREST. — L’amiral Von Essen, accompagné
de son état-major et des commandants des
bâtiments de l’escadre russe de la Baltique,
est descendu à terre à 3 heures et est allé
faire visite au vice-amiral Chocheprat, préfet
maritime, qui lui a remis, au nom du gou
vernement, la plaque de grand-officier de la
Légion-d Honneur.
L’amiral russe a rendu visite au sous-pré-
tet et au maire et en rade au vice-amiral de
Marolles qui, à bord du Patrie, était entouré
de tous les commandants de la première es
cadre.
L’animation a été grande en ville, où ma
rins russes et français ont fraternisé»
i VOYAGES AÉRIENS
JAINTES. — Neuf biplans militaires, de re
tour des manœuvres, ont atterri hier soir à
Saintes.
| Les aviateurs repartiront lundi pour diffé-
rentes destinations.
LA CATASTROPHE
DE VILLENEUVE-LOUBET
Nice. — Hier ont eu lieu les obsèques des
victimes de la catastrophe de Villeneuve-
Loubet.
La cérémonie a revêtu le caractère d’une
imposante manifestation.
Les cercueils avaient été placés sur cinq
fourgons décorés de drapeaux tricolores et
traînés par quatre chevaux.
Une centaine de couronnes avaient été
déposées sur des prolonges ou étaient por
tées à bras.
Des scènes déchirantes se sont produites
dans la cour de l’hôpital, où les parents des
victimes avaient été réunis.
Au dehors étaient groupés les délégués
des divers corps de la garnison, ainsi que le
bataillon du 24 e chasseurs venu de Ville-
franche avec sa fanfare.
Sur le péristyle de l’hôpital se tenaient les
autorités civiles et militaires.
Le ministre de la guerre s’était fait repré
senter par le chef d’escadron Tapissier.
Après le service funèbre, M. Chapon, évê
que de Nice, a adressé un adieu ému aux
victimes.
Place Defly, où les prolonges avaient été
rangées, des discours ont été prononcés par
M. de Joly,,préfet des Alpes-Maritimes, au
nom du Gouvernement ; par M. Raiberti, au
nom du Conseil général ; par le général Goi-
rand, maire de Nice, et par les généraux
Carbillet, commandant la 29e division ; He-
louis, gouverneur de Nice, et Mercier Milon,
commandant le 15 e corps.
Le cortège s’est ensuite rendu à la gare,
où furent déposés les corps des victimes qui
avaient été réclamés par les familles.
Les autres corps furent transportés au ci
metière militaire.
---------
TRAGIQUE PARTIE DE CANOT
Morlaix. — Une embarcation montée par
M. André, ancien notaire à Serant, et par un
de ses amis a chaviré en mer.
M. André s’est noyé; son compagnon ayant
pu se cramponner à une roche a été sauvé.
--------
ACCIDENT D’AVIATION
Reims. — Le sergent aviateur Mariukovitz,
de la légion étrangère, évoluait avec un pas
sager au-dessus de la vallée de l’Aisne
quand le monoplan, qui se trouvait à deux
cents mètres d’altitude, fut pris dans un re
mous et jeté à terre, où il se brisa complète
ment.
L’aviateur et son passager sont indemnes.
ÉCRASÉ PAR UNE AUTOMOBILE
REIMS. — Hier matin, l’automobile d’un
architecte a renversé un enfant de onze
ans, nommé Jules Coupez, qui a eu la poi
trine défoncée et qui est mort peu après.
L'ÉTAT DE SANTÉ
DU MAJOR VON WINTERFELD
Grisolles. — L’état du major Von Winter-
feld est sensiblement le même que dans la
matinée. —
La visite de son frère a donné lieu à une
légère augmentation de la température.
LES CONFLITS OUVRIERS
EH ANGLETERRE
Liverpool. — On annonce officiellement
que le Comité de grève a accepté les propo
sitions des compagnies de chemins de fer.
Les ouvriers reprendront le travail lundi.
Manchester.— 20.000 hommes chôment.
Une cinquantaine de navires sont immo
bilisés.
Les directeurs de la Compagnie du Canal
refusent même de recevoir une délégation
d’ouvriers.
Les ouvriers se préparent à une lutte pro
longée.
Londres. — Le Conseil d’administration du
Syndical, national des cheminots a lancé un
communiqué invitant les membres des Syn
dicats de l’Union d’Angleterre à reprendre
le travail partout en Angleterre.
CHUTE D'UN AVIATEUR
HENDON. — Quelques minutes après la fin
d’une course d’aviation autour de Londres,
l’aviateur Pickles, effectuant un vol avec
Mme Stocks, est tombé et s’est brisé une
jambe ; sa passagère a reçu de multiples
contusions.
--0-===== 9
CONDAMNATION
D'UN OFFICIER ALLEMAND
Berlin. — Le Conseil de guerre de Thorn
vient de condamner le capitaine Koehler du
176 e d'infanterie, à six mois de forteresse et
à la radiation des cadres pour mauvais trai
tements infliges à des inférieurs dans des
cas divers.
EXPLOSION DANS UNE FABRIQUE
Bilbao. — On mande de Galdacano qu’une
fabrique d’explosifs a fait explosion.
Cinq ouvriers ont été tués, un autre est à
l’agonie ; plusieurs ouvriers ont été blessés
légèrement.
EN BULGARIE
Sofia. — La reine a reçu les membres de
. la mission Carnegie.
LE SABOTAGE
Il y a quelques semaines, les dirigeants
de la G. G. T. publiaient, dans la B ataille
i Syndicaliste et dans l’ Humanité, une déclara-
tion relative à l'Action confédérale. Deve-
nus suspects aux plus turbulents parce
: qu’ils s’étaient opposés à la grève générale
projetée comme protestation des syndicalis
tes contre la loi de trois ans, MM. Jouhaux,
> Griffuelhes, Merrheim, Monatte, Savoie,
Bled et leurs amis avaient tenu à rentrer
en grâce auprès des exaltés du parti. D’où
leur manifeste où ils expliquaient leur
conduite.
Si, par endroits du moins, le style de ce
document paraissait relativement tempéré,
les signataires maintenaient cependant que
le syndicalisme doit préparer l’expropria
tion capitaliste, qu’il doit être « créateur
de révolte consciente » et que son but est
de détruire l’Etat pour fonder la société de
demain.
Certains de nos confrères radicaux-socia
listes avaient voulu voir, en ce manifeste,
la preuve d’un retour au bon sens et à l’u
nique action professionnelle. Ils doivent
être édifiés aujourd’hui sur la mentalité
réelle de la G. G. T., et l’aventure qui vient
d’arriver à M. Jaurès leur doit être une le
çon.
Dans une ample série de dissertations,
le directeur de V Humanité s’était avisé, ces
jours-ci, d’exposer ex cathedra la doctrine
syndicaliste ; il avait accumulé les docu
ments économiques et les formules oratoi
res pour démontrer que le syndicalisme
« répugnait » au sabotage. Non seulement,
disait-il, cette théorie ne se concevait pas
chez des ouvriers « conscients et organisés »,
mais, en fait, les actes de sabotage qu’on
avait pu signaler n’étaient que des « acci
dents » et non des incidents concertés d’a
vance.
