Titre : "Les Petites A" : organe de la Fédération régionale havraise des amicales laïques : journal mensuel / rédaction M. M. Pimon
Auteur : Fédération régionale havraise des amicales laïques. Auteur du texte
Éditeur : [s.n.] (Le Havre)
Date d'édition : 1931-09-01
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328381105
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 septembre 1931 01 septembre 1931
Description : 1931/09/01 (N58)-1931/09/30. 1931/09/01 (N58)-1931/09/30.
Description : Collection numérique : Fonds régional :... Collection numérique : Fonds régional : Haute-Normandie
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k982696j
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-46425
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 08/06/2015
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I
I»
V Cinquième Année. — N° 58
Ce Journal ne doit pas être vendu
Le réclamer au Siège de chaque Amicale
Septembre 1931
a
99
S. A . O. N« 3762
Organe de la Fédération Régionale Havraise des Amicales et des Œuvres Laïques
Publicité: M. A. CANDELLIER
Ecole Rue des Etoupiéres - LE HAVRE
vTOTXZE^DSr-A-IH. MENSUEL
Rédaction : M. M. PIMONT
109, rue Massillon - LE HAVRE - Tél. 96.91
Adresse du Secrétaire Général de la Fédération ;
M. CANDELLIER, École des Etoupiéres — LE HAVRE
— - ' ■ Téléphone 46.38 -—J
i
Adresse du Trésorier-Adjoint, suppléant provisoirement le Trésorier général :
|\/|_ ROUSSEL, 5o, Rue Jules-Lecesne — LE HAVRE — Téléphone 60.18
— CLiècmies Postaux Rouen 6234 - ■ ■ ■ —
PAUL
(suite et fin)
Le Maître
Plus tard, en 1881, dans une combinaison
concernant la longueur des ondes lumineuses
et leur action chimique sur la chlorophylle,
Paul Bert trouvera que la région rouge du
spectre est bien celle qui possède à un plus
haut degré le pouvoir de déterminer la chlo
rophylle et de faire reverdir les plantes étio
lées. Il établit les lois des divers mouvements
des plantes, d e leurs mouvements de réveil et
de sommeil, de leurs mouvements de rotation
ou héliotropisme, de leurs accroissements en
longueur. A la suite de Linné, il enrichit ce
domaine scientifique de découvertes originales
et dans une note- à l’Académie des Sciences il
établit les conclusions théoriques qui sont 1a
suite de ses expériences relatives à l’action de
la lumière sur la vie végétale.
Il revient ensuite à Paris où on a créé pour
lui une chaire de physiologie comparée au
Muséum d'Histoire Naturelle. Secondé par
d’excellents préparateurs, il devient un des
Maîtres de la Science et consacré plus particu
lièrement ses leçons à la physiologie de la res
piration, ce qui constitue la plus grande part
de son oeuvre scientifique.
C’est alors qu’il entre dans la vie politique.
Il a 4o ans.
La formation de l’homme et du savant par
l’ardeur du conquérant sur la nature devait
le préparer à une conception toute originale
de la vie publique et c’est ce que nous allons
voir au chapitre suivant.
VI
Le Législateur
Claude Bernard avait dit antérieurement :
« Le rôle actif des sciences expérimentales
« ne s’arrête pas aux sciences physico-chimi-
« ques ou physiologiques, il s’étend jusqu’aux
« sciences historiques et morales. On a corn
et pris qu’il ne suffit pas de rester en specta-
« teur inerte du bien et du mal, en jouissant
« de l’un et en se préservant de l’autre. La
« morale moderne aspire à un rôle plus
« grand : elle veut, en un mot, dominer le
« bien et le mal, faire naître l’un et le dévê
te lopper, lutter avec l’autre pour l’extirper et
Ainsi le vrai savant ne se contente pas de
connaître la nature, il veut la maîtriser, il
manifeste en dehors de son laboratoire, dans
le domaine politique, et son développement
cérébral préparé par l’usage de la méthode ex
perimentale donne un sens tout spécial à son
activité.
Paul Bert réalisa comme son maître la jonc
tion du savant et du politique. Sous Napoléon
III, Claude Bernard était entré au Sénat ; son
élève se vit ouvrir par la 3 me République les
portes des Assemblées délibérantes.
Paul Bert pénétra à l’Assemblée Nationale
en 1872 comme député de l’Yonne. Il a confié
dans des manuscrits inédits que conserve reli
gieusement s a fille, Mme Clayton-Bert, les rai
sons pour lesquelles il entra dans la vie pu
blique :
u Un grand mouvement s’opère de nos
« jours dans l’esprit de la jeunesse sérieuse.
« Nos pères ont beaucoup lutté pour la grande
« querelle politique. Ils ont heurté dynasties
« contre république ; les prisons se sont rem-
« plies, les exilés ont pleuré, le sang a coulé
« à grands flots; aucun parti n’a triomphé, ca r
« il n’y a pas de triomphe là où la lutte dure
« encore. Nous, qui axons vu les athlètes épui-
« sés par les années et courber la tête sous ie
« joug, nous avons la haine de ces combats
« terribles. Ne sont-ce pas des combats de frè
te res ? Ne sommes-nous pas tous frères ? par
« le dévouement, l’honneur, l’amour, nous
« tous qui voulons la liberté sans excès, le
B. riELLET
Photographe des Dames
et des Enfants
110 bis à 114, rue de Normandie
Remise de 5 o/o aux Membres de
VEnseignement et aux Amicalistes.
« pouvoir sans despotisme et le progrès avec
« prudence. Qu’importent les moyens, s’ils sont,
u dociles et servent à fabriquer le grand Œu-
« vre. De quelque nom qu’on les appelle, ceux
« qui espèrent en l’avenir se tendent la main
« et serrent Leurs rangs. Ce sont des mots qui
u les séparent ; ils voient la même chose sous
« des points de vue différents ; en avant ! La
« forme politique n’est rien, c’est un vête-
« ment, l’idée sociale est tout : instruction,
« moralisation, bien-être, voilà le programme.
