Titre : Le Réveil du Havre : organe républicain ["puis" organe républicain-socialiste indépendant "puis" organe du Parti républicain démocratique]
Éditeur : [s.n.] (Le Havre)
Date d'édition : 1899-09-10
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32854639q
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 10 septembre 1899 10 septembre 1899
Description : 1899/09/10 (N176). 1899/09/10 (N176).
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k3263375d
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-89667
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 28/04/2019
4“ Année — N° 176.
CINQ CENTIMES LE NUMÉRO
Samedi 10 Septembre 1890.
éveil du Havre
Organe du Parti Républicain Démocratique
PRIX DES ABONNEMENTS
Le Havre et la Seine-Inférieure par an 3 fr.
Départements » 4 fr.
mtMu^KmismsBssii^^sesxBsssismxs&waaiE&^'Mivfiifasi&tStM
ADMINISTRATION ET RÉDACTION
15, RUE GASIMIR-PÈRIER, 15
Secrétaire de la Rédaction F. THOMMERET
L'Lmprimeur-Gérant F. LE ROY
Prix des Insertions :
Annonces 25 centimes la ligne
Réclames 50 3»
Un Réquisitoire
L’instant est devenu solennel. La
paix ou la guerre intérieure sorti
ront du verdict rendu à Rennes.
L’acquittement de Dreyfus désar
mera les partis. La condamnation,
au contraire, ne fera que continuer
l’état de lutte dans lequel nous nous
trouvons depuis deux ans.
Le procès actuel n’est pas, en
effet, chose ordinaire. La bande des
Mercier, des Roget, des du Paty de
Clam, sans oublier son plus bel or
nement, le commandant Esterhazy,
s’est constituée dans le pays en
véritable parti, que dis-je ? Elle
forme désormais une oligarchie dan
gereuse qui vous parle de sa justice,
à elle, de ses droits, de ses privi
lèges. Elle veut être maîtresse de
ses destinées. Elle a profité de la
confiance que nous accordâmes à
l’armée de la Défense nationale,
après l’année terrible pour devenir
une puissance politique, contre la
quelle ni la loi, ni la raison humaine
n’auraient d’effet. Cela ne sera pas,
cela ne peut pas être.
On a pour ainsi dire posé au
Conseil de guerre F ultimatum d’être
'cor tre l’armée avec Dreyfus, inno-'
cent ou coupable. « Condamnez le
€ prévenu pour la gloire fangeuse
« de l’état-major, pour authentiquer
« les faux des dossiers, pour la sau-
« vegarde des coupables qui se sont
« insurgés contre la France et ses
« traditions de probité et d’hon-
« neur >, semble-t-on indiquer aux
juges.
Un tel dilemme est impossible.
Dreyfus condamné, c’est le men
songe, c’est la haine qui triomphent,
ce sont les glorieuses conquêtes de
la Révolution, c’est la Patrie elle-
même, livrées aux mains de l’Eglise
romaine.
Et croit-on écarter les responsa
bilités encourues? Tout arrive eu
son temps. L’heure viendra de ren
dre des comptes. La forfaiture, le
faux témoignage auront leur châti
ment.
A la vérité, il faut soumettre
l’armée prétorienne aux volontés du
pays, c’est la tâche inéluctable.
★
* *
Le réquisitoire du commandant
Carrière a été ce qu’il pouvait être,
non pas ce qu’il devait être. Il a
conclu comme Roget, comme Mer
cier, à la culpabilité, sans apporter
de preuves, ou des preuves ridicules
qui s’attacheraient avec de la bonne
volonté à M. Fénoux aussi bien qu’à
Dreyfus. Quand on sait qu’Esterhazy
est le coupable, qu’il a avoué le bor
dereau concordant avec des faits in
déniables; avec des témoignages pro
bants. L’écriture d’Esterhazy est
d’une analogie frappante comparée
à la lettre missive et cela pour le
moins expert en graphologie. Le
petit bleu accuse sans rémission le
uhlan, combien d’autres circonstan
ces encore?
Il est singulier de remarquer que
le commissaire du gouvernement,
par une subtilité juridique, tienne
quand même à discuter le bordereau,
sur lequel toute discussion est main
tenant superflue, de par l’arrêt de la
Cour de Cassation.
A tout crime, il faut un mobile.
