24* ANNEE ;
Nouvelle Série
4' Trimestre 1922
Organe du Mouoement Pacifique Chrétien
• ^ j
.. . J**l TRIMESTRIEL
x « l’internationale P l’amour » -
Fondé en 1898, supprimé par la censure militaire pendant la Guerre mondiale
MEMBRES
RÉDACTION
DIRECTION :
ADMINISTRATION
COMPTE DE CHÈQUES POSTAUX
Adhèrent
Actif
—
Pasteur Henri HUCHET
— -
■ 5 fr.
1 O fr.
Les opinions exprimées sont
libres au service de la Vérité
Docteur r Marius DUfVIESNIL
Les souscriptions annuelles
sont indispensables pour la
D r DUMESNIL
Militant
20 fr.
et de la Paix.
COUtfBlilOIE (Sei.ie)
propagande.
PARIS n 217.31
La Danse
des Nécrophores
« l)e ce creuset ou vous êtes broyés
avec les vôtres, avec la Patrie, il va
sortir quelque chose de nouveau,
une France plus trempée, une
Patrie plus pure, un avenir plus
rayonnant ».
Parleur J. \ iénot,
(Pendant la guerre , 111, 36,
cité dans P Universel , 2c trim. 1922).
Messeigneurs les Cardinaux, Archevêques et
Evêques, Messieurs les chanoines, curés et
moines de toutes couleurs, et Messieurs les
pasteurs très réformés, calvinistes, luthériens,
anglicans, et de cent autres sectes, voyez la
réalisation de vos prophéties.
Vous l’avez célébrée la guerre juste et sainte !
Vous leur avez dit de tenir jusqu’au bout à
ceux qui s’entrégorgeaient dans les tranchées,
jusqu’à ce que les obus envoient leurs débris
reposer côte à côte dans la boue silencieuse.
Vous avez encensé les gouvernants, promoteurs
et metteurs en scène de la grande tuerie ! Et
vous nous avez promis pour l’après-guerre uite
France régénérée !
Allez la voir, la France régénérée, chez les
paysans qui donnent le blé à leurs poules et à
leurs vacbes, les pommes de terre à leurs co
chons ; qui laissent pourrir leurs fruits et dé
truisent leurs légumes, ue peur de vendre ces
produits trop bon marché (entendez, à un
taux beaucoup plus élevé que le prix normal).
Cependant que chez nous il y a des malheureux
qui ne mangent pas à leur faim. Cependant
qu’en Autriche, il y a des milliers de gens qui
agonisent par les privations, et que les enfants
sont atrophiés, rachitiques, et tarés pour le
reste de leur misérable vie ; cependant qu’en
Russie il y a des milliers d’enfants et d’adultes
qui sont morts de faim !
Allez la voir, la France régénérée, dans les
usines qui refusent de produire les denrées
de première nécessité (pour le batiment par
exemple) de peur de faire baisser les prix, ce
pendant que tant de gens victimes de la crise
du logement sont campés dans des conditions
qui sont un défi à l’hygiène et à la moralité !
Allez la voir, la France régénérée, dans notre
administration qui paralyse toutes les initia
tives, qui met des entraves de toute nature aux
entreprises des honnêtes travailleurs et qui
favorise les llibustiers ; qui gaspille les milliards
pour les causes les plus pernicieuses et qui ne
facilite aucunement la reconstruction de nos
régions dévastées !
Allez la voir, la France régénérée, chez les
bistrots où la race s’étiole et s’abrutit, allez la
voir sur les champs de courses où l’on joue
parfois 30 millions en un seul jour, tandis
qu’on ne trouve point d’argent pour les œuvres
d’hygiène, d’assistance, d’éducation et les tra
vaux publics de grande utilité !
