Titre : Le Réveil du Havre : organe républicain ["puis" organe républicain-socialiste indépendant "puis" organe du Parti républicain démocratique]
Éditeur : [s.n.] (Le Havre)
Date d'édition : 1894-06-23
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32854639q
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 23 juin 1894 23 juin 1894
Description : 1894/06/23 (N150). 1894/06/23 (N150).
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k3263349x
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-89667
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 28/04/2019
ï.
ORGANE RÉPUBUCAIN-SOGIALISTË INDEPENDANT
PMX DES ABONNEMENTS :
UN AN SIX MOIS 1
[
ADMINISTRATION & RÉDACTION
15. RUE CASIMIR-PÉRIRR, 15
PRIX DES INSERTIONS :
1 v Annonces 25 cent la liene
Le Havre 3 fr. 2 fr.
Départements 4 fr. 2 50
[
LE RÉVEIL DU HA VRE paraît tous les Samedis
| Réclames. 50 cent, la ligne
On trait© à Forfait
LE DROIT
D’INTERPELLATION
AVIS
Nous prions nos lecteurs dont l'abonnement
annuel est expiré, de bien vouloir retirer leur
quittance au Bureau du Journal, rue Casimir -
Périer, 15, le plus tôt possible. A défaut, les
quittances seront présentées à domicile, dans la
dernière quinzaine du mois, par les soins de la
Poste. — L’abonnement est de 3 fr. par an.
Heureux députés, réjouissez-vous!
Bientôt, vous n’aurez plus de soucis, de tra
cas, vous pourrez passer tout votre temps à la
buvette ou à la campagne, Dupuy se chargera
de faire la besogne parlementaire à lui seul.
Avec une hâte fiévreuse, le gouvernement
et la majorité à sa suite sont en train d’anni
hiler, de supprimer le droit d’interpellation.
Pour arriver à ce but, tous les moyens leur
sont bons : ils ne reculent ni devant les insi
nuations perfides, ni devant le mensonge.
Habilement, ils arguent de quelques ques
tions peu adroitement posées pour agiter, aux
yeux des députés apeurés, le spectre de l’anar
chie parlementaire : arrêt de tous travaux
utiles, nécessaires même ; discussions stériles;
impuissance de la Chambre à faire aboutir les
réformes réclamées à grands cris par la masse
électorale.
Et nos bons élus tombent dans le panneau ;
les uns par servilisme, les autres par manque
de compréhension.
Yous ne voyez donc pas que le ministère
veut en venir à une dictature collective qui
fera des membres du Cabinet autant de tyran
neaux ?
A ce moment-là, un secrétaire d’Etat pourra
tout se permettre : aucune exaction, aucun
abus de pouvoir ne nous seront épargnés.
Quand, par hasard, un député ou un séna
teur, honnête et courageux, osera demander
une explication au ministre responsable,
celui-ci répondra simplement : « Monsieur,
on n’interroge pas le roi ! » Car il sera roi,
souverain plus absolu que tous les autocrates
de la terre, puisqu’il aura le droit de tout
faire sans craindre aucun contrôle ni aucune
critique.
Oh ! la pilule est dure à avaler, — même
pour des républicains de gouvernement, —
aussi a-t-on soin de faire ressortir que toutes
les fois qu’une question ardue se présentera,
on la fera trancher par une commission extra-
parlementaire créée à cet effet.
La bonne farce !
Composées de fonctionnaires et de com
plaisants du gouvernement, les commissions
extra-parlementaires n’ont qu’un droit, un
devoir tout tracé : être toujours et quand
même de l’avis du ministère; prendre ses
ordres avant de délibérer, s'y conformer
ensuite.
Il est vrai que la promesse de faire partie
de ces fameuses commissions peut bien entraî
ner quelques votes. Le service rendu, le Cabinet
n’est pas ingrat : les grosses sinécures, les
rubans de toutes les couleurs pleuvent, nou
velle manne, sur la tête des commissaires.
Cependant, nous ne pouvons croire qu’il
se trouvera au Palais Bourbon une majorité
assez peu soucieuse de sa dignité pour sanc
tionner la quasi-suppression du droit d’inter
pellation ; car, les conditions dans lesquelles
le ministère voudrait le voir exercer équivau
draient à sa disparition. Ce serait acquiescer
au dire du gouvernement qui, en demandant
la réglementation des interrogations et inter
pellations, affirme aux membres des deux
Chambres que, parmi eux, il n’y en a peu ou
point de, capables de raisonner sainement une
affaire ; qu’en toutes choses, ils sont d’une
incompétence rare ; qu’à tout propos et hors
de propos, ils bavardent à tort et travers
comme des écoliers en gaieté ; en un mot,
qu’ils sont le plus superbe assemblage de nul
lités qu’il soit possible de rencontrer.
