II. — L'ENSEIGNEMENT DE LA PHILOSOPHIE A L'ÉCOLE NORMALE DE L'AN III
La philosophie, qui avait exercé-pendant le cours du xvm° siècle-un empire si brillant et si incontesté, était morte comme ensevelie dans son triomphe lors de la Révolution de 1789 ; à l'enthousiasme bruyant avait succédé l'indifférence générale. Rien ne le fait mieux voir que l'examen du plan d'études de l'école normale de l'an rirr Fondé un demi-siècle plus tôt, un pareil établissement eût été un véritable séminaire philoso- phique ; on n'aurait pas manqué de confier la principale chaire à un Diderot ou à un Rousseau ; transporté de l'idée de parler devant des jeunes gens qui devaient être a leur tour les instituteurs de la nation française, il se serait surpassé ; avec une chaleur entraînante et communicative, il aurait développé devant eux les idées les plus profondes et les plus sublimes, il aurait excité dans leurs coeurs les passions les plus généreuses. Les temps sont bien changés : les organisateurs de l'école normale attribuent une place prépondérante aux sciences ; la philosophie est représentée par deux chaires dont le titre même est significatif : l'analyse :de l'entendement et la morale. L'analyse de l'entendement, c'est à quoi Condillac (dont Lakanal et Daunou étaient les disciples), avait réduit toute la philosophie;; le .professeur que l'on désigna pour occuper cette chaire n'était pas homme à élargir un horizon si étroit. « Voilà où en était la France, dit Michelet ; l'enseignement de la philosophie, qui aurait dû avoir une influence féconde, fut confié à Garât, et cet enseignement fut très goûté. »
Ce n'est pas ici le lieu de tracer le portrait de Garât, ni de raconter la vie fort accidentée de ce personnage : une ambir tion bien fâcheuse l'avait porté a s'engager dans la carrière politique pour laquelle certes il n'était pas né, et ce qui est plus fâcheux encore, le cours des révolutions l'éleva dans les circonstances les plus critiques aux postes les plus considé- rables sans que ses facultés et son caractère se soient montrés à la hauteur de sa fortune et surtout des événements. (On sait que Garât, ministre de la Justice après Danton, prononça une apologie, d'ailleurs fort entortillée, des massacres de Sep- tembre. C'est lui qui donna lecture à Louis XVI de la sen-
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