Allez la voir, la France régénérée, à Deauville
où les vieilles dames se disputentâprementles
tables de Baccara tous les soirs ; où tel usinier
enrichi pendant la guerre ponte 100.000 francs
à la fois, perd trois millions dans une soirée
et gagne quatre millions le lendemain, où un
député joue contre un juif richissime par
coups de 200.000 francs, tandis que Cornuché
ramasse à la cagnotte 800.000 francs dans une
même nuit ! Et pendant que ces messieurs
arrivent au casincfavec des sacs de cuir bourrés
de liasses de billets de mille, il y a des gens
qui vont pieds nus et ne mangent pas à leur
faim.
La voilà votre France régénérée, Messieurs
les représentants des Eglises ! Le voilà votre
(1) Nous rappelons que les nécrophores sont des insectes
coléoptères qui vivent sur des charognes et se rassemblent
autour des cadavres pour les enterrer et pondre leurs œufs
dans ces chairs putrifiées.
renouveau spirituel ! Voilà votre renaissance
religieuse !
Prêchez, prêchez, vaticinez ! Vous hurlez
dans un cimetière. La France est un grand
cadavre sur lequel pullulent et grouillent les
larves infectes qui se nourrissent de sa décom
position. Comme les fossoyeurs d’Ilamlet vous
avez joue avec les crânes. Les morts se venge
ront, leur pourriture montera jusqu’à vous et
vous en périrez, vous et vos Eglises.
L’heure des grandes échéances est proche :
banqueroute, ruine générale, nouvelle guerre,
révolution, épidémies, cataclysmes, tous ces
lléaux viendront balayer une humanité que la
guerre n’a fait que précipiter dans une cor
ruption plus profonde et qui danse sa danse
infernale sur dix millions de cadavres.
Que ceux qui aspirent sincèrement à être
de vrais disciples du Christ, se recueillent et
retrempent leur foi et leur courage. Ils au
ront à garder à travers toutes les secousses, le
llambeau de la Lumière éternelle.
Troupeau dévoyé, bergers aveugles, je 11e
vous maudis point... Paix et miséricorde pour
vous ! Je voudrais vous épargner les consé
quences de votre infidélité!... Mais le monde
a lissé la trame de son avenir...
Que ceux qui voient et qui sentent ce qui
vient , appellent éperdument la Lumière et la
Force d’en Haut, qu’ils travaillent de toutes
leurs forces, qu’ils s’unissent dans le recueille
ment, dans la prière, et dans l’amour, car
La Lumière se lève dans les ténèbres pour les
hommes droits. (Ps. 112-4).
en dépit de toutes ses horreurs, à travers
toutes ses convulsions, le monde marche vers
la Cité éternelle où « il 11’y aura plus de nuit »
(Apoc. 22 - 3 ).
D' M. DUMESNIL.
De la Guerre
à la Paix
Un des évènements politiques importants
du trimestre dernier a été le débat sur les res
ponsabilités de la guerre à la Chambre des
députés.
C’est M. Poincaré qui, sentant venir sur lui
le vent de la justice immanente, a provoqué
ce débat peur faire approuver solennellement,
par une Chambre à ses ordres, sa politique
d’avant-guerre, sa politique'de guerre et, par
suite, sa politique actuelle, qui n’en est que
la continuation et dont nous voyons les tristes
résultats se dérouler sous nos yeux. Il est venu
affirmer une fois de plus qu’il n’avait rien fait
pour déchaîner la catastrophe en 1914, ce
dont personne ne l’accusait, car tout le monde
est d’accord aujourd’hui sur les évènements
déterminants du mois de juillet 1914. Ces
évènements échappèrent complètement à la
direction de notre Gouvernement, ce qui
prouve son imprévoyance et son incapacité,
non son crime. Ce qu’il aurait fallu démon
trer, et ce qui ne l’a pas été, c’est que M. Poin
caré avait toujours été, en particulier depuis
1912, un partisan convaincu et déterminé de
la paix, craignant la guerre comme le pire des
maux,au lieu de proclamer à Angers,qu’il ne
fallait pas la craindre, bien décidé, par con
séquent, à s’opposer à toutes les fantaisies
balkaniques de la Russie et de ses satellites,
toujours prêts à jouer de la bombe.
