Titre : Le Réveil du Havre : organe républicain ["puis" organe républicain-socialiste indépendant "puis" organe du Parti républicain démocratique]
Éditeur : [s.n.] (Le Havre)
Date d'édition : 1901-05-18
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32854639q
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 18 mai 1901 18 mai 1901
Description : 1901/05/18 (N264). 1901/05/18 (N264).
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k3263463j
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-89667
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 28/04/2019
6" Année — S” 264.
CINQ CENTIMES LE NUMERO
Samedi 18 Mai 1901.
Réveil
Organe du Parti Républicain Démocratique
PRIX DES ABONNEMENTS
Le Havre et la Seine-Inférieure par an 3 fr.
Départements » 4 fr.
ADMINISTRATION ET RÉDACTION
15, RUE GASIMIR-PÉRIER, 15
Secrétaire de la Rédaction Alfred HENRI
L’Imprimeur-Gérant F. LE Et® Y
Prix des Insertions :
Annonces 25 centimes la ligne
Réclames 50 »
On traite à forfait
LA POLITIQUE
DE
L’AUTRUCHE
On connaît notre opinion sur les
incidents qui se sont produits dans
notre ville à l’occasion de la ferme
ture provisoire de la Bourse du
Travail, ou qui l’avaient précédée.
Le vote du Conseil municipal n’est
pas fait pour modifier cette opinion.
Nous le considérons comme une in
justice, comme une véritable provo
cation à la classe ouvrière et aux
syndicats.
Pour frapper ces derniers, il au
rait fallu établir contre eux une par
ticipation directe aux troubles de la
rue. C’était impossible. Et l’Admi
nistration municipale, quoique très
insuffisamment renseignée sur la
police qu’elle est cependant chargée
de diriger et de surveiller, savait
mieux que personne qu'il lallait
chercher les coupables autre part
que dans les syndicats.
Une occasîhs^ lui a été offerte de
faire la lumière sur des événements
par lesquels elle s’est naïvement
laissée mener. Elle n’a pas voulu en
Drofiter, craignant sans doute de
découvrir aux yeux de tous le scan
dale policier qui est au fond de cette
affaire. Elle encourt de ce fait une
grave responsabilité et s’expose à
un péril certain. Car elle est désor
mais à la merci de ses subordonnés
et d’une poignée d’agents provoca
teurs.
On a donc suscité dans notre
population des inquiétudes, tout en
lui dissimulant la vérité. Il n’est pas
de plus détestable façon d’adminis
trer.
C’est ce qu’on pourrait appeler la
politique de l’autruche. Nous ver
rons avant peu ou cette politique
nous conduira.
Le Conseil municipal, à son tour,
a voulu fermer les yeux sur les fau
tes commises et n’a pas daigné ap
profondir les choses. Il s’est laissé
intimider, avec une candeur dont on
doit lui tenir compte à titre de cir
constances atténuantes, par une dé
mission reprise aussitôt qu’elle eut
produit l’effet attendu. Cette menace
de révolution de Palais constitué le
côté comique de l’affaire, et nous
n’y ferions pas allusion s’il n’était
nécessaire de noter en passant qu’on
a parfois recours aux grands moyens
pour couvrir les petites intrigues.
Ce brave Conseil, qui d’ailleurs
renferme une majorité élue grâce
au concours de La Croix , et qui
peut difficilement oublier ses origi
nes réactionnaires, a préféré mettre
la lumière sous le boisseau. Il n’a
voulu voir qu’une chose dans toute
cette affaire : l’occasion d’affaiblir
les organisations ouvrières et leur
rendre momentanément défavorable
la lutte économique. C’est surtout
comme patrons ou comme chefs d’in
dustrie qu’ont voté les conseillers
de la majorité, et il est à remarquer
que les plus acharnés à recomman
der contre la classe ouvrière les
mesures extrêmes sont précisément
ceux qui ont pu ou peuvent se trou
ver en conflit avec leur personnel.
