Titre : Revue du Havre et de la Seine-Inférieure : marine, commerce, agriculture, horticulture, histoire, sciences, littérature, beaux-arts, voyages, mémoires, mœurs, romans, nouvelles, feuilletons, tribunaux, théâtres, modes
Éditeur : [s.n.] (Havre)
Date d'édition : 1846-10-25
Contributeur : Morlent, Joseph (1793-1861). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32859149v
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 25 octobre 1846 25 octobre 1846
Description : 1846/10/25. 1846/10/25.
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
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Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque municipale du Havre, Y2-123
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 28/05/2014
les füsëües mmmvs.
Lorsque les deux frères en furent venus au même point, ils firent,
chacun de son côté, une réflexion qui ajouta à leur trouble et les remplit
d’anxiété. Malgré la simplicité do leur Ame, la rusticité do leur vie ot
leur profonde ignorance des choses du monde, i's avaient tous deux, et
dans la proportion de la déiicatesee de leur esprit, compris qu’un abî
me les séparait de leur cousine. Ce n’était pas tout d'aimer Henriette ,
il fallait s’en faire aimer. Or, le moyen de plaire à cette jeune tille ,
si gracieuse dans son langage , si élégante dans ses manières et habi
tue- ■ aux formes charmantes dont ils avaient éprouvé la séduction! 11 no
s’agissait plus, comme pour enlever le cœur de Catherine et de Dorothée,
d’assommer un bœuf d'un coup de poing ou do traverser à cent pas une
pomme avec une seule balle dans un fusil. Leur parente avait sans doute
une profonde vénération pour une force ot une adresse généralement re
connues, mais probablement aussi sa sympathie était promise à des qua
rtés d’un ordre tout différent. Plus d’une fois, pour sortir do leur cruel
embarras, ils furent tentés de s’ouvrir l’un à l’autre; mais la honte in
vincible qui les avait retenus jusque-là les en empêcha toujours. Ils
avaient du temps devant eux pour se préparer; Henriette devait être ab
sente près d’un mois ; ils continuèrent donc do chercher séparément cl do
se creuser le cerveau pour découvrir le côté par lequel ils pouvaient se
donner un point de ressemblance avec les messieurs parmi lesquels Hen
riette avait vécu. Soutenus par l'espérance, qui ne meurt jamais au cœur
desamoureux,ils ne sedécouragèrentpas et firent travailler leur esprit sans
relâche. Enfin, après bien des projets adoptés, puis rejetés, des plans
aussitôt dédaignés que conçus, Pierre d’abord crut avoir mis la main sur
une excellente idée Un malin, enchanté do la combinaison à laquelle il
s’est arrêté dans la nuit, il se lève, déjeune rapidement, fait seller son
bidet, et, prétextant je ne sais quelle spéculation à préparer, part in
continent pour Lizieux.
Arrivé à la ville , le Normand laisse son cheval dans une -auberge et
dirige ses pas vers la boutique d’une marchande papetière, Mme Agatho
Thibouvillo. Outre son commerce principal, Mme Thibouville exerçait
une industrie moins matérielle et positive , elle tenait un cabinet do lec
ture, et cela avec grand plaisir et profit pour son imagination, car si,
quand elle vendait, elle était la marchande la plus friponne qui fut do
Falaise à Ronfleur , elle n’en demeurait pas moins, lorsqu’elle lisait , le
cœur le plus passionné et l’admiratrice la plus fanatique de la littérature
échevelée de cette époque.
Comme depuis sa sortie des mains du curé de Saint-Bonneins, Pierre
avait acheté ia seule main do papier qu’il eût usée chez Mme Tliibou-
ville, cette femme était une ancienne connaissance, et il n’éprouva pas
pour entrer chez elle autant d’embarras que le but de sa démarche
pourrait le faire supposer. Mme Agathe, assise dans son comptoir, la
fête appuyée sur une main, dévorait les derniers feuillets d’un roman
furibond que la presse parisienne venait de lancer dans le monde; si bien
hue Pierre eut le temps de prendre une chaise, de s’asseoir et de passer
son bâton entre scs jambes avant que la liseuse s’aperçût de sa pré
sence. Au bruit qu’il lit avec sa chaise, Mme Thibouville lova enfin les
yeux. En tombant des hauteurs poétiques où la maintenait son livre,
sur la forme materielle de notre ami, elle fit une grimace semblable à
celle d’un gourmet, qui trompé par la couleur ot croyant se parfumer
avec une délicate et aristocratique liqueur des iles, sentirait son palais
tbrûlé par le grossier genièvre flamand. Mais, ainsi que nous le savons,
Mme Agatho, avec sa passion pour le romantique, conciliait parfaitement
les nécessités de sa position. Elle venait d’ailleurs de reconnaître dans
l’individu qui la regardait timidement et en silence un homme qui pos
sédail une énorme quantité d’arpons de terre en herbages, ot, quoiqu’i
fût peut-être sa plus mauvaise pratique, elle subissait l’influence qui suit
toujours la richesse. Elle commanda donc à sa voix son accent le plus
caressant, à ses lèvres ’our plus aimable sourire, et elle s’écria :
— M. Gachelu, do Viévillo ! C’est un miracle de vous voir. .Te disais
l’autre jour : Qu’ai-je donc fait à M. Gachelu de Viéville que je n’aper
çois plus le bout de son bâton?... Donnez-vous la peine do vo..s asseoir.
Ah! que je suis bête... vous avez une chaise... Vous vous portez bien,
monsieur Gachelu?
— Très bien, madame, répond Pierre, enchanté du flux de paroles de la
papetière, qui lui donne le temps de se remettre.
— El M. votre frère, toujours gui et jovial! La dernière fois que je me
suis trouvée avec lui, il y a un an peut-être, le temps passe si vite! Il
m’en a conté do si drôles, que j’ai été obligée de lui dire : finissez, M.
Jean, je sens déjà mon point de côté et vous me feriez tomber en syn
cope !... ali ! on rencontre des êtres bien aimables!..-
C’est un bon garçon en effet.
Quant à Mlle Margot, jo ne vous en demande point de nouvelles. J’en
ai eu récemment par un de vos pays, Jacques Ledru, qui tient votre
moulin de Viéville. Vous avez là un sujet bien essentiel, M. Gachelu.
C’est dévoué, ça ne connaît quo les intérêts de ses maîtres, ça se ferait
hacher les doigts plutôt que do s’en servir à mal faire. Aujourd’hui les
bons domestiques sont plus rares que les banqueroutes, et une pareille
fille est un trésor dans une maison.
— Oui, oui, elle va bien quand elle n’est point de mauvaise humeur.
— Que voulez-vous ? chacun a ses petits défauts ; il faut s’en passer
un peu, autrement, mon Dieu ! la vie serait insupportable, et c’est bien
assez do l’enfer en perspective... A propos, monsieur Gachelu, vous dé
sirez une main de papier, sans doute ?
— Non, madame, répond Pierre, tressaillant à ces mots qui lui rap
pellent qu’il faut enfin en venir au sujet de sa visite.