Or en son Congrès, la Fédération des cuirs
et peaux qui est, sinon par le nombre, au
moins par l’influence de quelques-uns de
ses dirigeants, l’une des plus importantes
de la G. G. T., vient d’infliger à M. Jaurès
un éclatant démenti.
D’abord, une fois de plus, elle a proclamé
que la grève générale est « la seule arme
capable d’affranchir les travailleurs écono
miquement ». Puis, au moment même où il
terminait l’un de ses articles par cette affir
mation : « Nous pouvons dire avec certitude
non seulement que le sabotage n’est pas,
mais qu’il ne sera pas » — les orateurs
syndicalistes signifiaient au citoyen Jaurès
qu’ils n’avaient nul besoin de ses conseils.
A l’heure actuelle, disait le citoyen Voi-
rin, « nous subissons une série d’articles
sur notre action et sur nos moyens. Que
Jaurès conçoive notre action à sa façon,
c’est son droit ; ce que nous lui demandons
c’est qu’il nous en laisse juges et qu’il lais
se aux Congrès ouvriers le soin de détermi
ner cette action. »
Et pour qu’il n’y eût aucune méprise, au
cune équivoque, le Congrès votait aussitôt
après, et à l’unanimité, la motion suivante,
tout à fait dépourvue d’aménité pour M.
Jaurès et pour son parti :
Le 8 e congrès national des cuirs et peaux
déclare que la classe ouvrière organisée
dans ses groupements économiques est seule
juge des circonstances où peut être employé
le sabotage comme moyen de lutte.
Elle affirme le droit absolu d’être maî
tresse de son action et de la forme qu’elle
doit revêtir et déclare ne pouvoir tolérer
l’immixtion de personnalités ou de groupe
ments à côté dans cette action.
Voilà qui est d’une netteté parfaite. Et la
manifestation est d’autant plus significative
que la Fédération des cuirs et peaux était,
disait-on, l’une de celles qui s’étaient assa
gies.
C’est donc à bon droit que nous avions
naguère de la méfiance à l’égard du mani
feste des dirigeants de la G. G. T. Ceux des
radicaux-socialistes qui s’étaient laissés
prendre aux discours captieux de MM. Jou
haux, Griffuelhes et Merrheim doivent en
être revenus. Et M. Jaurès doit être fixé sur
le cas que les syndicalistes font de ses
homélies.
Th. Vallée.
LES AFFAIRES D’ORIENT
L’Agitation en Albanie
- Vallons, 20 septembre.
Au cours d’une réunion tenue ici et à la
quelle prenaient part un très grand nombre
de personnes, les assistants ont pris résolu
ment position contre l’attitude d’Essad
pacha.
Après la réunion, les manifestants se
sont rendus devant les consultais d’Autri
che-Hongrie et d’Italie, où ils ont poussé des
hourras.
On télégraphie, d’autre part, à l’agence
l’ Information :
Belgrade, 20 septembre.
On assure que le gouvernement serbe, en
raison de l’agitation qui se manifeste dans
la population montagnarde, du Nord de
l’Albanie à la frontière monténégrine, au
rait résolu de fermer au commerce les
villes de Diakovo et de Dibra.
ON TROUVE
LE PETIT HAVRE à Paris
I li HIBRRIRIE IMTEAMATIOHRALE
108, rue Saint-Lnzare, 108
(immeuble de l'HOTEL TERMINUS/
AQUARELLES ET ROQUIS
Thoto t Havre
Là Petite Gare
C’est une petite garé perdue tout là-bas,
au bout d’une ligne, une petite gare qui ne
voit guère de voyageurs qu’aux jours d’été.
Le long de la côte, comme si elle s’amu
sait à répéter les caps et les anses de la pla
ge, la voie ferrée court doucettement, sans
s’essouffler..
Trois ou quatre fois par jour, des trains
minuscules d’où l’on descend parfois des
malles bien grandes, s’arrêtent devant
un humble bâtiment que décorent une hor
loge et un tableau noir : c’est la petite gare.
La maison s'éveille.
Elle déverse sur le quai une poignée de
voyageurs. Une belle casquette à lettres
d’argent et teuilles de chêne apparaît alors à
la hauteur de la locomotive. La coiff ure-in-
signe met en évidence une bonne mine fran
che à moustaches poivre et sel et deux
grands bras qui s’agitent avec frénésie...
Alors le quai se vide, la locomotive s’im
patiente et siffle. Elle rugit même en lâchant
sa mauvaise humeur sous forme de vapeur.
Elle halète, s’époumonne, semble dire : « Ce
que c’est lourd ! »
Et puis, ma foi, tout en grinçant, elle finit
par repartir. Elle s’élance, elle, est lancée,
elle est en route. Les wagons heurtés à l’ai
guille font « toc ! toc ! toc ! » avec un bruit
de semelles et de talons dansant la gigue...
J’aime ce petit coin de la petite ville.L’hu
manité s’y fait plus simple, plus naturelle,
presque touchante. Le snobisme s’éteint
dans l’intimité du décor. Les belles dames
des villas voisines viennent volontiers en
sandales de bain pour saluer une venue, je
ter un « au revoir ! » On se retrouve là en
connaissances. On s’en fait entre deux cla
quements de portières. J’arrive à croire que
le cœur de la petite ville bat surtout dans la
salle d’attente.
Et puis, c’est ici qu’arrivent les gazettes.
La grave dame qui vend les journaux tout
près de l’horloge représente la gardienne du
terminas intellectuel dont Paris et le chef-
lien sont les grands centres. C’est ici que
débarquent les nouvelles, qu’on les vient
cueillir, qu’on les dévore avant de franchir
le seuil
Si la Pierre à poisson est le forum, la gare
est bien sa succursale. Devant cette horloge
et ce tableau noir, trois fois par jour,ce sont
tout à la fois des tristesses d’adieux, des
joies de retour, des cœurs délivrés d’inquié
tude et des esprits hantés de mélancolie : de
la vie humaine qui passe.
A travers la bigarrure des silhouettes pas
sagères que la saison attire chaque an au
bord de l’eau, la belle casquette de M. le
chef de gare circule, aimable et pater
nelle... Elle sait se faire attentive et cour
toise .
Comme elle connaît par cœur les « déra
cines » de l’endroit, elle les appelle souvent
par leur nom ; elle s'inquiète de leur santé
et fait des vœux pour la sérénité de leur
séjour.
Un petit air de trompette : la casquette à
lettres d’argent a libéré la locomotive et sa
toute petite queue de wagons zig-zaguants ;
elle rentre alors, va dormir dans l’armoire
pendant que M. le chef de gare, transformé
en jardinier, court soigner de l’autre côté
de la voie ses plants de géraniums abîmés
par la pluie d’orage...
Le samedi soir, la petite gare se fleurit de
joie familiale et douce. Le train ramène
pour vingt-quatre heures des félicités con
jugales. Il reforme des foyers, rassemble des
affections, réconforte et ranime.
Ces soirs-là, son bruit de ferraille se fait
plus discret, son panache de fumée plus
éclatant.