Il ne faudrait pourtant pas, Mes
sieurs, transformer en principes de
gouvernement les intérêts de votre
caisse. Cette ligne de conduite n’est
pas républicaine mais orléaniste, et
l’on sait ou elle mène un peuple.
Remarquons à cette occasion que
ces Messieurs ne perdent aucune
occasion de fulminer contre ce que
les socialistes appellent la lutte de
classe. Or, que font-ils en ce qui les
concerne, sinon d’employer contre
les ouvriers les pouvoirs qu’ils pui
sent dans le mandat temporaire que
les électeurs leur ont confié ?
Ce qu’ils ont en vue en suppri
mant la Bourse du Travail, c’est de
paralyser l’action syndicale. Nous
savons de bonne source qu’il sont
fermement déterminés à interdire
Ventente entre syndicats. Ces grou-
, pes pourront délibérer séparément
dans les locaux municipaux, à la
condition qu’on en mette à leur dis
position. Mais défense absolue de se
concerter pour leurs intérêts.
C’est donc la lutte engagée par le
Conseil municipal contre les Syndi
cats ouvriers. Il eût été plus loyal
de le reconnaître, au lieu d’équivo-
quer.
Pour légitimer aux yeux du pu
blic les mesures de rigueur contre
les Syndicats, on n’a pas craint de
se livrer à des procès de tendances.
Telle a été la diversion tentée par
M. de Coninck, dans la dernière
. séance du Conseil municipal, lors
qu’il a donné lecture d’un mani
feste répandu par le Comité de la
grève générale.
Cet écrit de propagande est des
plus violents, il faut bien le recon
naître. Le bureau de la Bourse du
Travail, ainsi que nous l’avons dé
montré dans notre dernier numéro,
viole ses devoirs envers la popu
lation ouvrière tout entière, s’il
participe officiellement à cette pro
pagande que beaucoup de travail
leurs désavouent. Il sort absolu
ment de son rôle et mérite qu’on
l’y ramène.
Mais en quoi appartient-il au
Conseil municipal d’absoudre ou de
condamner telle ou telle doctrine?
Nous estimons, pour notre part, que
s’il est compétent pour faire obser
ver .le règlement de la Bourse du
Travail, il ne peut cependant exiger
que telle ou telle école socialiste ne
se livre à aucune propagande dans
les syndicats.
Il eut été plus sage de ne pas agi
ter, comme on l’a fait, le spectre
rouge. Ce sont là des procédés de
discussion qui ont fait leur temps et
que des républicains devraient lais
ser à leurs adversaires.
Mais n’y a-t-il que des républi
cains au Conseil municipal ? Deman-
dez-le aux cléricaux. Ceux-là savent
reconnaître leurs vrais amis, et les
démocrates du Havre devraient
bien, pour fixer leur choix, imiter
leur vigilance.
VERUS
EXEMPLE A SUIVRE
M. Charles Bos raconte à ce sujet,
dans le Rappel, un fait significatif.
Avant-hier, dans le douzième ar
rondissement, un grand nombre de
militants étaient réunis auteur de Mil-
lerand qui présidait le baquet du
Cercle républicain fondé récemment.
Il y avait là des modérés anticléri
caux, des radicaux, des radicaux-
socialistes, des socialistes indépen
dants, des socialistes d’école. A côté
de Millerand étaient assis Paschal
Grousset, député; John Labusquière,
Pierre Morel, Colly, Marsoulan, con
seillers municipaux.
Au moment des toasts, John La
busquière et Pierre Morel ont demandé
successivement la parole. Tous les
deux ont prononcé des discours très
applaudis et tous les deux ont donné
la même note :
« Il faut que tous les députés répu-
« blicains soient réélus au premier
« tour, à Paris plus encore que dans
« les départements. Nous nous enga-
« geons à faire campagne pour eux.
« Pas de divisions. Les républicains
« ne désirent pas se combattre dans
« les circonstances actuelles. Il faut
« avoir Paris, le reconquérir, porter
ce ensuite nos efforts communs en pro-
d vince contre la réaction nationa-
« liste et cléricale, »
Ce sont deux socialistes révolution
naires qui ont tenu ce langage et
nous sommes canvaincus que tous les
socialistes finiront bien par sentir que
leur premier devoir est avant tout de
défendre la République.