— Un paquet de plumes, peut-être ?
— Non.
— Ah! de l’encre?
— Non.
— Un carnet! un registre?... J’y suis : un calendrier?
— Non.
— Ah! c'a , est-ce que ce sauvage d’éleveur a la prétention de me
vendre le bœuf gras? pensa Mme Thibouville, désappointée.
— Je voudrais lire..., reprend Pierre d’un air confus et embarrassé.
— Vraiment ! s’écrie la papetière en la regardant avec des yeux où se
peint le plus profond étonnement.
— Je voudrais lire , répète l’aîné des Gachelu , et des histoires amu
santes. En avez-vous dans votre boutique ! poursuit-il en indiquant du
doigt les rayons qui supportaient un notable échantillon des produits du
génie contemporain.
— Assurément, répond la marchande en retirant successivement plu
sieurs volumes, pour los montrer à sa pratique. Et tous romans de pre
mier choix, ce qu’il y a de mieux enfin. C’est comme ma cire à cache-
lcr, mes crayons et mes plumes d’oie ; je fais payer un peu cher, mais
c’est du bon.
— Et dans ces histoires, dit Pierre en baissant les yeux, parle-t-on
d’amour ?
— Si on parle d’amour ? répond Mme Thibouville avec une voix do
colombe qui roucoule; et de quoi y parlerait-on ? Figurez-vous donc, M.
Gachelu, quo tous mes livres roulent là-dessus : c’est le seul article qui
soit demandé dans le commerce.
— D’amour entre dos messieurs et des belles dames, des comtes, des
marquises, continue Pierre on rougissant.
— Comme ça se trouve 1 voilà dix volumes où le moins cossu des
amoureux est un grand-duc!
— Un amour gentil, pur, honnête ..
— Ah 1 pour les amours honnêtes, c’est bien plat, fort usé, oti n’en
fait presque plus. Que voulez-vous, monsieur Gachelu ? le public en est
las ; il demande des adultères, des viols, dos incoslC3 ; il en veut encore,
il en veut toujours, et ca me rapporte!... Tenez, voyez co livre, il est
gras et en lambeaux : c’est que tout le monde so l’arrache, et ce n’est
pas étonnant, nous ne pouvons rien trouver déplus révoltant.
— Un autre, alors, madame, dit Pierre en repoussant le volume qu’on
lui présente.
— Eh bien, celui-ci 1 11 ne s’agit que d’un petit adultère. Ma voisine
la mercière l’a dévoré, elle en est fanatique, elle ne parle que do cela
depuis huit jours. Peut-être ça vous revicndra-l-il aussi ! ,
. — Je ne veux pas de cette abomination ! s’écrie le Normand en re
niant et avec un naïf accent d’indignation.
— C’est pourtant bien intéressant, monsieur Gachelu. Mais je le vois,
il vous faut absolument co qu’il y a do plus doux. Or, comme vous no
tenez pas à la nouveauté,dans mes vieux livres je trouverai quelque chose
que vous pourrez lire sans rougir.
Et eu elfet, Mme Thibouville présenta à notre ami plusieurs volumes
qui, suivant elle, offraient des tableaux tout à fait en harmonie avec les
goûts elles désirs manifestés par son client. Muni de sa précieuse em
plette, celui-ci sertit de la boutique de la papetière et reprit soudain le
chemin do la métairie. Dès son retour, il s’enferma dans sa chambre et
se mit sur-le-champ au travail difficile, point de départ de son voyage à
la découverte d’un monde dont il s’était peu soucié jusqu’alors, et dont
à présent il voulait apprendre les mœurs otle langage.
Mais sa lâche se trouva plus pénible qu’il ne le supposait. Habitué à
faire uno honnête dépense de ses forces physiques, il résistait gaillarde
ment à une longue et rude fatigue du corps. Ici les muscles n’étaient
d’aucun secours, et l’intelligence seule devait se charger do toute la be
sogne. Or, si l’esprit de l’aîné des Gachelu ne manquait ni de justesse ni
d’une certaine force, it aimait à l’exercer à l’aise et à son heure. L’habi
tude du loisir en avait d’ailleurs quelque pou rouillé les ressorts, et il ne
fallait rien moins que l’aiguillon d’une violente passion pour lui faire en
visager sans effroi l’application d'une lecture longue ot suivie. Le premier
jour,en effet, qu’enfermé dans sa chambre, il se vit face à face avec un
des volumes de Mme Thibouville, il ne put aller au-delà de la cinquiè
me page. Lorsqu’il fut arrivé là, les ligne prirent des formes bizarres.
Elles s'allongeaient, se recourbaient, se tordaient et sautillaient d’une
façon étrange; le tout se couvrit ensuite d'un voile léger, puis enfin
disparut derrière un brouillard opaque qui semblait s’élever du sein de
l’œuvre. Alors Pierre , qui luttait toujours, éprouva des éblouissemens
et son front lui parut serré comme dans un étau. Un bruit pareil tantôt à
celui d’un torrent qui roule, tantôt au sifflement aigu du vent, retentit
dans ses oreilles. Il s’arrêta, se leva brusquement, fil quelques pas en
chancelant comme un homme ivre, et revint tomber épuisé sur un
fauteuil. Mais l’amour le stimulait, il ne se découragea point; lo
lendemain , il se remit à l’œuvre; il lut quelques feuillets de plus; c'é
tait presque une victoire, car celte fois, il n’eut que lu migraine. Enfin ,
les jours suivans, il reprit le volume avec un nouvel acharnement, lut
avec une attention désespérée, et fil si bien qu’a près une quinzaine d’uu
travail persévérant il arriva à la dernière page.
_ Cependant une réflexion qu’il fil alors empoisonna la joie de son suc
cès. li lui fallait au moins, so dit-il, lire quelques douzaines des livres do
Mme ôg allie Thibouvillo avant d'être parvenu à son but; or, à quinze
jours por tome, cola lo menait tout droit à six mois do l’époque où il
commencerait sa rude besogne. Au chemin quo l’amour faisait dans son
cœur, aurait-il le pouvoir d’attendre jusque la sans se déclarer! Pourrait-
il dissimuler son trouble et son agitation croissant à chaque heure, jus
qu’au moment où il se croirait assez savant pour avouer son secret ayec
quelque chance !
Mais avant de poursuivre notre récit en co qui touche cet étal do per
plexité de l’aîné des Gachelu, nous allons voir, si le lecteur y consent,
comment, un pou plus tard, notre ami Jeun, do son côté, ôtait également
parvenu à arrêter un plan qui, suivant lui, devait infailliblement lui
procurer la conquête de sa cousine.
C’était aûssi à Lisieux que Jean s’était rendu secrètement pour discu
ter son projet. Afin do so forlifir lo cœur et faire cesser toute irritation,
il commence par consommer trois petits pots d’eau-do-vie, et sans se
donner le temps do reprendre haleine, il se dirige vers la grande rue, la
rue merchande do la ville. Alors il prend le milieu de la chaussée et
marche gravement, lisant à droite et à gauche los enseignds qui déco
rent le sommet des boutiques. Parvenu devant uno maison d’assez belle
apparence et sur la façade de laquelle on peut lire :
Au dernier Goût, Dufour, marchand tailleur.