Esterhazy était un véritable panier
percé à travers lequel filaient les
pièces de cent sous. L’accusation a
abandonné, vis-à-vis de Dreyfus,
les charges du jeu, des femmes.
Dreyfus avait de vingt à trente mille
francs de rente, ce n’était pas le
besogneux qui attendait les 300
francs du colonel de Schwar tzkoppen.
Alors quoi? L’ambition, l’orgueil, la
cupidité ? On sait en quelle piètre
estime sont tenus par ceux mêmes
qui en bénéficient, les espions et les
traîtres ; sans compter les dénon
ciations des agents qui surviennent
quand les exigences pécuniaires sont
trop grandes. Dreyfus pouvait-il
espérer un grade dans l’armée alle
mande ? Evidemment non.
Autrefois, le doute profitait à
l’accusé ; aujourd’hui, des pré
somptions invraisemblables fournis
sent des preuves. On demande au
prévenu de démontrer soninnocence,
si son avocat y peut parvenir, on lui
répond : la question ne sera pas
posée.
Par contre, le ministère public
n’est pas tenu de prouver une accu
sation, il lui suffit de prononcer la
phrase sacramentelle : « En mon
âme et conscience », pour que, par
le pouvoir magique de ces mots,
justice soit faite, cela évite toute
discussion, comme toute logique.
Au reste, l’affaire Dreyfus n’est
pas seulement posée devant le Con
seil de guerre de Rennes, elle l’est
aussi devant tout le pays, consé
quence du dessaisissement.
Et que l’on ne vienne pas nous
parler du dossier secret, pour se
réserver une porte de sortie à la
Fénoux, les documents des débats
sont tous connus, de l’aveu même
du commandant Carrière : Nous
avons tous pu lire et étudier l’affaire,
du moins en ce qui, légalement, doit
être apprécié des juges.
Si nous sommes respectueux des
formes légales, des conditions indis
pensables d’ordre, de progrès, la
conscience de l’homme équitable et
sincère doit subsister.
Quelque puisse être la chose jugée,
aucune preuve n’est fournie de la
culpabilité de Dreyfus.
Alf. HENRI
PERQUISITIONS A FAIRE
Pour découvrir toute la filière du
complot, le Gouvernement a montré
uoe grande énergie et prouvé qu’il
avait à sa disposition des’hommes in
telligents, capables de déjouer h s
projets des ennemis de la République.
Des perquisitions ont été opérées dans
les principales villes de France, chez
les divers meneurs qui sont aujour
d’hui sous les verrous.
Voilà certes de sages mesures, mais
il ne suffit pas de s’arrêter là ; il faut
à tout prix, démasquer les véritables
chefs de ces manœuvres politiques et
il est facile de les rencontrer parmi
les membres des Associations reli
gieuses.
On va me répoidre qu’on a perqui
sitionné chez les Frères de l’Assomp
tion et que, tout naturellement, on
rfy a rien trouvé. Mais, était-ce bien
là qu’il fallait porter ses recherches ?
Il eut été plus sage d’aller chez les
Dames Assomptionnistes, à Passy, qui
sous la direction de l’ancien aumô
nier et avec l’appui d’une femme haut
placée, morte récemment, étaient les
véritables auxiliaires des bons pères.
La tour de St-Sulpice, à Paris, où
logent avec les corneilles certains
prêtres qui ne font pas grand bruit,
mais beaucoup de besogne, nous ré
vélerait aussi bien des secrets.
Les Révérends Pères Dominicains
ont l’habitude d’aller se faire héberger
en dehors du couvent. Chaque frère-
prêcheur a deux ou trois maisons où
il est d’ordinaire l’hôte le plus assidu.
Il suffirait de surveiller les allées et
venues de ces hirondelles pour décou
vrir bien des choses.
Quand aux Pères Jésuites, la petite
malle de fer, plate et basse qui, pla
cée dans chaque cellule, semble être
destinée à contenir les hardes de l’ha
bitant, est l’endroit secret ou le dis
ciple de Loyola renferme ses écrits.
Le parent d’un grand général répu-
bli ain, qi i fait partie de l’ordre, me
montrai ’, certain jour des travaux re
marquables sur la constitution qu’il
faudrait à la France. Si j’avais pu
lire jusqu’au bout, j’aurais certaine
ment trouvé les moyens d’arriver à
donner cette constitution à notre pays.