« Que chacun fasse le sacrifice de ses préju-
« gés, de ses espérances égoïstes ; que l’idée
« politique, étroite et dangereuse disparaisse et
« laisse le champ libre aux hommes de bonne
« volonté ».
Au Parlement la place de Paul Bert fut tout
de suite marquée au premier rang de ceux qui
voulaient travailler à la régénération de [a
France meurtrie par la défaite de la guerre et
qui n’avaient confiance que dans une refonte
complète de notre éducation nationale.
Un projet de loi sur l’instruction primaire
obligatoire avait été présenté par Jules Simon
alors ministre de l’Instruction publique le i5
Décembre 1871. C e projet, renvoyé à l’examen
d’une Commission, n’avait pas abouti ; la
commission s’était prononcée contre le prin
cipe. Paul Bert qui faisait partie de la mino
rité républicaine n’avait pu triompher du mau
vais vouloir d’un parti qui invoquait contre
l’obligation le respect de la liberté du pèr e de
famille. En 1872, ce même parti voulut, tou
jours au nom de la Liberté, assurer à l’Eglise
une position privilégiée sur lei terrain de l’en
seignement supérieur et la faire participer
conjointement avec l’Etat à la collation des
grades. Paul Bert présenta en Janvier 1873 un
contre-projet qu’il développa à l a séance du
i4 Janvier.
Parlant de la composition du Conseil Supé
rieur, il dit notamment : « Il y a un grand,
intérêt à ce que nous fassions de bonnes finan
ces, une bonne Marine, une Armée bien orga
nisée et nous avons des Conseils Supérieurs
pou r chacun de ces Ministères, mais y a-t-on
mis des membres appartenant à l’enseigne
ment public P Non. Pourquoi cette différence
dans le projet qui nous est soumis ; ici par
donnez-moi ma franchise, c’est que tout le
monde comprend que, pour parler guerre, fi
nances, marine, il faut avoir des connaissances
spéc aies ; tandis que, permettez-moi cette com
paraison, il n’en est pas de l’Instruction pu
blique comme de la médecine et de la politi
que, parce que tout le monde s’en sert et en
a besoin, tout le monde s’v croit compétent
et se croit apte à émettre un avis autorisé.
C’est pour cette raison et non pour une autre
qu’on y a introduit (au Conseil Supérieur) des
hommes qui n’ont pas passé leur vie dans l’é
tude des questions, qui ne. vivent pas dans le
problème, qui ne sont pas imbus profondé
ment du sentiment de réforme, et qui, quand
même ils auraient ce sentiment, seraient sou
vent fort embarrassés de savoir comment il
faudrait s’v prendre pour les réaliser.
« Cela tient à ce que la pédagogie est chose
à peu près inconnue en France ».
Et comme cette dernière phrase avait pro
voqué de vives exclamations sur les bancs de
la majorité, Paul Bert répliqua avec vigueur :
« Voyez, ce mot seul suscite des exclama
« tions. comme s’il avait quelque chose de
« ridicule et comme si la pédagogie était né-
« cessairemenl une science abstraite, sèche, fa-
« tiganle et réservée à quelques gens trot
« tés d’algèbre et de latin.
« La pédagogie, Messieurs, dans les pays où
« l’enseignement public a la part qui lui con-
« vient, est un c des seiences les plus cultivées,
les plus importantes. On sait le temps qu’il
« faut pour l’apprendre ; et alors on ne voit
« pas comme en France, ce qui est l’étonne-
« ment des gens qui, ayant passé ‘leur vie à
« apprendre quelque chose, savent en même
« temps ce que c’est qu'ignorer, chacun se
« croire apte à déterminer les règlements uni-
« versitaires ».
L’Assemblée Nationale passa outre les ob
jections de Paul Bert et vola la loi du 25 Mars
1873, mais le représentant de l’Yonne eut la
satisfaction en 1879 de voir le Conseil Supé
rieur réformé selon les règles qu’il avait in
diquées (Voir à ce sujet les notes sur Jules
Ferry).
Quand la Chambre des Députés succéda à
l’Assemblée Nationale, Paul Bert délégué de
nouveau par ses concitoyens trouva une majo
rité républicaine disposée à marcher de l’a
vant. Dès le 20 Mars 187.3, il présenta une pro
position de loi modifiant les conditions du re
crutement et du fonctionnement des Institu
teurs et des Institutrices, mais c’est seulement
en 1880, à la séance du 25 Mai, qu’il soutint
contre un amendement présenté par Boyer la
nécessité de supprimer la lettre d’obédience
qui avait équivalence des titres d.e capacité. La
lutte fut difficile mais Paul Bert écrasa ses
adversaires par lo commentaire d’un rapport
d’ensemble en conclusion d’une enquête faite
par les Inspecteurs. Tout d’abord il démontra
que sur 89 rapports 78 étaient défavorables
au maintien de ce privilège dont bénéficiaient
les congréganistes. Et puis il lut quelques-uns
de ces rapports. Celui des Hautes-Alpes disait :
« Les frères de la doctrine chrétienne envoient
dans une commune plusieurs sujets dont le
chef seul est breveté, mais on remarque pres
que toujours chez les autres la plus grande
ignorance, sans compter que celui qui est bre
veté n’enseigne pas lui-même ».
Celui de l’Ardèche avait une phrase un peu
plus vive : « On voit des maîtresses qui au
raient besoin d’aller à l’école au lieu de la
faire ».
Celui de-l’Aube : « Leurs classés sont d’une
infériorité frappante, on le comprend : les
bonnes sœurs, qui étaient hier occupées aux
travaux de l’agriculture, sont transformées en
institutrices sans aucune préparation sérieu
se ».
Dans les Bouches-du-Rhône : « Les lettres
d’obédience sont, en effet, devenues un gage dé
savoir plus que douteux ; elles sont quelque
fois accordées à des personnes qui ont peine à
signer leur nom, et chose certaine, c’est que
les neuf-dixièmes des institutrices munies de
la lettre d’obédience échoueraient aux épreu
ves du brevet sur la composition d’orthogra
phe ».