Il s’arrête court, il jeite un regard timide et inquiet sur ceux qui
cheminent autour de lui, on dirait qu’il craint un témoin de la démar
che qu’il va accomplir non sans répugnance. Il s’avance pourtant dans
lu direction de la boutique, mais après deux ou trois pas, il hésito do
nouveau , se trouble de plus en plus, et honteux, perdant contenance, il
fait un demi-tour et bat en retraite dans un café voisin. Une seconde con-
sommation de petits pôts d’eau-de-vio finit toutefois p;u- rappeler son
courage. Il sort du cale, et sans regarder derrière lui, il traverse la rue
précipitamment et d’un air déterminé, tourno audacieusement le bou
ton do la porte du tailleur, et sans se donner le temps do la réflexion et
quoique encore essoufflé do sa course, il demande do sa formidable voix
do basse-taille : — Est-ce ici M. Dufour?
Près d’une table sur laquelle travaillaient plusieurs ouvriers, se te
nait un homme de taille petite et grêle, habillé avec une prétention, uno
recherche qui répondaient parfaitement à la renommée, dont il jouissait
dans la ville. C’était M. Dufour. A la voix de Jean, M. Dufour so retour
ne, lo toisa des pieds à la tête, et d’un air ironique, inspiré sans doute
par le costume peu fasliionable et lo bâton à lanière de cuir de notre hé
ros, il répond :
— C’est moi, mon cher. Qu’y a-t-il pour votre service?
En se voyant dans la nécessité de formuler sur-le-champ le motif de
sa visite , Jean se troubla encore une fois. 11 regarda le plafond , puis
frappa le plancher de sa canne, puis enfin trouva ces mots a balbutier :
— Je voudrais acheter un habit et tout ce qui s’en suit.
Confirmé dans son opinion sur son nouveau client par ces paroles , le
tailleur reprend d’un ton toujours très leste et railleur :
— Mais, mon ami, je ne vends pas d’habits tout faits. Au reste, à qui
ai-je l’honneur do parler?
— Je suis Jean Gachelu, du hameau de Viéville, près Saint-Bonneins,
répond le Normand, trop préoccupé do lui-même pour remarquer les for
mes cavalières do M. Dufour.
A ce nom bien connu pour celui d’un dos plus riches propriétaires-
éleveurs du pays d’Auge, le marchand modifie subitement ses manières.
Il s’incline profondément, offre un fauteuil à Jean, ot trouvej alors une
petite voix mielleuse et flutée pour lui dire :
— Ali ! monsieur, combien jo suis flatté do votre confiance. Croyez
que je saurai m’en rendre digne, et veuillez m’excuser si je ne vous ai
pas d’abord reçu comme il vous appartient.
— Je voudrais que vous me vendissiez un habit, répôto Jean impa
tienté maintenani des obséquieuses façons de M. Dufour, car il est pressé
d’en finir.
— Avec grand plaisir, monsieur, et comme vous vous expliquez avec
une clarté parfaite, nous nous entendrons supérieurement. Ah ça, vous
comprenez que ma réputation m’empêche du livrer dos habits tout faits.
Mais d’ici à moins de huit jours, je puis vous habiller des pieds à la tête,
et j’espère que vous serez assez bon pour attendre jusque-là.
— Diable I dit Jean désappointé, mais encore trop intimidité pour con
tester, il ajoute bientôt: J’attendrai, puisqu’il le faut.
— Fort bien. Alors, pour commencer, quel drap employons-nous?
— Est-ce que je comprends rien à toutes vos mécaniques? Je veux un
bel habit, ce qu’il y a de plus beau avec veste et culotte...
— Gillot ot pantalon, vous voulez dire...
— Ça m’est égal ; avec veste et culotte, et surtout que co soit ample,
étoffé, cossu.
— Nous y arriverons, M. Gachelu, nous y arriverons. Quant à la fa
çon, tout lisieux vous dira que je rivalise avec la capitale, et pour ce
qui est du drap, j’en ai sur ce rayon une pièce d’Elbenf d’une nuance,
d’un reflet ! c’est éblouissant, et vous en serez satisfait.
— Pourvu que ce. soit ce qu’il y a de plus beau...
— Magnifique, monsieur Gachelu. Et si, comme je lo suppose, il s’agit
d’un costume do noce...
— Nom d’un chien 1 je ne vous ai pas parlé do noce, interrompt Jeai (
qui en oo moment a horreur de toutes les hypothèses, et craint de vous
pénétrer ses secrets desseins.
— Je sais parfaitement qu’une personne telle que vous n’a pas besoin
de l’occasion d’une noce pour se faire habiller, et je vous prie de me par
donner ma sottise. Voyons : quelle forme adoptons-nous. Goûtez-vous la
queuo de morne?
— llein 1 dit Jean qui croit enteddre du syriaque.
r — Je vous demande si nouS adoptons la queuo de morue pour les
basques. Cela prend énormément à Paris, cola est très Lion porté, léger,
coquet, et tout à fait gracieux.
Au fieu de donner son avis, Jean regarde lo marchand avec embarras,
il se gratte l’oreille, respire péniblement et ne souffle mot. No voulant
pas avouer sou ignorance à l’endroit de la queuo de morue, et craignant
de dire une sottise, il répond enfin :
— Marchez toujours. Pourvu quo ce soit co qu’il y a de...
— De plus beau, achève, le tailleur, qui craint do fatiguer son client
en entrant dans de trop minutieux détails ; c’est convenu. Au reste,
repporlez-vous-on à moi pour lo tout, monsieur Gachelu, et je me flatte
bue vous ne vous repentirez point de votre confiance.
— Ça me va. Alors, bonjour monsieur Dufour.
— Pardon 1 dit colui-ci en arrêtant le Normand, qui, croyant tout fini
pour ce jour-là, s’empressait de s’esquiver. Et nos mesures ? 11 faut bien
que nous prenions nos mesures.
— C’est juste, répond Jean se résignant, mais non sans soupirer.
M. Dufour commence par engager son client à ôtor sa redingote, puis
il lo tourne, lo retourne, lui fuit lever uu bras, l’autre, écarter les jam
bes, si bien que notre héros, honteux de se prêter à tant de formalités,
s’impatiente, murmure sourdement, veut pourtant se contraindre et se
contraint avec tant de peine que la sueur baigne son visage.
— Saprelote! monsieur Dufour, avez-vous bientôt fini dune? dit-il, à
demi suffoqué d’être si longtemps à la gêne. Je n’aime pas qu’on me
chatouille par tout le corps comme ça; j’eu sue connue un moissonneur
qui fait l’août.-.
— Tout à l’heure, monsieur Gachelu, répond le tailleur, qui redoute
de voir sa pratique lui échapper dos mains. Vous sentez que je ne peux
pas risquer légèrement ma réputation, et dans notre profession, mon
Dioul il ne faut qu’un mauvais pli pour nous perdre.
