Titre : Le Réveil du Havre : organe républicain ["puis" organe républicain-socialiste indépendant "puis" organe du Parti républicain démocratique]
Éditeur : [s.n.] (Le Havre)
Date d'édition : 1894-07-14
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32854639q
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 14 juillet 1894 14 juillet 1894
Description : 1894/07/14 (N153). 1894/07/14 (N153).
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k3263352d
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-89667
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 28/04/2019
4* Année — N # 153 — Samedi 14 Juillet 1894.
CINQ CENTIMES LE NUMERO
4 e ÂDuée — 26 Messidor An 162 — K° 158.
ORGANE RÉPUBLICAIN-SOCIALISTE INDÉPENDANT
PRIX DES ABONNEMENTS :
UN AN SIX MOIS
Le Havre 3 fr. 2 fr.
Départements 4 fr. 2 50
ADilMSTMTION & RÉDACTION
15 , RUE CASIMIE-PÉRIRR, 15
LE RÉVEIL DU HAVRE paraît tous les Samedis
PRIX SES INSERTIONS :
Annonces 25 cent. ïa ligne
Réclames. 50 cent. la ligne
On traite à Forfait
L’IMPOT SUR LE REVENU
L'IMPOT SUR LE REVENU
Pendant que sa grosseur Dupuy fabrique
une loi destinée à supprimer la presse de
l’opposition,espérant, parce moyen ingénieux,
conserver sa place plus longtemps et remplir
l’immense bas de laine confié à ses soins,
M. Godefroy Cavaignac et quelques autres
députés, soucieux des engagements pris,
ont déposé et soutiennent énergiquement
devant la Chambre un projet d’impôt sur le
revenu, portant la réforme complète des
quatre contributions.
Leur système établit l’impôt progressif et
s’efforce, dans la mesure du possible, — nulle
institution humaine n’est parfaite — de
répartir les charges suivant les moyens pécu
niaires de chacun.
Rien de plus juste, n’est-ce pas ? Il
semble tout naturel que l’état demande des
ressources à ceux-là même qui peuvent les
lui fournir, sans pour cela déranger l’éco
nomie de leur budget ; aux favorisés de la
fortune à alimenter le trésor public et non
aux nécessiteux qui peinent chaque jour pour
gagner un morceau de pain que le fisc vient
brutalement leur arracher de la bouche.
Cette réforme, depuis longtemps réclamée
par le pays, répond aux aspirations de la
démocratie ; c’est résumer, en quelques lignes,
l’ensemble des desiderata de l’immense majo
rité des citoyens français. Elle a servi de
plate-forme électorale à un grand nombre de
députés, pour ne pas dire à tous, et on s’at
tendait — du moins ceux qui croient encore
aux promesses des candidats — à lavoir voter
d’enthousiasme. Chacun croyait que de tous
les bancs de la Chambre on crierait à M.
Cavaignac : Mais vous prêchez à des convertis!
Nous sommes tous d’accord et nous n’avons
plus qu’à passer à la discussion des articles.
Promettre et tenir font deux.
MM. les opportunistes, prêts à accepter tous
les programmes, dèsqu’ils’agitdese concilier les
bonnes grâces du corps électoral, n’entendent,
n’ont jamais entendu en mettre à exécution
les parties qui pourraient porter la plus légère
atteinte à leur bourse. Ils veulent bien
condescendre à leurrer le peuple en faisant
miroiter à ses yeux de lointaines, très loin
taines réformes, mais tenir la parole qu’ils
ont donnée : jamais !
Le moment n’est pas opportun, voilà qui
répond à toutes les objections.
Toutes les fois que la question de l’impôt
progressif sur le revenu a été agitée, les
quelques députés désireux de remplir cons
ciencieusement le mandat que leur ont confié
leurs électeurs se sont butés à un non possumus
absolu. Toujours, on leur a opposé la force
d’inertie.
Chaque année les gouvernementaux réédi
tent le même cliché : « Le vote du budget
est en retard et il ne serait pas possible d’in
troduire, dans la loi des finances, la réforme
de l’impôt, sans la bouleverser de fond en
comble ; le temps manque, ce sera pour l’année
prochaine. »
La bonne blague.
