Titre : L'Universel : l'Évangile c'est la liberté ! / direction H. Huchet
Auteur : Mouvement pacifique chrétien de langue française. Auteur du texte
Éditeur : [s.n.] (Le Havre)
Date d'édition : 1926-07-01
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32885496v
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 juillet 1926 01 juillet 1926
Description : 1926/07/01-1926/10/31. 1926/07/01-1926/10/31.
Description : Collection numérique : Fonds régional :... Collection numérique : Fonds régional : Haute-Normandie
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k45652976
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-45090
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 19/09/2017
28* ANNÉE
MENSUEL
JUILLET-OCTOBRE 1926
Fondé en 1898, supprimé par la censure militaire pendant la Guerre mondiale
Mouoement Pacifique Chrétien
« l’internationale de l’amour »
Directeur-Fondateur : Henri HUCHET.
RÉDACTION :
D r M. DUMESN1L, Rédacteur en chef. — Henriette DU MESNIL-HUCHET, Secrétaire
ERMENONVILLE. Général PERCIN, Frédéric BONHOMME. GRILLOT DE GIVRY,
Louis GUÉTANT, Claire GÉNIAUX, Joël THÉZARD, Dr Henry MARI AVE,
D r M. J. ELLIOTT, Mme MARFURT-TORFS, P r Hermann KUTTER
Sophie TEDING van BERKHOUT van TAACK TRAKRANEN
Les articles n’engagent que leurs auteurs
1
ADMINISTRATION :
Abonnement
:
Chèques postaux :
Un an
5 francs.
Dr DUMESNIL
Le numéro
O fr. 50
PARIS n* 217.31
Souscriptions :
Membrejadhérent 1 O francs.
Membre actif 20 francs.
Membre militant.... 60 francs.
37, rue Poussin, PARIS, XVI e . Tel. : Auteuil 36-98
Correspondance
Le docteur M. Dumesnil rappelle aux amis de
province et de l'étranger de ne pas venir le voir
pour consultation médicale, sans avoir pris
rendez-vous auparavant, par lettre , pneuma
tique ou téléphone (Auteuil 36-98J afin de ne
pas s'imposer un déplacement inutile comme cela
s'est produit plusieurs J ois en juillet et août. En
téléphonant, on pourra toujours obtenir un ren
dez-vous très rapide , pour consultation ou vi
site, dans les cas urgents. DM. DUMESNIL.
Ce que nous apporte
la Jeunesse (
C’est pour exprimer notre étroite commu
nion de pensée avec la jeunesse pacifiste in
ternationale que nous sommes réunis ici,
c’est pour apporter à cette jeunesse militante
notre sympathie active, celle qui s’affirme en
actes, expression de la volonté calme mais
inébranlable d’être avec elle, les artisans du
monde qui naîtra, qui naît déjà au milieu du
chaos mondial.
C’est pour fêler dans ce monde la venue de
cette jeunesse idéaliste, à une heure où nous
avions tout lieu de désespérer, où nous avions
même peut-être commencé à le faire, lorsque
nous eûmes tout à coup la surprise réconfor
tante, la joie immense de rencontrer en un
paisible village hollandais caché entre les
dunes, toute une troupe de ces jeunes gens et
et de ces jeunes filles issus des différents coins
de la Hollande, de l’Angleterre et de l’Alle
magne. De ce dernier pays, la plupart étaient
venus par des moyens de fortune, à pied ou
en bicyclette avec une foi héroïque en un
avenir meilleur et une volonté têtue d’être,
eux les jeunes, les tout neufs dans l’action
sociale, lesouvriersdece mondeà reconstruire.
Il faut le dire — à cette époque où régnait
encore M. Poincaré, où les passeports étaient
refusés ou très difficilement donnés à ceux
dont les idées ne concordaient pas avec les
thèses gouvernementales où rien ne pou
vait faire encore prévoir une détente dans les
relations franco-allemandes et encore moins
Locarno — ce fut pour nous, les aînés, un im
mense réconfort que de rencontrer cette jeu
nesse qui croyait de toutes ses forces neuves à
son rêve fraternel et, qui plus est, était prête,
coûte que coûte, à en tenter la réalisation. Ce
fut le premier rayon de soleil pour nous à la
fin d’un long hiver, sous un ciel encore bas
et tout chargé de nuées.
