Titre : Le Réveil du Havre : organe républicain ["puis" organe républicain-socialiste indépendant "puis" organe du Parti républicain démocratique]
Éditeur : [s.n.] (Le Havre)
Date d'édition : 1900-11-17
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32854639q
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 17 novembre 1900 17 novembre 1900
Description : 1900/11/17 (N238). 1900/11/17 (N238).
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k32634372
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-89667
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 05/05/2019
5 e Année — N° 238.
CINQ CENTIMES LE NUMERO
Samedi 17 Novembre 1900.
Réveil
Havre
d:
Organe du Parti Républicain Démocratique
PRIX DES ABONNEMENTS
Le Havre et la Seine-Inférieure par an 3 fr.
Départements » 4 fr.
administration et rédaction
15, RUE GASIMIR-PÉRIER,
Secrétaire de la Rédaction.... Alfred henrk
L’Imprimeur-Gérant F. LE ROY
15
Prix des Insertions :
Annonces 25 centimes la ligne
Réclames 50 »
On traite à forfait
L’ART et le PEUPLE
L’Exposition a fermé ses portes. La
ville de rêve, tout à coup édifiée sur
les bords de la Seine, est déjà livrée
au pic des démolisseurs. De tant de
merveilles venues des points les plus
éloignés de l’univers, presque rien ne
subsistera. L’arc immense du pont
Àlexandre-III jeté sur le fleuve, quel
ques constructions pour lesquelles on
aura obtenu grâce, rappelleront seuls
l’œuvre incomparable qui aura mar
qué la dernière année du siècle.
Cette œuvre a provoqué bien des
plaintes de la province frappée dans
ses intérêts. Toutes les ressources dis
ponibles et au-delà ont été absorbées
par Paris. L’année a été mauvaise,
tout fait craindre que la prochaine ne
se ressente encore de ce drainage ex
cessif. En regard de la perte, pouvons-
nous du moins inscrire quelque pro
fit ? Les visiteurs des départements
ont-ils rapporté un bénéfice appré
ciable de leurs promenades à l’Expo
sition ? Nous ne parlons pas des gens
directement intéressés par leur pro
fession, leur savoir, mais de la masse
des visiteurs, du peuple enfin qui est
allé là plus encore pour admirer que
pour comprendre.
Eb bien, notre avis est que le peu
ple, à défaut d’autre profit, sera re
venu du moins avec une meilleure
compréhension du Beau, avec un sen
timent plus clair de ce que c’est que
l’Art, c’est-à-dire avec un progrès in
tellectuel certain.
Or, pour emprunter ses paroles
éloquentes à M. Dujardin-Beaumetz,
rapporteur du budget de 1900: «L’Art
est nécessaire à la vie d’une démo
cratie agissante. Il permet seul de
compléter l’éducation des citoyens,
dont il élève l’âme par la compréhen
sion du beau ; il s’associe à leur vie
de labeur, les repose, les distrait, les
encourage ou les excite. En accueil-
lart l’art, une démocratie se protège
elle-meme, car l’art est peuple. Il est
peuple par le travail rude et sans
trêve qu’ii exige, par l’étude de l’hu
manité qu’il nécessite, par sa frater
nelle compassion pour la misère et la
douleur ».
L’Exposition de 1900 n’aurait-elle
donc eu que ce résultat de mettre
notre démocratie en contact avec les
chefs-d’œuvre de l’art dans tous les
pays, de placer sous ses yeux un en
semble unique de monuments mo
dernes à côté de la reconstitution par
faite de monuments choisis aux qua
tre coins du globe, souvent évocateurs
de civilisations disparues, qu’ellè au
rait rempli une mission utile en lais
sant quelque chose de grand et d’éter
nel en l’esprit de ses visiteurs. La
trace ne s’en effacera jamais ; ce sou
venir contribuera à les rendre meil
leurs, à leur faire comprendra et
aimer bien des choses qui jusque là
échappèrent à leur attention. Ainsi
que le disait M. Leygues, en distri
buant les récompenses du Salon de
cette année, « l’art est la fleur de la
pensée humaine; l’art prête sa no
blesse, son charme et son éclat à l’ex
pression de tous nos sentiments et de
toutes nos passions ».
Ceux-là même qui se prétendent le
plus indifférents à l’art subissent sa
domination et lui rendent hommage.