Sur ce point, il ne suffit pas de torturer des
textes àla tribune. L’histoire de l’avant-guerre
reste écrite dans les archives diplomatiques
et ce que nous en connaissons dès maintenant
ne laisse aucun doute sur le rôle d’un homme
au sujet duquel, au lendemain de son élection
à la présidence delà République, M. Iswolski,
Ambassadeur de Russie, télégraphiait offi
ciellement à son gouvernement : « Je viens
d’avoir une longue conversation avec Poincaré,
qui m’a déclaré qu’en sa qualité de président
de la République il aurait la pleine possibilité
d’influer directement sur la politique exté
rieure de la France, qu’il ne manquerait pas
d’en profiter pour assurer au cours de son
septennat, l’intangibilité de la politique fon
dée sur l’étroite alliance avec la Russie. Il a
également exprimé l’espoir que nous conti
nuerions à nous voir et il m’a prié de m’adres
ser d: •ectement à lui chaque fois que je le
jugerais utile. En ce qui touche les questions
actuelles, il m’a fait à peu près les mêmes
déclarations que m’avait faites hier M. Jon-
nart. Selon lui, il est de la plus haute impor
tance pour le gouvernement français de pou
voir, à l’avance, préparer l’opinion française
à prendre part à la guerre qui peut éclater à
propos de la question balkanique ».
Ceci nous montre du premier coup où nous
menait l’homme qui présidait aux destinées
du pays. C’était ie champ libre laissé à la Rus
sie impérialiste et c’est tout-à-fait par hasard
que nous n’avons pas eu là guerre un an
plus tôt, à l’occasion de celle des Balkans,
puisque le même M. Iswolski écrivait aussi
à M. Sazonow :
a Le gouvernèrent français envisage cette
possibilité avec conscience et sang-froid, fer-
rneiViCfit décidé à 1 emplit ses obligations
d’alliés. »
Nous aurions même pu l’avoir beaucoup
plus tôt si M. Poincaré avait été au pouvoir,
puisqu’il disait à Iswolski, en 1912, en parlant
de l’affaire d’Agadir : « Que ni lui, ni ses Mi
nistres, 11e souffriraient la répétition de l’inci
dent d’Agadir et ne consentiraient à un com
promis comme celui qui eut lieu à cette
date ».
Loin de nier ces paroles, M. Poincaré se
fait applaudir encore aujourd'hui en répon
dant sur ce point :
« Le traité du 4 novembre 1911 a causé,
vous vous le rappelez, dans lé pays, une vive
déception. L’abandon d’une partie du Congo,
c’était, aux yeux de la France, la perte d’une
partie de notre patrimoine national ».
Ces textes montrent que M. Poincaré a
toujours considéré la guerre comme une solu
tion acceptable, sinon nécessaire, des diffi
cultés diplomatiques qui pouvaient surgir
d’Agadir à Constantinople, et qu’il prenait
peu à peu, à l’égard de la Russie, exactement
la même attitude que fempereur d’Allemagne
à l’égard de l’Autriche, c’est-à-dire la position
de l’homme qui donne carte blanche à son
partenaire pourtous les mauvais coups à faire
ensemble.
Les ordres du jour de confiance de la
Chambre actuelle ne peuvent rien changer à
ce fait historique : ils ont tout juste la valeur
du manifeste des q 3 intellectuels allemands
à la décharge de Guillaume le pacifique.
Malheureusement, ces ordres du jour ont
ceci de grave que, comme celui des q3 intel
lectuels, ils engagent le pays dans une cer
taine mesure et le solidarisent avec une poli
tique quia survécu à la guerre et qui continue
à faire peser sur nous les pires menaces pour
l’avenir.
Et pourtant, le peuple français n’a jamais
voulu la guerre et la veut moins que jamais.