Voici maintenant le r „-port, de. l’Inspecteur
d’Eure-et-Loir : « Quelques-unes des religieu
ses qui ont été m'scs à la tête des établisse
ments publics ou libres ne possèdent qu’une
instruction très imparfaite. Elles font tenir
leurs écoles par une adjointe. Ainsi, par une
étrange bizarrerie, le titre appartient à l’une,
la capacité, peut-être encore douteuse, appar
tint à l’autre. D’autres ont reparu, au bout
d’un peu de temps, dans la même localité et
sous un costume différent de celui qu’on leur
avait vu quand elles quittaient leur 'village.
Elles partaient simples ouvrières ou employées
dans la ferme ; elle revenaient religieuses et
institutrices. On ne fait pas impunément vio
lence au bon sens ».
Celui de la Haute-Garonne est encore plus
explicite : « Impatientes d’occuper le plus de
terrain possible, les congrégations manquant
de sujets, enrôlèrent à la hâte des jeunes filles
do la campagne, des couturières, des servan
tes ; et, après les avoir façonnées tant bien
que mal, elles les déléguèrent par lettres d’obé
dience pour enseigner ce qu’elles ne savaient
pas. Aussi, dans plusieurs communes, et à la
tête des classes nombreuses, trouve-t-on des
institutrices sachant à peine lire ».
L’inspecteur du Loiret indique une coutume
foit curieuse et qui n’est pas malheureusement
spéciale à ce dépaitement; il reconnaît qu’un
certain non bre d institutrices, de religieuses
congréganistes arrivent à un degré d’instruc
tion convenable et, dit-il « elles fournissent
aux écoles des sujets d’un mérite assez distin
gué. Mais voici ce qui arrive le plus souvent:
ces sujets distingués sont tenus en réserve
pour fournir à ces écoles-là surtout où les sym
pathies des populations sont incertaines ; ou
bien, lorsqu’il s’agit di’établir une concurrence
et de ruiner un établissement rival. Une fois
sûr du sujet et en possession de la confiance
publique, on rappelle la religieuse à laquelle
est dû ce résultat et on la remplace le plus
souvent par un sujet d’une grande médiocri
té ».
L’inspecteur d’Académie de la Manche dit :
« Des jeunes filles insuffisamment instruites
pour être admises aux écoles normales, n’ayant
pas assez de capacités ou de ressources pour
obtenir un brevet, se font religieuses et ne
tardent pas à obtenir des lettres d’obédience
tenant lieu de brevet ».
L’inspecteur de la Marne s'exprime ainsi :
« Mais il s’en faut que les institutrices con
gréganistes aient la même valeur intellec
tuelle que les laïques et que leur enseigne
ment soit aussi solide. Et si la lettre d’obé
dience est impuissante à communiquer l’ins
truction et les mérites pédagogiques à celle
qui la reçoit, si cette impuissance se trahit
dans les écoles importantes où les congréga
nistes envoient et ont intérêt à placer leurs
sujets les plus capables, que doit-on penser de
l’état des communes rurales, à la tête des
quelles elles mettent les plus faibles P Obéis
sance n’engendrera seule l’intelligence.
Paul Bert continua ainsi la série de ces ci
tations en insistant plus particulièrement en
suite sur l’examen des ouvrages employés
dans les établissements congréganistes. A ce
sujet on pourra consulter une brochure édi
tée par la librairie Kahn intitulée : « Le Clé
ricalisme et VEcole »* dans le compte-rendu
d’une Conférence faite au Cirque d’Hiver sur
les Manuels Scolaires Congréganistes (28 Août
1881).
Il nous faudrait plusieurs pages pour racon
ter par le détail les succès de Paul Bert sur
ses trois projets : le brevet de capacité (dépo
sé le 20 Mai 1879), celui de la gratuité et de
l’obligation (20 Janvier 1880). Ces projets
sont devenus les lois du 16 juin 1881 sur les
titres de capacité, du 16 juin 1881 aussi sur la
gratuité et du 28 Mars 1882 sur l’obligation.
Pour cette dernière, la * Commission avait
ajouté au projet du Ministre la laïcité des
programmes.
N’oublions pas la part prise par Paul Bert
à la discussion de la loi Camille Sée sur l’en
seignement secondaire de jeunes filles ; ce fut
lui qui fit adopter par la Chambre à la séan
ce du 20 Janvier 1880 une disposition portant
que des internats pourraient être annexés aux
établissements secondaires qu’il s’agissait de
créer.
Mais Paul Bert n c se contentait pas de la
tribune parlementaire ni des discussions en
commissions. Avec un zèle d’apôtre il donnait
des conférences partout, il écrivait en polé
miste et en propagandiste. L’un d c ses plus
émouvants discours est celui qu’il prononça
dans un banquet que lui offrit le 18 Septem
bre 1881 une délégation d’instituteurs venant
de 60 départements ; il y développa la thèse
de Ferry sur la collaboration.
Quand le M nistère présidé par Gambetta fut
constitué, le i4 Novembre 1881, Paul Bert y
reçut le portefeuille de l’Instruction publique;
il n’y resta que trois mois à peine et n’eut pas
le temps d’attacher son nom à des réformes
importantes.
Mais après la retraite du Cabinet du i4 No
vembre, il revint devant la Chambre le 7 Fé
vrier 1882 comme député, présentant une nou
velle proposition de loi sur les traitements et
l’organisation de l’enseignement ; de 1882 à
;S8C) les débats passionnés aboutirent à la fa
meuse loi du 3o Octobre 1886 qui est la charte
de l’enseignement primaire en France. Paul
Bert n’avait pas pu suivre la discussion jus
qu’au bout puisqu’on Janvier 1886 il avait
accepté d’aller organiser l’administration fran
çaise au Tonkin en qualité de résident géné
ral.
YII
Le Pédagogue
La supériorité de Paul Bert sur Jules Ferry,
à mon sens, réside dans sa conception et dans
sa propagande en faveur de l a méthode péda
gogique à appliquer dans les écoles primaires.
