Titre : Le Travailleur normand havrais : paraissant le dimanche
Éditeur : [s.n.] (Le Havre)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Rouen)
Date d'édition : 1900-09-02
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32880313v
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 02 septembre 1900 02 septembre 1900
Description : 1900/09/02 (A10,N498). 1900/09/02 (A10,N498).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG14 Collection numérique : BIPFPIG14
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Description : Collection numérique : Fonds régional :... Collection numérique : Fonds régional : Haute-Normandie
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Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6393000b
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-90656, JO-90677
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/11/2012
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Dixième Anné, o 498
Le FumfflSè' ClfiQ Centimes
Dfïttaïkhc 2 Septembre I900
Hmnuaiti
Ssins-lafériear®, Bure et,
Départements litaitrophes. 4
Autres Départements] « 5fr. »
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SeTae-laiSrlêure Borel et
Départements limitrophes 2 fr. 6t
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Rédaction & Adininistritioi j
HOUEN
Quai do Parla, 23
DVRBAUX AU BAva.
i i, Rue de Paris, il
-
Les Abonnements se paient à
l'avance et m font àpMthrét
1" et 16 de chaque aoIl.1
SEMAINE POLITIQUE
Prolongation de l'Exposition.
Mesure inut'le. Nos bons
amis les Anglais. Manœu-
vres gallophobes.
On parle beaucoup, en ce moment, de
la prolougation de l'Exposition, et bien
des gens paraissent la préconiser. Dé-
plorant, pour des raisons d'ailleurs di-
verses, la disparition prochaine de tous
les palais élevés sur les bords de la
Seiae, au Champ-de-Mars et aux Invali-
des, ils souhaiteraient un délai supplé-
mentaire ; une prolongation de quinze
jours ou d'un mois : l'Exposition resterait
ouverte, en fait, jusque vers la fin de no-
vembre.
M. Paul Grousset, dé pu té, va plus loin:
il voudrait ne la voir fermer qu'au prin-
temps 1001 !
A notre avis, une pareille mesure ne
se justifierait guère. L'Exposition,
chacun le sait et il serait puéril de lo
nier, a eu des débuts assez difficiles.
L'inauguration, trop précipitée, eut
naturellement des résultats fâcheux. Le
contraste était si brutal entre l'optimis-
me de certains discours officiels et le dé-
sert marécageux des galeries inache-
vées, que l'Exposition produisit tout d'à.
bord sur beaucoup de personnes une
impression de découragement et de dé-
sillusion. Mais les conséquences des
fautes ainsi commises ont été s'atténuant.
L'œuvre gigantesque, à laquelle on tra-
vaillait avec tant d'ardeur depuis plu-
sieurs années, a fini par s'imposer et,
tout en continuant à faire, bien entendu,
maintes réserves do détail, souvent jus-
tifiées, les plus sceptiques eux-mêmes
se sont vus contraints de reconnaître sa
grandeur.
Or il a fallu, pour mener l'œuvre à
bonne fin, un effort collectif prodigieux.
Et non-seulement l'effort de l'adminis-
taation spéciale chargée de l'organiser,
mais aussi et surtout peut-ctre celui de
tous les industriels qui voulaient y pren-
dre part. Partout ainsi, en Franco et à
l'étranger, on a plusieurs années durant,
rivalisé d'ardeur et d'application. Le ré-
sultat d'un pareil-labeur, aussi patiem-
ment j oursuivi, ne pouvait être médio-
re, et, de fait, il ne l'a pas été.
Assurément on entend bien des plain-
tes : on parle de faillites, «d'attractions»
variées, obligées de fermer parce qu'el-
les ne couvraient même pas leurs frais.
Ce sont là des faits exacts et toutes les
plaintes ne sont pas sans fondement.
Mais il ne faut pas ncn plus y attacher
trop d'importance ni surtout trop généra-
liser les choses. Certains entrepreneurs
se sont imaginés qu'il suffisait d'ouvrir
une boutique pour voir les visiteurs s'y
précipiter en foule et que n'importe
quelle exhibition était assurée de faire
recette. L'expérience est venue montrer
l'erreur du calcul et beaucoup parmi ceux
qui pâtissent pâtissent uniquement de la
pauvreté de leurs inventions. A côté
d'eux, d'autres, plus ingénieux, ne son-
gent aucunement à se plaindre.
Il ne faut pas oublier non plus que le
succès véritable d'une Exposition ne se
mesure pas aux recettes de telles ou tel-
les entreprises privées. Nous avons tou-
jours été convaincus que ces dernières
tenaient, cette fois-ci, une place vrai
ment trop grande.
Les galeries remplies de produits, les
palais bondés de chefs-d'œuvre sont ton-
jours là. Ce sont eux qui constituent les
« attractions » dignes vraiment de ce
nom,et personne n'oserait soutenir que le
visiteur ne trouve autant et plus à étudier
ou à admirer en 1900 qu'en 1889 ou en
187S.
L'effort a étéf msidérable que nul,
sans doute, chez us ne se sentira le
courage d'en faire, une seconde fois, un
pareil. Les risques de l'entreprise sont
tellement énormes que personne no vou-
dra prendre la responsabilité d'engager
une nouvelle partie. Hâtons-nous donc
d'étudier et d'admirer puisque jamais
plus à Paris du moins,nous n'assisterons
à semblable spectacle.
Gardons-nous toutefois do vonloir le
prolonger et gardons-nous aussi d'en
vouloir conserver une partie.
Nous avons construit cette fois-ci doux
palais, déclarés, dès le principe, défini-
tifs. Que ceux là demeurent, soit ; mais
évitons les erreurs de 1878 et de 1889 et
que rien d'autre ne soit épargné. Et si,
par la nature même des choses, les ga-
leries doivent disparaître et leur contenu
dispersé, qu'importe, en somme, que ce
soit quinze jours plus tôt ou plus tard 1
La dato de la fermeture a été fixée dès
le début : elle est raisonnable ; il faut s'y
tenir, -- sans quoi il n'y a plu ; de raison
pour que l'Exposition finisse jamais.
Une choso qui, elle ne finira jamais
c'est la mauvaise foi des journaux anglais
à l'égard de la France.
En effet, le Times et son correspon-
dant de Rome, c'est ce dernier qui a
attaché le grelot, viennent encore de
se signaler par une de ces perfidies aux-
quelles nous sommes trop habitués pour
en être surpris,mais qu'il n'est pas moins
utile de signaler aux intéressés. Cette
fois-ci, il s'agit de la reprise des hostili-
tés entre le Vatican et le Quirinal.
On a discuté sur la cause à laquelle il
convenait d'attribuer la volte-face du St
Siège, qui, après s'ètré montré très con-
ciliant à l'occasion de la mort du roi
Humbert, avait repris son attitude précé.
dento de protestation, le faisant savoir
au monde par les communiqués de l'Os-
serratorc roman o.
Le correspondant romain du Times,
« qui est tout à fait bien informé, et qui
s'est rarement trompé dans l'interpréta-
tion des faits » c'est la rédaction de
Londres qui lui rend ce brillant homma-
ge, a trouvé le mot de l'énigme: c'est
la France qui est intervenue en trouble-
fete et qui a fait tout le mal, soit par es-
prit de cléricalisme, soit par italophobie.
Le correspondant du Times consacre
plus de deux longues colonnes à démon-
trer notre intrusion conspiratrice en la
matière ; après quoi, la rédaction do
Londres, exultant devant une si belle
pâture, la présente, à son tour, au public
sous la forme d'un article do fond.
Nous apprenons donc par Io Tunes
que le Vatican est habitué a « trombler
dovant la presso cléricale françaises, et
quo le Pape Léon XIII « défèro aux pré-
tentions du parti ultramoutain de Fran-
ce. » Cos prémisses établies, sans
preuves, il est vrai. il fallait démon-
trer que le parti clérical et la presse clé-
ricale de France avaient pesé sur Léon
XIII pour qu'il renonçât à son attitude
conciliante. Le correspondant du Tim,e.'i,
qui lit nos journaux, a donc mis la main
sur deux articles parus dans V Univers
et signés L. G., qu'il a pu exploiter dans
le sens de sa thèse.