Nous eûmes tout d’un coup l’impression de
ne plus être seuls, d’en avoir fini avec ce rôle,
combien ingrat, de précurseurs souvent ba
foués et incompris. La jeunesse venait à notre
secours. Ce que nous avions en vain demandé
aux différents Congrès, ce pourquoi nous
avions lutté en pure perte, semblait-il parfois,
voici que toute une jeunesse était prête à en
tenter la réalisation. Ces idées incongrues qui
furent celles de quelques pacifistes presque
toujours incompris des autres, voici qu’elles
étaient arrivées à maturité et qu’elles allaient
être le modus vivendi de nos frères cadets.
Quelles étaient donc ces idées à la fois nou
velles et anciennes ou ce qui revient au même,
quelles sont donc ces idées que la jeunesse
pacifiste a maintenant vulgarisées et que le
monde, bon gré mal gré, ne peut plus igno
rer. Les connaître c’est en même temps se
rendre compte de ce que nous devons à cette
jeunesse représentée en Hollande par les Idéa
listes Pratiques, en Allemagne par la Welt
Jugendliga, le Nie wieder krieg, en Angle
terre par les War resisters, etc.
Eh ! bien d’abord la première découverte si
l’on peut dire de cette jeunesse a été de se
découvrit' elle-même. Découverte si importante
que certains pays, l’Allemagne par exemple,
en ont été absolument bouleversés. C’est là,
en effet, où la jeunesse était restée le plus
passive le plus disciplinée, que sa conscience
d’elle-même s’affirma avec plus de force et
d’indépendance.
La jeunesse s’aperçut — et il faut s’en ré
jouir— que la compétence des anciens,
(1) Allocution prononcée à la réunion du M. P. C. pour
la « Semaine internationale des Jeunes. »
chefs de gouvernements, professeurs d’Uni-
versité ; de tous ceux qu’on lui avait appris à
respecter, n’ayant abouti qu’à dresser une
montagne de 12 millions de cadavres, était
vraiment sujette à caution et par suite à révi
sion. Qu’à tout prendre, tandis que ces mes
sieurs écrivaient des articles à prix forts et
que les autres se sauvaient à Bordeaux ou en
Hollande, c’était la vie de la jeunesse qui ser
vait de rançon, qu’il en était ainsi dans toute
guerre et que par suite, il était normal que
ceux dont la vie se trouvait directement visée
aient le droit de discuter leur arrêt de mort et
même de s’organiser pour l’empêcher. Et
ainsi en Angleterre, en Hollande et en Alle
magne spécialement, la jeunesse commença à
découvrit la solidarité qui l’unissait aux jeunes
des autres pays et à entrer en relation avec
eux pour former à travers le monde le cercle
d’amitié de tajeunesse. Ces jeunes découvrirent
qu’être venus dans le monde à une époque
donnée, dans une civilisation bouleversée par
uuecatastrophe mondiale, cela signifiait qu’on
devait s’unir parce que l’âge apporte une soli
darité de vues et des intérêts communs à dé
fendre. Ainsi beaucoup d’entre eux décou
vrirent qu’ils se trouvaient plus près d’un
étranger de leur âg^ que d'un compatriote
d’àge plus avancé. Et c’est en masse que la
jeunesse, à peu près en même temps dans ces
trois pays commença son action pacifiste.
Et voilà encore qui est nouveau : la venue de
cette jeunesse dans le monde pacifiste. On n’y
était guère habitué. Jusqu’à la guerre, lesCon-
grès de la paix réunissaient surtout des per
sonnages respectables par l'âge ou la situa
tion, qui menaient le Congrès et en mainte
naient toujours l’allure quelque peu officielle.