L’Union républicaine est aujour
d’hui virtuellement fondée, et grâce
à elle, après le» élections qui vont
avoir lieu l’année prochaine, le na
tionalisme aura vécu.
LES RETRAITES OUVRIÈRES
Le Parlement doit, dès sa rentrée,
aborder la discussion de la loi sur les
Retraites ouvrières.
Nous n’hésitons pas à déclarer que
ce projet, tel qu’il est présenté, nous
parait rempli d’écueils, aussi mena
çants pour les finances de l’Etat, déjà
assez compromises, pour le bien-être de
l’ouvrier, que pour la prospérité de
l’industrie nationale. Pense-t-on que
l’ouvrier, qui a déjà tant de peine à
subvenir aux nécessités de sa famille,
verra avec plaisir son patron lui
retenir cinq, dix et quinze centimes
par jour, pendant une durée de 45
ans de son existence, pour lui former
un fonds de retraite à lage de 65 ans ?
Les patrons, d’un autre côté, leur
sera-1-il possible, dans l’état critique
actuel de la concurrence, de sup
porter un prélèvement d’égale somme
pour chaque ouvrier qu’ils emploie
ront ? Nous ne le pensons pas.
Quoi qu’il en soit, nous publions
ci-dessous, à titre de renseignement,
les grandes lignes dans lesquelles con
siste le projet de loi :
Tout ouvrier gagnant moins de
2 francs par jour — et ceux-là se
feront de plus en plus rares — ver
sera à la Caisse des retraites un sou
par jour. De 2 à 5 francs, le verse
ment sera de deux sous, ce qui n’est
pas non plus la mer à boire. Enfin, à
partir de 5 francs, le versement attein
dra trois sous, ce qui n’a rien non
plus d’excessif.
Si chargé soit-il, un homme peut
aisément soustraire de son salaire
cinq, dix ou quinze centimes sans,
pour ainsi dire, qu’il s’en aperçoive.
Trop souvent, il dépense beaucoup
plus que ces quelques centimes en
frais inutiles. 11 va de soi que les
ouvriers agricoles sont compris dans
la catégorie des travailleurs en faveur
de qui la loi est faite. Le patron ver
sera exactement la même somme que
l’ouvrier.
Ce dernier commencera à toucher
sa rente à partir de 65 ans. Cette
rente dépendra nécessairement des
sommes versées par le patron et par
l’ouvrier, et qui auront rapporté des
intérêts. Le gouvernement considère
que le concours financier de l’Etat
doit consister à garantir un taux d’in
térêt de 3 pour cent, qui représente
rait, pour les capitaux s’accumulant
par suite des versements des employés
et des employeurs, un taux supérieur
à celui qu’ils obtiendraient sans cette
garantie.
La pension de retraite sera payable
soit trimestriellement, soit mensuelle
ment et d’avance.
L’ouvrier invalide, que les circons
tances auront forcé de cesser tout
travail, aura droit à une retraite an
ticipée, complétée, s’il y a lieu, à
200 francs, par la Caisse des retrai
tes, à condition qu’il ait fait partie
de la Caisse depuis sept ans au moins.
La majoration nécessitée par l’inva
lidité sera à la charge d’un compte
spécial, géré par les Caisses régio
nales : 75 pour cent à la charge de
l’Etat, 15 pour cent à la charge du
département et 10 pour cent à la
charge des communes.
Une des dispositions les plus heu
reuses de cette loi sociale, décide que
l’intéressé aura le choix entre deux
systèmes pour la retraite. Avec le
système du capital aliéné , la retraite
disparaît avec le retraité. Avec le
système du capital réservé , la famille
du retraité retrouve, après la mort du
bénéficiaire, les sommes versées par
l’ouvrier et par son patron, ou par
celui-ci seulement, suivant les con
ventions intervenues entre les parties
contractantes. Dans le premier cas,
la retraite est plus forte, mais dans
le second cas, cette retraite constitue
un héritage transmissible à la veuve,
ou aux ascendants ou descendants
directs, à l’exclusion des autres héri
tiers.