A quoi faut-il donc attribuer, chez nous, un
état d’esprit qui peut s’incarner dans des
hommes aussi manifestement dangereux pour
notre politique étrangère ? Nous devrions le
savoir, car nous n’avons pas le droit d’invo
quer l’ignorance en matière aussi grave. Nous
ne sommes déjà que trop coupables: nous
avons beau nous laver les mains comme Pilate,
nous avons tous du sang du Christ sur la
conscience. Nous le sentons bien et c’est pour
cela que les belles protestations d’innocence
de Viviani exercent une telle séduction sur
nous, parce quelles nous dispensent de faire
notre mea culpa individuel.
Tout cela, c’est de l’hypocrisie : il faut
savoir avouer que nous avons pu nous tromper,
ce qui est humain, mais qu’il serait diabo
lique de persévérer dans notre erreur. Le seul
moyen de guérir notre mal est de le recher
cher, de le regarder en face et de porter en
suite le fer dans la plaie sans aucune arrière-
pensée.
Or, le mal est dans notre éducation poli
tique et c’est la pressé qui fait cette éducation.
C’est par la presse et par son bourrage de
crâne que ceux qui préparaient la guerre, cons
ciemment ou non, ont fait marcher les peuples
et les ont menés à l’abattoir. Ici encore, c’est
chez un des seigneurs de la guerre qu’il faut
aller chercher la vérité. C’est le même Iswolski
qui écrivait à son gouvernement, au moment
de la guerre des Balkans :
« J’ai fait tout mon possible pour agir sur
la presse.
« Sous ce rapport, grâce aux mesures habiles
prises à temps, des résultats considérables
ont été obtenus. Ainsique vous savez, je n’in
terviens pas directement dans la distribution
des subsides,"mais cette distribution est, à ce
qu’il paraît, efficace et atteint son but.
« De mon côté, je m’efforce tous les jours
d’influencer personnellement les journaux les
plus importants de Paris, comme Le Temps ,
Le Journal des Débats, L'Echo de Paris ».
Voilà le mal dont nous souffrons et dont
tant d’hommes sont morts. Malheureusement
il n’est pas facile à extirper.
La grande presse, celle qui agit sur l’opinion
publique, est entre les mains des puissances
de l’or, qui trouvent dans la guerre un de leurs
principaux moyens d’exploiter les peuples. Ces
puissances sont au-dessus des gouvernements
eux-mêmes. Il semble donc bien difficile d’or
ganiser une lutte efficace contre la presse de
guerre et de haine.
Ce n’est pourtant pas une raison pour y
renoncer. Pour démasquer le mensonge et
faire luire la vérité, il faut peut-être moins
compter sur l’argent, que sur le désintéresse
ment et la bonne volonté. Il faudrait aussi,
et avant tout, une union étroite de tous les
hommes de bonne volonté, non seulement sur
le terrain national, mais aussi sur le terrain
international, union qui n’a pas été réalisée
jusqu’à ce jour parce que les peuples n’ont
jamais essayé de causer directement entre eux.
Au lieu de causer, ils se sont contentés et se
contentent encore de répéter le Credo du
massacre, que leur ont appris leurs maîtres :
« Il y a toujours eu des guerres, il y en aura
toujours ». Or, s’ils réfléchissaient un seul
instant au sens de ce credo, ils n’auraient pas
de peine à voir que cet acte de foi veut tout
simplement dire qu’on est toujours prêt à tuer
le voisin pour prendre sa place, ou plutôt à le
faire tuer par procuration, car on ne se sent
pa.s toujours la force ou le courage de le faire
soi-même et d’encourir personnellement les
risques de l’opération.
Une profession de foi pareille est un crime
contre la civilisation, qu’une presse infâme
peut seule mettre dans la bouche de ceux
qui la répètent inconsciemment. C’est un des
sophismes de la presse de guerre qu’il faut
démasquer et remplacer par une doctrine de
vérité, de collaboration et de solidarité entre
les peuples. Est-il impossible de réunir assez
d’hommes de bonne foi et de bonne volonté,
chez nous et ailleurs, pour créer cette œuvre
d'éducation publique et pour la faire vivre ?
Sans cette œuvre d’éducation, nous reste
rons la proie des puissances mauvaises et des
hommes qui gouvernent en leur nom.
Colonel CONVERSET.