U faudrait pouvoir reproduire les 21 discours
essentiels qu’il prononça sur cette question de
186G à 1880 et qui sont résumés dans.un ou
vrage malheureusement épuisé. Nous ne re
tiendrons de cet ensemble que sa conférence
prononcée au Cercle Franklin au Havre, le
21 Mars 1880. Il y traitait de l’éducation dans
une démocratie. Après avoir d’abord justifié
la nécessité de L’instruction, après avoir cité
les résistances et l’égoïsme des propriétaires
ruraux qui « jaloux de voir leurs colons ins
truits, s’opposent directement ou indirecte
ment, par adresse ou par ruse, et sous divers
prétextes, à ce que leurs enfants soient admis
gratuitement à l’école » ; après avoir souli
gné ce passage de l’Inspecteur des Basses-Py
rénées relatant cette critique répétée souvent
« que des hommes sortis du Peuple qui pré
tendent instruire les classes populaires, les ar
ment contre les riches », il explique quelles
sont les conséquences funestes de l’ignorance
et les calamités publiques qu’elles engendrent
Puis, i! justifia la nécessité de l’instruction
au point de vue politique :
« La Constitution pénètre jusqu’au fond dt
« la plus humble bourgade ; elle frappe sur
« l’épaule du paysan attaché à sa charrue et
« lui dit : « tir es le maître ; personne ne te
« commandera sinon toi-même, et l’enseir.ble
« de tes concitoyens qui penseront et agiront
a simultanément avec toi. Mais comme tes
« pensées et tes actions ne peuvent pas s’exer-
« ccr au sein des multitudes, tu délégueras
« momentanément ton droit à l’un de tes con-
« citoyens. Seulement prends bien garde au
(( choix que tu feras, car de ton vote dépen-
« dront la répartition des impôts que tu payes
« les conditions et le développement de la for-
« tun c . publique ; de ton vote dépendra l’ins-
« t met ion de ton enfant , sa vie peut-être, car
« si tu places mal ta confiance, elle pourra être
« risquée dans quelqu’une de ces guerres in-
« sensées et criminelles — et nous en avons
« vues — que ne justifient ni les intérêts ni
« l’honneur du Pays.
« N’est-il donc pas nécessaire que le paysan
« sache comment il doit user de son droit, et
« qu’il connaisse au sein de quelle société il
« vit. J’ai peur qu’ignorant et effaré, il ne se
« livre à quelques énergumènes et plus tard
a à quelque despote P »
Fn développant ces considérations, Paul
Bert pensait à un enseignement prolongé qui
ne serait pas limité à l’école primaire et pour
celle-ci entrevoyait surtout la préparation de
l’esprit, le développement des facultés, la for
mation du jugement.
Son programme scolaire était bien délimi
té :
« Serrons d’un peu plus près le problème,
« dit-il, et voyons ce que doivent apprendre à
« l’école, le futur citoyen et sa future corn
et pagne ? Oh ! chacun va s’écrier : « A lire
« et à écrire d’abord ». Sans doute, mais je
« me refuse à considérer la lecture et l’écritu-
« re comme des connaissances véritables. Ce
« sont des moyens d’acquérir des connaissan-
« ces ; c’cst, en quelque sorte un sens nou-
« veau donné à l’enfant et qui lui permettra
« d’apprendre quelque chose, mais voilà tout.
« Comme le disait spirituellement le phys’o-
« logiste anglais Huxley : « Enseigner à l’en-
« fant seulement la lecture et l’écriture, c’est
« absolument comme si on plaçait devant un
« affamé un couteau et une fourchette, sans
« rien mettre dans le plat ».
« Ne comptons donc pas la lecture et l’écri-
« ture non plus pour les mots, non plus que
« pour les nombres, et voyons quelles connais-
a sances vraies doivent être inscrites au pro-
« gramme.
a D’abord la langue, la langue nationale...
« Oui l’unité de langue est nécessaire pour
« que l’unité française, pour que la fraternité
« française ne soient pas de vains mots ; car on
« ne s’imagine pas les fils d’une même mère
« ne se comprenant pas et ne parlant pas la
« même langue ».
Paul Bert insiste alors sur ce qu’il consi
dère comme le fondement de l’enseignement
primaire, l’examen objectif des choses et l’ex
périmentation ; i] pense qu’il faut enseigner
de bonne heure les éléments des sciences natu
relles, physiques et mathématiques, mais pas
de sciences aux noms féroces et qui au pre
mier abord feront peut-être peur à l’enfant ;
il faut qu’il les apprenne et bien plus, il faut
qu’il s’amuse en les apprenant.
« Et cela est bien facile.
« Quand vous montrez à un petit enfant
« tles objets noirs, blancs, rouges, verts, et
« que vous lui dites de nommer ces couleurs,
« que faites-vous, sinon lui enseigner des élé-
« rrients de science naturelle ? Quand vous
« découpez sous ses yeux un rond et un carré
« de pnp:er, quand vous lui faites remarquer
« que le rond est circonscrit par une ligne
« courbe, tandis que le carré est délimité par
« des lignes sur lesquelles on vise, et que sé-
« parent des écartements appelés des angles ;
« quand vous repliez ensuite le carré de pa-
« pier de manière à former deux triangles se
« égaux, et que vous faites remarquer à l’en-
« fanl que les angles se superposent exacte-
« ment les uns sur les autres, et que les cô-
« tés du carré ont la même longueur ; qu’est-
« ce que vous avez fait alors, sinon de la géo-
« mrtr.e, et non de la moins difficile, puisque
« tout cela fait partie des deuxièmes et Iroi-
« sièmes livres Euclidiens ?
« Lorsque vous prenez un miroir, que vous
« recevez sur sa surface un rayon de soleil,
« si vous montrez à l’enfant — qui saisit cela
« très v.te et sait parfaitement s’en servir à
« 1 occasion — (on rit), qu’en faisant osciller
a le miroir il fait osciller le point lumineux,
« et qu’il peut à volonté le promener sur le
« mur ou faire cligner les yeux de son cama-
a rade, lorsque vous lui apprenez ainsi qu’il
« y a un lien entre l a façon dont est placé le
« miroir et la manière dont on fait mouvoir
« le point lumineux ; qu’est-ce cela sinon de
« la physique, car vous lui avez appris rien
« de moins que les lo‘s de la réflexion de la
« lumière.