En tous les cas, il ne faut pas
perdre de vue que deux femmes de
grands psrsonnages, ont puissamment
travaillé à la désorganisation po
litique de notre pays, par la faveur
qu’elles 0 nt accordé au cle rgé et surtout
aux membres des congrégations.
» Ne négligeons donc pas les perqui
sitions ; eU™ .sera'^nt peut-être plus
profitables dans les endroits qui pa
raissent le moins redoutables.
F. T.
—
La Justice Militaire
L’institution d’une justice spéciale
pour l’armée n’est pas une idée pro
pre à notre pays ou à notre époque ;
de tout temps, partout où il y a eu
armée régulièrement organisée, elle a
revendiqué et obtenu juridiction sur
elle-même.
Dans les premiers temps de la mo
narchie française, nous trouvons, pour
les gens de guerre, la juridiction des
*■ maires du palais », du « grand
sénéchal », des « connétables » et des
« prévôts de maréchaux ».
Sous LouisXIV, nous voyons appa
raître, pour la première fois, les
conseils de guerre, spécialement orga
nisés pour maintenir la disciplina
intérieure dans les corps d’armée. La
justice ordinaire reprenait son empire
quand il s’agissait de délits commis
par les militaires dans les villes de
l’intérieur.
Ces divisions de juridictions ame
nèrent souvent des conflits entre les
deux juridictions : tantôt, l’armée
parvenait à ressaisir ses justiciables,
tantôt, elle les perdait.
Lorsque la Révolution emporta les
tribunaux militaires avec les autres
institutions de l’ancien régime, elle
ne méconnut point, cependant, la né
cessité d’une justice spéciale pour
l’armée. On vit alors se succéder sous
l’influence des idées nouvelles et sous
la pression des évènements :
1° Les cours martiales avec leur
double jury : jury d’accusation, sta
tuant sur le fait, et le jury de juge
ment. Les cours martiales entraînant
des longueurs considérables 11 e durè
rent que deux ans ;
2° Les tribunaux révolutionnaires,
institués en 1893, qui ne durèrent
que sept mois ;
3° Les conseils militaires furent
créés le 17 septembre 1795 ; ils com
prenaient : trois officiers, trois sous-
officiers et trois soldats, et avaient
pour mission déjuger soit à l’inté
rieur, soit* à l’armée, tous les délits
des militaires et assimilés.
L’élément étranger ayant disparu
complètement pendant la campagne
d’Italie, Bonaparte n’eut pas trop de
peine à décider le conseil des Cinq
Cents et des Anciens à établir, le
13 Brumaire, an V, des Tribunaux
réguliers et permanants dont la com
position était à peu près celle que
nous avons aujourd’hui.
L’année suivante, on créa des tri
bunaux de révision et ainsi se trouva
établie en principe et dans ses traits
essentiels, l’organisation qni nous ré
git actuellement.
Les modifications qui eurent lieu
par la suite aboutirent au Code de
Justice militaire du 9 Juin 1857,
modifié surtout par la loi du 18 mai
1875 et par les dispositions addition
nelles de 1898 et 1899.
•k
* *
Si l’on considère maintenant ce qui
se passe à l’étranger, on constate avec
tristesse que la France est encore
restée, sous ce rapport de beaucoup
en arrière.
D'ailleurs, les diverses propositions
qui ont surgi en ces derniers temps,
à la Chambre des Députés et au Sénat
ne suffisent-ils pas pour démontrer
amplement que Vorganisation actuelle
de notre justice 'militaire est loin cCêire
en harmonie avec notre état social.
En Allemagne, en Autriche et en
Italie, il existe, à côté des juges
exclusivement militaires, des gens de
métier, des hommes qui ont fait de
l’étude du droit l’occupation de toute
leur vie, des fonctionnaires militaires
dont la désignation ne peut être faite
que d’après le mérite et les connais
sances officiellement consacrés et dû
ment constatés.
Chez nous, au contraire, rien de
ces garanties : des officiers transfor
més en juge du jour au lendemain,
des hommes qui peuvent être cons
ciencieux, certes, mais nullement pré
parés aux services qu’on exige d’eux
et ignorant les responsabilités qu’ils
assument.
La conclusion est donc simple : il
suffit de prendre, pour une fois, au
dehors, ce qui est sûrement meilleur
que chez nous.