L'auteur de ces articles, serait le fac-
totum du Pape en France, quoique chose
comme l'Eminence Grise de Léon X111.
Et comme le Vatican doit « trembler »
devant lui comme devant l'ensemble de
la Presse cléricale, on a vu se produire
ce phénomène extraordinaire: à peine
les articles de VUnivers avaient-ils paru
qu'on faisait volte-face à Home. Ainsi, il
aura suffi de deux articles de journal
pour imprimer à la politique du Saint-
Siège une direction toute nouvelle.
Quand on est journaliste, ces choses-là
font toujours plaisir.
Pour achever son œuvre, le corres-
pondant du Times essayait encore de prou-
ver aux Italiens que les Français, après
avoir attiré une mortification à la reine
Marguerite, avaient dansé comme des
sauvages autour de leur victime.
Si nous n'avions pas confiance dans le
bon sens des Italiens, ces manœuvres
pourraient nous irriter et nous inquiéter.
On sait, en effet, que la question romaine
est exploitée avec autant de ténacité que
d'imprudence par ceux qui craignent un
rapprochement entre la France et l'Italie.
Quand ils désespèrent de convaincre los
Italiens que nous sommes prêts à les at-
taquer dans notre propre intérêt, ils leur
insinuent que nous complotons contre
l'unité italienne dans l'intérêt du Pape et
en faveur du pouvoir temporel.
Cette tac» iq ue est employée contre nous
non seulement en Italie, mais aussi à
l'étranger.L'an dernier, la Tribuna avait
commencé une campagne systématique
pour faire croire que, dans laquostion de
la Conférence do la Haye, notre diplo-
matie était intorvonue contre le gouver-
nement Italien, qui s'opposait à ce quo le
Rlint-Silo fût représenté à ce Congrès.
Condamnables quand elles sont Io fait
d'Italiens, ces manœuvres deviennent
particulièrement in:olérables lorsque ce
sont des étrangers qui s'y livrent.
GRÈVES & FAILLITES
Un vent de grève semble avoir soufflé
sur le pays, et du Havre, où le mouve-
ment a pris naissance, il s'est étendu à
tous les ports maritimes et menace do
gagner l'intérieur.
Un tel état de choses est profondément
regrettable car il est dommageable aussi
bien à l'ouvrier qu'au patron et le seul bé-
néfice qui en résulte s'en va à l'étranger,
qui profite trop largement hélas ! de la
suspension du travail dans nos cités ma.
ritimes, du brusque arrêt de nos ateliers.
Par tous les moyens possibles, on eut
dû tenter do l'arrêter et la bonne volonté
de tous aurait dû faire tous ses efforts
pour arriver à la désirable conciliation.
Au fond, il y a de grosses fautes com-
mises dont une bonne partie retombe sur
le patronat qui no sait pas toujours faire
à temps les sacrifices nécessaires pour
éviter de semblables conflits.
La réponse brutale et injuste du tribu-
nal maritime commercial du Havre aux
très justes réclamations des soutiers et
des chauffeurs de la Compagnie transa-
tlantique a été l'étincelle qui a mis le feu
aux poudres, et il y a eu là une de ces
grosses maladresses, une de ces lourdes
gaffes, comme soul le respectable corps
du commissariat de la marine est sus-
ceptible d'en commettre.
Quand on connaît la vie d'eu for que
mènent à bord des modernes steamers.
les soutiers et les chauffeurs, on est ré-
ellement étonné de la modicité des salai-
res qui leur sont alloués et tout homme
de bonne foi, ai modéré et si conserva-
teur fut-il, est contraint en son âme et
conscience de reconnaître le bien fondé
dos réclamations présentées par le per-
sonnel des machines de la Compagnie
transatlantique. - ̃
Au lieu de répondre par une accepta
tion des revendications aussi justes de
ce personnel d'élite, on a cru bien faire
en exhumant je ne sais quel règlement
du temps de Colbert, et on gratifiant de
quinze jours do prison do braves gens
dont le soul tort avait été do réclamer le
droit à la vie.
Au lieu do faire dévier sur lo terrain
politique, ou on rêve trop souvent de la
porter, cette triste question des grèves,
sans attribuera la présence de M. Mille-
rand au minislore, lo développement
qu'elles ont pris depuis quelque temps,
ne faut-il pas mieux chercher à en étu-
dier les causes et a en déterminer si pos-
sible les motifs. Ces points isolés, il sera
alors plus beaucoup aisé d'isoler ce qu'il
y a de bien ou de mal fondé dans la mas-
se des réclamations ouvrières.
Lors de la grève des ouvriers du port
de Rouen, l'an dernier, nous avons expo-
sé que si le salaire réclamé par des ma-
nœuvriers qui n'ont aucun apprentissa-
ge, paraissait à première vue fort élevé,
leur réclamation n'en était pas moins
fondée, si l'on voulait bien admettre que
cette catégorie ouvrière est soumise à de
longs chômages dont le résultat est de
réduire la moyenne de son salaire à un
chiffre inférieure au prix d'embauchage
moyen sur la place.
Tel a été un peu le cas des ouvriers
charbonniers du Havre.
D'autre part, si on réfléchit à l'énorme.
-- - ----- ----
majoration des prix des charbous, aux bé-
néfices que de cechef,producteurs,arma-
teurs et intermédiaires ont réalisé ; on
peut admettre, sans passer pour des
utopistes, que la main-d'œuvre réclame
elle aussi sa petite du gâteau.
En matière de construction métallurgi-
que, le cas est le même ; tout ce qui tou-
che au métal, fonderie et construction,
vient de traverser et traverse encore
une période d'activité telle que l'on n'en
vit de semblable depuis vingt ans.
Si,par conséquent,le capital trouve une
rénumération plus largo, n'est-il point
juste que la main-d'œuvre puisse obte-
nir, pour les mêmes raisons, un salairo
plus élevé.
Le travail est fonction,dans l'organisa-
tion de notre société actuelle, do trois
facteurs, capital, cerveau et main-d'n'\)-
vre, qui en eau d'heureuse fortune Ont
tous les trois droit ;iu bénéfice réalisé.
C'est do l'oubli do ce sage principe quo
naissent la plupart du temps les grèves
qu'une concession faite en temp logi-
que eut empêche.
La période do luttes et de conflits,celle
que nous traversons actuellement, est-
ello plus profitable? L'ouvrier y épuise
sos ressources,le patron y pord ses com-
mandes, et on aboutit toujours forcément
a une entente. Pourquoi ne pas arriver à
la conciliation dès le premier jour, pour-
quoi dans leur aveuglement et souvent
dans l'égoïsme de leur impersonnalité,
les grandes sociétés attendent-elles ces
périodes fâcheuses pour accorder des
augmentations de salaires qu'elles sa-
vent justifiées.
Cet entêtement est d'autant plus re-
grettable, qu'en ces conflits, se trouvent
ontraînée une classe de gens excessive-
mont intéressants, nous voulons parler
des petits patrons, qui a force de travail
et d'énergie, sortant du milieu ouvrier,
sont arrivés à se créer une situation.
Forte do ses capitaux de réserves, de
son immense outillage, de ses spécialités
même, la Société Anonyme tient tète à
la grève, et contraint parfois l'ouvrier,
quelque soit lo bien fondé de sa récla-
mation, de rontrer à l'atelier sans avoir
rion obtenu, alors que ces dernières
ressources sont épuisées. Toute autre
est la situation du petit patron : l'aug-
mentation du salaire, il l'accorderait
volontiers à l'ouvrier qui pour lui est
resté un peu lo compagnon d'autrefois,
et l'accorde même la plupart du temps.
Mais mû par un esprit de fausse soli-
darité, l'ouvrier n'en déserte pas moins
l'atelier : tout travail arrêté, qu'advient-il
du petit patron que lient mille engage-
ments commerciaux auxquels il ne peut
faire face qu'avec les ressources du tra-
vail journalier.
Protets assignations, jugements,pleu-
vent ïmrlMv tête, car la justice (1) n'inter-
rompt jamais son cours, le voilà mis en
faillite et comme corollaire à ce malheur
inespéré, voilà que la loi tutélaire frappe
d'un dernier coup ce malheureux eu le
dépouillant de ses droits politiques, en
le rayant du nombre des citoyens.