« Quand vous mettez au fond d’un verre
« plein de vinaigre deux cailloux, dont l’un
« reste intact tandis qu- l’autre laisse échap-
« pez des gaz qui montent à la surface du li
quide en faisant de petites bulles, à la grande
VÊTEMENTS
S. ABUS
i8 t Rue Thiers
LE HAVRE
BIEN
le GRAND BAZAR MaisoDvendant
Ml HAVRE — 121. Rue de Péri* — LE HAVRE
■■■■■
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I
I»
V Cinquième Année. — N° 58
Ce Journal ne doit pas être vendu
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Septembre 1931
a
99
S. A . O. N« 3762
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Publicité: M. A. CANDELLIER
Ecole Rue des Etoupiéres - LE HAVRE
vTOTXZE^DSr-A-IH. MENSUEL
Rédaction : M. M. PIMONT
109, rue Massillon - LE HAVRE - Tél. 96.91
Adresse du Secrétaire Général de la Fédération ;
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i
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|\/|_ ROUSSEL, 5o, Rue Jules-Lecesne — LE HAVRE — Téléphone 60.18
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PAUL
(suite et fin)
Le Maître
Plus tard, en 1881, dans une combinaison
concernant la longueur des ondes lumineuses
et leur action chimique sur la chlorophylle,
Paul Bert trouvera que la région rouge du
spectre est bien celle qui possède à un plus
haut degré le pouvoir de déterminer la chlo
rophylle et de faire reverdir les plantes étio
lées. Il établit les lois des divers mouvements
des plantes, d e leurs mouvements de réveil et
de sommeil, de leurs mouvements de rotation
ou héliotropisme, de leurs accroissements en
longueur. A la suite de Linné, il enrichit ce
domaine scientifique de découvertes originales
et dans une note- à l’Académie des Sciences il
établit les conclusions théoriques qui sont 1a
suite de ses expériences relatives à l’action de
la lumière sur la vie végétale.
Il revient ensuite à Paris où on a créé pour
lui une chaire de physiologie comparée au
Muséum d'Histoire Naturelle. Secondé par
d’excellents préparateurs, il devient un des
Maîtres de la Science et consacré plus particu
lièrement ses leçons à la physiologie de la res
piration, ce qui constitue la plus grande part
de son oeuvre scientifique.
C’est alors qu’il entre dans la vie politique.
Il a 4o ans.
La formation de l’homme et du savant par
l’ardeur du conquérant sur la nature devait
le préparer à une conception toute originale
de la vie publique et c’est ce que nous allons
voir au chapitre suivant.
VI
Le Législateur
Claude Bernard avait dit antérieurement :
« Le rôle actif des sciences expérimentales
« ne s’arrête pas aux sciences physico-chimi-
« ques ou physiologiques, il s’étend jusqu’aux
« sciences historiques et morales. On a corn
et pris qu’il ne suffit pas de rester en specta-
« teur inerte du bien et du mal, en jouissant
« de l’un et en se préservant de l’autre. La
« morale moderne aspire à un rôle plus
« grand : elle veut, en un mot, dominer le
« bien et le mal, faire naître l’un et le dévê
te lopper, lutter avec l’autre pour l’extirper et
connaître la nature, il veut la maîtriser, il
manifeste en dehors de son laboratoire, dans
le domaine politique, et son développement
cérébral préparé par l’usage de la méthode ex
perimentale donne un sens tout spécial à son
activité.
Paul Bert réalisa comme son maître la jonc
tion du savant et du politique. Sous Napoléon
III, Claude Bernard était entré au Sénat ; son
élève se vit ouvrir par la 3 me République les
portes des Assemblées délibérantes.
Paul Bert pénétra à l’Assemblée Nationale
en 1872 comme député de l’Yonne. Il a confié
dans des manuscrits inédits que conserve reli
gieusement s a fille, Mme Clayton-Bert, les rai
sons pour lesquelles il entra dans la vie pu
blique :
u Un grand mouvement s’opère de nos
« jours dans l’esprit de la jeunesse sérieuse.
« Nos pères ont beaucoup lutté pour la grande
« querelle politique. Ils ont heurté dynasties
« contre république ; les prisons se sont rem-
« plies, les exilés ont pleuré, le sang a coulé
« à grands flots; aucun parti n’a triomphé, ca r
« il n’y a pas de triomphe là où la lutte dure
« encore. Nous, qui axons vu les athlètes épui-
« sés par les années et courber la tête sous ie
« joug, nous avons la haine de ces combats
« terribles. Ne sont-ce pas des combats de frè
te res ? Ne sommes-nous pas tous frères ? par
« le dévouement, l’honneur, l’amour, nous
« tous qui voulons la liberté sans excès, le
B. riELLET
Photographe des Dames
et des Enfants
110 bis à 114, rue de Normandie
Remise de 5 o/o aux Membres de
VEnseignement et aux Amicalistes.
« pouvoir sans despotisme et le progrès avec
« prudence. Qu’importent les moyens, s’ils sont,
u dociles et servent à fabriquer le grand Œu-
« vre. De quelque nom qu’on les appelle, ceux
« qui espèrent en l’avenir se tendent la main
« et serrent Leurs rangs. Ce sont des mots qui
u les séparent ; ils voient la même chose sous
« des points de vue différents ; en avant ! La
« forme politique n’est rien, c’est un vête-
« ment, l’idée sociale est tout : instruction,
« moralisation, bien-être, voilà le programme.
« Que chacun fasse le sacrifice de ses préju-
« gés, de ses espérances égoïstes ; que l’idée
« politique, étroite et dangereuse disparaisse et
« laisse le champ libre aux hommes de bonne
« volonté ».
Au Parlement la place de Paul Bert fut tout
de suite marquée au premier rang de ceux qui
voulaient travailler à la régénération de [a
France meurtrie par la défaite de la guerre et
qui n’avaient confiance que dans une refonte
complète de notre éducation nationale.