En pareil cas, l’imitation n’est pas
servilité, elle est bon sens !
Martin.
LA MARCSE DU CLÉRICALISME
Si, comme le dit le clergé, la France
est le sergent de Dieu, le maire de
X..., ville,est le Suisse. Nous nous en
présentions, hier à quatre heures, au
cimetière avec nos amis, pour inau
gurer le monument du citoyen Lesei-
gneur dont l'inhumation civile a causé
de regrettables incidents ; contraire
ment à l’usage de l’endroit les portes
en furent ouvertes avant notre arri
vée, afin que les privilégiés puissent
occuper les abords de la tombe et re
jeter au second plan les manifestants.
L’hostilité du maire était manifeste
il repoussa des dames en leur disant :
ce n’est pas la peine de vous presser pour
les belles choses que vous allez entendre !
Salva résuma l’histoire des religions
qui, suivant Chateaubriant : naissent
de nos craintes, grandissent dans le fa
natisme, et meurent dans l’indifférence ;
il termina par cette objurgation à la
goule insatiable qui depuis seize siè
cles dévore les générations : Arrière !
ton temps est passé, tu ne règnes plus
que sur les attardés des autres siècles ;
tu n as plus d’autres adorateurs que les
exploiteurs de la misère dont tu es la
cause ; les travaux, les souffrances et le
sang de nos pères , dont tu es gorgée,
nous ont délivrés de ton joug ; arrière !
arrière !! le peuple rit de tes dogmes , et
de tes mystères ; il sait que, fondée sur
le mensonge, tu ne persistes que par la-
crainte des supplices et des bûchers dont
tu connais le monde ; arrière ! arrière !!
arrière /// tu n’effraies plus que les im
béciles. »
Le citoyen Cornillard allait com
mencer, quand le garde-champêtre lui
cria : « Je vous défends d'attaquer la
religion ! Il s’attira cette verte répli
que : « Vous devez veiller au bon ordre
et non le troubler. » Puis Cornillard
rappella la mort et les offi èques de Le-
seigneur qui avait demandé des obsè
ques civiles ; le curé voulut transgres
ser sa volonté mais le juge décida
qu’elle serait respectée.
Cornillard montra la duplicité de
ce prêtre, voulant dérober un cadavre,
n’y renonçant que contraint par la
justice et ayant, trois mois après,
l’audace d’écrire à un journal : Lesei-
gneur est mort chrétiennement et d’af
firmer qu'il n’a rien su de son inhu
mation !
Cornillard respecte la religion du
Christ, ■ pr&hîémsîj^k r.é i«Rr 1 -
crisie cléricale.
Le citoyen Bazire ajoute que toutes
les religions se valant, aucune n’est
bonne. Depuis quelques instants, des
piétinements et des conversations gê
naient l’auteur, en vain le silence
avait été plusieurs fois réclamé quand
Bazire : demandez la parole, on vous
Vaccordera, laissez-moiparler. Le maire
lui répondit : Je suis libre de parler
quand il me plaira dans mon cimetière !
ce qui provoqua d’unanimes protesta
tions et fit scandale.
Grâce à Cornillard, le maire finit
par se calmer, après avoir dit : « A
l’avenir je ferai fermer le cimetière aux
manifestations. Alors les libres-pen
seurs qui n’ont ni chaires, ni temples,
ni budget des cultes pour défendre
leurs idées, seraient réduits au si
lence ?
Ce brave maire trahit les idées du
clergé.
Qu’elle différence entre ce magis
trat municipal et celui de Pommereuse
(Sne et M.) qui félicitait en ces termes
un de ses administrés, défunt : «
l’exemple que vous donnez est d'un
homme de bien ; trop souvent des consi
dérations d’intérêt nous empêchent de
suivre les inspirations de notre cons
cience, et des gens qui ne vont jamais a
l'église sont enterrés religieusement . »
Chose curieuse, ce libre-penseur avait
été président de la fabrique d’une
église !
Bazire termina au milieu des ap
plaudissements.
D’où vient l’escapade île ce maire
troublant une paisible réunion, est-ce
la faute de la grande chaleur ?