CHRONIQUE DU PRINTEMPS
(Inédit)
Après l’exil du soleil, après le long
sommeil de l’hiver, le printemps est
comme un réveil pour la terre long
temps prisonnière sous un manteau
de neige, pour les plantes dont les
sèves étaient engourdies par la froi
dure, pour les animaux captifs dans
leurs étables ou dissimulés dans les
fourrés les plus mystérieux des bois,
pour l’homme lui-même que la civili
sation n’a point réussi à soustraire
aux influences de la nature.
Comme obéissant à quelque puis
sance magique, le sol a bu les der
nières flaques d’eau des grandes pluies.
Çà et là se posent des lignes de ver
dure, le paysage se pare d’une jeu
nesse nouvelle, l’horizon perd ses
lignes dures, la pâquerette, la fleur
des petits Pâques comme l’appelaient
nos aïeux, et la violette commencent
d’étoiler les gazons rajeunis, les
oiseaux se poursuivent dans le ciel
d’un azur plus clairet plus pur et des
nids se bâtissent dans les fourrés de
venus inpénétrables. Comme le chan
tait il y a près de cinq siècles le poète
Charles d’Orléans :
« Le temps a laissé son manteau
« De vent, de froidure et de pluie
* Et s’est vêtu de broderie,
« De soleil riant, clair et beau...
Après l’inaction de l’biver, le prin
temps est pour l’homme des champs,
le recommencement des travaux. C’est
vers cette epoque que l’agriculteur se
promène anxieux dans ses champs,
en supputant la récolte future de rai
sins et de blé...
Les pommiers aussi sont en fleurs
et plus que jamais, dans les pays à
cidre, se répète la fameuse réponse
machiavélique du Normand : cc Pour
dire qu’il y aura des pommes il n’y
aura pas de pommes, mais pour dire
qu’il n’y aura pas de pommes, il y
aura des pommes ».
Les troupeaux ont quitté les éta
bles pour regagner les pâturages des
hauts plateaux et les vallées bien
abritées où pousse une herbe fine et
douce comme du velours.
*
* * *
Dans l’antiquité, le printemps était
la saison où les navigateurs se hasar
daient à sortir et où le commerce
maritime, paralysé par les tempêtes
de l’hiver, reprenait toute son acti
vité.
Privé de boussoles, ne connaissant
qu’imparfaitement les lois de la Météo
rologie, le navigateur grec ou romain
était obligé d’user d’une extrême pru
dence ; ses navires étaient petits, ils
marchaient souvent àla rame,côtoyant
prudemment le rivage et prêts à jeter
l’ancre à la moindre bourrasque.
A l’heure actuelle, les tempêtes de
l’hiver n’arrêtent plus le marin mo
derne, grâce à l’invention de la bous
sole, grâce à la précision des cartes
marines et à la multiplicité des phares
et des ports, grâce surtout à la vapeur
qui lui permet d’aller contre vent et
marée. Il n’a plus besoin d’attendre
le printemps pour entreprendre les
plus longs voyages.
*
* *
Cependant, il existe un genre de
navigation sur lequel le retour de
cette saison exerce encore son in
fluence, je veux parler de 1-t naviga
tion de plaisance, du yachting. Ce
sport hygiénique et toujours plein de
pittoresque n’est malheureusement
pas à la portée de toutes les bourses.
Heureux le millionnaire, qui peut au
retour de la belle saison entreprendra
d’artistiques croisières sur les côtes
de France, d’Espagne et d'Angleterre
ou cotoyer à petites jour nées les bords
parfumés de la Méditerrannée.
L’heureux touriste, au bout de
quelques mois, reviendra le teint
bruni, la physionomie brillante de
santé avec une cargaison d’intéres
sants bibelots recueillis dans toutes
les villes où il a pris terre, avec ses
cartons bourrés de croquis intéres
sants et de photographies des plus
beaux points de vue.