Un projet de loi sur l’instruction primaire
obligatoire avait été présenté par Jules Simon
alors ministre de l’Instruction publique le i5
Décembre 1871. C e projet, renvoyé à l’examen
d’une Commission, n’avait pas abouti ; la
commission s’était prononcée contre le prin
cipe. Paul Bert qui faisait partie de la mino
rité républicaine n’avait pu triompher du mau
vais vouloir d’un parti qui invoquait contre
l’obligation le respect de la liberté du pèr e de
famille. En 1872, ce même parti voulut, tou
jours au nom de la Liberté, assurer à l’Eglise
une position privilégiée sur lei terrain de l’en
seignement supérieur et la faire participer
conjointement avec l’Etat à la collation des
grades. Paul Bert présenta en Janvier 1873 un
contre-projet qu’il développa à l a séance du
i4 Janvier.
Parlant de la composition du Conseil Supé
rieur, il dit notamment : « Il y a un grand,
intérêt à ce que nous fassions de bonnes finan
ces, une bonne Marine, une Armée bien orga
nisée et nous avons des Conseils Supérieurs
pou r chacun de ces Ministères, mais y a-t-on
mis des membres appartenant à l’enseigne
ment public P Non. Pourquoi cette différence
dans le projet qui nous est soumis ; ici par
donnez-moi ma franchise, c’est que tout le
monde comprend que, pour parler guerre, fi
nances, marine, il faut avoir des connaissances
spéc aies ; tandis que, permettez-moi cette com
paraison, il n’en est pas de l’Instruction pu
blique comme de la médecine et de la politi
que, parce que tout le monde s’en sert et en
a besoin, tout le monde s’v croit compétent
et se croit apte à émettre un avis autorisé.
C’est pour cette raison et non pour une autre
qu’on y a introduit (au Conseil Supérieur) des
hommes qui n’ont pas passé leur vie dans l’é
tude des questions, qui ne. vivent pas dans le
problème, qui ne sont pas imbus profondé
ment du sentiment de réforme, et qui, quand
même ils auraient ce sentiment, seraient sou
vent fort embarrassés de savoir comment il
faudrait s’v prendre pour les réaliser.
« Cela tient à ce que la pédagogie est chose
à peu près inconnue en France ».
Et comme cette dernière phrase avait pro
voqué de vives exclamations sur les bancs de
la majorité, Paul Bert répliqua avec vigueur :
« Voyez, ce mot seul suscite des exclama
« tions. comme s’il avait quelque chose de
« ridicule et comme si la pédagogie était né-
« cessairemenl une science abstraite, sèche, fa-
« tiganle et réservée à quelques gens trot
« tés d’algèbre et de latin.
« La pédagogie, Messieurs, dans les pays où
« l’enseignement public a la part qui lui con-
« vient, est un c des seiences les plus cultivées,
les plus importantes. On sait le temps qu’il
« faut pour l’apprendre ; et alors on ne voit
« pas comme en France, ce qui est l’étonne-
« ment des gens qui, ayant passé ‘leur vie à
« apprendre quelque chose, savent en même
« temps ce que c’est qu'ignorer, chacun se
« croire apte à déterminer les règlements uni-
« versitaires ».
L’Assemblée Nationale passa outre les ob
jections de Paul Bert et vola la loi du 25 Mars
1873, mais le représentant de l’Yonne eut la
satisfaction en 1879 de voir le Conseil Supé
rieur réformé selon les règles qu’il avait in
diquées (Voir à ce sujet les notes sur Jules
Ferry).
Quand la Chambre des Députés succéda à
l’Assemblée Nationale, Paul Bert délégué de
nouveau par ses concitoyens trouva une majo
rité républicaine disposée à marcher de l’a
vant. Dès le 20 Mars 187.3, il présenta une pro
position de loi modifiant les conditions du re
crutement et du fonctionnement des Institu
teurs et des Institutrices, mais c’est seulement
en 1880, à la séance du 25 Mai, qu’il soutint
contre un amendement présenté par Boyer la
nécessité de supprimer la lettre d’obédience
qui avait équivalence des titres d.e capacité. La
lutte fut difficile mais Paul Bert écrasa ses
adversaires par lo commentaire d’un rapport
d’ensemble en conclusion d’une enquête faite
par les Inspecteurs. Tout d’abord il démontra
que sur 89 rapports 78 étaient défavorables
au maintien de ce privilège dont bénéficiaient
les congréganistes. Et puis il lut quelques-uns
de ces rapports. Celui des Hautes-Alpes disait :
« Les frères de la doctrine chrétienne envoient
dans une commune plusieurs sujets dont le
chef seul est breveté, mais on remarque pres
que toujours chez les autres la plus grande
ignorance, sans compter que celui qui est bre
veté n’enseigne pas lui-même ».
Celui de l’Ardèche avait une phrase un peu
plus vive : « On voit des maîtresses qui au
raient besoin d’aller à l’école au lieu de la
faire ».
Celui de-l’Aube : « Leurs classés sont d’une
infériorité frappante, on le comprend : les
bonnes sœurs, qui étaient hier occupées aux
travaux de l’agriculture, sont transformées en
institutrices sans aucune préparation sérieu
se ».
Dans les Bouches-du-Rhône : « Les lettres
d’obédience sont, en effet, devenues un gage dé
savoir plus que douteux ; elles sont quelque
fois accordées à des personnes qui ont peine à
signer leur nom, et chose certaine, c’est que
les neuf-dixièmes des institutrices munies de
la lettre d’obédience échoueraient aux épreu
ves du brevet sur la composition d’orthogra
phe ».
Voici maintenant le r „-port, de. l’Inspecteur
d’Eure-et-Loir : « Quelques-unes des religieu
ses qui ont été m'scs à la tête des établisse
ments publics ou libres ne possèdent qu’une
instruction très imparfaite. Elles font tenir
leurs écoles par une adjointe. Ainsi, par une
étrange bizarrerie, le titre appartient à l’une,
la capacité, peut-être encore douteuse, appar
tint à l’autre. D’autres ont reparu, au bout
d’un peu de temps, dans la même localité et
sous un costume différent de celui qu’on leur
avait vu quand elles quittaient leur 'village.