Tel individu méprisable, tel voleur
condamné on police correctionnel, reste
électeurs; lo malheuroux polit patron,
ruiné par une grève, reste et demeure
un paria, un incapable au point do vue
politique.
Kst-ce juste ? et à coté des mille misè-
res qu'engendre la grève, celle-là n'est-
elle pas à signaler?
N'est-il pas tomps de rayer de nos co-
des cette mesure absurde qui en cas de
malheur commercial, fait déchoir un
honnête homme du rang de citoyen.
Nous comprenons et nous admettons
volontiers que l'on donne à l'ouvrier tous
les moyens nécessaires pour défendre
1 valeur de son travail, nous ne protes-
tons point contre les lois nouvelles, sur
la matière que se propose de déposer le
Ministère, mais nous demandons, comme
corollaire, qu'il en dépose un autre ra-
yant de la loi la déchéancepolitique,pour
le malheureux industriel ou commerçant
qui n'a pas eu la chance de voir la fortu-
ne lui sourire.
Jean Mesnil.
A tort et à travers
UN POÈTE
Il n'est pas trop tard pour parler encore
de lui. Albert Samain, qui vient de mourir
à quarante ans, était un poete délicieux ;
j'ai été un des tout premiers à le aire : je
me fais un triste devoir de le répeter au-
jourd'hui sur sa tombe. Il est enlevé aux
Muses en pleine sève et en plein charme,
« laissant, comme l'a dit Shakespaere d'O-
phélie, sa mélodieuse chanson interrom-
pue. »
L'auteur du Jardin de Infante,, couron-
né en 1898 par l'Academie française, et d'un
autre recuil, eu Il y a tant ae choses ex-
quiscs, Aux flancs du vase, était connu et
apprécié do tous les lettrés. Sa personne
medoste fuyait le bruit et son œuvre ne le
cherchait pas ; mais les amateurs d'Art, qui
ont encore le temps et le goût de lirc, sa-
vouraient cette œuvre choisie ou l'on sen-
tait bien qu'une âme tendre, nostalgique
et musicale, s'était exhalée. Tous les con-
frères en noosle d'Alhnrt Snmsin damna
ses camarades du Mercure de France,
Henri de Régnier, Francis Ltelé-Griffin,
Ferdinand HerOld, jusqu'aux nouveaux
venus, André Kl voire, fernand Gregh,
Charles Guerin, Maurice Magre, le tenaient
en estiuie particulière; ses aillé, Sully-
Prudhomme, José-M aria île llcrcil ta, Fran-
çois Coppée, avalent accueilli avec, fiiveur
les premières promesses de ce iaient si pur
et m gracieux. Le dicton des orecs : * L«
potier porte envie mu potier et Us poète au
poète», n'c.t pas toujours vftu : l'amour
commun pour la poesie réunit souvent et
rapproche, sans rivalités, ceux quelle en-
chante.
Entre la poésie d'Albert Samaln et la mu-
sique de Schumann, il y a d'évidentes ana-
logies. Ses poèmes no sont pas, en généra',
de longue haleine ni de vastes dimensions ;
ce sont do petites pièces, courtes et ache-
vées, d'un sentiment profond et délicat. On
les Imagine très bien accompagnées par le
violon ou par la nlHe, lues et presquechan-
tee? dans la pénombre d'une petite cham-
bre qui ouvrirait sur un jardin. Sur la
table, une rose d'automne achève do mou-
rir dans un vase : une vapeur do thé, une
fumée de cigarette montant dans l'air où
flotte aussi un parfum de mélancolie et
d'Intimité; les bruits du monde, de la rue
et de la foule n'arrivent pas jusque-là. Ce
n'est pas la Tour d'ivoire ; c'est un autre
refuge, moins orgueilleux et plus doux,
pour une âme qui écoute son chant inté-
rieur et se berce de ses propres mélodies.
Outre ce qu'il trouvait en lui-même et
exprimait avrec tant de flràce. Il me semble
que l'Anthologie et André Ghénler avaient
dû, de bonne heure, agir sur la nature
poétique d'Albert Samain. Notons, en pas-
sant, cette Influence du très grand poète
André Chénler sur la jeune poésie contem-
poraine. Elle est visible, à mon sens, pres-
que partout, on en retrouve au moins la
trace et le pli chez les mieux doués et les
plus originaux de ces jeunes gens. Du Bel-
lay, André Chénier, Henri de Régnier, Al-
bert Samain, on ferait un joli recueil, un
joli bouquet avec un choix de poésies de ce
quator de poètes.
L'exquise originalité d'Albert Samain est
justement d'avoir donné un tour et un ac-
cent modernes à l'éternelle Elégie. C'est
toujours le même soupir et ce sont bien les
mêmes larmeM, puisque, malgré la diffé-
rence des temps et dos milieux, la vie do
l'homme sensible, du poète, est toujours
faite des mômes émotions : c'est toujours
le même élan vers Ir. Beauté, la moine 11-
lusiou ou le même regret d'amour,le môme
besoin do tendresse et do tristefse qui
ouvrent en nous les sources de la poéqle ;
mais cette poésie suit le cours de nos jour-
nées, comme un ruisseau coule selon sa
pente, et elle prend, pour ainsi dire, la for-
me de notre âme. L'âme fine, délicate et
tloro,d'Albert Samain no contenait rien que
de rare et do distingué, au vrai sens des
mots ; elle donne ainsi à toute son œuvre
un cachet de précieuse dlstinctiou au'il est
Impossible do ne pas aimer.
Une œuvre pareille n'est pas faite pour le
gros public, qui l'ignore ou la méconnaît ;
elle n'en plaît que mieux au petit nombre
de gens qui savent où elle fleurit et qui
vont la cueillir et la respirer. Elle exige,
pour être comprise et savourée dans tout
son charme, cette petite lnttiatiou que don-
ne, seule, la sympathie. Elle ne se prête
pas davantage à la fabrication continue ;
elle est d'un art trop subtil et trop raffiné.
Albert Samain n'était pas un poète de mé-
tier, toujours penché sur son établi ou sur
sa forge et travaillant à toute heure; c'é-
tait un poote songeur et intermittent, com-
me la plupart des vrais élégiaques, atten-
dant 1 heure et le caprice de l'inspiration,
qui n'est jamais volontaire, la laissant ve-
nir, la voyant venir, dans cette flânerie aux
paupières closes que les profanes prennent
pour de la paresse et qui n'est que le si-
lence de la pensée, pareil à la chère attente
d'un rendez-vous. De là, chez lui, rien qui
sente l'artifice, la convention, la banalité.
Modeste employé à la préfecture 'e la Sei-
ne, 11 n'écrivait pas pour gagner sa vie,com-
me un commerçant de Lettres ; 11 écrivait
pour l'embellir, la distraire ou la oonsoler.
line se forçait pas pour être un poète; il
l'était A ses heures, quand son cœur battait
plus vite ou que son cerveau était plus lé-
ger. quand sa pensée avait. pris la forme
de son rêve et qu'elle demandait à sortir en
chantant.
On se souvient toujours du rossignol
qu'on a entendu chanter un beau soir de
mai. On ne sait rien de lui que la douceur
de son chant ; mais ce chant, suffit à nous
rendre la nuit plus claire et les étoiles plus
brillantes; on l'écoute, on le retient encore.
lorsqu'il est fini. Albert Samain, oublié
ou négligé, n'avait pas été décoré pour
l'Exposition.
S.
En Chine
Peu à peu nous sont parvenues, sur les
opérations militaires qui ont abouti à la
prise de Pékin, les relations officielles des
commandants des divrs contingents inter-
nationaux. Nous sommes arrivés ainsi à
nous faire une idée plus conforme à la réa-
lité mr ces événements dont des dépêches
de I)rtsse,géiiéralement de source anglaise,
no nous avaient fait connaître, jusqu'ici,
qu<3 la physionomie générale.
Or, il semblait résulter de ces informa-
tions de la première heure un fait qui avait
péniblement impressionné les esprits en
France : le rôle des troupes françaises,tant
a la prise de Pékin que dans les opérations
qui l'avaient précédée, paraissait avoir été
presque nul.