Parmi eux. bon nombre de juristes ou de
politiciens qui faisaient de la paix leur spé
cialité, l’accaparaient pour ainsi dire et trou
vaient mauvais que des gens simplement
parce qu'ils étaient dégoûtés de la guerre
pussent oser venir se mêler à leur troupe au
guste. Eh bien! en proclamant que la paix de
vait intéresser tout homme et toute Jemme dans
le monde, que tout homme et toute femme doit
et peut aider à son avènement, que la paix est
vraiment notre affaire à tous autant que celle
des diplomates, des juristes et des politiciens,
la jeunesse a rendu à la cause de la paix un
immense service Elle a donné à ceux qui
étaient écartés des Congrès officiels ou qui
n’osaient y prendre part, la conscience de leur
rôle et de leur mission. Elle a forcé le cercle
fermé de professionnels de la paix, elle a fail
irruption dans cette enceinte close, bon gré
mal gré elle y a pris sa place, malgré les airs
atterrés et les hochements de tête des pontifes
irrités. Elle est entrée avec une formule nou
velle, une bouffée de jeunesse et a crié à ceux
de la tribune qui s’apprêtaient une fois de
plus à envoyer aux gouvernements des vœux
pour la paix, quon ne promulgue pas la paix .
mais qu'on la vil. Que la paix est l’ouvrage à
lisser chaque jour par chacun de nous. Et
cela est une nouveauté, pas pour nous les pa
cifistes chrétiens, pas pour nos amis Madeleine
Vernet ni II. Thivet, mais pour la plupart des
associations qui furent officiellement les plus
représentatives du pacifisme.
Chez la plupart des pacifistes d’avant guerre,
l’idée de paix restait sans lien avec le reste
de leur vie. Elle faisait partie de leur bagage
intellectuel au même titre que leurs concep
tions politiques et comme ces dernières su
jette à variations. Elle était une fiche entre
beaucoup d’autres. Ces gens collectionnaient
des idées intéressantes mais il y avait entre
eux et leur collection plus de curiosité que
d’amour véritable. Elle était une idée généreuse .
un concept accepté par l’intelligence ; mais en
général je donne la tonalité de l’ensemble—
elle ne les avait pas pris au delà de l’intelli
gence, elle ne les tenait pas jusqu’aux fibres
d’eux-mêmes, elle n’était pas en euxun arbre de
vie. 11 y avait entre la paix conçueet la paix pra
tiquée, un fossé. Le rapprochement ne leur
paraissait pas nécessaire et peut-être ne leur
paraissait-il pas possible et les pacifistes qui
préconisaient, comme nous et quelques autres
la paix par l’éducation, la paix par la trans
formation de l’individu, étaient vraiment re
gardés avec une nuance de mépris comme le
tiers-état du pacifisme. La montée à la tribune
d’un pacifiste de cette sorte était toujours plus
ou moins accueillie avec une nervosité à peine
dissimulée par le bureau, c’est-à-dire par des
gens qui passaient les trois jours du Congrès
à discuter sur la formule académique des
vœux à envoyer aux gouvernements pour leur
enjoindre de proclamer la paix. Après quoi,
fourbus par des journées orageuses, mais
ayant réussi à mettre sur pied les vœux en
langage châtié, on se disloquait à la fin du
banquet avec la préoccupation du prochain
Congrès.
« Et quand j’aurais la science de tous les
mystères et toute la connaissance... si je n’ai
pas la charité , je ne suis rien » (I Cor. 13).
Et la plupart de ces pacifistes de congrès ne
furent rien en effet au cours de la guerre, ne
furent rien pour hâter le jour de la paix; ils
ne furent rien quand il s’agit de se garder de la
contagion mentale et du « bourrage de crâne ».
Que dis-je ils cessèrent dès la déclaration de
guerre de faire confiance à l’âme fraternelle
des hommes, malgré la tristesse des évène
ments, de faire confiance à son éveil et ils
jetèrent comme les autres l’anathème sur tout
un peuple, ce qui est propiement essayer
mentalement de tuer ce peuple. On sait en
effet combien pesa sur l’Allemagne ce fait
d’être accusée par le monde entier, ou à peu
près, d’être la responsable . unique de la
guerre. C’est parce que tant d’anciens paci
fistes renièrent systématiquement l’existence
de cette âme fraternelle chez les Allemands
que la guerre dura quatre ans et que 12
millions de mères pleurèrent leurs fils. Le
travail pacifiste d’avant-guerre avait pu in
téresser les esprits, il n’avait pas ébranlé les
consciences, il n’avait pas humanisé les
cœurs.