Elles partaient simples ouvrières ou employées
dans la ferme ; elle revenaient religieuses et
institutrices. On ne fait pas impunément vio
lence au bon sens ».
Celui de la Haute-Garonne est encore plus
explicite : « Impatientes d’occuper le plus de
terrain possible, les congrégations manquant
de sujets, enrôlèrent à la hâte des jeunes filles
do la campagne, des couturières, des servan
tes ; et, après les avoir façonnées tant bien
que mal, elles les déléguèrent par lettres d’obé
dience pour enseigner ce qu’elles ne savaient
pas. Aussi, dans plusieurs communes, et à la
tête des classes nombreuses, trouve-t-on des
institutrices sachant à peine lire ».
L’inspecteur du Loiret indique une coutume
foit curieuse et qui n’est pas malheureusement
spéciale à ce dépaitement; il reconnaît qu’un
certain non bre d institutrices, de religieuses
congréganistes arrivent à un degré d’instruc
tion convenable et, dit-il « elles fournissent
aux écoles des sujets d’un mérite assez distin
gué. Mais voici ce qui arrive le plus souvent:
ces sujets distingués sont tenus en réserve
pour fournir à ces écoles-là surtout où les sym
pathies des populations sont incertaines ; ou
bien, lorsqu’il s’agit di’établir une concurrence
et de ruiner un établissement rival. Une fois
sûr du sujet et en possession de la confiance
publique, on rappelle la religieuse à laquelle
est dû ce résultat et on la remplace le plus
souvent par un sujet d’une grande médiocri
té ».
L’inspecteur d’Académie de la Manche dit :
« Des jeunes filles insuffisamment instruites
pour être admises aux écoles normales, n’ayant
pas assez de capacités ou de ressources pour
obtenir un brevet, se font religieuses et ne
tardent pas à obtenir des lettres d’obédience
tenant lieu de brevet ».
L’inspecteur de la Marne s'exprime ainsi :
« Mais il s’en faut que les institutrices con
gréganistes aient la même valeur intellec
tuelle que les laïques et que leur enseigne
ment soit aussi solide. Et si la lettre d’obé
dience est impuissante à communiquer l’ins
truction et les mérites pédagogiques à celle
qui la reçoit, si cette impuissance se trahit
dans les écoles importantes où les congréga
nistes envoient et ont intérêt à placer leurs
sujets les plus capables, que doit-on penser de
l’état des communes rurales, à la tête des
quelles elles mettent les plus faibles P Obéis
sance n’engendrera seule l’intelligence.
Paul Bert continua ainsi la série de ces ci
tations en insistant plus particulièrement en
suite sur l’examen des ouvrages employés
dans les établissements congréganistes. A ce
sujet on pourra consulter une brochure édi
tée par la librairie Kahn intitulée : « Le Clé
ricalisme et VEcole »* dans le compte-rendu
d’une Conférence faite au Cirque d’Hiver sur
les Manuels Scolaires Congréganistes (28 Août
1881).
Il nous faudrait plusieurs pages pour racon
ter par le détail les succès de Paul Bert sur
ses trois projets : le brevet de capacité (dépo
sé le 20 Mai 1879), celui de la gratuité et de
l’obligation (20 Janvier 1880). Ces projets
sont devenus les lois du 16 juin 1881 sur les
titres de capacité, du 16 juin 1881 aussi sur la
gratuité et du 28 Mars 1882 sur l’obligation.
Pour cette dernière, la * Commission avait
ajouté au projet du Ministre la laïcité des
programmes.
N’oublions pas la part prise par Paul Bert
à la discussion de la loi Camille Sée sur l’en
seignement secondaire de jeunes filles ; ce fut
lui qui fit adopter par la Chambre à la séan
ce du 20 Janvier 1880 une disposition portant
que des internats pourraient être annexés aux
établissements secondaires qu’il s’agissait de
créer.
Mais Paul Bert n c se contentait pas de la
tribune parlementaire ni des discussions en
commissions. Avec un zèle d’apôtre il donnait
des conférences partout, il écrivait en polé
miste et en propagandiste. L’un d c ses plus
émouvants discours est celui qu’il prononça
dans un banquet que lui offrit le 18 Septem
bre 1881 une délégation d’instituteurs venant
de 60 départements ; il y développa la thèse
de Ferry sur la collaboration.
Quand le M nistère présidé par Gambetta fut
constitué, le i4 Novembre 1881, Paul Bert y
reçut le portefeuille de l’Instruction publique;
il n’y resta que trois mois à peine et n’eut pas
le temps d’attacher son nom à des réformes
importantes.
Mais après la retraite du Cabinet du i4 No
vembre, il revint devant la Chambre le 7 Fé
vrier 1882 comme député, présentant une nou
velle proposition de loi sur les traitements et
l’organisation de l’enseignement ; de 1882 à
;S8C) les débats passionnés aboutirent à la fa
meuse loi du 3o Octobre 1886 qui est la charte
de l’enseignement primaire en France. Paul
Bert n’avait pas pu suivre la discussion jus
qu’au bout puisqu’on Janvier 1886 il avait
accepté d’aller organiser l’administration fran
çaise au Tonkin en qualité de résident géné
ral.
YII
Le Pédagogue
La supériorité de Paul Bert sur Jules Ferry,
à mon sens, réside dans sa conception et dans
sa propagande en faveur de l a méthode péda
gogique à appliquer dans les écoles primaires.