E. SALVA.
Les Retraites Ouvrières
LE PROJET DE M. RICARD
La question des retraites ouvrières
est l’une de celles qui ont le plus
préoccupé, depuis quelques années,
tous ceux qui s’intéressent aux pro
blèmes économiques et sociaux. L’uti
lité d’une loi sur les retraites ouvrières
n’est plus à démontrer, et tout le
CINQ CENTIMES LE NUMÉRO
Samedi 10 Septembre 1890.
éveil du Havre
Organe du Parti Républicain Démocratique
PRIX DES ABONNEMENTS
Le Havre et la Seine-Inférieure par an 3 fr.
Départements » 4 fr.
mtMu^KmismsBssii^^sesxBsssismxs&waaiE&^'Mivfiifasi&tStM
ADMINISTRATION ET RÉDACTION
15, RUE GASIMIR-PÈRIER, 15
Secrétaire de la Rédaction F. THOMMERET
L'Lmprimeur-Gérant F. LE ROY
Prix des Insertions :
Annonces 25 centimes la ligne
Réclames 50 3»
Un Réquisitoire
L’instant est devenu solennel. La
paix ou la guerre intérieure sorti
ront du verdict rendu à Rennes.
L’acquittement de Dreyfus désar
mera les partis. La condamnation,
au contraire, ne fera que continuer
l’état de lutte dans lequel nous nous
trouvons depuis deux ans.
Le procès actuel n’est pas, en
effet, chose ordinaire. La bande des
Mercier, des Roget, des du Paty de
Clam, sans oublier son plus bel or
nement, le commandant Esterhazy,
s’est constituée dans le pays en
véritable parti, que dis-je ? Elle
forme désormais une oligarchie dan
gereuse qui vous parle de sa justice,
à elle, de ses droits, de ses privi
lèges. Elle veut être maîtresse de
ses destinées. Elle a profité de la
confiance que nous accordâmes à
l’armée de la Défense nationale,
après l’année terrible pour devenir
une puissance politique, contre la
quelle ni la loi, ni la raison humaine
n’auraient d’effet. Cela ne sera pas,
cela ne peut pas être.
On a pour ainsi dire posé au
Conseil de guerre F ultimatum d’être
'cor tre l’armée avec Dreyfus, inno-'
cent ou coupable. « Condamnez le
€ prévenu pour la gloire fangeuse
« de l’état-major, pour authentiquer
« les faux des dossiers, pour la sau-
« vegarde des coupables qui se sont
« insurgés contre la France et ses
« traditions de probité et d’hon-
« neur >, semble-t-on indiquer aux
juges.
Un tel dilemme est impossible.
Dreyfus condamné, c’est le men
songe, c’est la haine qui triomphent,
ce sont les glorieuses conquêtes de
la Révolution, c’est la Patrie elle-
même, livrées aux mains de l’Eglise
romaine.
Et croit-on écarter les responsa
bilités encourues? Tout arrive eu
son temps. L’heure viendra de ren
dre des comptes. La forfaiture, le
faux témoignage auront leur châti
ment.
A la vérité, il faut soumettre
l’armée prétorienne aux volontés du
pays, c’est la tâche inéluctable.
★
* *
Le réquisitoire du commandant
Carrière a été ce qu’il pouvait être,
non pas ce qu’il devait être. Il a
conclu comme Roget, comme Mer
cier, à la culpabilité, sans apporter
de preuves, ou des preuves ridicules
qui s’attacheraient avec de la bonne
volonté à M. Fénoux aussi bien qu’à
Dreyfus. Quand on sait qu’Esterhazy
est le coupable, qu’il a avoué le bor
dereau concordant avec des faits in
déniables; avec des témoignages pro
bants. L’écriture d’Esterhazy est
d’une analogie frappante comparée
à la lettre missive et cela pour le
moins expert en graphologie. Le
petit bleu accuse sans rémission le
uhlan, combien d’autres circonstan
ces encore?
Il est singulier de remarquer que
le commissaire du gouvernement,
par une subtilité juridique, tienne
quand même à discuter le bordereau,
sur lequel toute discussion est main
tenant superflue, de par l’arrêt de la
Cour de Cassation.
A tout crime, il faut un mobile.
Esterhazy était un véritable panier
percé à travers lequel filaient les
pièces de cent sous. L’accusation a
abandonné, vis-à-vis de Dreyfus,
les charges du jeu, des femmes.