Il est encore un autre sport auquel
le printemps donne une nouvelle ac
tivité. Le soleil, en séchant la boue
CINQ CENTIMES LE NUMERO
Samedi 18 Mai 1901.
Réveil
Organe du Parti Républicain Démocratique
PRIX DES ABONNEMENTS
Le Havre et la Seine-Inférieure par an 3 fr.
Départements » 4 fr.
ADMINISTRATION ET RÉDACTION
15, RUE GASIMIR-PÉRIER, 15
Secrétaire de la Rédaction Alfred HENRI
L’Imprimeur-Gérant F. LE Et® Y
Prix des Insertions :
Annonces 25 centimes la ligne
Réclames 50 »
On traite à forfait
LA POLITIQUE
DE
L’AUTRUCHE
On connaît notre opinion sur les
incidents qui se sont produits dans
notre ville à l’occasion de la ferme
ture provisoire de la Bourse du
Travail, ou qui l’avaient précédée.
Le vote du Conseil municipal n’est
pas fait pour modifier cette opinion.
Nous le considérons comme une in
justice, comme une véritable provo
cation à la classe ouvrière et aux
syndicats.
Pour frapper ces derniers, il au
rait fallu établir contre eux une par
ticipation directe aux troubles de la
rue. C’était impossible. Et l’Admi
nistration municipale, quoique très
insuffisamment renseignée sur la
police qu’elle est cependant chargée
de diriger et de surveiller, savait
mieux que personne qu'il lallait
chercher les coupables autre part
que dans les syndicats.
Une occasîhs^ lui a été offerte de
faire la lumière sur des événements
par lesquels elle s’est naïvement
laissée mener. Elle n’a pas voulu en
Drofiter, craignant sans doute de
découvrir aux yeux de tous le scan
dale policier qui est au fond de cette
affaire. Elle encourt de ce fait une
grave responsabilité et s’expose à
un péril certain. Car elle est désor
mais à la merci de ses subordonnés
et d’une poignée d’agents provoca
teurs.
On a donc suscité dans notre
population des inquiétudes, tout en
lui dissimulant la vérité. Il n’est pas
de plus détestable façon d’adminis
trer.
C’est ce qu’on pourrait appeler la
politique de l’autruche. Nous ver
rons avant peu ou cette politique
nous conduira.
Le Conseil municipal, à son tour,
a voulu fermer les yeux sur les fau
tes commises et n’a pas daigné ap
profondir les choses. Il s’est laissé
intimider, avec une candeur dont on
doit lui tenir compte à titre de cir
constances atténuantes, par une dé
mission reprise aussitôt qu’elle eut
produit l’effet attendu. Cette menace
de révolution de Palais constitué le
côté comique de l’affaire, et nous
n’y ferions pas allusion s’il n’était
nécessaire de noter en passant qu’on
a parfois recours aux grands moyens
pour couvrir les petites intrigues.
Ce brave Conseil, qui d’ailleurs
renferme une majorité élue grâce
au concours de La Croix , et qui
peut difficilement oublier ses origi
nes réactionnaires, a préféré mettre
la lumière sous le boisseau. Il n’a
voulu voir qu’une chose dans toute
cette affaire : l’occasion d’affaiblir
les organisations ouvrières et leur
rendre momentanément défavorable
la lutte économique. C’est surtout
comme patrons ou comme chefs d’in
dustrie qu’ont voté les conseillers
de la majorité, et il est à remarquer
que les plus acharnés à recomman
der contre la classe ouvrière les
mesures extrêmes sont précisément
ceux qui ont pu ou peuvent se trou
ver en conflit avec leur personnel.
Il ne faudrait pourtant pas, Mes
sieurs, transformer en principes de
gouvernement les intérêts de votre
caisse. Cette ligne de conduite n’est
pas républicaine mais orléaniste, et
l’on sait ou elle mène un peuple.