Aux siècles des siècles il en sera ainsi si
l’on ne change pas de méthode de travail.
Voilà ce que la jeunesse internationale a com
pris et elle est maintenant la cognée qui veut
renverser l’idéologie Paix.
Elle a réalisé que la paix n’est viable ou ne
deviendra viable entre ces nations qu’en s'in
carnant pour ainsi dire en nous, en étant
sans cesse exprimée dans notre vie. en étant
d’abord chez chacun le point de départ d’une
réforme individuelle.
Faire la paix.du monde c’est bien, mais fai
sons-là d’abord en nous et autour de nous.
Nous aspirons à ce que la Vérité qui est sœur
de la Paix soit pratiquée dans les relations
internationales, soyons d'abord vrais entre
nous ; mettons notre vie en harmonie avec
nos idées. Le monde vit sur une foule de con
ventions artificielles quant à la manière de se
vêtir, de manger, de se distraire, et c’est parce
que son point de départ est faux qu’on abou
tit à des catastrophes. Retournons à la sim
plicité dans les goûts et les plaisirs. Et, c’est
pourquoi, écrivait Harold Bingdans l’Universel
(avril 1923).
« C’est pourquoi les jeunes pacifistes s’en vont de
temps en temps en pleine campagne, vivre sous la
lente, sentir en eux l’unité essentielle de toute la Na
ture, se réunir dans un esprit fraternel et spirituel
sans les distractions de la vie quotidienne.»
Qu’il y ait des puérilités et des exagérations
dans la forme adoptée parfois par toute cette
jeunesse, cela est incontestable. Mais il ne
faut {.as oublier qu’on est toujours quelque
peu ridicule dès qu’on se met à pratiquer
quelque chose et c’est pourquoi tant de gens
préfèrent s’en tenir aux paroles. Il est plus
difficile, il est plus ingrat de vivre le pacifisme
et de chercher à l'actualiser que d’en par
ler. On a toujours tenté de faire la guerre
àla guerre disent lesjeuues. Qu’a-t-on tenté pour
vivre la paix. A part des groupes isolés et mé
prisés dans le pacifisme d’avant-guerre, on
peut dire: rien. On a fait des vœux ; ils ne se
sont pas réalisés, alors on y a renoncé et l’on
est parti à l’appel de la mobilisation en lais
sant les vœux dans son tiroir. Les jeunes
veulent faire cette tentative. Allons-nous rire
de leurs efforts? Ils veulent entre eux com
mencer à vivre cette vie de bonne volonté ré
ciproque qu’ils préconisent entre les peuples
et les gouvernements. Dirons-nous que cela
est vain ou ridicule? Ceux qui ont vécu seu
lement une semaine au milieu de tous ces
jeunes, ceux qui ont partagé leur vie com
mune cette vie simple, saine, rustique et paci
fique. au sein de la nature ne peuvent pas en
rire. Il y a là un effort positif admirable,
il y a là les prémisses du monde qui viendra,
qui vient chaque jour un peu dans la mesure
où nous l’incarnons en nous-mêmes.
Il y a là un nouvel héroïsme, l'héroïsme pa
cifique. On avait appris à toute la jeunesse
d’avant-guerre qu’un héros était celui qui
mourait sur le champ de bataille où il avait
été amené par contrainte. On le lui avait ap
pris dans la famille, à l’école, à l’Université et,
fidèle à l’image suivant laquelle on avait
façonné son enfance, elle crut de bonne foi
à la grandeur de cet héroïsme obligatoire et.
relatif puisqu’il s’agit avant tout non pas tant
de donner sa vie que de détruire celle des
autres.