Dreyfus avait de vingt à trente mille
francs de rente, ce n’était pas le
besogneux qui attendait les 300
francs du colonel de Schwar tzkoppen.
Alors quoi? L’ambition, l’orgueil, la
cupidité ? On sait en quelle piètre
estime sont tenus par ceux mêmes
qui en bénéficient, les espions et les
traîtres ; sans compter les dénon
ciations des agents qui surviennent
quand les exigences pécuniaires sont
trop grandes. Dreyfus pouvait-il
espérer un grade dans l’armée alle
mande ? Evidemment non.
Autrefois, le doute profitait à
l’accusé ; aujourd’hui, des pré
somptions invraisemblables fournis
sent des preuves. On demande au
prévenu de démontrer soninnocence,
si son avocat y peut parvenir, on lui
répond : la question ne sera pas
posée.
Par contre, le ministère public
n’est pas tenu de prouver une accu
sation, il lui suffit de prononcer la
phrase sacramentelle : « En mon
âme et conscience », pour que, par
le pouvoir magique de ces mots,
justice soit faite, cela évite toute
discussion, comme toute logique.
Au reste, l’affaire Dreyfus n’est
pas seulement posée devant le Con
seil de guerre de Rennes, elle l’est
aussi devant tout le pays, consé
quence du dessaisissement.
Et que l’on ne vienne pas nous
parler du dossier secret, pour se
réserver une porte de sortie à la
Fénoux, les documents des débats
sont tous connus, de l’aveu même
du commandant Carrière : Nous
avons tous pu lire et étudier l’affaire,
du moins en ce qui, légalement, doit
être apprécié des juges.
Si nous sommes respectueux des
formes légales, des conditions indis
pensables d’ordre, de progrès, la
conscience de l’homme équitable et
sincère doit subsister.
Quelque puisse être la chose jugée,
aucune preuve n’est fournie de la
culpabilité de Dreyfus.
Alf. HENRI
PERQUISITIONS A FAIRE
Pour découvrir toute la filière du
complot, le Gouvernement a montré
uoe grande énergie et prouvé qu’il
avait à sa disposition des’hommes in
telligents, capables de déjouer h s
projets des ennemis de la République.
Des perquisitions ont été opérées dans
les principales villes de France, chez
les divers meneurs qui sont aujour
d’hui sous les verrous.
Voilà certes de sages mesures, mais
il ne suffit pas de s’arrêter là ; il faut
à tout prix, démasquer les véritables
chefs de ces manœuvres politiques et
il est facile de les rencontrer parmi
les membres des Associations reli
gieuses.
On va me répoidre qu’on a perqui
sitionné chez les Frères de l’Assomp
tion et que, tout naturellement, on
rfy a rien trouvé. Mais, était-ce bien
là qu’il fallait porter ses recherches ?
Il eut été plus sage d’aller chez les
Dames Assomptionnistes, à Passy, qui
sous la direction de l’ancien aumô
nier et avec l’appui d’une femme haut
placée, morte récemment, étaient les
véritables auxiliaires des bons pères.
La tour de St-Sulpice, à Paris, où
logent avec les corneilles certains
prêtres qui ne font pas grand bruit,
mais beaucoup de besogne, nous ré
vélerait aussi bien des secrets.
Les Révérends Pères Dominicains
ont l’habitude d’aller se faire héberger
en dehors du couvent. Chaque frère-
prêcheur a deux ou trois maisons où
il est d’ordinaire l’hôte le plus assidu.
Il suffirait de surveiller les allées et
venues de ces hirondelles pour décou
vrir bien des choses.
Quand aux Pères Jésuites, la petite
malle de fer, plate et basse qui, pla
cée dans chaque cellule, semble être
destinée à contenir les hardes de l’ha
bitant, est l’endroit secret ou le dis
ciple de Loyola renferme ses écrits.
Le parent d’un grand général répu-
bli ain, qi i fait partie de l’ordre, me
montrai ’, certain jour des travaux re
marquables sur la constitution qu’il
faudrait à la France. Si j’avais pu
lire jusqu’au bout, j’aurais certaine
ment trouvé les moyens d’arriver à
donner cette constitution à notre pays.
En tous les cas, il ne faut pas
perdre de vue que deux femmes de
grands psrsonnages, ont puissamment
travaillé à la désorganisation po
litique de notre pays, par la faveur
qu’elles 0 nt accordé au cle rgé et surtout
aux membres des congrégations.