Or, Il ressort aujourd'hui des rapports
impartiaux des commandants alliés que
personne n'est resté en arrière dans cet
effort entrepris en commun par la civilisa-
tion et qu'il faut attribuer simplement à
une manœuvre déloyale des informateurs
anglais la version erronéo qui avait été
,"abord répandue. Mais, ainsi que nous le
faisons remarquer dans notre « Semaine
politique » est-ce que les Anglais en sont à
une déloyauté près ?
L'opinion publique, en France, aura ap-
pris la vérité avec un sentiment de soula-
gement ; car, faisant preuve, il est vrai. d'un
peu dlrrcllexlon et de nervosité, elle s'é-
tait laissé émouvoir Quelques-uns, se rap-
pelant la part brillante et prépondérante
que nous avions prise à l'expédition de
Chine de 18M, comparaient mélancolique
ment le passé avec le présent, et ils en ti-
raient des conclusions pessimistes quant à
l'intensité de reCTort que nous sommes ca-
pables de faire aujourd'hui.
D'autrea ceux oui volant avant tout dans
la politique extérieure une matière àexpiol-
ter en faveur des querelles de parti, accu-
salent le gouvernement de laisser, par son
incurte. péricliter notre prestige et nos in-
tcrèts. Kl alors lia demandaient, avec une
émotion qui n'était peut v ire pas feinte :
« OÙ donc eot la Pianee on Glunc :,.
( >r, avant même que nous fût parvenue
la dépèche du jrénéial Froy, l'amiral Sey-
mour, puis impartial et plus jusle qtir» les
correspondants des journaux. de son pays,
avait, répondu à cette question, dans * sa
lettre A l'amiral Courrejolles : « La l'ranee
était au poste d'honneur, où la tùdlc étaIt
la plus dangereuse. » <
COLOMBOPHILIE
Pigeons messagers. - Au siè.
ge de Haarlem. Lâchers
en mer. Les Colom-
biers mobiles.
Il y a un mois, c'était exactement lo 22
juillet dernier, le vapeur « Bardouville »,
du service des Ponts et Chaussées, était
dans les eaux de Portland, et un lâcher de
vlgeolls-voyageurs avait lieu en mer. sous
les auspices de la Fédération Colombê*
phlte (êela Seine-Inférieure.
Les résultats furent merveilleux et font
1 ; plus grand honneur aux sociétés de no-
tre région, il ne sera donc pas sans Intérêt
que nous entretenions aujourd'hui nos lec-
teurs de cet aimable sport qui s'appelle la
Colombo Dhille.
Il ne faudrait pas croire d'ailleurs que
l'usage des pigeons-voyageurs soit d'in VOD-
tion récente. Il fut connu en Grèce et en
Italie vers le Y le siecle avant Jésus-Christ.
Dès le milieu de ce siècle, on emnlovalt
déjà ces intéressants galtnacès comme
messagers !
Au moyen-âge le colombier était une des
prérogatives des terres seigneuriales, la
marque distinctive du fief. L'architecture
en était des plus soignées, particulièrement
dans notre région normande. On peut citer
comme modèles du genre les colombiers
de Boos, du manoir d'Ango à Varangeville-
sur-Mer, de Bol!o\/,!ul\laume, etc.
En 1571 et en 1570, le prince d'< >range fit
usage de plgeous-voyageurs aux sièges de
Haarlem et de Lcyde ; et pour reconnaître
le servlco de ces oiseaux, le prince youlut
qu'ils fussent nourris aux dépens do l'Etat,
dans une volière faite exprès, et que, lors-
qu'ils seraient morts, on les embaumât
pour être gardés à l'Hôtel-de-Ville.
Il n'est pas jusqu'à la colombophilie ma-
ritime qui n'ai eu, elle aussi, son existence
dans l'auclen temps.
Pierre Bolon, dans son Histoire de la
Nature des Oiseau,]', publiée eu 15."»5, pré-
tend que les mariniers d'Egypte, de Chypre
et de Candie nourrissaient sur leurs navires
des pigeons messagers : « C'est, ajouto-t-il,
c pour les hlcbers quand ils approchent de
c terre, afin de faire annoncor chez eux
« leur arrivée I »
Aussi bien, l'usage de ces courriers était-
il assez général en Orient : le consul fran-
çais d'Alexandrette s'en servait au siècle
dernier pour envoyer promptement des
nouvelles à Alep, et les caravanes qui sil-
lonnaient l'Arabie, faisaient savoir, par le
mémo moyen, leur marche aux souverains,
Arabes avec qui elles étalent alliés.
Comme on le volt, il n'y a rien de nttu-
veau sous le soleil 1
Toutefois l'abolition du droit féodal de
fuie et do colombier, prononcée avec tant
d'autres dans la nuit du 4 août 1789, tout
en randaut service aux paysans, détermina
un arrêt dans l'élevage et l'éducation des
pigeons dans notre pays.
Ce fut la guerre de 1870-71 qui ramena
l'attention sur ces intéressants volatiles :
et depuis, la plupart des nations européen-
nes ont établi chez elles un grand nombre
do colombiers publics et prives.
La Belgique est la mieux outillée, l'Al-
lemagne vient ensuite. La France compte,
outre ses colombiers d'Etat, environ 100 so-
ciétés spéciales, qui fourniraient à la dé-
fense nationale plus de 200,000 su jets.
Notre département occupe l'un des rangs
les plus honorables dans ce remarquable
ensemble.
A Rouen, au Hitvre, à Fécamp, à Dieppe
et dans un grand nombre de localités su-
burbaines se sont constituées des sociétés
colombophiles qui, toutes, rivalisent de
zèle et d'ardeur, cherchant tous les jours à
réaliser des progrès nouveaux.
C'est d'ailleurs une société rouennaise,
vrnion. fondeo eu isr.3 et la dovenno de
l'arrondissement, qui figure avec le n" - I
dans les classements du ministère do la
guerre.
Il faut reconnaître du reste que ce genre
de sport est des plus attachants. Quoi de
plus gracieux et de plus doux à Foail qu'un
pigeon? Quoi de plus étonnant que l'ins-
tinct si sur qui le guide à travers l'espace ?
et quoi enfin de plus surprenant que la cé-
lérité de ses ailes et la profondeur de son
regard ?
Les sélections bien comprises, en vue des
croisements, les entraînements judicieuse-
ment gradués ont d'autre part donné des
résultats tenant presque du prodige et qui
semblent montrer que tout n'est pas encore
dit dans l'art colombophile.
Les colombiers mobiles et les lâchers en
mer font actuellement l'objet plus spécial
des études des amateurs comme des profes-
sionnels.
Lo premier concours en mer fut organisé
le M juillet 18U5 par le Petit Journal, puis
vinrent les essais du capitaine Bcnaud, du
61 dragons en garnison à Evreux, et. les
essais a bord des paquebots de la C'. Tran-
satlantique.
Ce fut notre région qui eut l'honneur do
fournir des pigeons au capitaine Renaud;
les colombiers de MM. Lesauvage et Dela-
fosse, deux rouonnals, envoyèrent alors
plus d'un bon sujet au savant officier.
Mais ces tentatives étalent officielles et
ne pouvaient donner des résultats aussi
prompts, ni 3e suivre avec autant de soin
et d'attention que ceux de l'initiative pri-
vée.
Ce fut encore dans notre département que
des amateurs se mirent en tète les premiers
de poursuivre l'étude des lâchers en mer,
M. Ernest Deshayes, le sympathique
adjoint au maire de Rouen, président de la
fédération Colombophile rte la Seine-In-
férieure, donna n m pu Iion et depuis deux
ans, gl'ê\ce à son activité, des concours sont
organises en mer dont les résultats ont
dépasse tout ce que l'on pouvait prévoir.
Nous ne voulons pas abuser des chitines
il convient pourtant d'en citer quelques-uns
qui ne manqueront pas d'Intéresser les ama-
teurs de pigeons comme aussi les profa-
nes.
Cette année, deux lâchers en mer ont eu
lieu: l'un en vue de Douvres le s Jui let, et
l'autre comme nous le disions en commen-
çant dans les eaux 1(1 Portiind le :.'2 Julllet
dernier.