—Ah bien ! lo père Tronchon ne fait pas tant d’embarras, lui! Je vas
le trouver quand j’ai besoin d’une redingote. Je lui dis: père Tronchon,
il me faudrait une redingote. Alors il prend la corde de son fou :t, il me
la glisse sous le bras, il me la tourne autour du ventre, et puis quatro
jours après il m’apporte uno redingote marron... parce quo je les porte
toujours marron.
— Voilà qui est fait, se borno à répondre Dufour en rendant la liberté
à sa victime; car il comprend que chercher à prouver à celle-ci la supé
riorité d’un artiste sur l’ouvrier de Saint-Bonneins serait peine perdue.
Jean se secoue comme un cheval débarrassé d’un lourd fardeau, il
recommande au tailleur de tenir ses vêtemens prêts dans une huitaine do
jours, le prévient qu’il viendra les chercher lui-même, et sans faire la
plus légère attention aux politesses dont l’accable le marchand, il se
sauve du magasin comme il sortirait d’un lieu suspect, tremblant d’être
reconnu par quelque passant, et nu recouvre sa securité que le soir dans
son lit, quand il a acquis la certitude que personne ne soupçoune le but
do son récent voyage.
Le jour convenu, il va prendre son costume chez le tailleur, sans con
descendre au désir de celui-ci, qui voulait lui faire essayer des habits à
confection desquels tant d’art avait été employé. J’ean n’eût jamais osé
s’affubler d’une manière aussi étrange devant témoin, avant do s'être
assuré en secret de l’èffet qu’il produirait ainsi vêtu. De retour à la mé
tairie il monta à sa chambre ot s’y enferma. Après avoir tiré tous les
verroux, i fut à peu près certain qu’aucun importun ne le pouvait sur
prendre, et il so disposa à procéder à la grande opération qui devait, dans
son opinion, en lo faisant ressembler aux messieurs de Paris, merveil
leusement augmenter sa valeur auprès de sa cousine. Lorsqu'il ont à
grand’peino passé l’habit et tout ce qui s'en suit, il prit position devant
une petite glace encadrée dans la boiserie de la cheminée avec la ferme
résolution de mettre à juger sa personne, l’impartialité qu’un hon
nête juré prie Dieu de lui accorder avant le commencement des as
sises. Au premier coup d’œil, il fit un saut en arrière et regarda
do tout côté, ne pouvant se figurer qu’il était seul dans sa chambre,
et qu’il avait réellement l’imago de Jean Gachelu devant les yeux.
Cependant il fallut bien à la lin admettre l’identité ; mais, serré, pince,
étranglé d’une façon monstrueuse dans ses nouveaux vêtemens, il se vu
si mal à l’aise, si bizarre, si ridicule qu’il se sentit découragé d'un seul
coup. Pour comble do disgrâce, il essaya de marcher, de se tourner.|di
so baisser, de se relever, et dans un de ses mouvemens, le drap fie sa i
habit qui n’avait pas été tissé pour résister aux allures d’un pareil 1 cr-
cule, so fondit dans toute la longueur du dos. Alors il so déshabilla a' 0;
colère, jeta les produits du talent de M. Dufour pôte-mêle sur une chaise
et rêva tristement à un second moyen d’arriver à son but, celui-ci ré
pondant si mal à l’espérance qu’il s’était faite. Mais inutilement resta-
t-il immobile une grande heure accoudé sur une table , la tête plongée
dans ses mains : son imagination ne lui fournit aucun nouveau plan
pour remplacer avec avantage celui qui venait d’échouer si malheureuse
ment.
Les doux frères en étaient donc arrivés à peu près ou même point, c’ost
à dire restaient désespérés de leur situation , ne sachant comment en
sortir et ne pouvant cri supporter la prolongation. La pensée de s’ouvrir
l’un à l’autre pour obtenir lo secours d’un bon conseil , toujours re
poussée avec effroi jusque-là, leur revint encore une fois. Mais comment
aborder une telle confidence, comment soutenir la suprise douloureuse de
celui qui la recevrait, sans mourir do confusion. Car malgré la violence
de leurs sentimens actuels pour leur cousine, Pierre ainsi que Jean n’é
prouvaient pas moins quo par le passé une espèce tfe honte à les avouer
hautement. Cependant Henriette et les filles de Fargeau allaient revenir.
Jean sentait quo son amour no so contiendrait plus quand celle qui en
était l’objet serait prè3 de lui, et Pierre, en faisant la même réflexion
pour lui-même, songeait encore que Catherine et son père devaient être
instruits de ses nouvelles intentions dès leur retour. Ur, quel ambassa
deur choisirait-il sinon son frère puiné ?
Après des hésitations pleines de troubles et d’anxiétés terribles, la pas
sion l’emporta à la fin sur toutes les autres considérations. lys deux
frères se décidèrent à une confession générale. Par un de ces hasards
qui se chargent souvent de dramatiser les faits les plus simples do la
vie, ce fut à peu près dans le même moment que nos amis jrrent
cette extrême résolution. Il en résulta qu’un matin, la vùll ■ d i remiir
de leur cousine, pendant que Jean ouvrait la porte de la ci atn ire ti
son frère aîné, espérant et tremblant de le rencontrer, celui-ci se diri
geait, horriblement ému, chez son frère cadet. Tous deux trouvèrent, eu
conséquence, les chambres vides de leur propriétaire; mais rts l'aient sou
dain frappes d’étonnement à la vue des objets qu’elles contenaient, et qu’il
était désormais inutile de dissimuler à tous les yeux, lis examinèrent
longtemps et en réfléchissant profondément, l’un l'habit queue de mo
rue, l’autre les romans de Mme Thibouville jetés sur les chaises elles
tables. La physionomie stupéfaite, éperdue de chacun avait certainement
alors uri grand rapport avec colle de Robinson Crusoo découvrant pour la
première fois dos vestiges de pas humains dans son île. Enfin, en meme
temps et tout à coup ils lurent foudroyés par la môme pensée; ces objets,
qu’ils étaient bien loin de s’attendre à trouver là , les mirent sur la voie
do la vérité Eclairés soudain d’uno lumière affreuse, épouvantable, pen
dant qu’un frisson leur courait par tout le corps, ils so dirent en se Ir.q,-
panl le front :
— Est-ce quo lui aussi l’aimerait !...
Et alors lo frère que chacun d’eux avait chéri plus que lui-même,
cotte image adorée, honorée, qui ne lui était jamais apparue sans rompu r
son cœur do joie et de tendrsse, perdit tout son prestige et tome sa min
ceur. Il s’opéra dans l’esprit des deux frères une révolution cruelle et ter
rible , ils sentirent au fond de leurs poitrines de sourds et impétueux
mouvemens de répulsion et do haine remplacer la sympathie et l'amour
qui les ayait attirés l’un vers l’autro jusque-là.
VII.