Ce n’est pins, semble-t-il, le halètement
essoufflé des soirs maussades, mais belle et
bien la respiration bruyante de la bêle heu
reuse qui, dès le passage à niveau, crie à
pleine voix à la petite gare : « Me voilà ! Me
voilà !... »
— Le train des maris ! . •
M. le chef de gare ne sourit pas, car il n’y
a point là place à pensée ironique. Le train
des maris est le train des papas. Et dans la
simplicité de la petite ville, le mari du sa
medi soir apporte aussi simplement de la cité
de fièvre et de travail le lièvre de l’ami, le
gâteau de Savoie que le « petit coupon bien
avantageux des Nouvelles Galeries » que la
lettre de la semaine lui recommanda.
Les Pêqueux
Delà blouse de toile rude à la mine cuite
par le grand vent, l’écart de teinte n’est pas
si grand. Les couleurs s’harmonisent et s’ac
cordent. Le cachou du coton répond au
rouge brique des figures.
Ces hommes de la mer semblent voués
aux ocres terreuses.
Mais la mine suffit pour donner son carac
tère au pittoresque du personnage. Une
Cliché Petit Havre
Le samedi soir la petite gare se fleurit de joie
familiale et douce
barbe hirsute encadre la face épanouie ; des
yeux l’illuminent, une tignasse en désordre
la couronne. Et cette barbe, et cette face, et
ces yeux, et cette tignasse, c’est comme un
poème rustique en quatre chants sur un
rythme heurté que martèle la grosse voix du
large...
On a volontiers prêté à Neptune une tête
solennelle de patriarche que rehaussent des
blancheurs d’écume. La légende le veut
ainsi et la tradition a fixé à jamais les lignes
du héros.
Je me l’imagine plutôt sous les traits fami
liers du vieux pêqueux. Il a l'allure joyeuse
et débonnaire, il se joue du flot et lui siffle
des airs du pays.
Lorsque, perdu dans l’immensité du ciel et
de l’eau, tout petit au fond de sa barque,plié
sur ses mannes ou hâlant ses lignes, il traite
la mer comme une très ancienne amie qu’il
aime en dépit de ses traîtrises et peut-être
aussi à causes d’elles, ne se sent-il pas un
peu dieu lui-même, maître des destinées du
monde poisson, dispensateur de liberté ou
de mort, une façon de grand juge qui tient
au bout de sou hameçon le sort definitif
d'êtres obscurs ?
Mais, à vrai dire, l’homme s’inquiète peu
de ces souverainetés. L’enfant de la mer a
plutôt pour l’ancêtre un respect attendri fait
tout à la fois de crainte et de reconnaissance.
De son pas alourdi par les bottes de cuir,
avec ce balancement du corps que l’habitude
du roulis lui a laissé, il va, flâneur, par les
quais du port, promenant parmi les élégan
ces du tourisme estival, le sans-façon de sa
mise, son odeur de poisson et de goudron.
Les « Parisiens» ont pour ce marin haut en
couleur une attention de sympathie défé
rente. Ne représente-t-il point un « type » à
part à la vie rude, à la tâche périlleuse et
lourde ? N’est-il pas de la grande famille des
chemineaux, ami de l’indépendance, épris
des libres espaces? Et le ciel et l’eau n'ont-
ils pas laissé en lui le mystère de leur infini,
quand ils ont mis dans ses yeux bleus ou
verts un reflet des immensités ?...
Hé oui ! sans doute, tout à l’heure, vous
l’avez vu attablé chez Meriel, dans l'arrière-
boutique enfumée où l’atmosphère s'imprè-
gne d’odeurs salines et d’alcool...
Des « petits sous de café » défilent sur la
toile cirée empoissée des tables, et avec les
tasses, les flacons, les bouteilles d’âpre cal
vados.
On chante là-dedans, à gorge déployée, des
couplets du gaillard d’avant ou des roman
ces sentimentales qui font rêver et pleurer
parfois les vieux gas, trimardeurs de mer.
On appelle la servante à grands coups de
poing donnés au hasard, à travers les verres.
Une lampe à pétrole suspendue au plafond
jette une lueur anémique en cette tabagie.
Les bouffardes ne lâchent les dents que
pour permettre l’arrosage des gosiers.
Et les verres se vident d'an geste rapide
du coude libéré. . Les voix se font plus râ
peuses, les yeux plus petits, les boites plus
lourdes.
Tout à l’heure, quand la chanson du flot
montant viendra battre les carreaux, il fau
dra un beau mouvement de résolution pour
régler la dernière tournée et glisser au fond
de la poche du pantalon — en drap du ser
vice — une bourse de cuir terriblement allé
gée...
Hé, oui, sans doute ! Les gueux se sont
laissés tenter par le mirage de la liqueur,par
la joie de se retrouver ensemble à l’abri, au
chaud, sous la lampe de Mériel — Café de la
Digue — et de se donner un peu de bon
temps, à coups de rasades...
Et des pièces d’or et d’argent, qu’on eut pu
mieux placer, certes, s’en sont allées ainsi,
au gré des chansons et des verres.
— Hé là, les pays no trinque p’us donc ?
— Sans doute. .
Mais lorsqu’on est rentré chez soi, les soirs
de tourmente, que le vent hurle et mord les
ardoises, que la grosse voix de la mer s’en
gouffre dans le tuyau d’orgue des cheminées
et dit la rage de la vague furieuse, lorsque
l’on s'imagine dans la nuit mauvaise la bar
que secouee comme coque de noix, ballotée
à travers les sillons d’ecume, avec ces pau
vres existences heurtées, à la merci d une
rafale, on revoit l’arrière-boutique enfumée
pleine de chansons de pêqueux en go
daille :
— Ohé les gas, no trinque donc p’us ?
Et l’on comprend...
Leurs départs
Tl a pourtant fallu se décider à partir.
Les pluies tenaces, les soirées fraîches, les
matins embrumés avant-coureurs d’au-
tomne, les désertions progressives, les pro
meneurs de la digue de plus en plus clair
semés, les nez qui plongent dans le col re
levé du pardessus... tout cela a sonné
l’heure du rapatriement.
On a exhumé des ténèbres de la cave les
malles aux flancs meurtris et lèprés d’éti-
‘ quettes. Il s’agit maintenant de loger dam
les caisses tout ce qu’on en retira le mois
dernier, et rien n'est plus récalcitrant
qu’une malle dans l’impatience tébrile du
5 retour.
On dirait qu’elle se fait plus petite ou quq
les objets qu’on va lui confier se font plus
gros.
Est-il possible vraiment que tout ce tas de
linge fut contenu dans ce faible espace ?...
Par quel miracle d’ingéniosité exception
nelle les paires de chaussures ont-elles pu
se faufiler dans ce petit coin ?
Et quel artifice diabolique fit entrer dans
le carton des chapeaux gai refusent systé
matiquement aujourd’hui d’y pénétrer t
Par la faveur des pressions savantes et la
grâce brutale des coups de poing, les choses
! ont fini par se caser, au milieu d’un monde
de plis et de cassures. Ce ne fut pas sans
peine.
Madame faillit désespérer. La bonne souf
fla en faisant « la lourde », assise sur le
couvercle, pour tasser et boucler les la
nières de cuir.
Quant à Monsieur, profondément insup
portable, il s’est senti devenir si nerveux,
qu’il a préféré sortir faire un tour.
C’est fini. La corvée est faite. L’alignée des
malles attend dans l'antichambre la venue
la venue
des hommes du chemin de fer.