Non, le temps ne manque pas, ce qui
manque c’est le désir d’aboutir.
Sur cette question, tous les députés, qu’ils
soient républicains ou réactionnaires, s’enten
dent parfaitement pourvu qu’ils soient pro
priétaires ou gros financiers. C’est la coalition
de la ploutocratie contre la démocratie.
Hélas ! il en sera encore longtemps ainsi.
Le candidat qui briguera le suffrage de
l’homme du peuple lui promettra toujours
plus de beurre que de pain ; le bien-être
n’apparaîtra toujours que dans un lointain
mirage et Jacques Bonhomme subira éternel
lement le supplice de Tantale... à moins qu’un
beau jour les candidats législateurs n’appren
nent à leurs dépens qu’il y a loin de la coupe
aux lèvres.
Pierre MÉRITEL.
SUS A LA PRESSE !
A la nouvelle de la mort de M. Carnot, nous
avons pensé que le coup de poignard de Ca?erio
devait être aussi funeste à la République qu’à son
infortuné Président.
Les événements semblent donner raison à nos
trop justes appréhensions.
Comme don de joyeux avènement, le nouveau
chef du pouvoir exécutif nous fait fabriquer une
loi sur ou plûtot contre la presse, qui doit consti
tuer un merveilleux engin destructeur de toute
liberté dans le genre des nouvelles inventions de
Turpin, destinées à la destruction humaine.
Il faudrait remonter bien loin dans lTnstoire
pour trouver un ensemble de mesures aussi cyni
quement despotiques. Le cerveau du juif Reinach,
en communion d’idées avec celui de Dupuy, pou
vait seul produire cette intensive accumulation
d’articles de loi. Cette fois, nous y sommes en
plein dans la pire des réactions. Ils ne se sont que
tout juste donné la peine de prendre pour but
ostensible les conspirations anarchistes et leur
odieuse propagande dite « par le fait ». Personne
ne s’y trompe, c’est bien le parti socialiste qui
est l’objectif réel, c’est lui qui est « l’ennemi
A partir de la promulgation de cette mons
trueuse machine décorée du nom de loi — digne
tout au plus d’un Caligula ou d’un Conseil des
Dix — sachez bien, lecteurs nos amis, que le
premier argousin ou magistrat venu, sur le vu
d’un article de critique, d’économie politique ou
de philosophie sociale, pourra vous faire empoi
gner, jeter en prison, juger en police correction
nelle à huis-clos (puisque les comptes rendus sont
interdits), vous condamner à la prison ou à la
rélégation, c’est-à-dire à la déportation.
Que dis-je ? Il ne sera même pas nécessaire
d’avoir écrit une ligne ou prononcé une phrase
pour tomber sous le coup de cette infâme loi, car,
vos juges n’ayant aucun compte à rendre, n’étant
assujettis à aucun contrôle, le pouvoir vous fera
disparaître comme une simple muscade.
Le moindre propos malséant échappé au cours
d’une discussion dans la rue, au café, mal inter
prété et colporté hors d’une réunion intime, suffit
au mouchard qui passe pour faire emprisonner et
déporter son auteur.
Vous voyez que nous sommes loin des crimes
et des excitations anarchiques.
Ecrivez donc maintenant sur vos monuments :
Liberté , Egalité , Fraternité, vous, les républi
cains à la Reinach !
C’est ce personnage, émergeant de la boue du
Panama, qui dit : « Çà, c’est ma loi. » Il s’en
est donné du mal, ce juif de malheur qu’on
retrouve toujours dan3 les moments sinistres de
notre vie sociale ; mais aussi, quel triomphe ! Il
exulte : c’est l’apothéose d’Israël qui sera faite de
l’or panamiste et du sang français ! Ce faisceau
de brandons de guerre civile remplit de joie nos
chéquards qui ne seront plus discutés et plonge
dans l’ivresse nos inconscients politiciens de
l’opportunisme qui ont des yeux pour ne rien
voir.