Quand on y réfléchit, on est même
stupéfait de la place qu’occupe ce
souci dans la vie de chacun ; riches
ou misérables, ouvriers, propriétaires,
bourgeois, commerçants. On le re
trouve dans les moindres détails de la
vie, ne fut-ce que dans le pot de fleur
posé sur la fenêtre de la mansarde.
Et si nous entrons dans cette man
sarde, oii sévissent souvent le froid et
la faim, l’art est encore représenté sur
les pauvres murs par quelques gra
vures empruntées aux suppléments
illustrés des feuilles populaires, voire
par de simples images d’Epinal:
.. .Un évêque américain, M. Spal-
ding, vient d’écrire d’une façon char
mante : « Le pendant qu’a la femme
pour la toilette ne vient-il pas de sa
passion du beau et le sentiment esthé
tique n’est-il pas une sorte de vertu,
rafraîchissante comme l’éclat du prin
temps? Alors que les champs, les
fleurs, les collines, les cieux respirent
la beauté, pourquoi l’homme se con-
tenterait-il, laid lui-même, d’un sé
jour sans art? Ne sommes-nous que
des troupeaux à abriter et à nourrir?
N’y a-t-il de bon et d'utile que le
blé, la viande et le fer ? Le caractère
de l’homme et de la femme ne tient-il
pas à ce qu’ils peuvent tressaillir en
présence de ce qui est divinement
beau ? »
.. .Nous citons beaucoup en cette
chronique, parce que rien ne sert
mieux notre démonstration. Ce sont
autant de témoins qui nous apportent
le renfort de leur autorité. Et, du
moins ici, avons-nous la satisfaction
de constater l’accord complet non pas
seulement de tous les artistes, mais
même des hommes de tous les partis
politiqnes, jusqu’aux plus avancés.
N’est-ce pas Jaurès qui, au mois
d’avril dernier, dans sa conférence au
théâtre de la Forte-Saint-Martin,
s’écriait : « Le socialisme appellera à
la beauté tous les êtres humains. Ar
tistes, n’ayez pas peur de nous! Nous
appellerons devant vos œuvres l’hu
manité tout entière ! »
C’est pourquoi, quelque soit l’ave
nir réservé à la société, sommes-nous
rassurés. L’art, dont le rayonnement
séduit toutes les intelligences, ne fara
que se développer et grandir dans
l’infinie variété de ses manifestations.
Le peuple admirera toujours les ta
bleaux où les peintures fixent soit le
souvenir des actions mémorables de
ses bienfaiteurs et de ses héros, soit
les splendeurs de leur imagination ;
il demandera toujours à la musique
d’exaspérér ou d’adoucir les passions,
les sentiments, la foi de l’âme hu
maine; il cherchera toujours, dans
les œuvres des romanciers et des poètes
le repos, la consolation, l’illusion
aussi et le rêve qui fout oublier les
misères ambiantes. Et par cela il ap
prendra à mieux comprendre la na
ture, à en goûter les enseignements,
à remplir un rôle social noble à la
fois et utile à ses semblables. Il ne
limitera point sa vision aux choses or
dinaires, mais la porterta plus haut
et plus loin, parce qu’il aura le culte
indépendant du Beau, c’est-à-dire de
la Vérité. Comment, dès lors, ne de
viendrait-il pas meilleur?
Une société qui serait descendue à
F indifférence en art — qui, triste et
raisonnante, sans élan et sans joie,
mettrait • tout son orgueil dans la
science, serait au point de vue hu
main, une force vulgaire, mons
trueuse et brutale. Dépourvue d’idéal,
elle serait vouée à la décrépitude, car,
le point a été observé « le seul cas où
l’art puisse, en apparence, disparaître
totalement d’un logis, c’est quand le
vice a passé par là, c’est quand
l’bomme y a succombé, c’est quand
cet homme est] devenu une brute ».
Moralistes graves, qui cherchez un
remède à l’alcoolirüe., en voila un,
et non des moins effiicàces : l’amour
de l’art qu’il faut inculquer aux gens
de toutes conditions Du moins ainsi,
vous aurez davantage la certitude de
travailler à leur bonheür, à leur bon
heur intime, que par vos conceptions
politiques, toutes entachées d’erreurs,
et dans lesquelles le succès des uns est
toujours et quoi qu’on fasse plus ou
moins né de la souffrance des autres.
François Dépassé
(Reproduction interdite).