Madame respire et remet son corset. La
bonne, effondrée sur une chaise, dans un
parterre de papiers froissés et de balayures,
se demande avec effroi dans quel état elle va
retrouver là-bas « son » fourneau de cuisine.
Quant à Monsieur, il erre dans les cham
bres vides, l'esprit inquiet, l’âme amère.
Or, tout à coup, il a sursauté, les yeux
effarés, le geste impuissant, anéanti... Et
d'une voix lasse, désespérée, d’une voix de
stupéfaction et de détresse, il a laissé tombei
dans la cage de l’escalier :
— Je m’en doutais !... Ça n’arrive qu’à
moi ! Vous avez oublié d’emballer ma brosse
à dents !
Albert-Herrenschmidt.
LC Président de la Républiquc
A BORDEAUX
Visite des Hôpitaux
Voici le terme de ce voyage de treize
jours, au cours duquel le président de la
République aura visité, en chemin de fer, en
auto, en bateau, en landau ou à pied,comme
chef d’Etat, les dix départements de l’Indre,
de la Haute-Vienne, de la Creuse de la Cor
rèze, du Lot, de la Dordogne, du Lot-et-Ga-
ronne, de la Haute-Garonne, du Tarn-et-Ga-
ronne et de la Gironde.
M. et Mme Poincaré ont consacré les der
nières heures de leur séjour à Bordeaux à la
visite des hôpitaux. Tandis que le président
se rendait dans le faubourg Saint-Augustin,
aux hôpitaux du Tondu et Pellegrin. Mme
Poincaré, accompagnée de Mme Duréauit,
visitait l’hôpital suburbain du Bouscat,
l’institution nationale des sourdes-muettes
et la pouponnière du docteur Rocaz. La
pluie, qui était tombée en cataractes de mi
nuit à 6 heures du matin, a cessé.
A huit heures et demie, le président de la
République, en redingote, pantalon à car
reaux noirs et blancs, chapeau haute forme,
quitte l’hôtel de la préfecture et monte avec
M. Barlhou et le général Beaudemoulin dans
une auto conduite par M. de Lameluc-
Samson, président de l’Automobile-Club de
Bordeaux, qui est en tenue de capitaine de
réserve.
MM. Clémentel et Thierry s’installent dans
une seconde voiture et, dans d’autres autos,
les sénateurs, députés, conseillers munici
paux, etc.
La voiture de M. Pujalet, directeur de la
Sûreté, ouvre la marche, avec celles de M.
Mollard, directeur du protocole et des offi
ciers de la maison militaire.
Au Tondu
La première visite de M. Poincaré est pour
l’hôpital du Tondu, où est installée, depuis
1903, une école de garde-malades hospitaliè
res. M. Cazalet, administrateur de l’hospice,
lait l’éloge des garde-malades, rangées en
cercle autour de lui, et remercie le président
de sa sympathie.
Le president visite l’hôpital ; puis il re
monte en auto pour aller à l’hôpital Pelle
grin, qui est un des plus beaux établisse
ments hospitaliers du monde.
A Hôpital Pellegrin
C'est plus exactement un groupe d’hôpi
taux et d’asiles installés luxueusement, an
milieu d’un parc aux fraîches pelouses et
aux grands arbres ; parc et bâtiments cou
vrent 24 hectares.
M. Poincaré est conduit d'abord dans les
asiles de vieillards, puis dans l’hôpital mo
dèle de chirurgie, construits à l’aide d'un
don généreux de Mme Tastet-Girard, sur les
plans du professeur Démons, qui en a la
haute direction.
C’est le professeur Démons qui reçoit le
président. M. Poincaré s’avance vivement
vers le chirurgien, et lui serrant la main :
— Vous rappelez-vous, docteur, que je
vous dois la vie ? Je ne l’ai pas oublié et je
vous exprime de nouveau aujourd’hui toute
ma gratitude.
M. Barlhou, intervenant alors avec à-pro
pos, dit, en serrant la main du docteur Dé
mons :
— Je vous remercie, docteur, au nom du
gouvernement de la République et du pays.
De vifs applaudissements saluent ces pa
roles du président du Conseil, cependant
que M. Poincaré raconte comment, il y a
une trentaine d’années, étant venu à Bor
deaux pour y plaider, il tomba malade dans
un hôtel. Il était seul. Une angine diphtéri
que s’était déclarée ; le sérum n’avait pas
encore été découvert ; il fallait une inter
vention immédiate. M. Poincaré fit appeler
un jeune docteur, M. Démons, qui pendant
trois semaines le soigna avec un dévoue
ment au-dessus de tous éloges et lui sauva
Dans chacun des hôpitaux qu il a visités,
M Poincaré a laissé 500 francs ; il a en ou
tre remis 2,000 francs pour le bureau de
bienfaisance de Bordeaux. De son côté, Mme
Poincaré a laissé 300 francs dans les établis
sements hospitaliers visités par elle.
Au moment où le cortège présidentiel
quitte l’hôpital Pellegrin, une pluie dilu
vienne s’abat sur Bordeaux. Elle ne dure
heureusement que quelques minutes.
Rentré à la préfecture à dix heures, le pré
sident de la République en repart trois quarts
d’heures plus tard, en landau découvert,
pour aller visiter les ouais et les bassins à
flot.
(5 Pages,
S Centimes — EDFTION DU MATIN — S Centimes
i
Administrateur * Délégué
(53 Pages)
Dimanche 21 Septembre 1913
Adresser tout ce qui concerne l'Administration
à M. O. RANDOLET
35, Rue Fontenelle, 35
Adresse Télégraphique : RANDOLET Havre
Administration, Impressions et Annonces, TBL 10.47
AU HAVRE
Le PETIT HA V.REest désigné pour las Annonces judiciaires et légales
BSt
atgrgaaz
Bureau du Journal, 112, boni* de Strasbourg.
L’AGENCE HAVAS, 8, place de la Bourse, est
seule chargée de recevoir les Annonces pour
le Journal.
Le Petit Havre
ORGANE REPUBLICAIN DÉMOCRATIQUE
Le plus fort Tirage des Journaux de la Région
RE
Rédacteur en Chef. Gérant
HIPPOLYTE FÉNOUX
Auresser tout ce qui concerne la Rédaction
ô M. HIPPOLYTE Fénoux
85, Rue Fontenelle, 35
TÉLÉPHONE : Rédaction, No 7.60
ABONNEMENTS
Le Hayre. la Seine-Inférieure. PEure
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ÉLECTION SÉNATORIALE
du 21 Septembre 191s
M.LE Docteur BÉAL
- * Conseiller Général d’Argueil
Secrétaire du Conseil Général
CANDIDAT DES RÉPUBLICAINS DE GAUCHE
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Paris, trois heures matin
DÉPÊCHES COMMERCIALES
NEW-YORK, 20 SEPTEMBRE
Cotons t octobre, hausse 6 points ; dé-
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88 1/8
89 5 8
90 3/8
74 5 8
74 3 4
72 1/8
72 3/8
11 15
11 17
41 02
41 07
Le Voyage du Président
de la. République
| Bordeaux. — Avant son départ, M. Poinca
ré a charge le maire d’exprimer à la popula-
tion bordelaise l’expression de sa profonde
reconnaissance pour l’accueil enthousiaste et
thalsureux qu’elle lui a réservé.