La jeunesse d’après-guerre dûment ensei
gnée par l’exemple de ses frères aînés a dé
couvert l'héroïsme de la vie ce qui n’implique
pas que beaucoup parmi eux ne soient prêts
MENSUEL
JUILLET-OCTOBRE 1926
Fondé en 1898, supprimé par la censure militaire pendant la Guerre mondiale
Mouoement Pacifique Chrétien
« l’internationale de l’amour »
Directeur-Fondateur : Henri HUCHET.
RÉDACTION :
D r M. DUMESN1L, Rédacteur en chef. — Henriette DU MESNIL-HUCHET, Secrétaire
ERMENONVILLE. Général PERCIN, Frédéric BONHOMME. GRILLOT DE GIVRY,
Louis GUÉTANT, Claire GÉNIAUX, Joël THÉZARD, Dr Henry MARI AVE,
D r M. J. ELLIOTT, Mme MARFURT-TORFS, P r Hermann KUTTER
Sophie TEDING van BERKHOUT van TAACK TRAKRANEN
Les articles n’engagent que leurs auteurs
1
ADMINISTRATION :
Abonnement
:
Chèques postaux :
Un an
5 francs.
Dr DUMESNIL
Le numéro
O fr. 50
PARIS n* 217.31
Souscriptions :
Membrejadhérent 1 O francs.
Membre actif 20 francs.
Membre militant.... 60 francs.
37, rue Poussin, PARIS, XVI e . Tel. : Auteuil 36-98
Correspondance
Le docteur M. Dumesnil rappelle aux amis de
province et de l'étranger de ne pas venir le voir
pour consultation médicale, sans avoir pris
rendez-vous auparavant, par lettre , pneuma
tique ou téléphone (Auteuil 36-98J afin de ne
pas s'imposer un déplacement inutile comme cela
s'est produit plusieurs J ois en juillet et août. En
téléphonant, on pourra toujours obtenir un ren
dez-vous très rapide , pour consultation ou vi
site, dans les cas urgents. DM. DUMESNIL.
Ce que nous apporte
la Jeunesse (
C’est pour exprimer notre étroite commu
nion de pensée avec la jeunesse pacifiste in
ternationale que nous sommes réunis ici,
c’est pour apporter à cette jeunesse militante
notre sympathie active, celle qui s’affirme en
actes, expression de la volonté calme mais
inébranlable d’être avec elle, les artisans du
monde qui naîtra, qui naît déjà au milieu du
chaos mondial.
C’est pour fêler dans ce monde la venue de
cette jeunesse idéaliste, à une heure où nous
avions tout lieu de désespérer, où nous avions
même peut-être commencé à le faire, lorsque
nous eûmes tout à coup la surprise réconfor
tante, la joie immense de rencontrer en un
paisible village hollandais caché entre les
dunes, toute une troupe de ces jeunes gens et
et de ces jeunes filles issus des différents coins
de la Hollande, de l’Angleterre et de l’Alle
magne. De ce dernier pays, la plupart étaient
venus par des moyens de fortune, à pied ou
en bicyclette avec une foi héroïque en un
avenir meilleur et une volonté têtue d’être,
eux les jeunes, les tout neufs dans l’action
sociale, lesouvriersdece mondeà reconstruire.
Il faut le dire — à cette époque où régnait
encore M. Poincaré, où les passeports étaient
refusés ou très difficilement donnés à ceux
dont les idées ne concordaient pas avec les
thèses gouvernementales où rien ne pou
vait faire encore prévoir une détente dans les
relations franco-allemandes et encore moins
Locarno — ce fut pour nous, les aînés, un im
mense réconfort que de rencontrer cette jeu
nesse qui croyait de toutes ses forces neuves à
son rêve fraternel et, qui plus est, était prête,
coûte que coûte, à en tenter la réalisation. Ce
fut le premier rayon de soleil pour nous à la
fin d’un long hiver, sous un ciel encore bas
et tout chargé de nuées.