» Ne négligeons donc pas les perqui
sitions ; eU™ .sera'^nt peut-être plus
profitables dans les endroits qui pa
raissent le moins redoutables.
F. T.
—
La Justice Militaire
L’institution d’une justice spéciale
pour l’armée n’est pas une idée pro
pre à notre pays ou à notre époque ;
de tout temps, partout où il y a eu
armée régulièrement organisée, elle a
revendiqué et obtenu juridiction sur
elle-même.
Dans les premiers temps de la mo
narchie française, nous trouvons, pour
les gens de guerre, la juridiction des
*■ maires du palais », du « grand
sénéchal », des « connétables » et des
« prévôts de maréchaux ».
Sous LouisXIV, nous voyons appa
raître, pour la première fois, les
conseils de guerre, spécialement orga
nisés pour maintenir la disciplina
intérieure dans les corps d’armée. La
justice ordinaire reprenait son empire
quand il s’agissait de délits commis
par les militaires dans les villes de
l’intérieur.
Ces divisions de juridictions ame
nèrent souvent des conflits entre les
deux juridictions : tantôt, l’armée
parvenait à ressaisir ses justiciables,
tantôt, elle les perdait.
Lorsque la Révolution emporta les
tribunaux militaires avec les autres
institutions de l’ancien régime, elle
ne méconnut point, cependant, la né
cessité d’une justice spéciale pour
l’armée. On vit alors se succéder sous
l’influence des idées nouvelles et sous
la pression des évènements :
1° Les cours martiales avec leur
double jury : jury d’accusation, sta
tuant sur le fait, et le jury de juge
ment. Les cours martiales entraînant
des longueurs considérables 11 e durè
rent que deux ans ;
2° Les tribunaux révolutionnaires,
institués en 1893, qui ne durèrent
que sept mois ;
3° Les conseils militaires furent
créés le 17 septembre 1795 ; ils com
prenaient : trois officiers, trois sous-
officiers et trois soldats, et avaient
pour mission déjuger soit à l’inté
rieur, soit* à l’armée, tous les délits
des militaires et assimilés.
L’élément étranger ayant disparu
complètement pendant la campagne
d’Italie, Bonaparte n’eut pas trop de
peine à décider le conseil des Cinq
Cents et des Anciens à établir, le
13 Brumaire, an V, des Tribunaux
réguliers et permanants dont la com
position était à peu près celle que
nous avons aujourd’hui.
L’année suivante, on créa des tri
bunaux de révision et ainsi se trouva
établie en principe et dans ses traits
essentiels, l’organisation qni nous ré
git actuellement.
Les modifications qui eurent lieu
par la suite aboutirent au Code de
Justice militaire du 9 Juin 1857,
modifié surtout par la loi du 18 mai
1875 et par les dispositions addition
nelles de 1898 et 1899.
•k
* *
Si l’on considère maintenant ce qui
se passe à l’étranger, on constate avec
tristesse que la France est encore
restée, sous ce rapport de beaucoup
en arrière.
D'ailleurs, les diverses propositions
qui ont surgi en ces derniers temps,
à la Chambre des Députés et au Sénat
ne suffisent-ils pas pour démontrer
amplement que Vorganisation actuelle
de notre justice 'militaire est loin cCêire
en harmonie avec notre état social.
En Allemagne, en Autriche et en
Italie, il existe, à côté des juges
exclusivement militaires, des gens de
métier, des hommes qui ont fait de
l’étude du droit l’occupation de toute
leur vie, des fonctionnaires militaires
dont la désignation ne peut être faite
que d’après le mérite et les connais
sances officiellement consacrés et dû
ment constatés.
Chez nous, au contraire, rien de
ces garanties : des officiers transfor
més en juge du jour au lendemain,
des hommes qui peuvent être cons
ciencieux, certes, mais nullement pré
parés aux services qu’on exige d’eux
et ignorant les responsabilités qu’ils
assument.
La conclusion est donc simple : il
suffit de prendre, pour une fois, au
dehors, ce qui est sûrement meilleur
que chez nous.
En pareil cas, l’imitation n’est pas
servilité, elle est bon sens !
Martin.