Au ( oni-ours de Douvres, re fui unpiffeon
de* \sii(iei'Sotteriltois ,¡Iii ientra le
prlmlcr: lâcher à 8 heure*, du matin, il
rejoififdt OII « (ilomliier à lo h. 1 m. \\{) s.,
n aynnt mis pour venir du Pa-s de Calais
que ùu" heures en Chili''rev ronds.
An eoneoursde Portland dont la distance
est beaueoup plus constdtTuhle, exactement
27o Ml. l-'O inetres, de Rouen à vol d oiseau
i le lacLicr eut lieu à 8 heurea du matin et le
Dixième Anné, o 498
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l'avance et m font àpMthrét
1" et 16 de chaque aoIl.1
SEMAINE POLITIQUE
Prolongation de l'Exposition.
Mesure inut'le. Nos bons
amis les Anglais. Manœu-
vres gallophobes.
On parle beaucoup, en ce moment, de
la prolougation de l'Exposition, et bien
des gens paraissent la préconiser. Dé-
plorant, pour des raisons d'ailleurs di-
verses, la disparition prochaine de tous
les palais élevés sur les bords de la
Seiae, au Champ-de-Mars et aux Invali-
des, ils souhaiteraient un délai supplé-
mentaire ; une prolongation de quinze
jours ou d'un mois : l'Exposition resterait
ouverte, en fait, jusque vers la fin de no-
vembre.
M. Paul Grousset, dé pu té, va plus loin:
il voudrait ne la voir fermer qu'au prin-
temps 1001 !
A notre avis, une pareille mesure ne
se justifierait guère. L'Exposition,
chacun le sait et il serait puéril de lo
nier, a eu des débuts assez difficiles.
L'inauguration, trop précipitée, eut
naturellement des résultats fâcheux. Le
contraste était si brutal entre l'optimis-
me de certains discours officiels et le dé-
sert marécageux des galeries inache-
vées, que l'Exposition produisit tout d'à.
bord sur beaucoup de personnes une
impression de découragement et de dé-
sillusion. Mais les conséquences des
fautes ainsi commises ont été s'atténuant.
L'œuvre gigantesque, à laquelle on tra-
vaillait avec tant d'ardeur depuis plu-
sieurs années, a fini par s'imposer et,
tout en continuant à faire, bien entendu,
maintes réserves do détail, souvent jus-
tifiées, les plus sceptiques eux-mêmes
se sont vus contraints de reconnaître sa
grandeur.
Or il a fallu, pour mener l'œuvre à
bonne fin, un effort collectif prodigieux.
Et non-seulement l'effort de l'adminis-
taation spéciale chargée de l'organiser,
mais aussi et surtout peut-ctre celui de
tous les industriels qui voulaient y pren-
dre part. Partout ainsi, en Franco et à
l'étranger, on a plusieurs années durant,
rivalisé d'ardeur et d'application. Le ré-
sultat d'un pareil-labeur, aussi patiem-
ment j oursuivi, ne pouvait être médio-
re, et, de fait, il ne l'a pas été.
Assurément on entend bien des plain-
tes : on parle de faillites, «d'attractions»
variées, obligées de fermer parce qu'el-
les ne couvraient même pas leurs frais.
Ce sont là des faits exacts et toutes les
plaintes ne sont pas sans fondement.
Mais il ne faut pas ncn plus y attacher
trop d'importance ni surtout trop généra-
liser les choses. Certains entrepreneurs
se sont imaginés qu'il suffisait d'ouvrir
une boutique pour voir les visiteurs s'y
précipiter en foule et que n'importe
quelle exhibition était assurée de faire
recette. L'expérience est venue montrer
l'erreur du calcul et beaucoup parmi ceux
qui pâtissent pâtissent uniquement de la
pauvreté de leurs inventions. A côté
d'eux, d'autres, plus ingénieux, ne son-
gent aucunement à se plaindre.
Il ne faut pas oublier non plus que le
succès véritable d'une Exposition ne se
mesure pas aux recettes de telles ou tel-
les entreprises privées. Nous avons tou-
jours été convaincus que ces dernières
tenaient, cette fois-ci, une place vrai
ment trop grande.
Les galeries remplies de produits, les
palais bondés de chefs-d'œuvre sont ton-
jours là. Ce sont eux qui constituent les
« attractions » dignes vraiment de ce
nom,et personne n'oserait soutenir que le
visiteur ne trouve autant et plus à étudier
ou à admirer en 1900 qu'en 1889 ou en
187S.
L'effort a étéf msidérable que nul,
sans doute, chez us ne se sentira le
courage d'en faire, une seconde fois, un
pareil. Les risques de l'entreprise sont
tellement énormes que personne no vou-
dra prendre la responsabilité d'engager
une nouvelle partie. Hâtons-nous donc
d'étudier et d'admirer puisque jamais
plus à Paris du moins,nous n'assisterons
à semblable spectacle.
Gardons-nous toutefois do vonloir le
prolonger et gardons-nous aussi d'en
vouloir conserver une partie.
Nous avons construit cette fois-ci doux
palais, déclarés, dès le principe, défini-
tifs. Que ceux là demeurent, soit ; mais
évitons les erreurs de 1878 et de 1889 et
que rien d'autre ne soit épargné. Et si,
par la nature même des choses, les ga-
leries doivent disparaître et leur contenu
dispersé, qu'importe, en somme, que ce
soit quinze jours plus tôt ou plus tard 1
La dato de la fermeture a été fixée dès
le début : elle est raisonnable ; il faut s'y
tenir, -- sans quoi il n'y a plu ; de raison
pour que l'Exposition finisse jamais.
Une choso qui, elle ne finira jamais
c'est la mauvaise foi des journaux anglais
à l'égard de la France.
En effet, le Times et son correspon-
dant de Rome, c'est ce dernier qui a
attaché le grelot, viennent encore de
se signaler par une de ces perfidies aux-
quelles nous sommes trop habitués pour
en être surpris,mais qu'il n'est pas moins
utile de signaler aux intéressés. Cette
fois-ci, il s'agit de la reprise des hostili-
tés entre le Vatican et le Quirinal.
On a discuté sur la cause à laquelle il
convenait d'attribuer la volte-face du St
Siège, qui, après s'ètré montré très con-
ciliant à l'occasion de la mort du roi
Humbert, avait repris son attitude précé.
dento de protestation, le faisant savoir
au monde par les communiqués de l'Os-
serratorc roman o.
Le correspondant romain du Times,
« qui est tout à fait bien informé, et qui
s'est rarement trompé dans l'interpréta-
tion des faits » c'est la rédaction de
Londres qui lui rend ce brillant homma-
ge, a trouvé le mot de l'énigme: c'est
la France qui est intervenue en trouble-
fete et qui a fait tout le mal, soit par es-
prit de cléricalisme, soit par italophobie.
Le correspondant du Times consacre
plus de deux longues colonnes à démon-
trer notre intrusion conspiratrice en la
matière ; après quoi, la rédaction do
Londres, exultant devant une si belle
pâture, la présente, à son tour, au public
sous la forme d'un article do fond.
Nous apprenons donc par Io Tunes
que le Vatican est habitué a « trombler
dovant la presso cléricale françaises, et
quo le Pape Léon XIII « défèro aux pré-
tentions du parti ultramoutain de Fran-
ce. » Cos prémisses établies, sans
preuves, il est vrai. il fallait démon-
trer que le parti clérical et la presse clé-
ricale de France avaient pesé sur Léon
XIII pour qu'il renonçât à son attitude
conciliante. Le correspondant du Tim,e.'i,
qui lit nos journaux, a donc mis la main
sur deux articles parus dans V Univers
et signés L. G., qu'il a pu exploiter dans
le sens de sa thèse.
L'auteur de ces articles, serait le fac-
totum du Pape en France, quoique chose
comme l'Eminence Grise de Léon X111.
Et comme le Vatican doit « trembler »
devant lui comme devant l'ensemble de
la Presse cléricale, on a vu se produire
ce phénomène extraordinaire: à peine
les articles de VUnivers avaient-ils paru
qu'on faisait volte-face à Home. Ainsi, il
aura suffi de deux articles de journal
pour imprimer à la politique du Saint-
Siège une direction toute nouvelle.
Quand on est journaliste, ces choses-là
font toujours plaisir.