Le moment semble, en effet, singulièrement
choisi pour s’armer de rigueurs follement royales
contre la presse en général, sous couleur de ré
primer la presse anarchiste qui n’existe plus, les
précédentes lois de répression ayant suffi pour la
faire disparaître. On veut étouffer les revendi
cations sociales, et voici précisément M. Godefroy
Cavaignac qui, dans la séance même où un
nommé Guérin, je crois, ministre de la Justice,
vient proposer le nouveau dispositif, met en
pleine lumière la nécessité de réformer au plus
tôt les quatre contributions et déclare que rien
n’est plus arbitraire que le système actuel.
« L’orientation politique de la République est
engagée dans ce débat >, dit-il. — Les socialistes
n’ont jamais dit autre chose et c’est là une de nos
principales revendications. — Cette tentative de
réforme fiscale proposée par un modéré, d'une
part, et l’élucubration des lois contre la presse,
d’une autre part, côte à côte, dans la même
séance, c’est la contradiction, c’est l’absurde
régnant au camp des opportunistes. .
Les modérés honnêtes se sentent acculés à ces
réformes ; les opportunistes-chéquards régimbent
et veulent museler la presse, toute la presse ; il
n'y aura plus grâce que pour ces bons reptiles
qui s’engraissent paresseusement dans les serres
chaudes des fonds secrets ou qui mangent dans
l’auge où cinq ou six gros actionnaires réacs leur
servent saine, large et abondante provende.
Et après ? Peut-on se figurer l’idée sociale, la
pensée humaine tuée, absorbée, humée par la
mâchoire d’un Reinach ?
Pierre BOUCHARD.
PAS DE FÊTE NATIONALE
Il à suffi à quelques esprits inquiets, désireux
avant tout de faire parler d’eux, cle demander la
suppression de la fête du 14 Juillet pour que le
gouververnement s’empresse de leur donner satis
faction.
M. Sadi Carnot est mort, et certes, nous déplo
rons Sa fin ; mais enfin sera-t-il plus regretté parce
qu’on n’aura pas dansé le jour de la Fête Natio
nale ? Assurément non.
La municipalité semble se désintéresser de la
question et croit avoir tout fait en distribuant aux
pauvres et à diverses œuvres les sommes inscrites
au budget pour les réjouissances publiques. Et les
petits commercants, et les industriels de toutes
sortes qui, escomptant longtemps à l’avance le
léger profit que leur procure ordinairement cette
journée de liesse populaire, avaient fait des achats
en vue de la fête, qu’en fait-on ?
Plus d’un de ces camelots accidentels qui, l’an
dernier, rentrait gaiement au logis, faisant joyeu
sement sonner la monnaie encombrant ses poches,
portant précieusement la friandise ou le joujou
accueilli avec des cris d’allégresse par son bébé,
essuiera une larme en songeant à la perte qu’il
vient de faire, aux privations qui s’en suivront et
au chagrin de son enfant qui le regardera triste
ment.
Ce n’eût pas été faire injure aux mânes de
M. Carnot que de célébrer la fête de la France.
Nos aïeux comprenaient mieux que nous qu’à la
douleur il faut un dérivatif ; souvent au sortir du
cimetière ils se réunissaient en des agapes où le
bon vin coulait et dame, quelquefois aussi, la
joyeuse chanson venait rassénérer tous les visages.
L’homme est ainsi fait : il ne peut pleurer éter
nellement.
Pourquoi alors l’obliger à déambuler dans les
rues mornes, alors qu’en ce jour mémorable,
songeant à ses glorieux ancêtres, il relèvera
orgueilleusement la tête, tandis que de ses lèvres
s’échappera soudain ce cri : Vive la République !
LE 14 JUILLET A ELBEUF
Par un ukase communiqué aux journaux de la
localité, M. le Maire, dans un français qui vaut
son républicanisme : * informe les habitants que
le 14 juillet, tout en conservant son caractère de
jour férié (merci mon seigneur), ne devra pas
être célébré comme les années précédentes, par
des manifestations extérieures, telles que pavoi
sement, fêtes de quartier, concerts, danses publi
ques, feux d’artifices, illuminations. »
(La lecture de la Bible est seule permise).