LES ÉLECTIONS DD VAR
La période électorale bat son plein
dans la 2 e circonscription de Toulon
où il s’agit de pourvoir à la vacance
législative causée par lè décès de M.
Cluseret.
Six candidats ont déjà fait la dé
claration prescrite par la loi du 17
juillet 1889. Ce sont : MM. Grébau-
val, président du Conseil municipal
de Paris, nationaliste ; Claude, pro
fesseur au lycée de Toulon ; Coreil,
conseiller général du Var ; Marguery,
maire de Saint-Cyr ; Martin Louis,
professeur de droit à Paris, et Stroo-
banfe, ouvrier cordonnier, tous les cinq
antinationalistes.
La polémique, comme dans toutes
les élections du Midi, est très vive.
Un ballottage est certain, et au se
cond tour, celui des cinq candidats
républicains qui aura obtenu le plus
de voix sera soutenu par tous les
autres contre le candidat nationaliste,
M. Grébauval.
M. GEORGES MASTIER
Préfet de la Seine-Inférieure
Le Petit Rouennais , dans son numéro
de dimanche dernier, publiait la bio
graphie du préfet de la Seine-Infé
rieure. Nous la reproduisons ci-des
sous, persuadé qu’elle intéressera nos
lecteurs :
« M. Georges Mastier est un des
plus jeunes préfets de France. Né à
Paris, le 24 décembre 1853, M. Mas
tier a fait de solides études au lycée
Louis-le-Grand ; puis, après avoir
passé sa licence en droit, il entra dans
l’administration. Son poste de début
fut, à vingt-quatre ans, la sous-pré
fecture de Bar-sur-Seiue.
« Puis il devint successivement se
crétaire général de l’Aube en mars
1879, du Pas-de-Calais eu mars 1880,
de Seine-et-Oise en janvier 1882.
« Le gouvernement de la Républi
que, ayant apprécié les qualités du
jeune administrateur, le mit, dès
1886, à la tête du département de la
Creuse et lui accorda, au mois de
janvier 1888, la croix de chevalier
de la Légion d’honneur.
« Quelques jours plus tard, M. Mas
tier fut nommé préfet de l’Aube et
resta trois années dans ce départe
ment.
« Au mois de mai 1891, il passa
dans la Vienne et y resta jusqu’au
mois de juillet 1893, époque où il fut
appelé à Paris, comme direteur de
l’Administration départementale et
communale, au ministère de l’inté
rieur. En cette qualité, M. Mastier
siégea au Conseil d’Etat, comme con
seiller en service extraordinaire.
« Dans ce poste, dont le titulaire
se trouve en relations avec le person
nel politique et administratif de toute
la France, M. Mastier acquit rapide
ment une réputation d’homme habile
et résolu ; et son élévation aux grades
d’officier de la Légion d’honneur en
1894, et de commandeur en 1898 fut
accueillie avec une sympathie una
nime.
« On sait que, depuis le 20 février
1900, M. Mastier a succédé à M.
Hendlé dans notre département.
« Cette succession ne pouvait être
acceptée par notre nouveau préfet que
sous bénéfice d’inventaire, et, en
effet, dès les premiers temps de son
séjour parmi nous, M. Mastier a clai
rement indiqué qu’il n’épouserait pas
les querelles de son prédécesseur.
« Délégué dans la Seine-Inférieure
par le ministère de la défense répu
blicaine, on peut dire que M. Mastier
est arrivé à Rouen sous d’heureux
auspices; et son attitude à l’egard
des républicains dont M. Hendlé,
dans sa rage réactionnaire avait tenté
de faire des parias, a été un récon
fort pour tous les démocrates de notre
région.
cc II dépend de notre nouveau pré
fet que cette impression favorable se
confirme et se précise ; et, pour cela,
la démocratie de la Seine-Inférieure
ne lui demande rien de bien difficile.
Elle a pris l’habitude de faire elle-
même ses affaires, et, à ce point de
vue, la guerre acharnée que mena
contre elle M. Hendlé a eu un effet
presque salutaire, car, en lui rendant
la lutte plus ardue, il lui a fait sentir
le prix de la victoire.
« Les démocrates ne sollicitent pas
de faveurs ; ils voudraient seulement
ne plus être sacrifiés aux cléricaux et
aux prétendus ralliés ; et maintenant
qu’ils sont sûrs de n’être ni bafoués,
ni volés, ni trahis, ils iront avec
pleine confiance à la bataille pour la
République et la Liberté. »
D.