Remarquons à cette occasion que
ces Messieurs ne perdent aucune
occasion de fulminer contre ce que
les socialistes appellent la lutte de
classe. Or, que font-ils en ce qui les
concerne, sinon d’employer contre
les ouvriers les pouvoirs qu’ils pui
sent dans le mandat temporaire que
les électeurs leur ont confié ?
Ce qu’ils ont en vue en suppri
mant la Bourse du Travail, c’est de
paralyser l’action syndicale. Nous
savons de bonne source qu’il sont
fermement déterminés à interdire
Ventente entre syndicats. Ces grou-
, pes pourront délibérer séparément
dans les locaux municipaux, à la
condition qu’on en mette à leur dis
position. Mais défense absolue de se
concerter pour leurs intérêts.
C’est donc la lutte engagée par le
Conseil municipal contre les Syndi
cats ouvriers. Il eût été plus loyal
de le reconnaître, au lieu d’équivo-
quer.
Pour légitimer aux yeux du pu
blic les mesures de rigueur contre
les Syndicats, on n’a pas craint de
se livrer à des procès de tendances.
Telle a été la diversion tentée par
M. de Coninck, dans la dernière
. séance du Conseil municipal, lors
qu’il a donné lecture d’un mani
feste répandu par le Comité de la
grève générale.
Cet écrit de propagande est des
plus violents, il faut bien le recon
naître. Le bureau de la Bourse du
Travail, ainsi que nous l’avons dé
montré dans notre dernier numéro,
viole ses devoirs envers la popu
lation ouvrière tout entière, s’il
participe officiellement à cette pro
pagande que beaucoup de travail
leurs désavouent. Il sort absolu
ment de son rôle et mérite qu’on
l’y ramène.
Mais en quoi appartient-il au
Conseil municipal d’absoudre ou de
condamner telle ou telle doctrine?
Nous estimons, pour notre part, que
s’il est compétent pour faire obser
ver .le règlement de la Bourse du
Travail, il ne peut cependant exiger
que telle ou telle école socialiste ne
se livre à aucune propagande dans
les syndicats.
Il eut été plus sage de ne pas agi
ter, comme on l’a fait, le spectre
rouge. Ce sont là des procédés de
discussion qui ont fait leur temps et
que des républicains devraient lais
ser à leurs adversaires.
Mais n’y a-t-il que des républi
cains au Conseil municipal ? Deman-
dez-le aux cléricaux. Ceux-là savent
reconnaître leurs vrais amis, et les
démocrates du Havre devraient
bien, pour fixer leur choix, imiter
leur vigilance.
VERUS
EXEMPLE A SUIVRE
M. Charles Bos raconte à ce sujet,
dans le Rappel, un fait significatif.
Avant-hier, dans le douzième ar
rondissement, un grand nombre de
militants étaient réunis auteur de Mil-
lerand qui présidait le baquet du
Cercle républicain fondé récemment.
Il y avait là des modérés anticléri
caux, des radicaux, des radicaux-
socialistes, des socialistes indépen
dants, des socialistes d’école. A côté
de Millerand étaient assis Paschal
Grousset, député; John Labusquière,
Pierre Morel, Colly, Marsoulan, con
seillers municipaux.
Au moment des toasts, John La
busquière et Pierre Morel ont demandé
successivement la parole. Tous les
deux ont prononcé des discours très
applaudis et tous les deux ont donné
la même note :
« Il faut que tous les députés répu-
« blicains soient réélus au premier
« tour, à Paris plus encore que dans
« les départements. Nous nous enga-
« geons à faire campagne pour eux.
« Pas de divisions. Les républicains
« ne désirent pas se combattre dans
« les circonstances actuelles. Il faut
« avoir Paris, le reconquérir, porter
ce ensuite nos efforts communs en pro-
d vince contre la réaction nationa-
« liste et cléricale, »
Ce sont deux socialistes révolution
naires qui ont tenu ce langage et
nous sommes canvaincus que tous les
socialistes finiront bien par sentir que
leur premier devoir est avant tout de
défendre la République.