\
Nouvelle Série
4' Trimestre 1922
Organe du Mouoement Pacifique Chrétien
• ^ j
.. . J**l TRIMESTRIEL
x « l’internationale P l’amour » -
Fondé en 1898, supprimé par la censure militaire pendant la Guerre mondiale
MEMBRES
RÉDACTION
DIRECTION :
ADMINISTRATION
COMPTE DE CHÈQUES POSTAUX
Adhèrent
Actif
—
Pasteur Henri HUCHET
— -
■ 5 fr.
1 O fr.
Les opinions exprimées sont
libres au service de la Vérité
Docteur r Marius DUfVIESNIL
Les souscriptions annuelles
sont indispensables pour la
D r DUMESNIL
Militant
20 fr.
et de la Paix.
COUtfBlilOIE (Sei.ie)
propagande.
PARIS n 217.31
La Danse
des Nécrophores
« l)e ce creuset ou vous êtes broyés
avec les vôtres, avec la Patrie, il va
sortir quelque chose de nouveau,
une France plus trempée, une
Patrie plus pure, un avenir plus
rayonnant ».
Parleur J. \ iénot,
(Pendant la guerre , 111, 36,
cité dans P Universel , 2c trim. 1922).
Messeigneurs les Cardinaux, Archevêques et
Evêques, Messieurs les chanoines, curés et
moines de toutes couleurs, et Messieurs les
pasteurs très réformés, calvinistes, luthériens,
anglicans, et de cent autres sectes, voyez la
réalisation de vos prophéties.
Vous l’avez célébrée la guerre juste et sainte !
Vous leur avez dit de tenir jusqu’au bout à
ceux qui s’entrégorgeaient dans les tranchées,
jusqu’à ce que les obus envoient leurs débris
reposer côte à côte dans la boue silencieuse.
Vous avez encensé les gouvernants, promoteurs
et metteurs en scène de la grande tuerie ! Et
vous nous avez promis pour l’après-guerre uite
France régénérée !
Allez la voir, la France régénérée, chez les
paysans qui donnent le blé à leurs poules et à
leurs vacbes, les pommes de terre à leurs co
chons ; qui laissent pourrir leurs fruits et dé
truisent leurs légumes, ue peur de vendre ces
produits trop bon marché (entendez, à un
taux beaucoup plus élevé que le prix normal).
Cependant que chez nous il y a des malheureux
qui ne mangent pas à leur faim. Cependant
qu’en Autriche, il y a des milliers de gens qui
agonisent par les privations, et que les enfants
sont atrophiés, rachitiques, et tarés pour le
reste de leur misérable vie ; cependant qu’en
Russie il y a des milliers d’enfants et d’adultes
qui sont morts de faim !
Allez la voir, la France régénérée, dans les
usines qui refusent de produire les denrées
de première nécessité (pour le batiment par
exemple) de peur de faire baisser les prix, ce
pendant que tant de gens victimes de la crise
du logement sont campés dans des conditions
qui sont un défi à l’hygiène et à la moralité !
Allez la voir, la France régénérée, dans notre
administration qui paralyse toutes les initia
tives, qui met des entraves de toute nature aux
entreprises des honnêtes travailleurs et qui
favorise les llibustiers ; qui gaspille les milliards
pour les causes les plus pernicieuses et qui ne
facilite aucunement la reconstruction de nos
régions dévastées !
Allez la voir, la France régénérée, chez les
bistrots où la race s’étiole et s’abrutit, allez la
voir sur les champs de courses où l’on joue
parfois 30 millions en un seul jour, tandis
qu’on ne trouve point d’argent pour les œuvres
d’hygiène, d’assistance, d’éducation et les tra
vaux publics de grande utilité !