L’INDIVIDUALISTE
Des affiches sur les murs ont an
noncé la publication d’un nouveau
journal local, ayant pour titre :
L’Individualiste.
Son premier numéro a paru jeudi
dernier. Il sera hebdomadaire. Il
affirme des tendances libre-échangis-
tes auxquelles, nous-mêmes, nous
nous flattons d’être fidèles. Il répudie
le dogme nationaliste et nous l’en
félicitons. D’ailleurs, il compte à sa
tête, comme membres du comité de
direction politique des hommes pour
le caractère desquels nous ne démen
tirons pas notre estime et qui, nous
en sommes convaincus, attachent à
l’idée de patrie un sens autrement
élevé que ne sauraient le faire les
héros du cabotinisme, les Déroulède,
Drumont et consorts.
Les parrains du nouvel organe
sont donc MM. H. Follin, H. du
Pasquier et le D r R. Sorel. Le
secrétariat est tenu par M. F. Fabre,
président de la Société Amicale des
Travailleurs. Leur préoccupation
constante est de relever l’effort et
l’initiative individuels. On ne sau
rait trop les encourager dans cette
voie. Seulement, ce qui nous chagrine
quelque peu, c’est l’absence, avouée,
du reste, de programme défini, c’est,
en quelque sorte, l’inanité de la doc
trine reconstitutive, de la méthode et
des moyens politiques propres à rele
ver la conscience sociale et à insuffler
au pays l’essor matériel. Car, nous
devons le noter, le progrès ne se fait
pas de façon magique par le seul
levier d’une volonté vague et trop
peu définie. Etre indépendant, ne pas
avoir de parti, comme le prétend
L’Individualiste , est fort beau, mais
tous les éléments nous crient plus ou
moins la dépendance; mais dans ses
colonnes, le nouveau-né qualifie lui-
même de plaisanterie politique que
se dire républicain sans épithète.
L’Individualiste ne sera pas une
feuille vénale, il est superflu de le
confirmer. Sous cette enseigne, il
nous arrivera, sans doute, si nous ne
sommes pas d’accord sur toutes les
questions, de combattre souvent en
semble les mêmes vices ainsi que les
mêmes abus, et c’est au titre d’une
bonne fraternité d’armes que nous
souhaitons la bienvenue à notre
confrère.
LA RÉDACTION.
BUREAU DE BIENFAISANCE
Le Progrès publiait, la semaine der
nière une lettre d’un assisté du
Bureau de bienfaisance, signalant un
abus qui se serait passé dans cet éta
blissement.
Ou sait que la Commission admi
nistrative fait distribuer, pendant
l’hiver, des secours supplémentaires
aux indigents. Généralement l’amé
lioration du service ordinaire com
mence le 1 er novembre. Or, ni le 10*
ni le 13, ni même le 14 du mois
courant, le traitement d’hiver n’avait
été accordé à personne. Que se pro
duisait-il ? Où passait le prix des
fournitures non délivrées? Le cor
respondant du Progrès ne le disait
pas, mais il posait la question et
laissait le champ libre à toutes les
suppositions. Assurément les admi
nistrateurs devaient empocher l’ar
gent destiné aux pauvres.
Nous sommes allés aux renseigne
ments en présence de l’éventualité
d’une si grave !!! accusation et voici
ce que nous avons appris : Par une
sage prévoyance, la Commission ad
ministrative du Bureau de bienfai
sance a décidé de reporter au 15
novembre l’attribution des rations
d’hiver. On a remarqué, en effet, eu
ces dernières années que la saison
des froids se trouvait retardée. Parti
culièrement, cette année, la rigueur
de la température s’entoure d’une
certaine clémence, et au moment où
j’écris, un soleil tiède des matinées
de printemps sèche les rues. Faillait-
il donner à dépenser pendant cette
saison douce les secours qui feraient
défaut plus tard, quand la bise serait
revenue ? Car il est à noter que les
ressources de bienfaisance sont limi
tées au strict nécessaire, elles ne
permettent pas, malheureusement, de
larges générosités et lorsque l’hiver
se prolonge, l’administration du bu
reau se trouve souvent dans rem
barras.
Il est à regretter que le Progrès ne
se soit pas rendu compte de ces motifs
avant de publier la lettre de son cor
respondant. Il se serait épargné d’at-f
taquer injustement une institution
laïque qui fonctionne régulièrement.]
Laissons ce soin aux cléricaux.