Vers la fin du second jour qui suivit le retour d’Henriette à la métairie,
sur une de ces vertes et fraîches pelouses qui tapissent la Normandie, n
pressaient plusieurs centaines do paysans accourus dcscuvircu.-deSciai-
Bonneins pour prendre part à la fêle du village. Los uns abrite.- sous a s
formes gigantesques qui bordaient la pelouse et assis autour do labii s
couvertes de pots do cidre et d’eau de vie, trinquaient, en chantant des
refrains do celle voix intrépidement fausse qu’on trouve dans tous les
Lorsque les deux frères en furent venus au même point, ils firent,
chacun de son côté, une réflexion qui ajouta à leur trouble et les remplit
d’anxiété. Malgré la simplicité do leur Ame, la rusticité do leur vie ot
leur profonde ignorance des choses du monde, i's avaient tous deux, et
dans la proportion de la déiicatesee de leur esprit, compris qu’un abî
me les séparait de leur cousine. Ce n’était pas tout d'aimer Henriette ,
il fallait s’en faire aimer. Or, le moyen de plaire à cette jeune tille ,
si gracieuse dans son langage , si élégante dans ses manières et habi
tue- ■ aux formes charmantes dont ils avaient éprouvé la séduction! 11 no
s’agissait plus, comme pour enlever le cœur de Catherine et de Dorothée,
d’assommer un bœuf d'un coup de poing ou do traverser à cent pas une
pomme avec une seule balle dans un fusil. Leur parente avait sans doute
une profonde vénération pour une force ot une adresse généralement re
connues, mais probablement aussi sa sympathie était promise à des qua
rtés d’un ordre tout différent. Plus d’une fois, pour sortir do leur cruel
embarras, ils furent tentés de s’ouvrir l’un à l’autre; mais la honte in
vincible qui les avait retenus jusque-là les en empêcha toujours. Ils
avaient du temps devant eux pour se préparer; Henriette devait être ab
sente près d’un mois ; ils continuèrent donc do chercher séparément cl do
se creuser le cerveau pour découvrir le côté par lequel ils pouvaient se
donner un point de ressemblance avec les messieurs parmi lesquels Hen
riette avait vécu. Soutenus par l'espérance, qui ne meurt jamais au cœur
desamoureux,ils ne sedécouragèrentpas et firent travailler leur esprit sans
relâche. Enfin, après bien des projets adoptés, puis rejetés, des plans
aussitôt dédaignés que conçus, Pierre d’abord crut avoir mis la main sur
une excellente idée Un malin, enchanté do la combinaison à laquelle il
s’est arrêté dans la nuit, il se lève, déjeune rapidement, fait seller son
bidet, et, prétextant je ne sais quelle spéculation à préparer, part in
continent pour Lizieux.
Arrivé à la ville , le Normand laisse son cheval dans une -auberge et
dirige ses pas vers la boutique d’une marchande papetière, Mme Agatho
Thibouvillo. Outre son commerce principal, Mme Thibouville exerçait
une industrie moins matérielle et positive , elle tenait un cabinet do lec
ture, et cela avec grand plaisir et profit pour son imagination, car si,
quand elle vendait, elle était la marchande la plus friponne qui fut do
Falaise à Ronfleur , elle n’en demeurait pas moins, lorsqu’elle lisait , le
cœur le plus passionné et l’admiratrice la plus fanatique de la littérature
échevelée de cette époque.
Comme depuis sa sortie des mains du curé de Saint-Bonneins, Pierre
avait acheté ia seule main do papier qu’il eût usée chez Mme Tliibou-
ville, cette femme était une ancienne connaissance, et il n’éprouva pas
pour entrer chez elle autant d’embarras que le but de sa démarche
pourrait le faire supposer. Mme Agathe, assise dans son comptoir, la
fête appuyée sur une main, dévorait les derniers feuillets d’un roman
furibond que la presse parisienne venait de lancer dans le monde; si bien
hue Pierre eut le temps de prendre une chaise, de s’asseoir et de passer
son bâton entre scs jambes avant que la liseuse s’aperçût de sa pré
sence. Au bruit qu’il lit avec sa chaise, Mme Thibouville lova enfin les
yeux. En tombant des hauteurs poétiques où la maintenait son livre,
sur la forme materielle de notre ami, elle fit une grimace semblable à
celle d’un gourmet, qui trompé par la couleur ot croyant se parfumer
avec une délicate et aristocratique liqueur des iles, sentirait son palais
tbrûlé par le grossier genièvre flamand. Mais, ainsi que nous le savons,
Mme Agatho, avec sa passion pour le romantique, conciliait parfaitement
les nécessités de sa position. Elle venait d’ailleurs de reconnaître dans
l’individu qui la regardait timidement et en silence un homme qui pos
sédail une énorme quantité d’arpons de terre en herbages, ot, quoiqu’i
fût peut-être sa plus mauvaise pratique, elle subissait l’influence qui suit
toujours la richesse. Elle commanda donc à sa voix son accent le plus
caressant, à ses lèvres ’our plus aimable sourire, et elle s’écria :
— M. Gachelu, do Viévillo ! C’est un miracle de vous voir. .Te disais
l’autre jour : Qu’ai-je donc fait à M. Gachelu de Viéville que je n’aper
çois plus le bout de son bâton?... Donnez-vous la peine do vo..s asseoir.
Ah! que je suis bête... vous avez une chaise... Vous vous portez bien,
monsieur Gachelu?
— Très bien, madame, répond Pierre, enchanté du flux de paroles de la
papetière, qui lui donne le temps de se remettre.
— El M. votre frère, toujours gui et jovial! La dernière fois que je me
suis trouvée avec lui, il y a un an peut-être, le temps passe si vite! Il
m’en a conté do si drôles, que j’ai été obligée de lui dire : finissez, M.
Jean, je sens déjà mon point de côté et vous me feriez tomber en syn
cope !... ali ! on rencontre des êtres bien aimables!..-
C’est un bon garçon en effet.
Quant à Mlle Margot, jo ne vous en demande point de nouvelles. J’en
ai eu récemment par un de vos pays, Jacques Ledru, qui tient votre
moulin de Viéville. Vous avez là un sujet bien essentiel, M. Gachelu.
C’est dévoué, ça ne connaît quo les intérêts de ses maîtres, ça se ferait
hacher les doigts plutôt que do s’en servir à mal faire. Aujourd’hui les
bons domestiques sont plus rares que les banqueroutes, et une pareille
fille est un trésor dans une maison.
— Oui, oui, elle va bien quand elle n’est point de mauvaise humeur.
— Que voulez-vous ? chacun a ses petits défauts ; il faut s’en passer
un peu, autrement, mon Dieu ! la vie serait insupportable, et c’est bien
assez do l’enfer en perspective... A propos, monsieur Gachelu, vous dé
sirez une main de papier, sans doute ?
— Non, madame, répond Pierre, tressaillant à ces mots qui lui rap
pellent qu’il faut enfin en venir au sujet de sa visite.
— Un paquet de plumes, peut-être ?
— Non.
— Ah! de l’encre?
— Non.
— Un carnet! un registre?... J’y suis : un calendrier?
— Non.
— Ah! c'a , est-ce que ce sauvage d’éleveur a la prétention de me
vendre le bœuf gras? pensa Mme Thibouville, désappointée.