Pour achever son œuvre, le corres-
pondant du Times essayait encore de prou-
ver aux Italiens que les Français, après
avoir attiré une mortification à la reine
Marguerite, avaient dansé comme des
sauvages autour de leur victime.
Si nous n'avions pas confiance dans le
bon sens des Italiens, ces manœuvres
pourraient nous irriter et nous inquiéter.
On sait, en effet, que la question romaine
est exploitée avec autant de ténacité que
d'imprudence par ceux qui craignent un
rapprochement entre la France et l'Italie.
Quand ils désespèrent de convaincre los
Italiens que nous sommes prêts à les at-
taquer dans notre propre intérêt, ils leur
insinuent que nous complotons contre
l'unité italienne dans l'intérêt du Pape et
en faveur du pouvoir temporel.
Cette tac» iq ue est employée contre nous
non seulement en Italie, mais aussi à
l'étranger.L'an dernier, la Tribuna avait
commencé une campagne systématique
pour faire croire que, dans laquostion de
la Conférence do la Haye, notre diplo-
matie était intorvonue contre le gouver-
nement Italien, qui s'opposait à ce quo le
Rlint-Silo fût représenté à ce Congrès.
Condamnables quand elles sont Io fait
d'Italiens, ces manœuvres deviennent
particulièrement in:olérables lorsque ce
sont des étrangers qui s'y livrent.
GRÈVES & FAILLITES
Un vent de grève semble avoir soufflé
sur le pays, et du Havre, où le mouve-
ment a pris naissance, il s'est étendu à
tous les ports maritimes et menace do
gagner l'intérieur.
Un tel état de choses est profondément
regrettable car il est dommageable aussi
bien à l'ouvrier qu'au patron et le seul bé-
néfice qui en résulte s'en va à l'étranger,
qui profite trop largement hélas ! de la
suspension du travail dans nos cités ma.
ritimes, du brusque arrêt de nos ateliers.
Par tous les moyens possibles, on eut
dû tenter do l'arrêter et la bonne volonté
de tous aurait dû faire tous ses efforts
pour arriver à la désirable conciliation.
Au fond, il y a de grosses fautes com-
mises dont une bonne partie retombe sur
le patronat qui no sait pas toujours faire
à temps les sacrifices nécessaires pour
éviter de semblables conflits.
La réponse brutale et injuste du tribu-
nal maritime commercial du Havre aux
très justes réclamations des soutiers et
des chauffeurs de la Compagnie transa-
tlantique a été l'étincelle qui a mis le feu
aux poudres, et il y a eu là une de ces
grosses maladresses, une de ces lourdes
gaffes, comme soul le respectable corps
du commissariat de la marine est sus-
ceptible d'en commettre.
Quand on connaît la vie d'eu for que
mènent à bord des modernes steamers.
les soutiers et les chauffeurs, on est ré-
ellement étonné de la modicité des salai-
res qui leur sont alloués et tout homme
de bonne foi, ai modéré et si conserva-
teur fut-il, est contraint en son âme et
conscience de reconnaître le bien fondé
dos réclamations présentées par le per-
sonnel des machines de la Compagnie
transatlantique. - ̃
Au lieu de répondre par une accepta
tion des revendications aussi justes de
ce personnel d'élite, on a cru bien faire
en exhumant je ne sais quel règlement
du temps de Colbert, et on gratifiant de
quinze jours do prison do braves gens
dont le soul tort avait été do réclamer le
droit à la vie.
Au lieu do faire dévier sur lo terrain
politique, ou on rêve trop souvent de la
porter, cette triste question des grèves,
sans attribuera la présence de M. Mille-
rand au minislore, lo développement
qu'elles ont pris depuis quelque temps,
ne faut-il pas mieux chercher à en étu-
dier les causes et a en déterminer si pos-
sible les motifs. Ces points isolés, il sera
alors plus beaucoup aisé d'isoler ce qu'il
y a de bien ou de mal fondé dans la mas-
se des réclamations ouvrières.
Lors de la grève des ouvriers du port
de Rouen, l'an dernier, nous avons expo-
sé que si le salaire réclamé par des ma-
nœuvriers qui n'ont aucun apprentissa-
ge, paraissait à première vue fort élevé,
leur réclamation n'en était pas moins
fondée, si l'on voulait bien admettre que
cette catégorie ouvrière est soumise à de
longs chômages dont le résultat est de
réduire la moyenne de son salaire à un
chiffre inférieure au prix d'embauchage
moyen sur la place.
Tel a été un peu le cas des ouvriers
charbonniers du Havre.
D'autre part, si on réfléchit à l'énorme.
-- - ----- ----
majoration des prix des charbous, aux bé-
néfices que de cechef,producteurs,arma-
teurs et intermédiaires ont réalisé ; on
peut admettre, sans passer pour des
utopistes, que la main-d'œuvre réclame
elle aussi sa petite du gâteau.
En matière de construction métallurgi-
que, le cas est le même ; tout ce qui tou-
che au métal, fonderie et construction,
vient de traverser et traverse encore
une période d'activité telle que l'on n'en
vit de semblable depuis vingt ans.
Si,par conséquent,le capital trouve une
rénumération plus largo, n'est-il point
juste que la main-d'œuvre puisse obte-
nir, pour les mêmes raisons, un salairo
plus élevé.
Le travail est fonction,dans l'organisa-
tion de notre société actuelle, do trois
facteurs, capital, cerveau et main-d'n'\)-
vre, qui en eau d'heureuse fortune Ont
tous les trois droit ;iu bénéfice réalisé.
C'est do l'oubli do ce sage principe quo
naissent la plupart du temps les grèves
qu'une concession faite en temp logi-
que eut empêche.
La période do luttes et de conflits,celle
que nous traversons actuellement, est-
ello plus profitable? L'ouvrier y épuise
sos ressources,le patron y pord ses com-
mandes, et on aboutit toujours forcément
a une entente. Pourquoi ne pas arriver à
la conciliation dès le premier jour, pour-
quoi dans leur aveuglement et souvent
dans l'égoïsme de leur impersonnalité,
les grandes sociétés attendent-elles ces
périodes fâcheuses pour accorder des
augmentations de salaires qu'elles sa-
vent justifiées.
Cet entêtement est d'autant plus re-
grettable, qu'en ces conflits, se trouvent
ontraînée une classe de gens excessive-
mont intéressants, nous voulons parler
des petits patrons, qui a force de travail
et d'énergie, sortant du milieu ouvrier,
sont arrivés à se créer une situation.
Forte do ses capitaux de réserves, de
son immense outillage, de ses spécialités
même, la Société Anonyme tient tète à
la grève, et contraint parfois l'ouvrier,
quelque soit lo bien fondé de sa récla-
mation, de rontrer à l'atelier sans avoir
rion obtenu, alors que ces dernières
ressources sont épuisées. Toute autre
est la situation du petit patron : l'aug-
mentation du salaire, il l'accorderait
volontiers à l'ouvrier qui pour lui est
resté un peu lo compagnon d'autrefois,
et l'accorde même la plupart du temps.
Mais mû par un esprit de fausse soli-
darité, l'ouvrier n'en déserte pas moins
l'atelier : tout travail arrêté, qu'advient-il
du petit patron que lient mille engage-
ments commerciaux auxquels il ne peut
faire face qu'avec les ressources du tra-
vail journalier.
Protets assignations, jugements,pleu-
vent ïmrlMv tête, car la justice (1) n'inter-
rompt jamais son cours, le voilà mis en
faillite et comme corollaire à ce malheur
inespéré, voilà que la loi tutélaire frappe
d'un dernier coup ce malheureux eu le
dépouillant de ses droits politiques, en
le rayant du nombre des citoyens.
Tel individu méprisable, tel voleur
condamné on police correctionnel, reste
électeurs; lo malheuroux polit patron,
ruiné par une grève, reste et demeure
un paria, un incapable au point do vue
politique.
Kst-ce juste ? et à coté des mille misè-
res qu'engendre la grève, celle-là n'est-
elle pas à signaler?
N'est-il pas tomps de rayer de nos co-
des cette mesure absurde qui en cas de
malheur commercial, fait déchoir un
honnête homme du rang de citoyen.