LA MARCSE DU CLÉRICALISME
Si, comme le dit le clergé, la France
est le sergent de Dieu, le maire de
X..., ville,est le Suisse. Nous nous en
présentions, hier à quatre heures, au
cimetière avec nos amis, pour inau
gurer le monument du citoyen Lesei-
gneur dont l'inhumation civile a causé
de regrettables incidents ; contraire
ment à l’usage de l’endroit les portes
en furent ouvertes avant notre arri
vée, afin que les privilégiés puissent
occuper les abords de la tombe et re
jeter au second plan les manifestants.
L’hostilité du maire était manifeste
il repoussa des dames en leur disant :
ce n’est pas la peine de vous presser pour
les belles choses que vous allez entendre !
Salva résuma l’histoire des religions
qui, suivant Chateaubriant : naissent
de nos craintes, grandissent dans le fa
natisme, et meurent dans l’indifférence ;
il termina par cette objurgation à la
goule insatiable qui depuis seize siè
cles dévore les générations : Arrière !
ton temps est passé, tu ne règnes plus
que sur les attardés des autres siècles ;
tu n as plus d’autres adorateurs que les
exploiteurs de la misère dont tu es la
cause ; les travaux, les souffrances et le
sang de nos pères , dont tu es gorgée,
nous ont délivrés de ton joug ; arrière !
arrière !! le peuple rit de tes dogmes , et
de tes mystères ; il sait que, fondée sur
le mensonge, tu ne persistes que par la-
crainte des supplices et des bûchers dont
tu connais le monde ; arrière ! arrière !!
arrière /// tu n’effraies plus que les im
béciles. »
Le citoyen Cornillard allait com
mencer, quand le garde-champêtre lui
cria : « Je vous défends d'attaquer la
religion ! Il s’attira cette verte répli
que : « Vous devez veiller au bon ordre
et non le troubler. » Puis Cornillard
rappella la mort et les offi èques de Le-
seigneur qui avait demandé des obsè
ques civiles ; le curé voulut transgres
ser sa volonté mais le juge décida
qu’elle serait respectée.
Cornillard montra la duplicité de
ce prêtre, voulant dérober un cadavre,
n’y renonçant que contraint par la
justice et ayant, trois mois après,
l’audace d’écrire à un journal : Lesei-
gneur est mort chrétiennement et d’af
firmer qu'il n’a rien su de son inhu
mation !
Cornillard respecte la religion du
Christ, ■ pr&hîémsîj^k r.é i«Rr 1 -
crisie cléricale.
Le citoyen Bazire ajoute que toutes
les religions se valant, aucune n’est
bonne. Depuis quelques instants, des
piétinements et des conversations gê
naient l’auteur, en vain le silence
avait été plusieurs fois réclamé quand
Bazire : demandez la parole, on vous
Vaccordera, laissez-moiparler. Le maire
lui répondit : Je suis libre de parler
quand il me plaira dans mon cimetière !
ce qui provoqua d’unanimes protesta
tions et fit scandale.
Grâce à Cornillard, le maire finit
par se calmer, après avoir dit : « A
l’avenir je ferai fermer le cimetière aux
manifestations. Alors les libres-pen
seurs qui n’ont ni chaires, ni temples,
ni budget des cultes pour défendre
leurs idées, seraient réduits au si
lence ?
Ce brave maire trahit les idées du
clergé.
Qu’elle différence entre ce magis
trat municipal et celui de Pommereuse
(Sne et M.) qui félicitait en ces termes
un de ses administrés, défunt : «
l’exemple que vous donnez est d'un
homme de bien ; trop souvent des consi
dérations d’intérêt nous empêchent de
suivre les inspirations de notre cons
cience, et des gens qui ne vont jamais a
l'église sont enterrés religieusement . »
Chose curieuse, ce libre-penseur avait
été président de la fabrique d’une
église !
Bazire termina au milieu des ap
plaudissements.
D’où vient l’escapade île ce maire
troublant une paisible réunion, est-ce
la faute de la grande chaleur ?
E. SALVA.
Les Retraites Ouvrières
LE PROJET DE M. RICARD
La question des retraites ouvrières
est l’une de celles qui ont le plus
préoccupé, depuis quelques années,
tous ceux qui s’intéressent aux pro
blèmes économiques et sociaux. L’uti
lité d’une loi sur les retraites ouvrières
n’est plus à démontrer, et tout le
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