Préméditée ou non, c’est là la signification
qu’a le projet sournoisement mis en avant par
le président du Conseil.
Si, après cela, les députés lui donnent rai
son, c’est que le rusé Auvergnat ne se sera
point trompé.
Les Français sauront que le fardeau des
affaires est trop lourd pour les faibles épaules
de leurs représentants ; ils sauront que le doux
farniente, l’inaction, la quiétude sont plus
chers à ces Messieurs que les intérêts et les
droits qu’ils ont mission de défendre contre
tous les empiètements, d’où qu’ils viennent.
Nous espérons que, chassant le sommeil
hypnotique qui les étreint, les hôtes du Palais
Bourbon se rappelleront qu’ils ne sont pas là
pour obéir, mais pour commander !
Ils ne voudront pas nous donner le spectacle
navrant — après le vote où ils auraient aliéné
tous leurs droits — de Dupuy étreignant
Poincarré en s’écriant :
Nunc est bibendum!
Pierre MÉRITEL.
LA GRÈVE DE GRAISSESSAC
La Presse ne s’en occupe pas beaucoup de cette
grève qui depuis bientôt deux mois nous offre un
exemple magnifique de la solidarité ouvrière. Elle
en vaut cependant la peine.
1,800 ouvriers du bassin houillier de Graissessac
se sont révoltés contre les arbitraires prétentions
de la compagnie exploitante pour obtenir, par la
force d’inertie qu’on appelle la grève, le droit à la
vie de 300, des leurs menacés d’expulsion.
Vous direz ce que vous voudrez, messieurs les
satisfaits, ça c’est beau !
Ces hommes ont dit textuellement à la compa
gnie : « Vous prétendez devoir réduire de 1 /5 votre
personnel parce que la crise économique est mau
vaise en ce moment; soit, nous ne refusons pas de
tenir compte de l’état de vos affaires. Réduisons
de un cinquième le nombre des journées que cha
cun de nous faisait. »
C’était, je crois, fort acceptable, ce sacrifice
spontanément offert par de pauvres diables de
mineurs à seule fin de sauver de la misère les 300
chefs de famille renvoyés par la compagnie.
Les directeurs, me semble-t-il, auraient dû
sentir quelques larmes d’attendrissement sourdre
aux coins de leurs paupières.
Allons, encore un bon mouvement de plus et ça
y était, puisque la compagnie y retrouvait son
profit.
Eh bien, non, ce désintéressement d’autant plus
touchant qu’il émanait de gens pauvres gagnant
péniblement leur vie et celle de leurs enfants dans
le sein ténébreux de la mine, exposés à chaque
minute aux coups de feu du grisou , cette abnégation
dans la solidarité ouvrière, n’a pas trouvé grâce
devant sa gracieuse Majesté la compagnie de
Graissessac.
Refus absolu.
Elle s’obstine à jeter sur le pavé 300 familles
d’ouvriers qui n'ont jamais démérité de sa con
fiance. « Aussi, disent les grévistes dans leur
manifeste du 13 juin, adressé à toute la France,
nous nous opposons & cet acte d’inutile iniquité.
Pour l’empêcher de s’accomplir, nous sommes
résolus à subir toutes les épreuves. Nous lutterons
jusqu’au bout. »
Le bout est facile à deviner : ces dévoués seront
réduits par la famine ; ils auront lutté, mais en
vain, et la compagnie, elle qui peut attendre sans
se serrer le ventre, exercera de sinistres repré
sailles envers ces grands coupables de la solidarité
humanitaire mise en évidence dans sa plus simple
et dans sa plus noble expression.
Ah ! voilà de bien grands mots, n’est-ce pas,
vous là-bas, les plumitifs stipendiés par les gorgés
de toutes les sales affaires à tripotages interlopes ;
et la Presse socialiste qui les écrit et les jette aux
quatre vents de l’opinion et de l’histoire est une
grande coupable, elle aussi ?
Mon Dieu, est-ce notre faute à nous, si la
noblesse des actes simples et méritoires est deve
nue l’apanage du petit peuple, pendant que les
descendants de vos noblesses antiques ou en toc
se réservent les boues du Panama ou du crottin
sportif?-
Pouvons-nous dire autre chose que ce qui est et
nous crève les yeux en attendant que cela crève
votre société sur laquelle on ne sait plus même
quel nom il faut mettre ?
Mais revenons à nos moutons que l’on s’obstine
à vouloir rendre enragés.