L’Union républicaine est aujour
d’hui virtuellement fondée, et grâce
à elle, après le» élections qui vont
avoir lieu l’année prochaine, le na
tionalisme aura vécu.
LES RETRAITES OUVRIÈRES
Le Parlement doit, dès sa rentrée,
aborder la discussion de la loi sur les
Retraites ouvrières.
Nous n’hésitons pas à déclarer que
ce projet, tel qu’il est présenté, nous
parait rempli d’écueils, aussi mena
çants pour les finances de l’Etat, déjà
assez compromises, pour le bien-être de
l’ouvrier, que pour la prospérité de
l’industrie nationale. Pense-t-on que
l’ouvrier, qui a déjà tant de peine à
subvenir aux nécessités de sa famille,
verra avec plaisir son patron lui
retenir cinq, dix et quinze centimes
par jour, pendant une durée de 45
ans de son existence, pour lui former
un fonds de retraite à lage de 65 ans ?
Les patrons, d’un autre côté, leur
sera-1-il possible, dans l’état critique
actuel de la concurrence, de sup
porter un prélèvement d’égale somme
pour chaque ouvrier qu’ils emploie
ront ? Nous ne le pensons pas.
Quoi qu’il en soit, nous publions
ci-dessous, à titre de renseignement,
les grandes lignes dans lesquelles con
siste le projet de loi :
Tout ouvrier gagnant moins de
2 francs par jour — et ceux-là se
feront de plus en plus rares — ver
sera à la Caisse des retraites un sou
par jour. De 2 à 5 francs, le verse
ment sera de deux sous, ce qui n’est
pas non plus la mer à boire. Enfin, à
partir de 5 francs, le versement attein
dra trois sous, ce qui n’a rien non
plus d’excessif.
Si chargé soit-il, un homme peut
aisément soustraire de son salaire
cinq, dix ou quinze centimes sans,
pour ainsi dire, qu’il s’en aperçoive.
Trop souvent, il dépense beaucoup
plus que ces quelques centimes en
frais inutiles. 11 va de soi que les
ouvriers agricoles sont compris dans
la catégorie des travailleurs en faveur
de qui la loi est faite. Le patron ver
sera exactement la même somme que
l’ouvrier.
Ce dernier commencera à toucher
sa rente à partir de 65 ans. Cette
rente dépendra nécessairement des
sommes versées par le patron et par
l’ouvrier, et qui auront rapporté des
intérêts. Le gouvernement considère
que le concours financier de l’Etat
doit consister à garantir un taux d’in
térêt de 3 pour cent, qui représente
rait, pour les capitaux s’accumulant
par suite des versements des employés
et des employeurs, un taux supérieur
à celui qu’ils obtiendraient sans cette
garantie.
La pension de retraite sera payable
soit trimestriellement, soit mensuelle
ment et d’avance.
L’ouvrier invalide, que les circons
tances auront forcé de cesser tout
travail, aura droit à une retraite an
ticipée, complétée, s’il y a lieu, à
200 francs, par la Caisse des retrai
tes, à condition qu’il ait fait partie
de la Caisse depuis sept ans au moins.
La majoration nécessitée par l’inva
lidité sera à la charge d’un compte
spécial, géré par les Caisses régio
nales : 75 pour cent à la charge de
l’Etat, 15 pour cent à la charge du
département et 10 pour cent à la
charge des communes.
Une des dispositions les plus heu
reuses de cette loi sociale, décide que
l’intéressé aura le choix entre deux
systèmes pour la retraite. Avec le
système du capital aliéné , la retraite
disparaît avec le retraité. Avec le
système du capital réservé , la famille
du retraité retrouve, après la mort du
bénéficiaire, les sommes versées par
l’ouvrier et par son patron, ou par
celui-ci seulement, suivant les con
ventions intervenues entre les parties
contractantes. Dans le premier cas,
la retraite est plus forte, mais dans
le second cas, cette retraite constitue
un héritage transmissible à la veuve,
ou aux ascendants ou descendants
directs, à l’exclusion des autres héri
tiers.