Ce remarquable morceau de littérature fantai
siste et autoritaire, que nous reproduisons textuel
lement, est signé : D. Duprey, adjoint, qui, plus
royaliste que le Roy, plus rallié à l’esprit nouveau
que les ralliés, défend aux Elbeuviens « le pavoi
sement » de leurs habitations le jour de la fête de
la Nation, « la fête de l’assassinat », comme l’ap
pellent les gens bien pensants, en attendant qu’elle
soit remplacée par celles de Ste Jeanne Darcetdu
Sacré-Cœur de Jésus.
Nous sommes persuadés que la défense faite par
ce minuscule autocrate à ses féaux, bourgeois et
manants de sa bonne ville, ne sera pas écoutée et
que nos amis républicains la braveront, en arborant
à leurs fenêtres le drapeau tricolore, symbole de
la Liberté.
E. SALVA.
LE SOM MEIlT P OUR TOUS
Savez-vous supplice plus grand qu’une nuit
d’insomnie? Pour ma part, je ne connais rien de
plus atroce que d’être étendu sur son lit et voir
Morphée refuser de vous prendre dans ses bras !
Sentir tout dormir autour de soi ; faire appel aux
ressources de son imagination pour trouver des
sujets riants qui préparent au sommeil, et ne pou
voir fermer l’œil. Etre là, à la recherche d’une
position favorable ; se bien caler sur l’oreiller; se
réjouir déjà en sentant les prodromes de l’engour
dissement de son cerveau et tout à coup faire un
bond, se croire tombé dans un précipice, être
réveillé en sursaut.
Non, décidément, ils ne connaissent pas toute
l’étendue de leur bonheur, ceux qui peuvent dor
mir. .. à poings fermés (je ne dis pas sur leurs
deux oreilles, car cette position me paraît trop
difficile à prendre), alors que tant d’au très pauvres
humains se débattent contre l’insomnie qui les
étreint, les courbature, les abrutit, et, comble de
l’ironie, leur attirera le lendemain, par leur mine
défaite, des réflexions de ce genre : « Qu’avez-vous
donc, vous avez l’air endormi ? »
Aussi, la docte Faculté s’esf-elle émue de la triste
position des malheureux sans-sommeil et, sortant
de l’ornière des hypnotiques ordinaires, vient-elle
de nous révéler un nouveau remède des plus sim
ples et surtout très original, comme vous allez
voir. C’est aux expériences et aux observations
du docteur Huxley que nous devons enfin de pou
voir dormir tranquilles. Mais, oyez plutôt notre
sauveur : « Pour chasser Vinsomnie , il s'agit de
limiter l’apport d'oxygène au poumon en déter
minant une légère asphyxie (cela ne vous donne-
t-il pas déjà froid dans le dos), le cœur et la cir
culation deviendront plus calmes, le cerveau
perdra son stimulant et le sonmeil s’en suivra. »
Et pour appuyer sa thèse, notre savant d’ajouter :
« Que font les chats et les chiens quand ils se
préparent à dormir ? Ils tournent un peu sur
eux-mêmes et finissent par se coucher le nez
dans leurs poils. Faites comme eux !... »
Faites comme eux!... N’est-ce pas que cela
est assez original. Mais, allez-vous dire, ce moyen
est peu pratique, à moins de prodiges de disloca
tion ou de posséder la fourrure étendue de notre
aïeul Esaü ! Rassurez-vous, le cas a été prévu par
M. Huxley, qui ajoute bien vite : « Quand on
pressent une nuit sans sommeil, on glisse sous
sa couverture, on se couvre la tête et l’on respire
seulement l’air confiné. La dose d’oxygène est
réduite, on respire un peu d’acide carbonique et
on s’endort. »
Vous le voyez, c’est très simple... quand on a
une couverture. Et, puisque le succès est garanti,
croyons à l’efficacité du remède : c’est la foi qui
sauve dans ces choses-là.
Mais, ce à quoi le docteur Huxley n’a peut-être
pas assez songé : c’est au bouleversement que sa
méthode apportera dans nos mœurs, si elle se
généralise, et aux scènes tragico-comiques qu’elle
provoquera parmi nous.