MUTUALITÉ SCOLAIRE
Cette société, de fondation récente,'
donnait hier une réunion ordinaire
dont le but n’a pas été suffisamment
désigné, pour permettre aux pères de
famille qui y étaient convoqués (par
CINQ CENTIMES LE NUMERO
Samedi 17 Novembre 1900.
Réveil
Havre
d:
Organe du Parti Républicain Démocratique
PRIX DES ABONNEMENTS
Le Havre et la Seine-Inférieure par an 3 fr.
Départements » 4 fr.
administration et rédaction
15, RUE GASIMIR-PÉRIER,
Secrétaire de la Rédaction.... Alfred henrk
L’Imprimeur-Gérant F. LE ROY
15
Prix des Insertions :
Annonces 25 centimes la ligne
Réclames 50 »
On traite à forfait
L’ART et le PEUPLE
L’Exposition a fermé ses portes. La
ville de rêve, tout à coup édifiée sur
les bords de la Seine, est déjà livrée
au pic des démolisseurs. De tant de
merveilles venues des points les plus
éloignés de l’univers, presque rien ne
subsistera. L’arc immense du pont
Àlexandre-III jeté sur le fleuve, quel
ques constructions pour lesquelles on
aura obtenu grâce, rappelleront seuls
l’œuvre incomparable qui aura mar
qué la dernière année du siècle.
Cette œuvre a provoqué bien des
plaintes de la province frappée dans
ses intérêts. Toutes les ressources dis
ponibles et au-delà ont été absorbées
par Paris. L’année a été mauvaise,
tout fait craindre que la prochaine ne
se ressente encore de ce drainage ex
cessif. En regard de la perte, pouvons-
nous du moins inscrire quelque pro
fit ? Les visiteurs des départements
ont-ils rapporté un bénéfice appré
ciable de leurs promenades à l’Expo
sition ? Nous ne parlons pas des gens
directement intéressés par leur pro
fession, leur savoir, mais de la masse
des visiteurs, du peuple enfin qui est
allé là plus encore pour admirer que
pour comprendre.
Eb bien, notre avis est que le peu
ple, à défaut d’autre profit, sera re
venu du moins avec une meilleure
compréhension du Beau, avec un sen
timent plus clair de ce que c’est que
l’Art, c’est-à-dire avec un progrès in
tellectuel certain.
Or, pour emprunter ses paroles
éloquentes à M. Dujardin-Beaumetz,
rapporteur du budget de 1900: «L’Art
est nécessaire à la vie d’une démo
cratie agissante. Il permet seul de
compléter l’éducation des citoyens,
dont il élève l’âme par la compréhen
sion du beau ; il s’associe à leur vie
de labeur, les repose, les distrait, les
encourage ou les excite. En accueil-
lart l’art, une démocratie se protège
elle-meme, car l’art est peuple. Il est
peuple par le travail rude et sans
trêve qu’ii exige, par l’étude de l’hu
manité qu’il nécessite, par sa frater
nelle compassion pour la misère et la
douleur ».
L’Exposition de 1900 n’aurait-elle
donc eu que ce résultat de mettre
notre démocratie en contact avec les
chefs-d’œuvre de l’art dans tous les
pays, de placer sous ses yeux un en
semble unique de monuments mo
dernes à côté de la reconstitution par
faite de monuments choisis aux qua
tre coins du globe, souvent évocateurs
de civilisations disparues, qu’ellè au
rait rempli une mission utile en lais
sant quelque chose de grand et d’éter
nel en l’esprit de ses visiteurs. La
trace ne s’en effacera jamais ; ce sou
venir contribuera à les rendre meil
leurs, à leur faire comprendra et
aimer bien des choses qui jusque là
échappèrent à leur attention. Ainsi
que le disait M. Leygues, en distri
buant les récompenses du Salon de
cette année, « l’art est la fleur de la
pensée humaine; l’art prête sa no
blesse, son charme et son éclat à l’ex
pression de tous nos sentiments et de
toutes nos passions ».
Ceux-là même qui se prétendent le
plus indifférents à l’art subissent sa
domination et lui rendent hommage.
Quand on y réfléchit, on est même
stupéfait de la place qu’occupe ce
souci dans la vie de chacun ; riches
ou misérables, ouvriers, propriétaires,
bourgeois, commerçants. On le re
trouve dans les moindres détails de la
vie, ne fut-ce que dans le pot de fleur
posé sur la fenêtre de la mansarde.