Le passage à Angoulême
ANGOULÉME. — Le train présidentiel est ar-
rivé a 4 h. 49.
Il est resté en gare dix minutes pendant
lesquelles le président de la République a
reçu dans son wagon le préfet de la Cha
rente, le maire d’Angoulême et les sénateurs
et les députés du département.
Le passage à Poitiers
Poitiers. — M. Poincaré est passé à Poi
tiers à 6 h. 12.
Comme on lui annonçait que le Conseil
général avait émis le vœu que l’an prochain
Je président visitât le Poitou, M. Poincaré
répondit qu’il viendrait, mais demandait
qu’on lui laissât choisir son heure.
Après la présentation des autorités par le
préfet, le train est reparti au milieu des cris
de « Vive la République ! Vive Poincaré ».
L’Arrivée à Paris
Le président et Mme Poincaré, accompa
gnés de MM. Barthou, président du Conseil,
et Thierry, ministre des travaux publics,
sont rentrés hier soir à Paris, à 10 h. 30.
M. Poincaré a été salué à la gare par M.
Pichon, ministre des affaires étrangères ; M.
Delanney, préfet de la Seine ; M. Hennion,
préfet de police ; le gouverneur militaire de
Paris, etc.
Le président et Mme Poincaré sont rentrés
directement à l’Elysée
Malgré l’heure tardive, une foule nom
breuse se pressait aux abords de la gare et a
acclamé le président et Mme Poincaré.
M. MASS A REVERS
Ne vers. — M. Massé, ministre du com-
merce et des postes et télégraphes, qui doit
inaugurer de nouvelles constructions com-
munales, est arrivé à Nevers hier, en com
pagnie de son chef de cabinet.
Il a été reçu à la gare par toutes les per
sonnalités du département.
Un bataillon d’infanterie a rendu les hon
neurs.
Un vin d’honneur a été offert à la mairie.
Après que les souhaits de bienvenue lui
eurent été adressés par le maire, le ministre
a prononcé un discours dans lequel il a dit
que les attaques dirigées contre le gouver-
nement étaient injustifiées, car jamais, dit-
Il, un gouvernement n’a suivi un program-
me aussi complet de défense laïque.
En terminant, le ministre a annoncé que
le Cabinet allait déposer, dès la rentrée
des Chambres, un projet de loi sur les finan
ces.
L’ESCADRE RUSSE A BREST
JREST. — L’amiral Von Essen, accompagné
de son état-major et des commandants des
bâtiments de l’escadre russe de la Baltique,
est descendu à terre à 3 heures et est allé
faire visite au vice-amiral Chocheprat, préfet
maritime, qui lui a remis, au nom du gou
vernement, la plaque de grand-officier de la
Légion-d Honneur.
L’amiral russe a rendu visite au sous-pré-
tet et au maire et en rade au vice-amiral de
Marolles qui, à bord du Patrie, était entouré
de tous les commandants de la première es
cadre.
L’animation a été grande en ville, où ma
rins russes et français ont fraternisé»
i VOYAGES AÉRIENS
JAINTES. — Neuf biplans militaires, de re
tour des manœuvres, ont atterri hier soir à
Saintes.
| Les aviateurs repartiront lundi pour diffé-
rentes destinations.
LA CATASTROPHE
DE VILLENEUVE-LOUBET
Nice. — Hier ont eu lieu les obsèques des
victimes de la catastrophe de Villeneuve-
Loubet.
La cérémonie a revêtu le caractère d’une
imposante manifestation.
Les cercueils avaient été placés sur cinq
fourgons décorés de drapeaux tricolores et
traînés par quatre chevaux.
Une centaine de couronnes avaient été
déposées sur des prolonges ou étaient por
tées à bras.
Des scènes déchirantes se sont produites
dans la cour de l’hôpital, où les parents des
victimes avaient été réunis.
Au dehors étaient groupés les délégués
des divers corps de la garnison, ainsi que le
bataillon du 24 e chasseurs venu de Ville-
franche avec sa fanfare.
Sur le péristyle de l’hôpital se tenaient les
autorités civiles et militaires.
Le ministre de la guerre s’était fait repré
senter par le chef d’escadron Tapissier.
Après le service funèbre, M. Chapon, évê
que de Nice, a adressé un adieu ému aux
victimes.
Place Defly, où les prolonges avaient été
rangées, des discours ont été prononcés par
M. de Joly,,préfet des Alpes-Maritimes, au
nom du Gouvernement ; par M. Raiberti, au
nom du Conseil général ; par le général Goi-
rand, maire de Nice, et par les généraux
Carbillet, commandant la 29e division ; He-
louis, gouverneur de Nice, et Mercier Milon,
commandant le 15 e corps.
Le cortège s’est ensuite rendu à la gare,
où furent déposés les corps des victimes qui
avaient été réclamés par les familles.
Les autres corps furent transportés au ci
metière militaire.
---------
TRAGIQUE PARTIE DE CANOT
Morlaix. — Une embarcation montée par
M. André, ancien notaire à Serant, et par un
de ses amis a chaviré en mer.
M. André s’est noyé; son compagnon ayant
pu se cramponner à une roche a été sauvé.
--------
ACCIDENT D’AVIATION
Reims. — Le sergent aviateur Mariukovitz,
de la légion étrangère, évoluait avec un pas
sager au-dessus de la vallée de l’Aisne
quand le monoplan, qui se trouvait à deux
cents mètres d’altitude, fut pris dans un re
mous et jeté à terre, où il se brisa complète
ment.
L’aviateur et son passager sont indemnes.
ÉCRASÉ PAR UNE AUTOMOBILE
REIMS. — Hier matin, l’automobile d’un
architecte a renversé un enfant de onze
ans, nommé Jules Coupez, qui a eu la poi
trine défoncée et qui est mort peu après.
L'ÉTAT DE SANTÉ
DU MAJOR VON WINTERFELD
Grisolles. — L’état du major Von Winter-
feld est sensiblement le même que dans la
matinée. —
La visite de son frère a donné lieu à une
légère augmentation de la température.
LES CONFLITS OUVRIERS
EH ANGLETERRE
Liverpool. — On annonce officiellement
que le Comité de grève a accepté les propo
sitions des compagnies de chemins de fer.
Les ouvriers reprendront le travail lundi.
Manchester.— 20.000 hommes chôment.
Une cinquantaine de navires sont immo
bilisés.
Les directeurs de la Compagnie du Canal
refusent même de recevoir une délégation
d’ouvriers.
Les ouvriers se préparent à une lutte pro
longée.
Londres. — Le Conseil d’administration du
Syndical, national des cheminots a lancé un
communiqué invitant les membres des Syn
dicats de l’Union d’Angleterre à reprendre
le travail partout en Angleterre.
CHUTE D'UN AVIATEUR
HENDON. — Quelques minutes après la fin
d’une course d’aviation autour de Londres,
l’aviateur Pickles, effectuant un vol avec
Mme Stocks, est tombé et s’est brisé une
jambe ; sa passagère a reçu de multiples
contusions.
--0-===== 9
CONDAMNATION
D'UN OFFICIER ALLEMAND
Berlin. — Le Conseil de guerre de Thorn
vient de condamner le capitaine Koehler du
176 e d'infanterie, à six mois de forteresse et
à la radiation des cadres pour mauvais trai
tements infliges à des inférieurs dans des
cas divers.