Nous comprenons et nous admettons
volontiers que l'on donne à l'ouvrier tous
les moyens nécessaires pour défendre
1 valeur de son travail, nous ne protes-
tons point contre les lois nouvelles, sur
la matière que se propose de déposer le
Ministère, mais nous demandons, comme
corollaire, qu'il en dépose un autre ra-
yant de la loi la déchéancepolitique,pour
le malheureux industriel ou commerçant
qui n'a pas eu la chance de voir la fortu-
ne lui sourire.
Jean Mesnil.
A tort et à travers
UN POÈTE
Il n'est pas trop tard pour parler encore
de lui. Albert Samain, qui vient de mourir
à quarante ans, était un poete délicieux ;
j'ai été un des tout premiers à le aire : je
me fais un triste devoir de le répeter au-
jourd'hui sur sa tombe. Il est enlevé aux
Muses en pleine sève et en plein charme,
« laissant, comme l'a dit Shakespaere d'O-
phélie, sa mélodieuse chanson interrom-
pue. »
L'auteur du Jardin de Infante,, couron-
né en 1898 par l'Academie française, et d'un
autre recuil, eu Il y a tant ae choses ex-
quiscs, Aux flancs du vase, était connu et
apprécié do tous les lettrés. Sa personne
medoste fuyait le bruit et son œuvre ne le
cherchait pas ; mais les amateurs d'Art, qui
ont encore le temps et le goût de lirc, sa-
vouraient cette œuvre choisie ou l'on sen-
tait bien qu'une âme tendre, nostalgique
et musicale, s'était exhalée. Tous les con-
frères en noosle d'Alhnrt Snmsin damna
ses camarades du Mercure de France,
Henri de Régnier, Francis Ltelé-Griffin,
Ferdinand HerOld, jusqu'aux nouveaux
venus, André Kl voire, fernand Gregh,
Charles Guerin, Maurice Magre, le tenaient
en estiuie particulière; ses aillé, Sully-
Prudhomme, José-M aria île llcrcil ta, Fran-
çois Coppée, avalent accueilli avec, fiiveur
les premières promesses de ce iaient si pur
et m gracieux. Le dicton des orecs : * L«
potier porte envie mu potier et Us poète au
poète», n'c.t pas toujours vftu : l'amour
commun pour la poesie réunit souvent et
rapproche, sans rivalités, ceux quelle en-
chante.
Entre la poésie d'Albert Samaln et la mu-
sique de Schumann, il y a d'évidentes ana-
logies. Ses poèmes no sont pas, en généra',
de longue haleine ni de vastes dimensions ;
ce sont do petites pièces, courtes et ache-
vées, d'un sentiment profond et délicat. On
les Imagine très bien accompagnées par le
violon ou par la nlHe, lues et presquechan-
tee? dans la pénombre d'une petite cham-
bre qui ouvrirait sur un jardin. Sur la
table, une rose d'automne achève do mou-
rir dans un vase : une vapeur do thé, une
fumée de cigarette montant dans l'air où
flotte aussi un parfum de mélancolie et
d'Intimité; les bruits du monde, de la rue
et de la foule n'arrivent pas jusque-là. Ce
n'est pas la Tour d'ivoire ; c'est un autre
refuge, moins orgueilleux et plus doux,
pour une âme qui écoute son chant inté-
rieur et se berce de ses propres mélodies.
Outre ce qu'il trouvait en lui-même et
exprimait avrec tant de flràce. Il me semble
que l'Anthologie et André Ghénler avaient
dû, de bonne heure, agir sur la nature
poétique d'Albert Samain. Notons, en pas-
sant, cette Influence du très grand poète
André Chénler sur la jeune poésie contem-
poraine. Elle est visible, à mon sens, pres-
que partout, on en retrouve au moins la
trace et le pli chez les mieux doués et les
plus originaux de ces jeunes gens. Du Bel-
lay, André Chénier, Henri de Régnier, Al-
bert Samain, on ferait un joli recueil, un
joli bouquet avec un choix de poésies de ce
quator de poètes.
L'exquise originalité d'Albert Samain est
justement d'avoir donné un tour et un ac-
cent modernes à l'éternelle Elégie. C'est
toujours le même soupir et ce sont bien les
mêmes larmeM, puisque, malgré la diffé-
rence des temps et dos milieux, la vie do
l'homme sensible, du poète, est toujours
faite des mômes émotions : c'est toujours
le même élan vers Ir. Beauté, la moine 11-
lusiou ou le même regret d'amour,le môme
besoin do tendresse et do tristefse qui
ouvrent en nous les sources de la poéqle ;
mais cette poésie suit le cours de nos jour-
nées, comme un ruisseau coule selon sa
pente, et elle prend, pour ainsi dire, la for-
me de notre âme. L'âme fine, délicate et
tloro,d'Albert Samain no contenait rien que
de rare et do distingué, au vrai sens des
mots ; elle donne ainsi à toute son œuvre
un cachet de précieuse dlstinctiou au'il est
Impossible do ne pas aimer.
Une œuvre pareille n'est pas faite pour le
gros public, qui l'ignore ou la méconnaît ;
elle n'en plaît que mieux au petit nombre
de gens qui savent où elle fleurit et qui
vont la cueillir et la respirer. Elle exige,
pour être comprise et savourée dans tout
son charme, cette petite lnttiatiou que don-
ne, seule, la sympathie. Elle ne se prête
pas davantage à la fabrication continue ;
elle est d'un art trop subtil et trop raffiné.
Albert Samain n'était pas un poète de mé-
tier, toujours penché sur son établi ou sur
sa forge et travaillant à toute heure; c'é-
tait un poote songeur et intermittent, com-
me la plupart des vrais élégiaques, atten-
dant 1 heure et le caprice de l'inspiration,
qui n'est jamais volontaire, la laissant ve-
nir, la voyant venir, dans cette flânerie aux
paupières closes que les profanes prennent
pour de la paresse et qui n'est que le si-
lence de la pensée, pareil à la chère attente
d'un rendez-vous. De là, chez lui, rien qui
sente l'artifice, la convention, la banalité.
Modeste employé à la préfecture 'e la Sei-
ne, 11 n'écrivait pas pour gagner sa vie,com-
me un commerçant de Lettres ; 11 écrivait
pour l'embellir, la distraire ou la oonsoler.
line se forçait pas pour être un poète; il
l'était A ses heures, quand son cœur battait
plus vite ou que son cerveau était plus lé-
ger. quand sa pensée avait. pris la forme
de son rêve et qu'elle demandait à sortir en
chantant.
On se souvient toujours du rossignol
qu'on a entendu chanter un beau soir de
mai. On ne sait rien de lui que la douceur
de son chant ; mais ce chant, suffit à nous
rendre la nuit plus claire et les étoiles plus
brillantes; on l'écoute, on le retient encore.
lorsqu'il est fini. Albert Samain, oublié
ou négligé, n'avait pas été décoré pour
l'Exposition.
S.
En Chine
Peu à peu nous sont parvenues, sur les
opérations militaires qui ont abouti à la
prise de Pékin, les relations officielles des
commandants des divrs contingents inter-
nationaux. Nous sommes arrivés ainsi à
nous faire une idée plus conforme à la réa-
lité mr ces événements dont des dépêches
de I)rtsse,géiiéralement de source anglaise,
no nous avaient fait connaître, jusqu'ici,
qu<3 la physionomie générale.
Or, il semblait résulter de ces informa-
tions de la première heure un fait qui avait
péniblement impressionné les esprits en
France : le rôle des troupes françaises,tant
a la prise de Pékin que dans les opérations
qui l'avaient précédée, paraissait avoir été
presque nul.
Or, Il ressort aujourd'hui des rapports
impartiaux des commandants alliés que
personne n'est resté en arrière dans cet
effort entrepris en commun par la civilisa-
tion et qu'il faut attribuer simplement à
une manœuvre déloyale des informateurs
anglais la version erronéo qui avait été
,"abord répandue. Mais, ainsi que nous le
faisons remarquer dans notre « Semaine
politique » est-ce que les Anglais en sont à
une déloyauté près ?