Allez la voir, la France régénérée, à Deauville
où les vieilles dames se disputentâprementles
tables de Baccara tous les soirs ; où tel usinier
enrichi pendant la guerre ponte 100.000 francs
à la fois, perd trois millions dans une soirée
et gagne quatre millions le lendemain, où un
député joue contre un juif richissime par
coups de 200.000 francs, tandis que Cornuché
ramasse à la cagnotte 800.000 francs dans une
même nuit ! Et pendant que ces messieurs
arrivent au casincfavec des sacs de cuir bourrés
de liasses de billets de mille, il y a des gens
qui vont pieds nus et ne mangent pas à leur
faim.
La voilà votre France régénérée, Messieurs
les représentants des Eglises ! Le voilà votre
(1) Nous rappelons que les nécrophores sont des insectes
coléoptères qui vivent sur des charognes et se rassemblent
autour des cadavres pour les enterrer et pondre leurs œufs
dans ces chairs putrifiées.
renouveau spirituel ! Voilà votre renaissance
religieuse !
Prêchez, prêchez, vaticinez ! Vous hurlez
dans un cimetière. La France est un grand
cadavre sur lequel pullulent et grouillent les
larves infectes qui se nourrissent de sa décom
position. Comme les fossoyeurs d’Ilamlet vous
avez joue avec les crânes. Les morts se venge
ront, leur pourriture montera jusqu’à vous et
vous en périrez, vous et vos Eglises.
L’heure des grandes échéances est proche :
banqueroute, ruine générale, nouvelle guerre,
révolution, épidémies, cataclysmes, tous ces
lléaux viendront balayer une humanité que la
guerre n’a fait que précipiter dans une cor
ruption plus profonde et qui danse sa danse
infernale sur dix millions de cadavres.
Que ceux qui aspirent sincèrement à être
de vrais disciples du Christ, se recueillent et
retrempent leur foi et leur courage. Ils au
ront à garder à travers toutes les secousses, le
llambeau de la Lumière éternelle.
Troupeau dévoyé, bergers aveugles, je 11e
vous maudis point... Paix et miséricorde pour
vous ! Je voudrais vous épargner les consé
quences de votre infidélité!... Mais le monde
a lissé la trame de son avenir...
Que ceux qui voient et qui sentent ce qui
vient , appellent éperdument la Lumière et la
Force d’en Haut, qu’ils travaillent de toutes
leurs forces, qu’ils s’unissent dans le recueille
ment, dans la prière, et dans l’amour, car
La Lumière se lève dans les ténèbres pour les
hommes droits. (Ps. 112-4).
en dépit de toutes ses horreurs, à travers
toutes ses convulsions, le monde marche vers
la Cité éternelle où « il 11’y aura plus de nuit »
(Apoc. 22 - 3 ).
D' M. DUMESNIL.
De la Guerre
à la Paix
Un des évènements politiques importants
du trimestre dernier a été le débat sur les res
ponsabilités de la guerre à la Chambre des
députés.
C’est M. Poincaré qui, sentant venir sur lui
le vent de la justice immanente, a provoqué
ce débat peur faire approuver solennellement,
par une Chambre à ses ordres, sa politique
d’avant-guerre, sa politique'de guerre et, par
suite, sa politique actuelle, qui n’en est que
la continuation et dont nous voyons les tristes
résultats se dérouler sous nos yeux. Il est venu
affirmer une fois de plus qu’il n’avait rien fait
pour déchaîner la catastrophe en 1914, ce
dont personne ne l’accusait, car tout le monde
est d’accord aujourd’hui sur les évènements
déterminants du mois de juillet 1914. Ces
évènements échappèrent complètement à la
direction de notre Gouvernement, ce qui
prouve son imprévoyance et son incapacité,
non son crime. Ce qu’il aurait fallu démon
trer, et ce qui ne l’a pas été, c’est que M. Poin
caré avait toujours été, en particulier depuis
1912, un partisan convaincu et déterminé de
la paix, craignant la guerre comme le pire des
maux,au lieu de proclamer à Angers,qu’il ne
fallait pas la craindre, bien décidé, par con
séquent, à s’opposer à toutes les fantaisies
balkaniques de la Russie et de ses satellites,
toujours prêts à jouer de la bombe.
