Fusil sur l'épaule et baïonnette au canon, deux compagnies le suivent. En colonnes, par sections, elles tiennent toute la largeur de la rue. Les baïonnettes effilées forment des haies symétriques, hautes et menaçantes.
L'épée sous le bras droit, un officier britannique précède ses hommes qui, le fusil couché sous le bras gauche, crosse relevée et canon en arrière, s'avancent, quatre par quatre, d'un pas de parade sec et régulier. Une, deux; une, deux.
Des soldats belges, en tenue kaki, viennent ensuite, sans armes, bras ballants.
La musique du 129e passe silencieuse.
Des fusiliers marins, qui n'arrivent point à emboîter le pas du cortège et dont les rangs se disloquent sans cesse, mar- chent en se dandinant, comme bercés de roulis.
Mais derrière leurs baïonnettes brille, très haut, une croix d'or. Et l'on aperçoit aussitôt des soutanes noires, des surplis blancs, des barrettes, des étoles : enfants de choeur, chantres, prêtres, alignés dans un vaste espace, mêlent leurs vêlements d'église aux uniformes militaires.
A présent, c'est un cortège fleuri et diapré qui emplit la rue. Quatre huissiers de l'Hôtel de Ville portent une couronne : « La Ville du Havre aux victimes de leur devoir ". D'autres sont portées par quatre soldats français : « Le Gouvernement de la République»; par deux soldats anglais : «From officers and men of the British Army » ; par deux soldats belges manchots : « Le dépôt des Invalides belges à leurs camarades »; par deux marins : «Le Gouverneur de la Ville du Havre». D'autres couronnes se succèdent, énormes et délicates, coupées de rubans dont la foule lit à mi-voix les inscriptions.
Lorsque les dernières ont disparu, la rue reste vide quel- ques instants. Puis défilent successivement trois cavaliers de l'armée anglaise : un capitaine, un lieutenant, un trompette. Ils conduisent la colonne funèbre.
Voici les prolonges! On les voyait venir de loin. Leurs branches de houx, de sapin et de laurier, leurs drapeaux, se balançaient au-dessus des têtes. Les voici! Elles sont traînées chacune par quatre chevaux noirs et conduites par deux cavaliers anglais. Des fusiliers marins, le fusil renversé, les escortent.
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