EXPLOSION DANS UNE FABRIQUE
Bilbao. — On mande de Galdacano qu’une
fabrique d’explosifs a fait explosion.
Cinq ouvriers ont été tués, un autre est à
l’agonie ; plusieurs ouvriers ont été blessés
légèrement.
EN BULGARIE
Sofia. — La reine a reçu les membres de
. la mission Carnegie.
LE SABOTAGE
Il y a quelques semaines, les dirigeants
de la G. G. T. publiaient, dans la B ataille
i Syndicaliste et dans l’ Humanité, une déclara-
tion relative à l'Action confédérale. Deve-
nus suspects aux plus turbulents parce
: qu’ils s’étaient opposés à la grève générale
projetée comme protestation des syndicalis
tes contre la loi de trois ans, MM. Jouhaux,
> Griffuelhes, Merrheim, Monatte, Savoie,
Bled et leurs amis avaient tenu à rentrer
en grâce auprès des exaltés du parti. D’où
leur manifeste où ils expliquaient leur
conduite.
Si, par endroits du moins, le style de ce
document paraissait relativement tempéré,
les signataires maintenaient cependant que
le syndicalisme doit préparer l’expropria
tion capitaliste, qu’il doit être « créateur
de révolte consciente » et que son but est
de détruire l’Etat pour fonder la société de
demain.
Certains de nos confrères radicaux-socia
listes avaient voulu voir, en ce manifeste,
la preuve d’un retour au bon sens et à l’u
nique action professionnelle. Ils doivent
être édifiés aujourd’hui sur la mentalité
réelle de la G. G. T., et l’aventure qui vient
d’arriver à M. Jaurès leur doit être une le
çon.
Dans une ample série de dissertations,
le directeur de V Humanité s’était avisé, ces
jours-ci, d’exposer ex cathedra la doctrine
syndicaliste ; il avait accumulé les docu
ments économiques et les formules oratoi
res pour démontrer que le syndicalisme
« répugnait » au sabotage. Non seulement,
disait-il, cette théorie ne se concevait pas
chez des ouvriers « conscients et organisés »,
mais, en fait, les actes de sabotage qu’on
avait pu signaler n’étaient que des « acci
dents » et non des incidents concertés d’a
vance.
Or en son Congrès, la Fédération des cuirs
et peaux qui est, sinon par le nombre, au
moins par l’influence de quelques-uns de
ses dirigeants, l’une des plus importantes
de la G. G. T., vient d’infliger à M. Jaurès
un éclatant démenti.
D’abord, une fois de plus, elle a proclamé
que la grève générale est « la seule arme
capable d’affranchir les travailleurs écono
miquement ». Puis, au moment même où il
terminait l’un de ses articles par cette affir
mation : « Nous pouvons dire avec certitude
non seulement que le sabotage n’est pas,
mais qu’il ne sera pas » — les orateurs
syndicalistes signifiaient au citoyen Jaurès
qu’ils n’avaient nul besoin de ses conseils.
A l’heure actuelle, disait le citoyen Voi-
rin, « nous subissons une série d’articles
sur notre action et sur nos moyens. Que
Jaurès conçoive notre action à sa façon,
c’est son droit ; ce que nous lui demandons
c’est qu’il nous en laisse juges et qu’il lais
se aux Congrès ouvriers le soin de détermi
ner cette action. »
Et pour qu’il n’y eût aucune méprise, au
cune équivoque, le Congrès votait aussitôt
après, et à l’unanimité, la motion suivante,
tout à fait dépourvue d’aménité pour M.
Jaurès et pour son parti :
Le 8 e congrès national des cuirs et peaux
déclare que la classe ouvrière organisée
dans ses groupements économiques est seule
juge des circonstances où peut être employé
le sabotage comme moyen de lutte.
Elle affirme le droit absolu d’être maî
tresse de son action et de la forme qu’elle
doit revêtir et déclare ne pouvoir tolérer
l’immixtion de personnalités ou de groupe
ments à côté dans cette action.
Voilà qui est d’une netteté parfaite. Et la
manifestation est d’autant plus significative
que la Fédération des cuirs et peaux était,
disait-on, l’une de celles qui s’étaient assa
gies.
C’est donc à bon droit que nous avions
naguère de la méfiance à l’égard du mani
feste des dirigeants de la G. G. T. Ceux des
radicaux-socialistes qui s’étaient laissés
prendre aux discours captieux de MM. Jou
haux, Griffuelhes et Merrheim doivent en
être revenus. Et M. Jaurès doit être fixé sur
le cas que les syndicalistes font de ses
homélies.
Th. Vallée.
LES AFFAIRES D’ORIENT
L’Agitation en Albanie
- Vallons, 20 septembre.
Au cours d’une réunion tenue ici et à la
quelle prenaient part un très grand nombre
de personnes, les assistants ont pris résolu
ment position contre l’attitude d’Essad
pacha.
Après la réunion, les manifestants se
sont rendus devant les consultais d’Autri
che-Hongrie et d’Italie, où ils ont poussé des
hourras.
On télégraphie, d’autre part, à l’agence
l’ Information :
Belgrade, 20 septembre.
On assure que le gouvernement serbe, en
raison de l’agitation qui se manifeste dans
la population montagnarde, du Nord de
l’Albanie à la frontière monténégrine, au
rait résolu de fermer au commerce les
villes de Diakovo et de Dibra.
ON TROUVE
LE PETIT HAVRE à Paris
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AQUARELLES ET ROQUIS
Thoto t Havre
Là Petite Gare
C’est une petite garé perdue tout là-bas,
au bout d’une ligne, une petite gare qui ne
voit guère de voyageurs qu’aux jours d’été.
Le long de la côte, comme si elle s’amu
sait à répéter les caps et les anses de la pla
ge, la voie ferrée court doucettement, sans
s’essouffler..
Trois ou quatre fois par jour, des trains
minuscules d’où l’on descend parfois des
malles bien grandes, s’arrêtent devant
un humble bâtiment que décorent une hor
loge et un tableau noir : c’est la petite gare.
La maison s'éveille.
Elle déverse sur le quai une poignée de
voyageurs. Une belle casquette à lettres
d’argent et teuilles de chêne apparaît alors à
la hauteur de la locomotive. La coiff ure-in-
signe met en évidence une bonne mine fran
che à moustaches poivre et sel et deux
grands bras qui s’agitent avec frénésie...
Alors le quai se vide, la locomotive s’im
patiente et siffle. Elle rugit même en lâchant
sa mauvaise humeur sous forme de vapeur.
Elle halète, s’époumonne, semble dire : « Ce
que c’est lourd ! »
Et puis, ma foi, tout en grinçant, elle finit
par repartir. Elle s’élance, elle, est lancée,
elle est en route. Les wagons heurtés à l’ai
guille font « toc ! toc ! toc ! » avec un bruit
de semelles et de talons dansant la gigue...
J’aime ce petit coin de la petite ville.L’hu
manité s’y fait plus simple, plus naturelle,
presque touchante. Le snobisme s’éteint
dans l’intimité du décor. Les belles dames
des villas voisines viennent volontiers en
sandales de bain pour saluer une venue, je
ter un « au revoir ! » On se retrouve là en
connaissances. On s’en fait entre deux cla
quements de portières. J’arrive à croire que
le cœur de la petite ville bat surtout dans la
salle d’attente.