Ils ont fait appel au gouvernement, lequel
s’appelle Dupuy pour le moment. Après avoir pro
mis d’intervenir efficacement dans cette affaire
aussi grave que facile à résoudre, Dupuy, l’Auver
gnat, subventionneur de la Cocarde (2,000 fr. par
mois et Ducret à Mazas), s’est ravisé et a finale
ment envoyé paître M. Vigné d’Octon, un des seuls
députés de l’Hérault qui se soient réellement
employés pour amener la compagnie de Graissessac
à composition. Dupuy pouvait forcer la main à la
compagnie, il s’en est bien gardé, fouchtra ; que
diraient les bons centre-droitiers et centre-gauchers
si nécessaires au bon état de santé de son maro
quin ?...
Cependant, la grève se complique de provoca
tions bien avérées et indiscustables de la part des
gardes de la compagnie vis-à-vis des mineurs,
d’un reporter même du Petit Méridional, et aussi
du citoyen Baudin, député.
Il est clair que l’on va essayer de pousser à bout
les compagnons grévistes si calmes jusqu’ici, afin
de pouvoir renouveler quelque chose dans le genre
de Fourmies, qui sait !...
Pour cela, Dupuy l’a dit, on s’en rapporte au
préfet de l’Hérault et à Barthou pour prendre telle
mesure qu’ils jugeront convenable.
Et voilà comment, fin XIX* siècle, un gouver
nement démocratique à prétentions humanitaires
et réformatrices de l’état social, défend les intérêts
de 1,800 familles de travailleurs admirables de
dévouement aux intérêts de leurs camarades.
Saluez, messieurs !
Pierre HOUCHARD.
★
Une interpellation doit avoir lieu très-prochainement
à la Chambre au sujet de l’intervention du gouvernement
pour déterminer la compagnie, à donner satisfaction aux
grévistes.
Un certain nombre de députés de toute nuance, forte
ment émus de la situation, reprochent amèrement à M.
Dupuy, son attitude injustifiable. Ils marcheront avec
les socialistes.
P. H.
VIEILLES RADERNES
Il nous est fort désagréable de revenir sur un
événement douloureux qui a déjà fait le tour de
la presse.
Ùn général, en passant une revue, prend le
revolver d’un sous-lieutenant, l’examine, tourne
le canon de l’arme vers la poitrine de l’officier,
presse la gâchette, le coup part, et le malheureux
tombe mortellement frappé,
Voilà un fait inouï, inconcevable.
Mais, vous écriez-vous, comment a-t-il pu se
produire ?
— Personne n’a-t-il prévenu le général que
l’arme était chargée ?
— Au contraire, tout le monde prétend l’avoir
averti.
— Alors ?
— Le chef désigné pour conduire nos troupes
est d’une surdité tellement remarquable, que six
batteries, tonnant ensemble, ne lui feraient pas
tourner la tête. En voilà un qui ne marcherait pas
au bruit du canon.
Outre sa surdité, il faut bien convenir, qu’il ne
doit pas être d’une intelligence hors ligne ; il faut
être un enfant ou un imbécile pour faire manœu
vrer un revolver en face de quelqu’un.
Mais, alors que le Ministre de la guerre s’apprête
à traduire le général Edon devant un conseil de
guerre, le chef suprême de l’armée française, M.
le général Mercier, ayant perdu, sans doute, le
flair que l’on sait, ne semble pas avoir conscience
de la situation : s’il y a un coupable, c’est lui, et
rien que lui. Si le sous-lieutenant Schiffmacher a
été tué, c’est parce que le Ministre de la guerre
s’acquitte très mal des hautes fonctions qui lui ont
été imprudemment confiées. Il a beau nous affirmer
lui-même qu’il est impeccable, chaque jour nous
apporte la preuve qu’il est aussi piètre artilleur
qu’administrateur détestable.
Comment a-t-il poussé le je m’en foutisme ou
flânerie, à son choix, jusqu’à laisser exercer un
commandement par un infirme ?
Deux questions se posent :
Ou le général Mercier ignorait l’état de son
subordonné, ou il le connaissait ?
S’il l’ignorait, son devoir étant de savoir, il a
commis une grande faute en ne se renseignant
pas ; dans le second cas, la responsabilité qui lui
incombe est bien plus grande encore. Sa négli
gence, qui a causé la mort d’un jeune officier
plein d’avenir, pouvait avoir des conséquences
plus désastreuses encore.