Et si nous entrons dans cette man
sarde, oii sévissent souvent le froid et
la faim, l’art est encore représenté sur
les pauvres murs par quelques gra
vures empruntées aux suppléments
illustrés des feuilles populaires, voire
par de simples images d’Epinal:
.. .Un évêque américain, M. Spal-
ding, vient d’écrire d’une façon char
mante : « Le pendant qu’a la femme
pour la toilette ne vient-il pas de sa
passion du beau et le sentiment esthé
tique n’est-il pas une sorte de vertu,
rafraîchissante comme l’éclat du prin
temps? Alors que les champs, les
fleurs, les collines, les cieux respirent
la beauté, pourquoi l’homme se con-
tenterait-il, laid lui-même, d’un sé
jour sans art? Ne sommes-nous que
des troupeaux à abriter et à nourrir?
N’y a-t-il de bon et d'utile que le
blé, la viande et le fer ? Le caractère
de l’homme et de la femme ne tient-il
pas à ce qu’ils peuvent tressaillir en
présence de ce qui est divinement
beau ? »
.. .Nous citons beaucoup en cette
chronique, parce que rien ne sert
mieux notre démonstration. Ce sont
autant de témoins qui nous apportent
le renfort de leur autorité. Et, du
moins ici, avons-nous la satisfaction
de constater l’accord complet non pas
seulement de tous les artistes, mais
même des hommes de tous les partis
politiqnes, jusqu’aux plus avancés.
N’est-ce pas Jaurès qui, au mois
d’avril dernier, dans sa conférence au
théâtre de la Forte-Saint-Martin,
s’écriait : « Le socialisme appellera à
la beauté tous les êtres humains. Ar
tistes, n’ayez pas peur de nous! Nous
appellerons devant vos œuvres l’hu
manité tout entière ! »
C’est pourquoi, quelque soit l’ave
nir réservé à la société, sommes-nous
rassurés. L’art, dont le rayonnement
séduit toutes les intelligences, ne fara
que se développer et grandir dans
l’infinie variété de ses manifestations.
Le peuple admirera toujours les ta
bleaux où les peintures fixent soit le
souvenir des actions mémorables de
ses bienfaiteurs et de ses héros, soit
les splendeurs de leur imagination ;
il demandera toujours à la musique
d’exaspérér ou d’adoucir les passions,
les sentiments, la foi de l’âme hu
maine; il cherchera toujours, dans
les œuvres des romanciers et des poètes
le repos, la consolation, l’illusion
aussi et le rêve qui fout oublier les
misères ambiantes. Et par cela il ap
prendra à mieux comprendre la na
ture, à en goûter les enseignements,
à remplir un rôle social noble à la
fois et utile à ses semblables. Il ne
limitera point sa vision aux choses or
dinaires, mais la porterta plus haut
et plus loin, parce qu’il aura le culte
indépendant du Beau, c’est-à-dire de
la Vérité. Comment, dès lors, ne de
viendrait-il pas meilleur?
Une société qui serait descendue à
F indifférence en art — qui, triste et
raisonnante, sans élan et sans joie,
mettrait • tout son orgueil dans la
science, serait au point de vue hu
main, une force vulgaire, mons
trueuse et brutale. Dépourvue d’idéal,
elle serait vouée à la décrépitude, car,
le point a été observé « le seul cas où
l’art puisse, en apparence, disparaître
totalement d’un logis, c’est quand le
vice a passé par là, c’est quand
l’bomme y a succombé, c’est quand
cet homme est] devenu une brute ».
Moralistes graves, qui cherchez un
remède à l’alcoolirüe., en voila un,
et non des moins effiicàces : l’amour
de l’art qu’il faut inculquer aux gens
de toutes conditions Du moins ainsi,
vous aurez davantage la certitude de
travailler à leur bonheür, à leur bon
heur intime, que par vos conceptions
politiques, toutes entachées d’erreurs,
et dans lesquelles le succès des uns est
toujours et quoi qu’on fasse plus ou
moins né de la souffrance des autres.
François Dépassé
(Reproduction interdite).
LES ÉLECTIONS DD VAR
La période électorale bat son plein
dans la 2 e circonscription de Toulon
où il s’agit de pourvoir à la vacance
législative causée par lè décès de M.
Cluseret.