Nous eûmes tout d’un coup l’impression de
ne plus être seuls, d’en avoir fini avec ce rôle,
combien ingrat, de précurseurs souvent ba
foués et incompris. La jeunesse venait à notre
secours. Ce que nous avions en vain demandé
aux différents Congrès, ce pourquoi nous
avions lutté en pure perte, semblait-il parfois,
voici que toute une jeunesse était prête à en
tenter la réalisation. Ces idées incongrues qui
furent celles de quelques pacifistes presque
toujours incompris des autres, voici qu’elles
étaient arrivées à maturité et qu’elles allaient
être le modus vivendi de nos frères cadets.
Quelles étaient donc ces idées à la fois nou
velles et anciennes ou ce qui revient au même,
quelles sont donc ces idées que la jeunesse
pacifiste a maintenant vulgarisées et que le
monde, bon gré mal gré, ne peut plus igno
rer. Les connaître c’est en même temps se
rendre compte de ce que nous devons à cette
jeunesse représentée en Hollande par les Idéa
listes Pratiques, en Allemagne par la Welt
Jugendliga, le Nie wieder krieg, en Angle
terre par les War resisters, etc.
Eh ! bien d’abord la première découverte si
l’on peut dire de cette jeunesse a été de se
découvrit' elle-même. Découverte si importante
que certains pays, l’Allemagne par exemple,
en ont été absolument bouleversés. C’est là,
en effet, où la jeunesse était restée le plus
passive le plus disciplinée, que sa conscience
d’elle-même s’affirma avec plus de force et
d’indépendance.
La jeunesse s’aperçut — et il faut s’en ré
jouir— que la compétence des anciens,
(1) Allocution prononcée à la réunion du M. P. C. pour
la « Semaine internationale des Jeunes. »
chefs de gouvernements, professeurs d’Uni-
versité ; de tous ceux qu’on lui avait appris à
respecter, n’ayant abouti qu’à dresser une
montagne de 12 millions de cadavres, était
vraiment sujette à caution et par suite à révi
sion. Qu’à tout prendre, tandis que ces mes
sieurs écrivaient des articles à prix forts et
que les autres se sauvaient à Bordeaux ou en
Hollande, c’était la vie de la jeunesse qui ser
vait de rançon, qu’il en était ainsi dans toute
guerre et que par suite, il était normal que
ceux dont la vie se trouvait directement visée
aient le droit de discuter leur arrêt de mort et
même de s’organiser pour l’empêcher. Et
ainsi en Angleterre, en Hollande et en Alle
magne spécialement, la jeunesse commença à
découvrit la solidarité qui l’unissait aux jeunes
des autres pays et à entrer en relation avec
eux pour former à travers le monde le cercle
d’amitié de tajeunesse. Ces jeunes découvrirent
qu’être venus dans le monde à une époque
donnée, dans une civilisation bouleversée par
uuecatastrophe mondiale, cela signifiait qu’on
devait s’unir parce que l’âge apporte une soli
darité de vues et des intérêts communs à dé
fendre. Ainsi beaucoup d’entre eux décou
vrirent qu’ils se trouvaient plus près d’un
étranger de leur âg^ que d'un compatriote
d’àge plus avancé. Et c’est en masse que la
jeunesse, à peu près en même temps dans ces
trois pays commença son action pacifiste.
Et voilà encore qui est nouveau : la venue de
cette jeunesse dans le monde pacifiste. On n’y
était guère habitué. Jusqu’à la guerre, lesCon-
grès de la paix réunissaient surtout des per
sonnages respectables par l'âge ou la situa
tion, qui menaient le Congrès et en mainte
naient toujours l’allure quelque peu officielle.
Parmi eux. bon nombre de juristes ou de
politiciens qui faisaient de la paix leur spé
cialité, l’accaparaient pour ainsi dire et trou
vaient mauvais que des gens simplement
parce qu'ils étaient dégoûtés de la guerre
pussent oser venir se mêler à leur troupe au
guste. Eh bien! en proclamant que la paix de
vait intéresser tout homme et toute Jemme dans
le monde, que tout homme et toute femme doit
et peut aider à son avènement, que la paix est
vraiment notre affaire à tous autant que celle
des diplomates, des juristes et des politiciens,
la jeunesse a rendu à la cause de la paix un
immense service Elle a donné à ceux qui
étaient écartés des Congrès officiels ou qui
n’osaient y prendre part, la conscience de leur
rôle et de leur mission. Elle a forcé le cercle
fermé de professionnels de la paix, elle a fail
irruption dans cette enceinte close, bon gré
mal gré elle y a pris sa place, malgré les airs
atterrés et les hochements de tête des pontifes
irrités. Elle est entrée avec une formule nou
velle, une bouffée de jeunesse et a crié à ceux
de la tribune qui s’apprêtaient une fois de
plus à envoyer aux gouvernements des vœux
pour la paix, quon ne promulgue pas la paix .