Ainsi, par exemple, en rentrant chez vous le
soir, vous trouvez au milieu de votre chambre un
réchaud allumé devant lequel vous reculez à demi
CINQ CENTIMES LE NUMERO
4 e ÂDuée — 26 Messidor An 162 — K° 158.
ORGANE RÉPUBLICAIN-SOCIALISTE INDÉPENDANT
PRIX DES ABONNEMENTS :
UN AN SIX MOIS
Le Havre 3 fr. 2 fr.
Départements 4 fr. 2 50
ADilMSTMTION & RÉDACTION
15 , RUE CASIMIE-PÉRIRR, 15
LE RÉVEIL DU HAVRE paraît tous les Samedis
PRIX SES INSERTIONS :
Annonces 25 cent. ïa ligne
Réclames. 50 cent. la ligne
On traite à Forfait
L’IMPOT SUR LE REVENU
L'IMPOT SUR LE REVENU
Pendant que sa grosseur Dupuy fabrique
une loi destinée à supprimer la presse de
l’opposition,espérant, parce moyen ingénieux,
conserver sa place plus longtemps et remplir
l’immense bas de laine confié à ses soins,
M. Godefroy Cavaignac et quelques autres
députés, soucieux des engagements pris,
ont déposé et soutiennent énergiquement
devant la Chambre un projet d’impôt sur le
revenu, portant la réforme complète des
quatre contributions.
Leur système établit l’impôt progressif et
s’efforce, dans la mesure du possible, — nulle
institution humaine n’est parfaite — de
répartir les charges suivant les moyens pécu
niaires de chacun.
Rien de plus juste, n’est-ce pas ? Il
semble tout naturel que l’état demande des
ressources à ceux-là même qui peuvent les
lui fournir, sans pour cela déranger l’éco
nomie de leur budget ; aux favorisés de la
fortune à alimenter le trésor public et non
aux nécessiteux qui peinent chaque jour pour
gagner un morceau de pain que le fisc vient
brutalement leur arracher de la bouche.
Cette réforme, depuis longtemps réclamée
par le pays, répond aux aspirations de la
démocratie ; c’est résumer, en quelques lignes,
l’ensemble des desiderata de l’immense majo
rité des citoyens français. Elle a servi de
plate-forme électorale à un grand nombre de
députés, pour ne pas dire à tous, et on s’at
tendait — du moins ceux qui croient encore
aux promesses des candidats — à lavoir voter
d’enthousiasme. Chacun croyait que de tous
les bancs de la Chambre on crierait à M.
Cavaignac : Mais vous prêchez à des convertis!
Nous sommes tous d’accord et nous n’avons
plus qu’à passer à la discussion des articles.
Promettre et tenir font deux.
MM. les opportunistes, prêts à accepter tous
les programmes, dèsqu’ils’agitdese concilier les
bonnes grâces du corps électoral, n’entendent,
n’ont jamais entendu en mettre à exécution
les parties qui pourraient porter la plus légère
atteinte à leur bourse. Ils veulent bien
condescendre à leurrer le peuple en faisant
miroiter à ses yeux de lointaines, très loin
taines réformes, mais tenir la parole qu’ils
ont donnée : jamais !
Le moment n’est pas opportun, voilà qui
répond à toutes les objections.
Toutes les fois que la question de l’impôt
progressif sur le revenu a été agitée, les
quelques députés désireux de remplir cons
ciencieusement le mandat que leur ont confié
leurs électeurs se sont butés à un non possumus
absolu. Toujours, on leur a opposé la force
d’inertie.
Chaque année les gouvernementaux réédi
tent le même cliché : « Le vote du budget
est en retard et il ne serait pas possible d’in
troduire, dans la loi des finances, la réforme
de l’impôt, sans la bouleverser de fond en
comble ; le temps manque, ce sera pour l’année
prochaine. »
La bonne blague.
Non, le temps ne manque pas, ce qui
manque c’est le désir d’aboutir.