CHRONIQUE DU PRINTEMPS
(Inédit)
Après l’exil du soleil, après le long
sommeil de l’hiver, le printemps est
comme un réveil pour la terre long
temps prisonnière sous un manteau
de neige, pour les plantes dont les
sèves étaient engourdies par la froi
dure, pour les animaux captifs dans
leurs étables ou dissimulés dans les
fourrés les plus mystérieux des bois,
pour l’homme lui-même que la civili
sation n’a point réussi à soustraire
aux influences de la nature.
Comme obéissant à quelque puis
sance magique, le sol a bu les der
nières flaques d’eau des grandes pluies.
Çà et là se posent des lignes de ver
dure, le paysage se pare d’une jeu
nesse nouvelle, l’horizon perd ses
lignes dures, la pâquerette, la fleur
des petits Pâques comme l’appelaient
nos aïeux, et la violette commencent
d’étoiler les gazons rajeunis, les
oiseaux se poursuivent dans le ciel
d’un azur plus clairet plus pur et des
nids se bâtissent dans les fourrés de
venus inpénétrables. Comme le chan
tait il y a près de cinq siècles le poète
Charles d’Orléans :
« Le temps a laissé son manteau
« De vent, de froidure et de pluie
* Et s’est vêtu de broderie,
« De soleil riant, clair et beau...
Après l’inaction de l’biver, le prin
temps est pour l’homme des champs,
le recommencement des travaux. C’est
vers cette epoque que l’agriculteur se
promène anxieux dans ses champs,
en supputant la récolte future de rai
sins et de blé...
Les pommiers aussi sont en fleurs
et plus que jamais, dans les pays à
cidre, se répète la fameuse réponse
machiavélique du Normand : cc Pour
dire qu’il y aura des pommes il n’y
aura pas de pommes, mais pour dire
qu’il n’y aura pas de pommes, il y
aura des pommes ».
Les troupeaux ont quitté les éta
bles pour regagner les pâturages des
hauts plateaux et les vallées bien
abritées où pousse une herbe fine et
douce comme du velours.
*
* * *
Dans l’antiquité, le printemps était
la saison où les navigateurs se hasar
daient à sortir et où le commerce
maritime, paralysé par les tempêtes
de l’hiver, reprenait toute son acti
vité.
Privé de boussoles, ne connaissant
qu’imparfaitement les lois de la Météo
rologie, le navigateur grec ou romain
était obligé d’user d’une extrême pru
dence ; ses navires étaient petits, ils
marchaient souvent àla rame,côtoyant
prudemment le rivage et prêts à jeter
l’ancre à la moindre bourrasque.
A l’heure actuelle, les tempêtes de
l’hiver n’arrêtent plus le marin mo
derne, grâce à l’invention de la bous
sole, grâce à la précision des cartes
marines et à la multiplicité des phares
et des ports, grâce surtout à la vapeur
qui lui permet d’aller contre vent et
marée. Il n’a plus besoin d’attendre
le printemps pour entreprendre les
plus longs voyages.
*
* *
Cependant, il existe un genre de
navigation sur lequel le retour de
cette saison exerce encore son in
fluence, je veux parler de 1-t naviga
tion de plaisance, du yachting. Ce
sport hygiénique et toujours plein de
pittoresque n’est malheureusement
pas à la portée de toutes les bourses.
Heureux le millionnaire, qui peut au
retour de la belle saison entreprendra
d’artistiques croisières sur les côtes
de France, d’Espagne et d'Angleterre
ou cotoyer à petites jour nées les bords
parfumés de la Méditerrannée.
L’heureux touriste, au bout de
quelques mois, reviendra le teint
bruni, la physionomie brillante de
santé avec une cargaison d’intéres
sants bibelots recueillis dans toutes
les villes où il a pris terre, avec ses
cartons bourrés de croquis intéres
sants et de photographies des plus
beaux points de vue.
Il est encore un autre sport auquel
le printemps donne une nouvelle ac
tivité. Le soleil, en séchant la boue
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