U faudrait pouvoir reproduire les 21 discours
essentiels qu’il prononça sur cette question de
186G à 1880 et qui sont résumés dans.un ou
vrage malheureusement épuisé. Nous ne re
tiendrons de cet ensemble que sa conférence
prononcée au Cercle Franklin au Havre, le
21 Mars 1880. Il y traitait de l’éducation dans
une démocratie. Après avoir d’abord justifié
la nécessité de L’instruction, après avoir cité
les résistances et l’égoïsme des propriétaires
ruraux qui « jaloux de voir leurs colons ins
truits, s’opposent directement ou indirecte
ment, par adresse ou par ruse, et sous divers
prétextes, à ce que leurs enfants soient admis
gratuitement à l’école » ; après avoir souli
gné ce passage de l’Inspecteur des Basses-Py
rénées relatant cette critique répétée souvent
« que des hommes sortis du Peuple qui pré
tendent instruire les classes populaires, les ar
ment contre les riches », il explique quelles
sont les conséquences funestes de l’ignorance
et les calamités publiques qu’elles engendrent
Puis, i! justifia la nécessité de l’instruction
au point de vue politique :
« La Constitution pénètre jusqu’au fond dt
« la plus humble bourgade ; elle frappe sur
« l’épaule du paysan attaché à sa charrue et
« lui dit : « tir es le maître ; personne ne te
« commandera sinon toi-même, et l’enseir.ble
« de tes concitoyens qui penseront et agiront
a simultanément avec toi. Mais comme tes
« pensées et tes actions ne peuvent pas s’exer-
« ccr au sein des multitudes, tu délégueras
« momentanément ton droit à l’un de tes con-
« citoyens. Seulement prends bien garde au
(( choix que tu feras, car de ton vote dépen-
« dront la répartition des impôts que tu payes
« les conditions et le développement de la for-
« tun c . publique ; de ton vote dépendra l’ins-
« t met ion de ton enfant , sa vie peut-être, car
« si tu places mal ta confiance, elle pourra être
« risquée dans quelqu’une de ces guerres in-
« sensées et criminelles — et nous en avons
« vues — que ne justifient ni les intérêts ni
« l’honneur du Pays.
« N’est-il donc pas nécessaire que le paysan
« sache comment il doit user de son droit, et
« qu’il connaisse au sein de quelle société il
« vit. J’ai peur qu’ignorant et effaré, il ne se
« livre à quelques énergumènes et plus tard
a à quelque despote P »
Fn développant ces considérations, Paul
Bert pensait à un enseignement prolongé qui
ne serait pas limité à l’école primaire et pour
celle-ci entrevoyait surtout la préparation de
l’esprit, le développement des facultés, la for
mation du jugement.
Son programme scolaire était bien délimi
té :
« Serrons d’un peu plus près le problème,
« dit-il, et voyons ce que doivent apprendre à
« l’école, le futur citoyen et sa future corn
et pagne ? Oh ! chacun va s’écrier : « A lire
« et à écrire d’abord ». Sans doute, mais je
« me refuse à considérer la lecture et l’écritu-
« re comme des connaissances véritables. Ce
« sont des moyens d’acquérir des connaissan-
« ces ; c’cst, en quelque sorte un sens nou-
« veau donné à l’enfant et qui lui permettra
« d’apprendre quelque chose, mais voilà tout.
« Comme le disait spirituellement le phys’o-
« logiste anglais Huxley : « Enseigner à l’en-
« fant seulement la lecture et l’écriture, c’est
« absolument comme si on plaçait devant un
« affamé un couteau et une fourchette, sans
« rien mettre dans le plat ».
« Ne comptons donc pas la lecture et l’écri-
« ture non plus pour les mots, non plus que
« pour les nombres, et voyons quelles connais-
a sances vraies doivent être inscrites au pro-
« gramme.
a D’abord la langue, la langue nationale...
« Oui l’unité de langue est nécessaire pour
« que l’unité française, pour que la fraternité
« française ne soient pas de vains mots ; car on
« ne s’imagine pas les fils d’une même mère
« ne se comprenant pas et ne parlant pas la
« même langue ».
Paul Bert insiste alors sur ce qu’il consi
dère comme le fondement de l’enseignement
primaire, l’examen objectif des choses et l’ex
périmentation ; i] pense qu’il faut enseigner
de bonne heure les éléments des sciences natu
relles, physiques et mathématiques, mais pas
de sciences aux noms féroces et qui au pre
mier abord feront peut-être peur à l’enfant ;
il faut qu’il les apprenne et bien plus, il faut
qu’il s’amuse en les apprenant.
« Et cela est bien facile.
« Quand vous montrez à un petit enfant
« tles objets noirs, blancs, rouges, verts, et
« que vous lui dites de nommer ces couleurs,
« que faites-vous, sinon lui enseigner des élé-
« rrients de science naturelle ? Quand vous
« découpez sous ses yeux un rond et un carré
« de pnp:er, quand vous lui faites remarquer
« que le rond est circonscrit par une ligne
« courbe, tandis que le carré est délimité par
« des lignes sur lesquelles on vise, et que sé-
« parent des écartements appelés des angles ;
« quand vous repliez ensuite le carré de pa-
« pier de manière à former deux triangles se
« égaux, et que vous faites remarquer à l’en-
« fanl que les angles se superposent exacte-
« ment les uns sur les autres, et que les cô-
« tés du carré ont la même longueur ; qu’est-
« ce que vous avez fait alors, sinon de la géo-
« mrtr.e, et non de la moins difficile, puisque
« tout cela fait partie des deuxièmes et Iroi-
« sièmes livres Euclidiens ?
« Lorsque vous prenez un miroir, que vous
« recevez sur sa surface un rayon de soleil,
« si vous montrez à l’enfant — qui saisit cela
« très v.te et sait parfaitement s’en servir à
« 1 occasion — (on rit), qu’en faisant osciller
a le miroir il fait osciller le point lumineux,
« et qu’il peut à volonté le promener sur le
« mur ou faire cligner les yeux de son cama-
a rade, lorsque vous lui apprenez ainsi qu’il
« y a un lien entre l a façon dont est placé le
« miroir et la manière dont on fait mouvoir
« le point lumineux ; qu’est-ce cela sinon de
« la physique, car vous lui avez appris rien
« de moins que les lo‘s de la réflexion de la
« lumière.
« Quand vous mettez au fond d’un verre
« plein de vinaigre deux cailloux, dont l’un
« reste intact tandis qu- l’autre laisse échap-
« pez des gaz qui montent à la surface du li
quide en faisant de petites bulles, à la grande
VÊTEMENTS
S. ABUS
i8 t Rue Thiers
LE HAVRE
BIEN
le GRAND BAZAR MaisoDvendant
Ml HAVRE — 121. Rue de Péri* — LE HAVRE
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