mais qu'on la vil. Que la paix est l’ouvrage à
lisser chaque jour par chacun de nous. Et
cela est une nouveauté, pas pour nous les pa
cifistes chrétiens, pas pour nos amis Madeleine
Vernet ni II. Thivet, mais pour la plupart des
associations qui furent officiellement les plus
représentatives du pacifisme.
Chez la plupart des pacifistes d’avant guerre,
l’idée de paix restait sans lien avec le reste
de leur vie. Elle faisait partie de leur bagage
intellectuel au même titre que leurs concep
tions politiques et comme ces dernières su
jette à variations. Elle était une fiche entre
beaucoup d’autres. Ces gens collectionnaient
des idées intéressantes mais il y avait entre
eux et leur collection plus de curiosité que
d’amour véritable. Elle était une idée généreuse .
un concept accepté par l’intelligence ; mais en
général je donne la tonalité de l’ensemble—
elle ne les avait pas pris au delà de l’intelli
gence, elle ne les tenait pas jusqu’aux fibres
d’eux-mêmes, elle n’était pas en euxun arbre de
vie. 11 y avait entre la paix conçueet la paix pra
tiquée, un fossé. Le rapprochement ne leur
paraissait pas nécessaire et peut-être ne leur
paraissait-il pas possible et les pacifistes qui
préconisaient, comme nous et quelques autres
la paix par l’éducation, la paix par la trans
formation de l’individu, étaient vraiment re
gardés avec une nuance de mépris comme le
tiers-état du pacifisme. La montée à la tribune
d’un pacifiste de cette sorte était toujours plus
ou moins accueillie avec une nervosité à peine
dissimulée par le bureau, c’est-à-dire par des
gens qui passaient les trois jours du Congrès
à discuter sur la formule académique des
vœux à envoyer aux gouvernements pour leur
enjoindre de proclamer la paix. Après quoi,
fourbus par des journées orageuses, mais
ayant réussi à mettre sur pied les vœux en
langage châtié, on se disloquait à la fin du
banquet avec la préoccupation du prochain
Congrès.
« Et quand j’aurais la science de tous les
mystères et toute la connaissance... si je n’ai
pas la charité , je ne suis rien » (I Cor. 13).
Et la plupart de ces pacifistes de congrès ne
furent rien en effet au cours de la guerre, ne
furent rien pour hâter le jour de la paix; ils
ne furent rien quand il s’agit de se garder de la
contagion mentale et du « bourrage de crâne ».
Que dis-je ils cessèrent dès la déclaration de
guerre de faire confiance à l’âme fraternelle
des hommes, malgré la tristesse des évène
ments, de faire confiance à son éveil et ils
jetèrent comme les autres l’anathème sur tout
un peuple, ce qui est propiement essayer
mentalement de tuer ce peuple. On sait en
effet combien pesa sur l’Allemagne ce fait
d’être accusée par le monde entier, ou à peu
près, d’être la responsable . unique de la
guerre. C’est parce que tant d’anciens paci
fistes renièrent systématiquement l’existence
de cette âme fraternelle chez les Allemands
que la guerre dura quatre ans et que 12
millions de mères pleurèrent leurs fils. Le
travail pacifiste d’avant-guerre avait pu in
téresser les esprits, il n’avait pas ébranlé les
consciences, il n’avait pas humanisé les
cœurs.
Aux siècles des siècles il en sera ainsi si
l’on ne change pas de méthode de travail.