Sur cette question, tous les députés, qu’ils
soient républicains ou réactionnaires, s’enten
dent parfaitement pourvu qu’ils soient pro
priétaires ou gros financiers. C’est la coalition
de la ploutocratie contre la démocratie.
Hélas ! il en sera encore longtemps ainsi.
Le candidat qui briguera le suffrage de
l’homme du peuple lui promettra toujours
plus de beurre que de pain ; le bien-être
n’apparaîtra toujours que dans un lointain
mirage et Jacques Bonhomme subira éternel
lement le supplice de Tantale... à moins qu’un
beau jour les candidats législateurs n’appren
nent à leurs dépens qu’il y a loin de la coupe
aux lèvres.
Pierre MÉRITEL.
SUS A LA PRESSE !
A la nouvelle de la mort de M. Carnot, nous
avons pensé que le coup de poignard de Ca?erio
devait être aussi funeste à la République qu’à son
infortuné Président.
Les événements semblent donner raison à nos
trop justes appréhensions.
Comme don de joyeux avènement, le nouveau
chef du pouvoir exécutif nous fait fabriquer une
loi sur ou plûtot contre la presse, qui doit consti
tuer un merveilleux engin destructeur de toute
liberté dans le genre des nouvelles inventions de
Turpin, destinées à la destruction humaine.
Il faudrait remonter bien loin dans lTnstoire
pour trouver un ensemble de mesures aussi cyni
quement despotiques. Le cerveau du juif Reinach,
en communion d’idées avec celui de Dupuy, pou
vait seul produire cette intensive accumulation
d’articles de loi. Cette fois, nous y sommes en
plein dans la pire des réactions. Ils ne se sont que
tout juste donné la peine de prendre pour but
ostensible les conspirations anarchistes et leur
odieuse propagande dite « par le fait ». Personne
ne s’y trompe, c’est bien le parti socialiste qui
est l’objectif réel, c’est lui qui est « l’ennemi
A partir de la promulgation de cette mons
trueuse machine décorée du nom de loi — digne
tout au plus d’un Caligula ou d’un Conseil des
Dix — sachez bien, lecteurs nos amis, que le
premier argousin ou magistrat venu, sur le vu
d’un article de critique, d’économie politique ou
de philosophie sociale, pourra vous faire empoi
gner, jeter en prison, juger en police correction
nelle à huis-clos (puisque les comptes rendus sont
interdits), vous condamner à la prison ou à la
rélégation, c’est-à-dire à la déportation.
Que dis-je ? Il ne sera même pas nécessaire
d’avoir écrit une ligne ou prononcé une phrase
pour tomber sous le coup de cette infâme loi, car,
vos juges n’ayant aucun compte à rendre, n’étant
assujettis à aucun contrôle, le pouvoir vous fera
disparaître comme une simple muscade.
Le moindre propos malséant échappé au cours
d’une discussion dans la rue, au café, mal inter
prété et colporté hors d’une réunion intime, suffit
au mouchard qui passe pour faire emprisonner et
déporter son auteur.
Vous voyez que nous sommes loin des crimes
et des excitations anarchiques.
Ecrivez donc maintenant sur vos monuments :
Liberté , Egalité , Fraternité, vous, les républi
cains à la Reinach !
C’est ce personnage, émergeant de la boue du
Panama, qui dit : « Çà, c’est ma loi. » Il s’en
est donné du mal, ce juif de malheur qu’on
retrouve toujours dan3 les moments sinistres de
notre vie sociale ; mais aussi, quel triomphe ! Il
exulte : c’est l’apothéose d’Israël qui sera faite de
l’or panamiste et du sang français ! Ce faisceau
de brandons de guerre civile remplit de joie nos
chéquards qui ne seront plus discutés et plonge
dans l’ivresse nos inconscients politiciens de
l’opportunisme qui ont des yeux pour ne rien
voir.
Le moment semble, en effet, singulièrement
choisi pour s’armer de rigueurs follement royales
contre la presse en général, sous couleur de ré
primer la presse anarchiste qui n’existe plus, les
précédentes lois de répression ayant suffi pour la
faire disparaître. On veut étouffer les revendi
cations sociales, et voici précisément M. Godefroy
Cavaignac qui, dans la séance même où un
nommé Guérin, je crois, ministre de la Justice,
vient proposer le nouveau dispositif, met en
pleine lumière la nécessité de réformer au plus
tôt les quatre contributions et déclare que rien
n’est plus arbitraire que le système actuel.