Et puis, c’est ici qu’arrivent les gazettes.
La grave dame qui vend les journaux tout
près de l’horloge représente la gardienne du
terminas intellectuel dont Paris et le chef-
lien sont les grands centres. C’est ici que
débarquent les nouvelles, qu’on les vient
cueillir, qu’on les dévore avant de franchir
le seuil
Si la Pierre à poisson est le forum, la gare
est bien sa succursale. Devant cette horloge
et ce tableau noir, trois fois par jour,ce sont
tout à la fois des tristesses d’adieux, des
joies de retour, des cœurs délivrés d’inquié
tude et des esprits hantés de mélancolie : de
la vie humaine qui passe.
A travers la bigarrure des silhouettes pas
sagères que la saison attire chaque an au
bord de l’eau, la belle casquette de M. le
chef de gare circule, aimable et pater
nelle... Elle sait se faire attentive et cour
toise .
Comme elle connaît par cœur les « déra
cines » de l’endroit, elle les appelle souvent
par leur nom ; elle s'inquiète de leur santé
et fait des vœux pour la sérénité de leur
séjour.
Un petit air de trompette : la casquette à
lettres d’argent a libéré la locomotive et sa
toute petite queue de wagons zig-zaguants ;
elle rentre alors, va dormir dans l’armoire
pendant que M. le chef de gare, transformé
en jardinier, court soigner de l’autre côté
de la voie ses plants de géraniums abîmés
par la pluie d’orage...
Le samedi soir, la petite gare se fleurit de
joie familiale et douce. Le train ramène
pour vingt-quatre heures des félicités con
jugales. Il reforme des foyers, rassemble des
affections, réconforte et ranime.
Ces soirs-là, son bruit de ferraille se fait
plus discret, son panache de fumée plus
éclatant.
Ce n’est pins, semble-t-il, le halètement
essoufflé des soirs maussades, mais belle et
bien la respiration bruyante de la bêle heu
reuse qui, dès le passage à niveau, crie à
pleine voix à la petite gare : « Me voilà ! Me
voilà !... »
— Le train des maris ! . •
M. le chef de gare ne sourit pas, car il n’y
a point là place à pensée ironique. Le train
des maris est le train des papas. Et dans la
simplicité de la petite ville, le mari du sa
medi soir apporte aussi simplement de la cité
de fièvre et de travail le lièvre de l’ami, le
gâteau de Savoie que le « petit coupon bien
avantageux des Nouvelles Galeries » que la
lettre de la semaine lui recommanda.
Les Pêqueux
Delà blouse de toile rude à la mine cuite
par le grand vent, l’écart de teinte n’est pas
si grand. Les couleurs s’harmonisent et s’ac
cordent. Le cachou du coton répond au
rouge brique des figures.
Ces hommes de la mer semblent voués
aux ocres terreuses.
Mais la mine suffit pour donner son carac
tère au pittoresque du personnage. Une
Cliché Petit Havre
Le samedi soir la petite gare se fleurit de joie
familiale et douce
barbe hirsute encadre la face épanouie ; des
yeux l’illuminent, une tignasse en désordre
la couronne. Et cette barbe, et cette face, et
ces yeux, et cette tignasse, c’est comme un
poème rustique en quatre chants sur un
rythme heurté que martèle la grosse voix du
large...
On a volontiers prêté à Neptune une tête
solennelle de patriarche que rehaussent des
blancheurs d’écume. La légende le veut
ainsi et la tradition a fixé à jamais les lignes
du héros.
Je me l’imagine plutôt sous les traits fami
liers du vieux pêqueux. Il a l'allure joyeuse
et débonnaire, il se joue du flot et lui siffle
des airs du pays.
Lorsque, perdu dans l’immensité du ciel et
de l’eau, tout petit au fond de sa barque,plié
sur ses mannes ou hâlant ses lignes, il traite
la mer comme une très ancienne amie qu’il
aime en dépit de ses traîtrises et peut-être
aussi à causes d’elles, ne se sent-il pas un
peu dieu lui-même, maître des destinées du
monde poisson, dispensateur de liberté ou
de mort, une façon de grand juge qui tient
au bout de sou hameçon le sort definitif
d'êtres obscurs ?
Mais, à vrai dire, l’homme s’inquiète peu
de ces souverainetés. L’enfant de la mer a
plutôt pour l’ancêtre un respect attendri fait
tout à la fois de crainte et de reconnaissance.
De son pas alourdi par les bottes de cuir,
avec ce balancement du corps que l’habitude
du roulis lui a laissé, il va, flâneur, par les
quais du port, promenant parmi les élégan
ces du tourisme estival, le sans-façon de sa
mise, son odeur de poisson et de goudron.
Les « Parisiens» ont pour ce marin haut en
couleur une attention de sympathie défé
rente. Ne représente-t-il point un « type » à
part à la vie rude, à la tâche périlleuse et
lourde ? N’est-il pas de la grande famille des
chemineaux, ami de l’indépendance, épris
des libres espaces? Et le ciel et l’eau n'ont-
ils pas laissé en lui le mystère de leur infini,
quand ils ont mis dans ses yeux bleus ou
verts un reflet des immensités ?...
Hé oui ! sans doute, tout à l’heure, vous
l’avez vu attablé chez Meriel, dans l'arrière-
boutique enfumée où l’atmosphère s'imprè-
gne d’odeurs salines et d’alcool...
Des « petits sous de café » défilent sur la
toile cirée empoissée des tables, et avec les
tasses, les flacons, les bouteilles d’âpre cal
vados.
On chante là-dedans, à gorge déployée, des
couplets du gaillard d’avant ou des roman
ces sentimentales qui font rêver et pleurer
parfois les vieux gas, trimardeurs de mer.
On appelle la servante à grands coups de
poing donnés au hasard, à travers les verres.
Une lampe à pétrole suspendue au plafond
jette une lueur anémique en cette tabagie.
Les bouffardes ne lâchent les dents que
pour permettre l’arrosage des gosiers.
Et les verres se vident d'an geste rapide
du coude libéré. . Les voix se font plus râ
peuses, les yeux plus petits, les boites plus
lourdes.
Tout à l’heure, quand la chanson du flot
montant viendra battre les carreaux, il fau
dra un beau mouvement de résolution pour
régler la dernière tournée et glisser au fond
de la poche du pantalon — en drap du ser
vice — une bourse de cuir terriblement allé
gée...
Hé, oui, sans doute ! Les gueux se sont
laissés tenter par le mirage de la liqueur,par
la joie de se retrouver ensemble à l’abri, au
chaud, sous la lampe de Mériel — Café de la
Digue — et de se donner un peu de bon
temps, à coups de rasades...
Et des pièces d’or et d’argent, qu’on eut pu
mieux placer, certes, s’en sont allées ainsi,
au gré des chansons et des verres.
— Hé là, les pays no trinque p’us donc ?
— Sans doute. .
Mais lorsqu’on est rentré chez soi, les soirs
de tourmente, que le vent hurle et mord les
ardoises, que la grosse voix de la mer s’en
gouffre dans le tuyau d’orgue des cheminées
et dit la rage de la vague furieuse, lorsque
l’on s'imagine dans la nuit mauvaise la bar
que secouee comme coque de noix, ballotée
à travers les sillons d’ecume, avec ces pau
vres existences heurtées, à la merci d une
rafale, on revoit l’arrière-boutique enfumée
pleine de chansons de pêqueux en go
daille :
— Ohé les gas, no trinque donc p’us ?