Sur ce point, il ne suffit pas de torturer des
textes àla tribune. L’histoire de l’avant-guerre
reste écrite dans les archives diplomatiques
et ce que nous en connaissons dès maintenant
ne laisse aucun doute sur le rôle d’un homme
au sujet duquel, au lendemain de son élection
à la présidence delà République, M. Iswolski,
Ambassadeur de Russie, télégraphiait offi
ciellement à son gouvernement : « Je viens
d’avoir une longue conversation avec Poincaré,
qui m’a déclaré qu’en sa qualité de président
de la République il aurait la pleine possibilité
d’influer directement sur la politique exté
rieure de la France, qu’il ne manquerait pas
d’en profiter pour assurer au cours de son
septennat, l’intangibilité de la politique fon
dée sur l’étroite alliance avec la Russie. Il a
également exprimé l’espoir que nous conti
nuerions à nous voir et il m’a prié de m’adres
ser d: •ectement à lui chaque fois que je le
jugerais utile. En ce qui touche les questions
actuelles, il m’a fait à peu près les mêmes
déclarations que m’avait faites hier M. Jon-
nart. Selon lui, il est de la plus haute impor
tance pour le gouvernement français de pou
voir, à l’avance, préparer l’opinion française
à prendre part à la guerre qui peut éclater à
propos de la question balkanique ».
Ceci nous montre du premier coup où nous
menait l’homme qui présidait aux destinées
du pays. C’était ie champ libre laissé à la Rus
sie impérialiste et c’est tout-à-fait par hasard
que nous n’avons pas eu là guerre un an
plus tôt, à l’occasion de celle des Balkans,
puisque le même M. Iswolski écrivait aussi
à M. Sazonow :
a Le gouvernèrent français envisage cette
possibilité avec conscience et sang-froid, fer-
rneiViCfit décidé à 1 emplit ses obligations
d’alliés. »
Nous aurions même pu l’avoir beaucoup
plus tôt si M. Poincaré avait été au pouvoir,
puisqu’il disait à Iswolski, en 1912, en parlant
de l’affaire d’Agadir : « Que ni lui, ni ses Mi
nistres, 11e souffriraient la répétition de l’inci
dent d’Agadir et ne consentiraient à un com
promis comme celui qui eut lieu à cette
date ».
Loin de nier ces paroles, M. Poincaré se
fait applaudir encore aujourd'hui en répon
dant sur ce point :
« Le traité du 4 novembre 1911 a causé,
vous vous le rappelez, dans lé pays, une vive
déception. L’abandon d’une partie du Congo,
c’était, aux yeux de la France, la perte d’une
partie de notre patrimoine national ».
Ces textes montrent que M. Poincaré a
toujours considéré la guerre comme une solu
tion acceptable, sinon nécessaire, des diffi
cultés diplomatiques qui pouvaient surgir
d’Agadir à Constantinople, et qu’il prenait
peu à peu, à l’égard de la Russie, exactement
la même attitude que fempereur d’Allemagne
à l’égard de l’Autriche, c’est-à-dire la position
de l’homme qui donne carte blanche à son
partenaire pourtous les mauvais coups à faire
ensemble.
Les ordres du jour de confiance de la
Chambre actuelle ne peuvent rien changer à
ce fait historique : ils ont tout juste la valeur
du manifeste des q 3 intellectuels allemands
à la décharge de Guillaume le pacifique.
Malheureusement, ces ordres du jour ont
ceci de grave que, comme celui des q3 intel
lectuels, ils engagent le pays dans une cer
taine mesure et le solidarisent avec une poli
tique quia survécu à la guerre et qui continue
à faire peser sur nous les pires menaces pour
l’avenir.
Et pourtant, le peuple français n’a jamais
voulu la guerre et la veut moins que jamais.