« L’orientation politique de la République est
engagée dans ce débat >, dit-il. — Les socialistes
n’ont jamais dit autre chose et c’est là une de nos
principales revendications. — Cette tentative de
réforme fiscale proposée par un modéré, d'une
part, et l’élucubration des lois contre la presse,
d’une autre part, côte à côte, dans la même
séance, c’est la contradiction, c’est l’absurde
régnant au camp des opportunistes. .
Les modérés honnêtes se sentent acculés à ces
réformes ; les opportunistes-chéquards régimbent
et veulent museler la presse, toute la presse ; il
n'y aura plus grâce que pour ces bons reptiles
qui s’engraissent paresseusement dans les serres
chaudes des fonds secrets ou qui mangent dans
l’auge où cinq ou six gros actionnaires réacs leur
servent saine, large et abondante provende.
Et après ? Peut-on se figurer l’idée sociale, la
pensée humaine tuée, absorbée, humée par la
mâchoire d’un Reinach ?
Pierre BOUCHARD.
PAS DE FÊTE NATIONALE
Il à suffi à quelques esprits inquiets, désireux
avant tout de faire parler d’eux, cle demander la
suppression de la fête du 14 Juillet pour que le
gouververnement s’empresse de leur donner satis
faction.
M. Sadi Carnot est mort, et certes, nous déplo
rons Sa fin ; mais enfin sera-t-il plus regretté parce
qu’on n’aura pas dansé le jour de la Fête Natio
nale ? Assurément non.
La municipalité semble se désintéresser de la
question et croit avoir tout fait en distribuant aux
pauvres et à diverses œuvres les sommes inscrites
au budget pour les réjouissances publiques. Et les
petits commercants, et les industriels de toutes
sortes qui, escomptant longtemps à l’avance le
léger profit que leur procure ordinairement cette
journée de liesse populaire, avaient fait des achats
en vue de la fête, qu’en fait-on ?
Plus d’un de ces camelots accidentels qui, l’an
dernier, rentrait gaiement au logis, faisant joyeu
sement sonner la monnaie encombrant ses poches,
portant précieusement la friandise ou le joujou
accueilli avec des cris d’allégresse par son bébé,
essuiera une larme en songeant à la perte qu’il
vient de faire, aux privations qui s’en suivront et
au chagrin de son enfant qui le regardera triste
ment.
Ce n’eût pas été faire injure aux mânes de
M. Carnot que de célébrer la fête de la France.
Nos aïeux comprenaient mieux que nous qu’à la
douleur il faut un dérivatif ; souvent au sortir du
cimetière ils se réunissaient en des agapes où le
bon vin coulait et dame, quelquefois aussi, la
joyeuse chanson venait rassénérer tous les visages.
L’homme est ainsi fait : il ne peut pleurer éter
nellement.
Pourquoi alors l’obliger à déambuler dans les
rues mornes, alors qu’en ce jour mémorable,
songeant à ses glorieux ancêtres, il relèvera
orgueilleusement la tête, tandis que de ses lèvres
s’échappera soudain ce cri : Vive la République !
LE 14 JUILLET A ELBEUF
Par un ukase communiqué aux journaux de la
localité, M. le Maire, dans un français qui vaut
son républicanisme : * informe les habitants que
le 14 juillet, tout en conservant son caractère de
jour férié (merci mon seigneur), ne devra pas
être célébré comme les années précédentes, par
des manifestations extérieures, telles que pavoi
sement, fêtes de quartier, concerts, danses publi
ques, feux d’artifices, illuminations. »
(La lecture de la Bible est seule permise).