Voilà ce que la jeunesse internationale a com
pris et elle est maintenant la cognée qui veut
renverser l’idéologie Paix.
Elle a réalisé que la paix n’est viable ou ne
deviendra viable entre ces nations qu’en s'in
carnant pour ainsi dire en nous, en étant
sans cesse exprimée dans notre vie. en étant
d’abord chez chacun le point de départ d’une
réforme individuelle.
Faire la paix.du monde c’est bien, mais fai
sons-là d’abord en nous et autour de nous.
Nous aspirons à ce que la Vérité qui est sœur
de la Paix soit pratiquée dans les relations
internationales, soyons d'abord vrais entre
nous ; mettons notre vie en harmonie avec
nos idées. Le monde vit sur une foule de con
ventions artificielles quant à la manière de se
vêtir, de manger, de se distraire, et c’est parce
que son point de départ est faux qu’on abou
tit à des catastrophes. Retournons à la sim
plicité dans les goûts et les plaisirs. Et, c’est
pourquoi, écrivait Harold Bingdans l’Universel
(avril 1923).
« C’est pourquoi les jeunes pacifistes s’en vont de
temps en temps en pleine campagne, vivre sous la
lente, sentir en eux l’unité essentielle de toute la Na
ture, se réunir dans un esprit fraternel et spirituel
sans les distractions de la vie quotidienne.»
Qu’il y ait des puérilités et des exagérations
dans la forme adoptée parfois par toute cette
jeunesse, cela est incontestable. Mais il ne
faut {.as oublier qu’on est toujours quelque
peu ridicule dès qu’on se met à pratiquer
quelque chose et c’est pourquoi tant de gens
préfèrent s’en tenir aux paroles. Il est plus
difficile, il est plus ingrat de vivre le pacifisme
et de chercher à l'actualiser que d’en par
ler. On a toujours tenté de faire la guerre
àla guerre disent lesjeuues. Qu’a-t-on tenté pour
vivre la paix. A part des groupes isolés et mé
prisés dans le pacifisme d’avant-guerre, on
peut dire: rien. On a fait des vœux ; ils ne se
sont pas réalisés, alors on y a renoncé et l’on
est parti à l’appel de la mobilisation en lais
sant les vœux dans son tiroir. Les jeunes
veulent faire cette tentative. Allons-nous rire
de leurs efforts? Ils veulent entre eux com
mencer à vivre cette vie de bonne volonté ré
ciproque qu’ils préconisent entre les peuples
et les gouvernements. Dirons-nous que cela
est vain ou ridicule? Ceux qui ont vécu seu
lement une semaine au milieu de tous ces
jeunes, ceux qui ont partagé leur vie com
mune cette vie simple, saine, rustique et paci
fique. au sein de la nature ne peuvent pas en
rire. Il y a là un effort positif admirable,
il y a là les prémisses du monde qui viendra,
qui vient chaque jour un peu dans la mesure
où nous l’incarnons en nous-mêmes.
Il y a là un nouvel héroïsme, l'héroïsme pa
cifique. On avait appris à toute la jeunesse
d’avant-guerre qu’un héros était celui qui
mourait sur le champ de bataille où il avait
été amené par contrainte. On le lui avait ap
pris dans la famille, à l’école, à l’Université et,
fidèle à l’image suivant laquelle on avait
façonné son enfance, elle crut de bonne foi
à la grandeur de cet héroïsme obligatoire et.
relatif puisqu’il s’agit avant tout non pas tant
de donner sa vie que de détruire celle des
autres.
La jeunesse d’après-guerre dûment ensei
gnée par l’exemple de ses frères aînés a dé
couvert l'héroïsme de la vie ce qui n’implique
pas que beaucoup parmi eux ne soient prêts
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 88.5%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 88.5%.
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://nutrisco-patrimoine.lehavre.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k45652976/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://nutrisco-patrimoine.lehavre.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k45652976/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://nutrisco-patrimoine.lehavre.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k45652976/f1.image
- Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://nutrisco-patrimoine.lehavre.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k45652976
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://nutrisco-patrimoine.lehavre.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k45652976
Facebook
Twitter