— Je voudrais lire..., reprend Pierre d’un air confus et embarrassé.
— Vraiment ! s’écrie la papetière en la regardant avec des yeux où se
peint le plus profond étonnement.
— Je voudrais lire , répète l’aîné des Gachelu , et des histoires amu
santes. En avez-vous dans votre boutique ! poursuit-il en indiquant du
doigt les rayons qui supportaient un notable échantillon des produits du
génie contemporain.
— Assurément, répond la marchande en retirant successivement plu
sieurs volumes, pour los montrer à sa pratique. Et tous romans de pre
mier choix, ce qu’il y a de mieux enfin. C’est comme ma cire à cache-
lcr, mes crayons et mes plumes d’oie ; je fais payer un peu cher, mais
c’est du bon.
— Et dans ces histoires, dit Pierre en baissant les yeux, parle-t-on
d’amour ?
— Si on parle d’amour ? répond Mme Thibouville avec une voix do
colombe qui roucoule; et de quoi y parlerait-on ? Figurez-vous donc, M.
Gachelu, quo tous mes livres roulent là-dessus : c’est le seul article qui
soit demandé dans le commerce.
— D’amour entre dos messieurs et des belles dames, des comtes, des
marquises, continue Pierre on rougissant.
— Comme ça se trouve 1 voilà dix volumes où le moins cossu des
amoureux est un grand-duc!
— Un amour gentil, pur, honnête ..
— Ah 1 pour les amours honnêtes, c’est bien plat, fort usé, oti n’en
fait presque plus. Que voulez-vous, monsieur Gachelu ? le public en est
las ; il demande des adultères, des viols, dos incoslC3 ; il en veut encore,
il en veut toujours, et ca me rapporte!... Tenez, voyez co livre, il est
gras et en lambeaux : c’est que tout le monde so l’arrache, et ce n’est
pas étonnant, nous ne pouvons rien trouver déplus révoltant.
— Un autre, alors, madame, dit Pierre en repoussant le volume qu’on
lui présente.
— Eh bien, celui-ci 1 11 ne s’agit que d’un petit adultère. Ma voisine
la mercière l’a dévoré, elle en est fanatique, elle ne parle que do cela
depuis huit jours. Peut-être ça vous revicndra-l-il aussi ! ,
. — Je ne veux pas de cette abomination ! s’écrie le Normand en re
niant et avec un naïf accent d’indignation.
— C’est pourtant bien intéressant, monsieur Gachelu. Mais je le vois,
il vous faut absolument co qu’il y a do plus doux. Or, comme vous no
tenez pas à la nouveauté,dans mes vieux livres je trouverai quelque chose
que vous pourrez lire sans rougir.
Et eu elfet, Mme Thibouville présenta à notre ami plusieurs volumes
qui, suivant elle, offraient des tableaux tout à fait en harmonie avec les
goûts elles désirs manifestés par son client. Muni de sa précieuse em
plette, celui-ci sertit de la boutique de la papetière et reprit soudain le
chemin do la métairie. Dès son retour, il s’enferma dans sa chambre et
se mit sur-le-champ au travail difficile, point de départ de son voyage à
la découverte d’un monde dont il s’était peu soucié jusqu’alors, et dont
à présent il voulait apprendre les mœurs otle langage.
Mais sa lâche se trouva plus pénible qu’il ne le supposait. Habitué à
faire uno honnête dépense de ses forces physiques, il résistait gaillarde
ment à une longue et rude fatigue du corps. Ici les muscles n’étaient
d’aucun secours, et l’intelligence seule devait se charger do toute la be
sogne. Or, si l’esprit de l’aîné des Gachelu ne manquait ni de justesse ni
d’une certaine force, it aimait à l’exercer à l’aise et à son heure. L’habi
tude du loisir en avait d’ailleurs quelque pou rouillé les ressorts, et il ne
fallait rien moins que l’aiguillon d’une violente passion pour lui faire en
visager sans effroi l’application d'une lecture longue ot suivie. Le premier
jour,en effet, qu’enfermé dans sa chambre, il se vit face à face avec un
des volumes de Mme Thibouville, il ne put aller au-delà de la cinquiè
me page. Lorsqu’il fut arrivé là, les ligne prirent des formes bizarres.
Elles s'allongeaient, se recourbaient, se tordaient et sautillaient d’une
façon étrange; le tout se couvrit ensuite d'un voile léger, puis enfin
disparut derrière un brouillard opaque qui semblait s’élever du sein de
l’œuvre. Alors Pierre , qui luttait toujours, éprouva des éblouissemens
et son front lui parut serré comme dans un étau. Un bruit pareil tantôt à
celui d’un torrent qui roule, tantôt au sifflement aigu du vent, retentit
dans ses oreilles. Il s’arrêta, se leva brusquement, fil quelques pas en
chancelant comme un homme ivre, et revint tomber épuisé sur un
fauteuil. Mais l’amour le stimulait, il ne se découragea point; lo
lendemain , il se remit à l’œuvre; il lut quelques feuillets de plus; c'é
tait presque une victoire, car celte fois, il n’eut que lu migraine. Enfin ,
les jours suivans, il reprit le volume avec un nouvel acharnement, lut
avec une attention désespérée, et fil si bien qu’a près une quinzaine d’uu
travail persévérant il arriva à la dernière page.
_ Cependant une réflexion qu’il fil alors empoisonna la joie de son suc
cès. li lui fallait au moins, so dit-il, lire quelques douzaines des livres do
Mme ôg allie Thibouvillo avant d'être parvenu à son but; or, à quinze
jours por tome, cola lo menait tout droit à six mois do l’époque où il
commencerait sa rude besogne. Au chemin quo l’amour faisait dans son
cœur, aurait-il le pouvoir d’attendre jusque la sans se déclarer! Pourrait-
il dissimuler son trouble et son agitation croissant à chaque heure, jus
qu’au moment où il se croirait assez savant pour avouer son secret ayec
quelque chance !
Mais avant de poursuivre notre récit en co qui touche cet étal do per
plexité de l’aîné des Gachelu, nous allons voir, si le lecteur y consent,
comment, un pou plus tard, notre ami Jeun, do son côté, ôtait également
parvenu à arrêter un plan qui, suivant lui, devait infailliblement lui
procurer la conquête de sa cousine.
C’était aûssi à Lisieux que Jean s’était rendu secrètement pour discu
ter son projet. Afin do so forlifir lo cœur et faire cesser toute irritation,
il commence par consommer trois petits pots d’eau-do-vie, et sans se
donner le temps do reprendre haleine, il se dirige vers la grande rue, la
rue merchande do la ville. Alors il prend le milieu de la chaussée et
marche gravement, lisant à droite et à gauche los enseignds qui déco
rent le sommet des boutiques. Parvenu devant uno maison d’assez belle
apparence et sur la façade de laquelle on peut lire :
Au dernier Goût, Dufour, marchand tailleur.