Six candidats ont déjà fait la dé
claration prescrite par la loi du 17
juillet 1889. Ce sont : MM. Grébau-
val, président du Conseil municipal
de Paris, nationaliste ; Claude, pro
fesseur au lycée de Toulon ; Coreil,
conseiller général du Var ; Marguery,
maire de Saint-Cyr ; Martin Louis,
professeur de droit à Paris, et Stroo-
banfe, ouvrier cordonnier, tous les cinq
antinationalistes.
La polémique, comme dans toutes
les élections du Midi, est très vive.
Un ballottage est certain, et au se
cond tour, celui des cinq candidats
républicains qui aura obtenu le plus
de voix sera soutenu par tous les
autres contre le candidat nationaliste,
M. Grébauval.
M. GEORGES MASTIER
Préfet de la Seine-Inférieure
Le Petit Rouennais , dans son numéro
de dimanche dernier, publiait la bio
graphie du préfet de la Seine-Infé
rieure. Nous la reproduisons ci-des
sous, persuadé qu’elle intéressera nos
lecteurs :
« M. Georges Mastier est un des
plus jeunes préfets de France. Né à
Paris, le 24 décembre 1853, M. Mas
tier a fait de solides études au lycée
Louis-le-Grand ; puis, après avoir
passé sa licence en droit, il entra dans
l’administration. Son poste de début
fut, à vingt-quatre ans, la sous-pré
fecture de Bar-sur-Seiue.
« Puis il devint successivement se
crétaire général de l’Aube en mars
1879, du Pas-de-Calais eu mars 1880,
de Seine-et-Oise en janvier 1882.
« Le gouvernement de la Républi
que, ayant apprécié les qualités du
jeune administrateur, le mit, dès
1886, à la tête du département de la
Creuse et lui accorda, au mois de
janvier 1888, la croix de chevalier
de la Légion d’honneur.
« Quelques jours plus tard, M. Mas
tier fut nommé préfet de l’Aube et
resta trois années dans ce départe
ment.
« Au mois de mai 1891, il passa
dans la Vienne et y resta jusqu’au
mois de juillet 1893, époque où il fut
appelé à Paris, comme direteur de
l’Administration départementale et
communale, au ministère de l’inté
rieur. En cette qualité, M. Mastier
siégea au Conseil d’Etat, comme con
seiller en service extraordinaire.
« Dans ce poste, dont le titulaire
se trouve en relations avec le person
nel politique et administratif de toute
la France, M. Mastier acquit rapide
ment une réputation d’homme habile
et résolu ; et son élévation aux grades
d’officier de la Légion d’honneur en
1894, et de commandeur en 1898 fut
accueillie avec une sympathie una
nime.
« On sait que, depuis le 20 février
1900, M. Mastier a succédé à M.
Hendlé dans notre département.
« Cette succession ne pouvait être
acceptée par notre nouveau préfet que
sous bénéfice d’inventaire, et, en
effet, dès les premiers temps de son
séjour parmi nous, M. Mastier a clai
rement indiqué qu’il n’épouserait pas
les querelles de son prédécesseur.
« Délégué dans la Seine-Inférieure
par le ministère de la défense répu
blicaine, on peut dire que M. Mastier
est arrivé à Rouen sous d’heureux
auspices; et son attitude à l’egard
des républicains dont M. Hendlé,
dans sa rage réactionnaire avait tenté
de faire des parias, a été un récon
fort pour tous les démocrates de notre
région.
cc II dépend de notre nouveau pré
fet que cette impression favorable se
confirme et se précise ; et, pour cela,
la démocratie de la Seine-Inférieure
ne lui demande rien de bien difficile.
Elle a pris l’habitude de faire elle-
même ses affaires, et, à ce point de
vue, la guerre acharnée que mena
contre elle M. Hendlé a eu un effet
presque salutaire, car, en lui rendant
la lutte plus ardue, il lui a fait sentir
le prix de la victoire.
« Les démocrates ne sollicitent pas
de faveurs ; ils voudraient seulement
ne plus être sacrifiés aux cléricaux et
aux prétendus ralliés ; et maintenant
qu’ils sont sûrs de n’être ni bafoués,
ni volés, ni trahis, ils iront avec
pleine confiance à la bataille pour la
République et la Liberté. »
D.
L’INDIVIDUALISTE
Des affiches sur les murs ont an
noncé la publication d’un nouveau
journal local, ayant pour titre :
L’Individualiste.