A quoi faut-il donc attribuer, chez nous, un
état d’esprit qui peut s’incarner dans des
hommes aussi manifestement dangereux pour
notre politique étrangère ? Nous devrions le
savoir, car nous n’avons pas le droit d’invo
quer l’ignorance en matière aussi grave. Nous
ne sommes déjà que trop coupables: nous
avons beau nous laver les mains comme Pilate,
nous avons tous du sang du Christ sur la
conscience. Nous le sentons bien et c’est pour
cela que les belles protestations d’innocence
de Viviani exercent une telle séduction sur
nous, parce quelles nous dispensent de faire
notre mea culpa individuel.
Tout cela, c’est de l’hypocrisie : il faut
savoir avouer que nous avons pu nous tromper,
ce qui est humain, mais qu’il serait diabo
lique de persévérer dans notre erreur. Le seul
moyen de guérir notre mal est de le recher
cher, de le regarder en face et de porter en
suite le fer dans la plaie sans aucune arrière-
pensée.
Or, le mal est dans notre éducation poli
tique et c’est la pressé qui fait cette éducation.
C’est par la presse et par son bourrage de
crâne que ceux qui préparaient la guerre, cons
ciemment ou non, ont fait marcher les peuples
et les ont menés à l’abattoir. Ici encore, c’est
chez un des seigneurs de la guerre qu’il faut
aller chercher la vérité. C’est le même Iswolski
qui écrivait à son gouvernement, au moment
de la guerre des Balkans :
« J’ai fait tout mon possible pour agir sur
la presse.
« Sous ce rapport, grâce aux mesures habiles
prises à temps, des résultats considérables
ont été obtenus. Ainsique vous savez, je n’in
terviens pas directement dans la distribution
des subsides,"mais cette distribution est, à ce
qu’il paraît, efficace et atteint son but.
« De mon côté, je m’efforce tous les jours
d’influencer personnellement les journaux les
plus importants de Paris, comme Le Temps ,
Le Journal des Débats, L'Echo de Paris ».
Voilà le mal dont nous souffrons et dont
tant d’hommes sont morts. Malheureusement
il n’est pas facile à extirper.
La grande presse, celle qui agit sur l’opinion
publique, est entre les mains des puissances
de l’or, qui trouvent dans la guerre un de leurs
principaux moyens d’exploiter les peuples. Ces
puissances sont au-dessus des gouvernements
eux-mêmes. Il semble donc bien difficile d’or
ganiser une lutte efficace contre la presse de
guerre et de haine.
Ce n’est pourtant pas une raison pour y
renoncer. Pour démasquer le mensonge et
faire luire la vérité, il faut peut-être moins
compter sur l’argent, que sur le désintéresse
ment et la bonne volonté. Il faudrait aussi,
et avant tout, une union étroite de tous les
hommes de bonne volonté, non seulement sur
le terrain national, mais aussi sur le terrain
international, union qui n’a pas été réalisée
jusqu’à ce jour parce que les peuples n’ont
jamais essayé de causer directement entre eux.
Au lieu de causer, ils se sont contentés et se
contentent encore de répéter le Credo du
massacre, que leur ont appris leurs maîtres :
« Il y a toujours eu des guerres, il y en aura
toujours ». Or, s’ils réfléchissaient un seul
instant au sens de ce credo, ils n’auraient pas
de peine à voir que cet acte de foi veut tout
simplement dire qu’on est toujours prêt à tuer
le voisin pour prendre sa place, ou plutôt à le
faire tuer par procuration, car on ne se sent
pa.s toujours la force ou le courage de le faire
soi-même et d’encourir personnellement les
risques de l’opération.
Une profession de foi pareille est un crime
contre la civilisation, qu’une presse infâme
peut seule mettre dans la bouche de ceux
qui la répètent inconsciemment. C’est un des
sophismes de la presse de guerre qu’il faut
démasquer et remplacer par une doctrine de
vérité, de collaboration et de solidarité entre
les peuples. Est-il impossible de réunir assez
d’hommes de bonne foi et de bonne volonté,
chez nous et ailleurs, pour créer cette œuvre
d'éducation publique et pour la faire vivre ?
Sans cette œuvre d’éducation, nous reste
rons la proie des puissances mauvaises et des
hommes qui gouvernent en leur nom.
Colonel CONVERSET.
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