Et l’on comprend...
Leurs départs
Tl a pourtant fallu se décider à partir.
Les pluies tenaces, les soirées fraîches, les
matins embrumés avant-coureurs d’au-
tomne, les désertions progressives, les pro
meneurs de la digue de plus en plus clair
semés, les nez qui plongent dans le col re
levé du pardessus... tout cela a sonné
l’heure du rapatriement.
On a exhumé des ténèbres de la cave les
malles aux flancs meurtris et lèprés d’éti-
‘ quettes. Il s’agit maintenant de loger dam
les caisses tout ce qu’on en retira le mois
dernier, et rien n'est plus récalcitrant
qu’une malle dans l’impatience tébrile du
5 retour.
On dirait qu’elle se fait plus petite ou quq
les objets qu’on va lui confier se font plus
gros.
Est-il possible vraiment que tout ce tas de
linge fut contenu dans ce faible espace ?...
Par quel miracle d’ingéniosité exception
nelle les paires de chaussures ont-elles pu
se faufiler dans ce petit coin ?
Et quel artifice diabolique fit entrer dans
le carton des chapeaux gai refusent systé
matiquement aujourd’hui d’y pénétrer t
Par la faveur des pressions savantes et la
grâce brutale des coups de poing, les choses
! ont fini par se caser, au milieu d’un monde
de plis et de cassures. Ce ne fut pas sans
peine.
Madame faillit désespérer. La bonne souf
fla en faisant « la lourde », assise sur le
couvercle, pour tasser et boucler les la
nières de cuir.
Quant à Monsieur, profondément insup
portable, il s’est senti devenir si nerveux,
qu’il a préféré sortir faire un tour.
C’est fini. La corvée est faite. L’alignée des
malles attend dans l'antichambre la venue
la venue
des hommes du chemin de fer.
Madame respire et remet son corset. La
bonne, effondrée sur une chaise, dans un
parterre de papiers froissés et de balayures,
se demande avec effroi dans quel état elle va
retrouver là-bas « son » fourneau de cuisine.
Quant à Monsieur, il erre dans les cham
bres vides, l'esprit inquiet, l’âme amère.
Or, tout à coup, il a sursauté, les yeux
effarés, le geste impuissant, anéanti... Et
d'une voix lasse, désespérée, d’une voix de
stupéfaction et de détresse, il a laissé tombei
dans la cage de l’escalier :
— Je m’en doutais !... Ça n’arrive qu’à
moi ! Vous avez oublié d’emballer ma brosse
à dents !
Albert-Herrenschmidt.
LC Président de la Républiquc
A BORDEAUX
Visite des Hôpitaux
Voici le terme de ce voyage de treize
jours, au cours duquel le président de la
République aura visité, en chemin de fer, en
auto, en bateau, en landau ou à pied,comme
chef d’Etat, les dix départements de l’Indre,
de la Haute-Vienne, de la Creuse de la Cor
rèze, du Lot, de la Dordogne, du Lot-et-Ga-
ronne, de la Haute-Garonne, du Tarn-et-Ga-
ronne et de la Gironde.
M. et Mme Poincaré ont consacré les der
nières heures de leur séjour à Bordeaux à la
visite des hôpitaux. Tandis que le président
se rendait dans le faubourg Saint-Augustin,
aux hôpitaux du Tondu et Pellegrin. Mme
Poincaré, accompagnée de Mme Duréauit,
visitait l’hôpital suburbain du Bouscat,
l’institution nationale des sourdes-muettes
et la pouponnière du docteur Rocaz. La
pluie, qui était tombée en cataractes de mi
nuit à 6 heures du matin, a cessé.
A huit heures et demie, le président de la
République, en redingote, pantalon à car
reaux noirs et blancs, chapeau haute forme,
quitte l’hôtel de la préfecture et monte avec
M. Barlhou et le général Beaudemoulin dans
une auto conduite par M. de Lameluc-
Samson, président de l’Automobile-Club de
Bordeaux, qui est en tenue de capitaine de
réserve.
MM. Clémentel et Thierry s’installent dans
une seconde voiture et, dans d’autres autos,
les sénateurs, députés, conseillers munici
paux, etc.
La voiture de M. Pujalet, directeur de la
Sûreté, ouvre la marche, avec celles de M.
Mollard, directeur du protocole et des offi
ciers de la maison militaire.
Au Tondu
La première visite de M. Poincaré est pour
l’hôpital du Tondu, où est installée, depuis
1903, une école de garde-malades hospitaliè
res. M. Cazalet, administrateur de l’hospice,
lait l’éloge des garde-malades, rangées en
cercle autour de lui, et remercie le président
de sa sympathie.
Le president visite l’hôpital ; puis il re
monte en auto pour aller à l’hôpital Pelle
grin, qui est un des plus beaux établisse
ments hospitaliers du monde.
A Hôpital Pellegrin
C'est plus exactement un groupe d’hôpi
taux et d’asiles installés luxueusement, an
milieu d’un parc aux fraîches pelouses et
aux grands arbres ; parc et bâtiments cou
vrent 24 hectares.
M. Poincaré est conduit d'abord dans les
asiles de vieillards, puis dans l’hôpital mo
dèle de chirurgie, construits à l’aide d'un
don généreux de Mme Tastet-Girard, sur les
plans du professeur Démons, qui en a la
haute direction.
C’est le professeur Démons qui reçoit le
président. M. Poincaré s’avance vivement
vers le chirurgien, et lui serrant la main :
— Vous rappelez-vous, docteur, que je
vous dois la vie ? Je ne l’ai pas oublié et je
vous exprime de nouveau aujourd’hui toute
ma gratitude.
M. Barlhou, intervenant alors avec à-pro
pos, dit, en serrant la main du docteur Dé
mons :
— Je vous remercie, docteur, au nom du
gouvernement de la République et du pays.
De vifs applaudissements saluent ces pa
roles du président du Conseil, cependant
que M. Poincaré raconte comment, il y a
une trentaine d’années, étant venu à Bor
deaux pour y plaider, il tomba malade dans
un hôtel. Il était seul. Une angine diphtéri
que s’était déclarée ; le sérum n’avait pas
encore été découvert ; il fallait une inter
vention immédiate. M. Poincaré fit appeler
un jeune docteur, M. Démons, qui pendant
trois semaines le soigna avec un dévoue
ment au-dessus de tous éloges et lui sauva
Dans chacun des hôpitaux qu il a visités,
M Poincaré a laissé 500 francs ; il a en ou
tre remis 2,000 francs pour le bureau de
bienfaisance de Bordeaux. De son côté, Mme
Poincaré a laissé 300 francs dans les établis
sements hospitaliers visités par elle.
Au moment où le cortège présidentiel
quitte l’hôpital Pellegrin, une pluie dilu
vienne s’abat sur Bordeaux. Elle ne dure
heureusement que quelques minutes.
Rentré à la préfecture à dix heures, le pré
sident de la République en repart trois quarts
d’heures plus tard, en landau découvert,
pour aller visiter les ouais et les bassins à
flot.
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