Vous figurez-vous cedialogue,en rasecampagne,
entre ce général sourd et un aide-de-camp qui
vient lui communiquer les ordres du commandant
en chef :
— Mon général, l’ennemi est à 15 kilomètres
sur votre droite, par ordre du général X...,
veuillez vous porter à sa rencontre et l’empêcher
d’occuper le villlage de Z...
— Vous dites qu’il fait chaud, capitaine, vous
avez raison, jeune homme, mais sapristi ! il faisait
bien plus chaud à Magenta...
— Mon général, il ne s’agit pas de cela, le temps
presse...
— Il y a des membres de la presse ? dites-leur
de se retirer.
Et pendant une demi-heure, le malheureux
porteur d’ordres s’épuisera, s’irritera peut-être, en
présence de l’impossibilité où il sera de se faire
comprendre de la bûche qu’on aura chargée de
tenir tête à l’ennemi.
La bataille sera perdue, les revers s’abattront
sur la France, tout cela parce qu’un ministre de
la guerre, avec un tact qui n’a d’égal que son flair,
aura jalousement réservé tous les commandements
aux impotents.
Car le cas du général Edon n’est malheureuse
ment pas un fait isolé ; l’armée est inondée de non-
valeurs : tel colonel de cavalerie, ne peut plus
monter à cheval ; tel autre est à moitié gaga ; cer
tains ne sont bons qu’à jurer et à fourrer au bloc
à tort et à travers ; toute leur science militaire se
résume à compter les clous sous les semelles des
godillots, à voir si les boutons sont bien cousus et
à s’assurer que la cravate bien serrée, faisant
deux fois le tour du cou, étrangle parfaitement le
pauvre troupier.
Nous ne manquons cependant pas d’officiers
jeunes, intelligents, ne demandant qu’à se distin
guer, et qu’on laisse croupir dans les grades subal
ternes.
Allons ! puisque décidément Mercier n’est bon
qu’à dire ou à faire des bêtises, qu’on le débarque
bien vite, qu’un Ministre à la hauteur de sa tâche
lui succède, et fende vivement l’oreille à toutes
les vieilles badernes.
Place aux jeunes !
P. M.
ORGANE RÉPUBUCAIN-SOGIALISTË INDEPENDANT
PMX DES ABONNEMENTS :
UN AN SIX MOIS 1
[
ADMINISTRATION & RÉDACTION
15. RUE CASIMIR-PÉRIRR, 15
PRIX DES INSERTIONS :
1 v Annonces 25 cent la liene
Le Havre 3 fr. 2 fr.
Départements 4 fr. 2 50
[
LE RÉVEIL DU HA VRE paraît tous les Samedis
| Réclames. 50 cent, la ligne
On trait© à Forfait
LE DROIT
D’INTERPELLATION
AVIS
Nous prions nos lecteurs dont l'abonnement
annuel est expiré, de bien vouloir retirer leur
quittance au Bureau du Journal, rue Casimir -
Périer, 15, le plus tôt possible. A défaut, les
quittances seront présentées à domicile, dans la
dernière quinzaine du mois, par les soins de la
Poste. — L’abonnement est de 3 fr. par an.
Heureux députés, réjouissez-vous!
Bientôt, vous n’aurez plus de soucis, de tra
cas, vous pourrez passer tout votre temps à la
buvette ou à la campagne, Dupuy se chargera
de faire la besogne parlementaire à lui seul.
Avec une hâte fiévreuse, le gouvernement
et la majorité à sa suite sont en train d’anni
hiler, de supprimer le droit d’interpellation.
Pour arriver à ce but, tous les moyens leur
sont bons : ils ne reculent ni devant les insi
nuations perfides, ni devant le mensonge.
Habilement, ils arguent de quelques ques
tions peu adroitement posées pour agiter, aux
yeux des députés apeurés, le spectre de l’anar
chie parlementaire : arrêt de tous travaux
utiles, nécessaires même ; discussions stériles;
impuissance de la Chambre à faire aboutir les
réformes réclamées à grands cris par la masse
électorale.
Et nos bons élus tombent dans le panneau ;
les uns par servilisme, les autres par manque
de compréhension.
Yous ne voyez donc pas que le ministère
veut en venir à une dictature collective qui
fera des membres du Cabinet autant de tyran
neaux ?
A ce moment-là, un secrétaire d’Etat pourra
tout se permettre : aucune exaction, aucun
abus de pouvoir ne nous seront épargnés.
Quand, par hasard, un député ou un séna
teur, honnête et courageux, osera demander
une explication au ministre responsable,
celui-ci répondra simplement : « Monsieur,
on n’interroge pas le roi ! » Car il sera roi,
souverain plus absolu que tous les autocrates
de la terre, puisqu’il aura le droit de tout
faire sans craindre aucun contrôle ni aucune
critique.