Il s’arrête court, il jeite un regard timide et inquiet sur ceux qui
cheminent autour de lui, on dirait qu’il craint un témoin de la démar
che qu’il va accomplir non sans répugnance. Il s’avance pourtant dans
lu direction de la boutique, mais après deux ou trois pas, il hésito do
nouveau , se trouble de plus en plus, et honteux, perdant contenance, il
fait un demi-tour et bat en retraite dans un café voisin. Une seconde con-
sommation de petits pôts d’eau-de-vio finit toutefois p;u- rappeler son
courage. Il sort du cale, et sans regarder derrière lui, il traverse la rue
précipitamment et d’un air déterminé, tourno audacieusement le bou
ton do la porte du tailleur, et sans se donner le temps do la réflexion et
quoique encore essoufflé do sa course, il demande do sa formidable voix
do basse-taille : — Est-ce ici M. Dufour?
Près d’une table sur laquelle travaillaient plusieurs ouvriers, se te
nait un homme de taille petite et grêle, habillé avec une prétention, uno
recherche qui répondaient parfaitement à la renommée, dont il jouissait
dans la ville. C’était M. Dufour. A la voix de Jean, M. Dufour so retour
ne, lo toisa des pieds à la tête, et d’un air ironique, inspiré sans doute
par le costume peu fasliionable et lo bâton à lanière de cuir de notre hé
ros, il répond :
— C’est moi, mon cher. Qu’y a-t-il pour votre service?
En se voyant dans la nécessité de formuler sur-le-champ le motif de
sa visite , Jean se troubla encore une fois. 11 regarda le plafond , puis
frappa le plancher de sa canne, puis enfin trouva ces mots a balbutier :
— Je voudrais acheter un habit et tout ce qui s’en suit.
Confirmé dans son opinion sur son nouveau client par ces paroles , le
tailleur reprend d’un ton toujours très leste et railleur :
— Mais, mon ami, je ne vends pas d’habits tout faits. Au reste, à qui
ai-je l’honneur do parler?
— Je suis Jean Gachelu, du hameau de Viéville, près Saint-Bonneins,
répond le Normand, trop préoccupé do lui-même pour remarquer les for
mes cavalières do M. Dufour.
A ce nom bien connu pour celui d’un dos plus riches propriétaires-
éleveurs du pays d’Auge, le marchand modifie subitement ses manières.
Il s’incline profondément, offre un fauteuil à Jean, ot trouvej alors une
petite voix mielleuse et flutée pour lui dire :
— Ali ! monsieur, combien jo suis flatté do votre confiance. Croyez
que je saurai m’en rendre digne, et veuillez m’excuser si je ne vous ai
pas d’abord reçu comme il vous appartient.
— Je voudrais que vous me vendissiez un habit, répôto Jean impa
tienté maintenani des obséquieuses façons de M. Dufour, car il est pressé
d’en finir.
— Avec grand plaisir, monsieur, et comme vous vous expliquez avec
une clarté parfaite, nous nous entendrons supérieurement. Ah ça, vous
comprenez que ma réputation m’empêche du livrer dos habits tout faits.
Mais d’ici à moins de huit jours, je puis vous habiller des pieds à la tête,
et j’espère que vous serez assez bon pour attendre jusque-là.
— Diable I dit Jean désappointé, mais encore trop intimidité pour con
tester, il ajoute bientôt: J’attendrai, puisqu’il le faut.
— Fort bien. Alors, pour commencer, quel drap employons-nous?
— Est-ce que je comprends rien à toutes vos mécaniques? Je veux un
bel habit, ce qu’il y a de plus beau avec veste et culotte...
— Gillot ot pantalon, vous voulez dire...
— Ça m’est égal ; avec veste et culotte, et surtout que co soit ample,
étoffé, cossu.
— Nous y arriverons, M. Gachelu, nous y arriverons. Quant à la fa
çon, tout lisieux vous dira que je rivalise avec la capitale, et pour ce
qui est du drap, j’en ai sur ce rayon une pièce d’Elbenf d’une nuance,
d’un reflet ! c’est éblouissant, et vous en serez satisfait.
— Pourvu que ce. soit ce qu’il y a de plus beau...
— Magnifique, monsieur Gachelu. Et si, comme je lo suppose, il s’agit
d’un costume do noce...
— Nom d’un chien 1 je ne vous ai pas parlé do noce, interrompt Jeai (
qui en oo moment a horreur de toutes les hypothèses, et craint de vous
pénétrer ses secrets desseins.
— Je sais parfaitement qu’une personne telle que vous n’a pas besoin
de l’occasion d’une noce pour se faire habiller, et je vous prie de me par
donner ma sottise. Voyons : quelle forme adoptons-nous. Goûtez-vous la
queuo de morne?
— llein 1 dit Jean qui croit enteddre du syriaque.
r — Je vous demande si nouS adoptons la queuo de morue pour les
basques. Cela prend énormément à Paris, cola est très Lion porté, léger,
coquet, et tout à fait gracieux.
Au fieu de donner son avis, Jean regarde lo marchand avec embarras,
il se gratte l’oreille, respire péniblement et ne souffle mot. No voulant
pas avouer sou ignorance à l’endroit de la queuo de morue, et craignant
de dire une sottise, il répond enfin :
— Marchez toujours. Pourvu quo ce soit co qu’il y a de...
— De plus beau, achève, le tailleur, qui craint do fatiguer son client
en entrant dans de trop minutieux détails ; c’est convenu. Au reste,
repporlez-vous-on à moi pour lo tout, monsieur Gachelu, et je me flatte
bue vous ne vous repentirez point de votre confiance.
— Ça me va. Alors, bonjour monsieur Dufour.
— Pardon 1 dit colui-ci en arrêtant le Normand, qui, croyant tout fini
pour ce jour-là, s’empressait de s’esquiver. Et nos mesures ? 11 faut bien
que nous prenions nos mesures.
— C’est juste, répond Jean se résignant, mais non sans soupirer.
M. Dufour commence par engager son client à ôtor sa redingote, puis
il lo tourne, lo retourne, lui fuit lever uu bras, l’autre, écarter les jam
bes, si bien que notre héros, honteux de se prêter à tant de formalités,
s’impatiente, murmure sourdement, veut pourtant se contraindre et se
contraint avec tant de peine que la sueur baigne son visage.
— Saprelote! monsieur Dufour, avez-vous bientôt fini dune? dit-il, à
demi suffoqué d’être si longtemps à la gêne. Je n’aime pas qu’on me
chatouille par tout le corps comme ça; j’eu sue connue un moissonneur
qui fait l’août.-.
— Tout à l’heure, monsieur Gachelu, répond le tailleur, qui redoute
de voir sa pratique lui échapper dos mains. Vous sentez que je ne peux
pas risquer légèrement ma réputation, et dans notre profession, mon
Dioul il ne faut qu’un mauvais pli pour nous perdre.
—Ah bien ! lo père Tronchon ne fait pas tant d’embarras, lui! Je vas
le trouver quand j’ai besoin d’une redingote. Je lui dis: père Tronchon,
il me faudrait une redingote. Alors il prend la corde de son fou :t, il me
la glisse sous le bras, il me la tourne autour du ventre, et puis quatro
jours après il m’apporte uno redingote marron... parce quo je les porte
toujours marron.