Ce remarquable morceau de littérature fantai
siste et autoritaire, que nous reproduisons textuel
lement, est signé : D. Duprey, adjoint, qui, plus
royaliste que le Roy, plus rallié à l’esprit nouveau
que les ralliés, défend aux Elbeuviens « le pavoi
sement » de leurs habitations le jour de la fête de
la Nation, « la fête de l’assassinat », comme l’ap
pellent les gens bien pensants, en attendant qu’elle
soit remplacée par celles de Ste Jeanne Darcetdu
Sacré-Cœur de Jésus.
Nous sommes persuadés que la défense faite par
ce minuscule autocrate à ses féaux, bourgeois et
manants de sa bonne ville, ne sera pas écoutée et
que nos amis républicains la braveront, en arborant
à leurs fenêtres le drapeau tricolore, symbole de
la Liberté.
E. SALVA.
LE SOM MEIlT P OUR TOUS
Savez-vous supplice plus grand qu’une nuit
d’insomnie? Pour ma part, je ne connais rien de
plus atroce que d’être étendu sur son lit et voir
Morphée refuser de vous prendre dans ses bras !
Sentir tout dormir autour de soi ; faire appel aux
ressources de son imagination pour trouver des
sujets riants qui préparent au sommeil, et ne pou
voir fermer l’œil. Etre là, à la recherche d’une
position favorable ; se bien caler sur l’oreiller; se
réjouir déjà en sentant les prodromes de l’engour
dissement de son cerveau et tout à coup faire un
bond, se croire tombé dans un précipice, être
réveillé en sursaut.
Non, décidément, ils ne connaissent pas toute
l’étendue de leur bonheur, ceux qui peuvent dor
mir. .. à poings fermés (je ne dis pas sur leurs
deux oreilles, car cette position me paraît trop
difficile à prendre), alors que tant d’au très pauvres
humains se débattent contre l’insomnie qui les
étreint, les courbature, les abrutit, et, comble de
l’ironie, leur attirera le lendemain, par leur mine
défaite, des réflexions de ce genre : « Qu’avez-vous
donc, vous avez l’air endormi ? »
Aussi, la docte Faculté s’esf-elle émue de la triste
position des malheureux sans-sommeil et, sortant
de l’ornière des hypnotiques ordinaires, vient-elle
de nous révéler un nouveau remède des plus sim
ples et surtout très original, comme vous allez
voir. C’est aux expériences et aux observations
du docteur Huxley que nous devons enfin de pou
voir dormir tranquilles. Mais, oyez plutôt notre
sauveur : « Pour chasser Vinsomnie , il s'agit de
limiter l’apport d'oxygène au poumon en déter
minant une légère asphyxie (cela ne vous donne-
t-il pas déjà froid dans le dos), le cœur et la cir
culation deviendront plus calmes, le cerveau
perdra son stimulant et le sonmeil s’en suivra. »
Et pour appuyer sa thèse, notre savant d’ajouter :
« Que font les chats et les chiens quand ils se
préparent à dormir ? Ils tournent un peu sur
eux-mêmes et finissent par se coucher le nez
dans leurs poils. Faites comme eux !... »
Faites comme eux!... N’est-ce pas que cela
est assez original. Mais, allez-vous dire, ce moyen
est peu pratique, à moins de prodiges de disloca
tion ou de posséder la fourrure étendue de notre
aïeul Esaü ! Rassurez-vous, le cas a été prévu par
M. Huxley, qui ajoute bien vite : « Quand on
pressent une nuit sans sommeil, on glisse sous
sa couverture, on se couvre la tête et l’on respire
seulement l’air confiné. La dose d’oxygène est
réduite, on respire un peu d’acide carbonique et
on s’endort. »
Vous le voyez, c’est très simple... quand on a
une couverture. Et, puisque le succès est garanti,
croyons à l’efficacité du remède : c’est la foi qui
sauve dans ces choses-là.
Mais, ce à quoi le docteur Huxley n’a peut-être
pas assez songé : c’est au bouleversement que sa
méthode apportera dans nos mœurs, si elle se
généralise, et aux scènes tragico-comiques qu’elle
provoquera parmi nous.
Ainsi, par exemple, en rentrant chez vous le
soir, vous trouvez au milieu de votre chambre un
réchaud allumé devant lequel vous reculez à demi
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