Son premier numéro a paru jeudi
dernier. Il sera hebdomadaire. Il
affirme des tendances libre-échangis-
tes auxquelles, nous-mêmes, nous
nous flattons d’être fidèles. Il répudie
le dogme nationaliste et nous l’en
félicitons. D’ailleurs, il compte à sa
tête, comme membres du comité de
direction politique des hommes pour
le caractère desquels nous ne démen
tirons pas notre estime et qui, nous
en sommes convaincus, attachent à
l’idée de patrie un sens autrement
élevé que ne sauraient le faire les
héros du cabotinisme, les Déroulède,
Drumont et consorts.
Les parrains du nouvel organe
sont donc MM. H. Follin, H. du
Pasquier et le D r R. Sorel. Le
secrétariat est tenu par M. F. Fabre,
président de la Société Amicale des
Travailleurs. Leur préoccupation
constante est de relever l’effort et
l’initiative individuels. On ne sau
rait trop les encourager dans cette
voie. Seulement, ce qui nous chagrine
quelque peu, c’est l’absence, avouée,
du reste, de programme défini, c’est,
en quelque sorte, l’inanité de la doc
trine reconstitutive, de la méthode et
des moyens politiques propres à rele
ver la conscience sociale et à insuffler
au pays l’essor matériel. Car, nous
devons le noter, le progrès ne se fait
pas de façon magique par le seul
levier d’une volonté vague et trop
peu définie. Etre indépendant, ne pas
avoir de parti, comme le prétend
L’Individualiste , est fort beau, mais
tous les éléments nous crient plus ou
moins la dépendance; mais dans ses
colonnes, le nouveau-né qualifie lui-
même de plaisanterie politique que
se dire républicain sans épithète.
L’Individualiste ne sera pas une
feuille vénale, il est superflu de le
confirmer. Sous cette enseigne, il
nous arrivera, sans doute, si nous ne
sommes pas d’accord sur toutes les
questions, de combattre souvent en
semble les mêmes vices ainsi que les
mêmes abus, et c’est au titre d’une
bonne fraternité d’armes que nous
souhaitons la bienvenue à notre
confrère.
LA RÉDACTION.
BUREAU DE BIENFAISANCE
Le Progrès publiait, la semaine der
nière une lettre d’un assisté du
Bureau de bienfaisance, signalant un
abus qui se serait passé dans cet éta
blissement.
Ou sait que la Commission admi
nistrative fait distribuer, pendant
l’hiver, des secours supplémentaires
aux indigents. Généralement l’amé
lioration du service ordinaire com
mence le 1 er novembre. Or, ni le 10*
ni le 13, ni même le 14 du mois
courant, le traitement d’hiver n’avait
été accordé à personne. Que se pro
duisait-il ? Où passait le prix des
fournitures non délivrées? Le cor
respondant du Progrès ne le disait
pas, mais il posait la question et
laissait le champ libre à toutes les
suppositions. Assurément les admi
nistrateurs devaient empocher l’ar
gent destiné aux pauvres.
Nous sommes allés aux renseigne
ments en présence de l’éventualité
d’une si grave !!! accusation et voici
ce que nous avons appris : Par une
sage prévoyance, la Commission ad
ministrative du Bureau de bienfai
sance a décidé de reporter au 15
novembre l’attribution des rations
d’hiver. On a remarqué, en effet, eu
ces dernières années que la saison
des froids se trouvait retardée. Parti
culièrement, cette année, la rigueur
de la température s’entoure d’une
certaine clémence, et au moment où
j’écris, un soleil tiède des matinées
de printemps sèche les rues. Faillait-
il donner à dépenser pendant cette
saison douce les secours qui feraient
défaut plus tard, quand la bise serait
revenue ? Car il est à noter que les
ressources de bienfaisance sont limi
tées au strict nécessaire, elles ne
permettent pas, malheureusement, de
larges générosités et lorsque l’hiver
se prolonge, l’administration du bu
reau se trouve souvent dans rem
barras.
Il est à regretter que le Progrès ne
se soit pas rendu compte de ces motifs
avant de publier la lettre de son cor
respondant. Il se serait épargné d’at-f
taquer injustement une institution
laïque qui fonctionne régulièrement.]
Laissons ce soin aux cléricaux.
MUTUALITÉ SCOLAIRE
Cette société, de fondation récente,'
donnait hier une réunion ordinaire
dont le but n’a pas été suffisamment
désigné, pour permettre aux pères de
famille qui y étaient convoqués (par
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