L'opinion publique, en France, aura ap-
pris la vérité avec un sentiment de soula-
gement ; car, faisant preuve, il est vrai. d'un
peu dlrrcllexlon et de nervosité, elle s'é-
tait laissé émouvoir Quelques-uns, se rap-
pelant la part brillante et prépondérante
que nous avions prise à l'expédition de
Chine de 18M, comparaient mélancolique
ment le passé avec le présent, et ils en ti-
raient des conclusions pessimistes quant à
l'intensité de reCTort que nous sommes ca-
pables de faire aujourd'hui.
D'autrea ceux oui volant avant tout dans
la politique extérieure une matière àexpiol-
ter en faveur des querelles de parti, accu-
salent le gouvernement de laisser, par son
incurte. péricliter notre prestige et nos in-
tcrèts. Kl alors lia demandaient, avec une
émotion qui n'était peut v ire pas feinte :
« OÙ donc eot la Pianee on Glunc :,.
( >r, avant même que nous fût parvenue
la dépèche du jrénéial Froy, l'amiral Sey-
mour, puis impartial et plus jusle qtir» les
correspondants des journaux. de son pays,
avait, répondu à cette question, dans * sa
lettre A l'amiral Courrejolles : « La l'ranee
était au poste d'honneur, où la tùdlc étaIt
la plus dangereuse. » <
COLOMBOPHILIE
Pigeons messagers. - Au siè.
ge de Haarlem. Lâchers
en mer. Les Colom-
biers mobiles.
Il y a un mois, c'était exactement lo 22
juillet dernier, le vapeur « Bardouville »,
du service des Ponts et Chaussées, était
dans les eaux de Portland, et un lâcher de
vlgeolls-voyageurs avait lieu en mer. sous
les auspices de la Fédération Colombê*
phlte (êela Seine-Inférieure.
Les résultats furent merveilleux et font
1 ; plus grand honneur aux sociétés de no-
tre région, il ne sera donc pas sans Intérêt
que nous entretenions aujourd'hui nos lec-
teurs de cet aimable sport qui s'appelle la
Colombo Dhille.
Il ne faudrait pas croire d'ailleurs que
l'usage des pigeons-voyageurs soit d'in VOD-
tion récente. Il fut connu en Grèce et en
Italie vers le Y le siecle avant Jésus-Christ.
Dès le milieu de ce siècle, on emnlovalt
déjà ces intéressants galtnacès comme
messagers !
Au moyen-âge le colombier était une des
prérogatives des terres seigneuriales, la
marque distinctive du fief. L'architecture
en était des plus soignées, particulièrement
dans notre région normande. On peut citer
comme modèles du genre les colombiers
de Boos, du manoir d'Ango à Varangeville-
sur-Mer, de Bol!o\/,!ul\laume, etc.
En 1571 et en 1570, le prince d'< >range fit
usage de plgeous-voyageurs aux sièges de
Haarlem et de Lcyde ; et pour reconnaître
le servlco de ces oiseaux, le prince youlut
qu'ils fussent nourris aux dépens do l'Etat,
dans une volière faite exprès, et que, lors-
qu'ils seraient morts, on les embaumât
pour être gardés à l'Hôtel-de-Ville.
Il n'est pas jusqu'à la colombophilie ma-
ritime qui n'ai eu, elle aussi, son existence
dans l'auclen temps.
Pierre Bolon, dans son Histoire de la
Nature des Oiseau,]', publiée eu 15."»5, pré-
tend que les mariniers d'Egypte, de Chypre
et de Candie nourrissaient sur leurs navires
des pigeons messagers : « C'est, ajouto-t-il,
c pour les hlcbers quand ils approchent de
c terre, afin de faire annoncor chez eux
« leur arrivée I »
Aussi bien, l'usage de ces courriers était-
il assez général en Orient : le consul fran-
çais d'Alexandrette s'en servait au siècle
dernier pour envoyer promptement des
nouvelles à Alep, et les caravanes qui sil-
lonnaient l'Arabie, faisaient savoir, par le
mémo moyen, leur marche aux souverains,
Arabes avec qui elles étalent alliés.
Comme on le volt, il n'y a rien de nttu-
veau sous le soleil 1
Toutefois l'abolition du droit féodal de
fuie et do colombier, prononcée avec tant
d'autres dans la nuit du 4 août 1789, tout
en randaut service aux paysans, détermina
un arrêt dans l'élevage et l'éducation des
pigeons dans notre pays.
Ce fut la guerre de 1870-71 qui ramena
l'attention sur ces intéressants volatiles :
et depuis, la plupart des nations européen-
nes ont établi chez elles un grand nombre
do colombiers publics et prives.
La Belgique est la mieux outillée, l'Al-
lemagne vient ensuite. La France compte,
outre ses colombiers d'Etat, environ 100 so-
ciétés spéciales, qui fourniraient à la dé-
fense nationale plus de 200,000 su jets.
Notre département occupe l'un des rangs
les plus honorables dans ce remarquable
ensemble.
A Rouen, au Hitvre, à Fécamp, à Dieppe
et dans un grand nombre de localités su-
burbaines se sont constituées des sociétés
colombophiles qui, toutes, rivalisent de
zèle et d'ardeur, cherchant tous les jours à
réaliser des progrès nouveaux.
C'est d'ailleurs une société rouennaise,
vrnion. fondeo eu isr.3 et la dovenno de
l'arrondissement, qui figure avec le n" - I
dans les classements du ministère do la
guerre.
Il faut reconnaître du reste que ce genre
de sport est des plus attachants. Quoi de
plus gracieux et de plus doux à Foail qu'un
pigeon? Quoi de plus étonnant que l'ins-
tinct si sur qui le guide à travers l'espace ?
et quoi enfin de plus surprenant que la cé-
lérité de ses ailes et la profondeur de son
regard ?
Les sélections bien comprises, en vue des
croisements, les entraînements judicieuse-
ment gradués ont d'autre part donné des
résultats tenant presque du prodige et qui
semblent montrer que tout n'est pas encore
dit dans l'art colombophile.
Les colombiers mobiles et les lâchers en
mer font actuellement l'objet plus spécial
des études des amateurs comme des profes-
sionnels.
Lo premier concours en mer fut organisé
le M juillet 18U5 par le Petit Journal, puis
vinrent les essais du capitaine Bcnaud, du
61 dragons en garnison à Evreux, et. les
essais a bord des paquebots de la C'. Tran-
satlantique.
Ce fut notre région qui eut l'honneur do
fournir des pigeons au capitaine Renaud;
les colombiers de MM. Lesauvage et Dela-
fosse, deux rouonnals, envoyèrent alors
plus d'un bon sujet au savant officier.
Mais ces tentatives étalent officielles et
ne pouvaient donner des résultats aussi
prompts, ni 3e suivre avec autant de soin
et d'attention que ceux de l'initiative pri-
vée.
Ce fut encore dans notre département que
des amateurs se mirent en tète les premiers
de poursuivre l'étude des lâchers en mer,
M. Ernest Deshayes, le sympathique
adjoint au maire de Rouen, président de la
fédération Colombophile rte la Seine-In-
férieure, donna n m pu Iion et depuis deux
ans, gl'ê\ce à son activité, des concours sont
organises en mer dont les résultats ont
dépasse tout ce que l'on pouvait prévoir.
Nous ne voulons pas abuser des chitines
il convient pourtant d'en citer quelques-uns
qui ne manqueront pas d'Intéresser les ama-
teurs de pigeons comme aussi les profa-
nes.
Cette année, deux lâchers en mer ont eu
lieu: l'un en vue de Douvres le s Jui let, et
l'autre comme nous le disions en commen-
çant dans les eaux 1(1 Portiind le :.'2 Julllet
dernier.
Au ( oni-ours de Douvres, re fui unpiffeon
de* \sii(iei'Sotteriltois ,¡Iii ientra le
prlmlcr: lâcher à 8 heure*, du matin, il
rejoififdt OII « (ilomliier à lo h. 1 m. \\{) s.,
n aynnt mis pour venir du Pa-s de Calais
que ùu" heures en Chili''rev ronds.
An eoneoursde Portland dont la distance
est beaueoup plus constdtTuhle, exactement
27o Ml. l-'O inetres, de Rouen à vol d oiseau
i le lacLicr eut lieu à 8 heurea du matin et le
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