— Voilà qui est fait, se borno à répondre Dufour en rendant la liberté
à sa victime; car il comprend que chercher à prouver à celle-ci la supé
riorité d’un artiste sur l’ouvrier de Saint-Bonneins serait peine perdue.
Jean se secoue comme un cheval débarrassé d’un lourd fardeau, il
recommande au tailleur de tenir ses vêtemens prêts dans une huitaine do
jours, le prévient qu’il viendra les chercher lui-même, et sans faire la
plus légère attention aux politesses dont l’accable le marchand, il se
sauve du magasin comme il sortirait d’un lieu suspect, tremblant d’être
reconnu par quelque passant, et nu recouvre sa securité que le soir dans
son lit, quand il a acquis la certitude que personne ne soupçoune le but
do son récent voyage.
Le jour convenu, il va prendre son costume chez le tailleur, sans con
descendre au désir de celui-ci, qui voulait lui faire essayer des habits à
confection desquels tant d’art avait été employé. J’ean n’eût jamais osé
s’affubler d’une manière aussi étrange devant témoin, avant do s'être
assuré en secret de l’èffet qu’il produirait ainsi vêtu. De retour à la mé
tairie il monta à sa chambre ot s’y enferma. Après avoir tiré tous les
verroux, i fut à peu près certain qu’aucun importun ne le pouvait sur
prendre, et il so disposa à procéder à la grande opération qui devait, dans
son opinion, en lo faisant ressembler aux messieurs de Paris, merveil
leusement augmenter sa valeur auprès de sa cousine. Lorsqu'il ont à
grand’peino passé l’habit et tout ce qui s'en suit, il prit position devant
une petite glace encadrée dans la boiserie de la cheminée avec la ferme
résolution de mettre à juger sa personne, l’impartialité qu’un hon
nête juré prie Dieu de lui accorder avant le commencement des as
sises. Au premier coup d’œil, il fit un saut en arrière et regarda
do tout côté, ne pouvant se figurer qu’il était seul dans sa chambre,
et qu’il avait réellement l’imago de Jean Gachelu devant les yeux.
Cependant il fallut bien à la lin admettre l’identité ; mais, serré, pince,
étranglé d’une façon monstrueuse dans ses nouveaux vêtemens, il se vu
si mal à l’aise, si bizarre, si ridicule qu’il se sentit découragé d'un seul
coup. Pour comble do disgrâce, il essaya de marcher, de se tourner.|di
so baisser, de se relever, et dans un de ses mouvemens, le drap fie sa i
habit qui n’avait pas été tissé pour résister aux allures d’un pareil 1 cr-
cule, so fondit dans toute la longueur du dos. Alors il so déshabilla a' 0;
colère, jeta les produits du talent de M. Dufour pôte-mêle sur une chaise
et rêva tristement à un second moyen d’arriver à son but, celui-ci ré
pondant si mal à l’espérance qu’il s’était faite. Mais inutilement resta-
t-il immobile une grande heure accoudé sur une table , la tête plongée
dans ses mains : son imagination ne lui fournit aucun nouveau plan
pour remplacer avec avantage celui qui venait d’échouer si malheureuse
ment.
Les doux frères en étaient donc arrivés à peu près ou même point, c’ost
à dire restaient désespérés de leur situation , ne sachant comment en
sortir et ne pouvant cri supporter la prolongation. La pensée de s’ouvrir
l’un à l’autre pour obtenir lo secours d’un bon conseil , toujours re
poussée avec effroi jusque-là, leur revint encore une fois. Mais comment
aborder une telle confidence, comment soutenir la suprise douloureuse de
celui qui la recevrait, sans mourir do confusion. Car malgré la violence
de leurs sentimens actuels pour leur cousine, Pierre ainsi que Jean n’é
prouvaient pas moins quo par le passé une espèce tfe honte à les avouer
hautement. Cependant Henriette et les filles de Fargeau allaient revenir.
Jean sentait quo son amour no so contiendrait plus quand celle qui en
était l’objet serait prè3 de lui, et Pierre, en faisant la même réflexion
pour lui-même, songeait encore que Catherine et son père devaient être
instruits de ses nouvelles intentions dès leur retour. Ur, quel ambassa
deur choisirait-il sinon son frère puiné ?
Après des hésitations pleines de troubles et d’anxiétés terribles, la pas
sion l’emporta à la fin sur toutes les autres considérations. lys deux
frères se décidèrent à une confession générale. Par un de ces hasards
qui se chargent souvent de dramatiser les faits les plus simples do la
vie, ce fut à peu près dans le même moment que nos amis jrrent
cette extrême résolution. Il en résulta qu’un matin, la vùll ■ d i remiir
de leur cousine, pendant que Jean ouvrait la porte de la ci atn ire ti
son frère aîné, espérant et tremblant de le rencontrer, celui-ci se diri
geait, horriblement ému, chez son frère cadet. Tous deux trouvèrent, eu
conséquence, les chambres vides de leur propriétaire; mais rts l'aient sou
dain frappes d’étonnement à la vue des objets qu’elles contenaient, et qu’il
était désormais inutile de dissimuler à tous les yeux, lis examinèrent
longtemps et en réfléchissant profondément, l’un l'habit queue de mo
rue, l’autre les romans de Mme Thibouville jetés sur les chaises elles
tables. La physionomie stupéfaite, éperdue de chacun avait certainement
alors uri grand rapport avec colle de Robinson Crusoo découvrant pour la
première fois dos vestiges de pas humains dans son île. Enfin, en meme
temps et tout à coup ils lurent foudroyés par la môme pensée; ces objets,
qu’ils étaient bien loin de s’attendre à trouver là , les mirent sur la voie
do la vérité Eclairés soudain d’uno lumière affreuse, épouvantable, pen
dant qu’un frisson leur courait par tout le corps, ils so dirent en se Ir.q,-
panl le front :
— Est-ce quo lui aussi l’aimerait !...
Et alors lo frère que chacun d’eux avait chéri plus que lui-même,
cotte image adorée, honorée, qui ne lui était jamais apparue sans rompu r
son cœur do joie et de tendrsse, perdit tout son prestige et tome sa min
ceur. Il s’opéra dans l’esprit des deux frères une révolution cruelle et ter
rible , ils sentirent au fond de leurs poitrines de sourds et impétueux
mouvemens de répulsion et do haine remplacer la sympathie et l'amour
qui les ayait attirés l’un vers l’autro jusque-là.
VII.
Vers la fin du second jour qui suivit le retour d’Henriette à la métairie,
sur une de ces vertes et fraîches pelouses qui tapissent la Normandie, n
pressaient plusieurs centaines do paysans accourus dcscuvircu.-deSciai-
Bonneins pour prendre part à la fêle du village. Los uns abrite.- sous a s
formes gigantesques qui bordaient la pelouse et assis autour do labii s
couvertes de pots do cidre et d’eau de vie, trinquaient, en chantant des
refrains do celle voix intrépidement fausse qu’on trouve dans tous les
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