Oh ! la pilule est dure à avaler, — même
pour des républicains de gouvernement, —
aussi a-t-on soin de faire ressortir que toutes
les fois qu’une question ardue se présentera,
on la fera trancher par une commission extra-
parlementaire créée à cet effet.
La bonne farce !
Composées de fonctionnaires et de com
plaisants du gouvernement, les commissions
extra-parlementaires n’ont qu’un droit, un
devoir tout tracé : être toujours et quand
même de l’avis du ministère; prendre ses
ordres avant de délibérer, s'y conformer
ensuite.
Il est vrai que la promesse de faire partie
de ces fameuses commissions peut bien entraî
ner quelques votes. Le service rendu, le Cabinet
n’est pas ingrat : les grosses sinécures, les
rubans de toutes les couleurs pleuvent, nou
velle manne, sur la tête des commissaires.
Cependant, nous ne pouvons croire qu’il
se trouvera au Palais Bourbon une majorité
assez peu soucieuse de sa dignité pour sanc
tionner la quasi-suppression du droit d’inter
pellation ; car, les conditions dans lesquelles
le ministère voudrait le voir exercer équivau
draient à sa disparition. Ce serait acquiescer
au dire du gouvernement qui, en demandant
la réglementation des interrogations et inter
pellations, affirme aux membres des deux
Chambres que, parmi eux, il n’y en a peu ou
point de, capables de raisonner sainement une
affaire ; qu’en toutes choses, ils sont d’une
incompétence rare ; qu’à tout propos et hors
de propos, ils bavardent à tort et travers
comme des écoliers en gaieté ; en un mot,
qu’ils sont le plus superbe assemblage de nul
lités qu’il soit possible de rencontrer.
Préméditée ou non, c’est là la signification
qu’a le projet sournoisement mis en avant par
le président du Conseil.
Si, après cela, les députés lui donnent rai
son, c’est que le rusé Auvergnat ne se sera
point trompé.
Les Français sauront que le fardeau des
affaires est trop lourd pour les faibles épaules
de leurs représentants ; ils sauront que le doux
farniente, l’inaction, la quiétude sont plus
chers à ces Messieurs que les intérêts et les
droits qu’ils ont mission de défendre contre
tous les empiètements, d’où qu’ils viennent.
Nous espérons que, chassant le sommeil
hypnotique qui les étreint, les hôtes du Palais
Bourbon se rappelleront qu’ils ne sont pas là
pour obéir, mais pour commander !
Ils ne voudront pas nous donner le spectacle
navrant — après le vote où ils auraient aliéné
tous leurs droits — de Dupuy étreignant
Poincarré en s’écriant :
Nunc est bibendum!
Pierre MÉRITEL.
LA GRÈVE DE GRAISSESSAC
La Presse ne s’en occupe pas beaucoup de cette
grève qui depuis bientôt deux mois nous offre un
exemple magnifique de la solidarité ouvrière. Elle
en vaut cependant la peine.
1,800 ouvriers du bassin houillier de Graissessac
se sont révoltés contre les arbitraires prétentions
de la compagnie exploitante pour obtenir, par la
force d’inertie qu’on appelle la grève, le droit à la
vie de 300, des leurs menacés d’expulsion.
Vous direz ce que vous voudrez, messieurs les
satisfaits, ça c’est beau !
Ces hommes ont dit textuellement à la compa
gnie : « Vous prétendez devoir réduire de 1 /5 votre
personnel parce que la crise économique est mau
vaise en ce moment; soit, nous ne refusons pas de
tenir compte de l’état de vos affaires. Réduisons
de un cinquième le nombre des journées que cha
cun de nous faisait. »
C’était, je crois, fort acceptable, ce sacrifice
spontanément offert par de pauvres diables de
mineurs à seule fin de sauver de la misère les 300
chefs de famille renvoyés par la compagnie.
Les directeurs, me semble-t-il, auraient dû
sentir quelques larmes d’attendrissement sourdre
aux coins de leurs paupières.
Allons, encore un bon mouvement de plus et ça
y était, puisque la compagnie y retrouvait son
profit.
Eh bien, non, ce désintéressement d’autant plus
touchant qu’il émanait de gens pauvres gagnant
péniblement leur vie et celle de leurs enfants dans
le sein ténébreux de la mine, exposés à chaque
minute aux coups de feu du grisou , cette abnégation
dans la solidarité ouvrière, n’a pas trouvé grâce
devant sa gracieuse Majesté la compagnie de
Graissessac.
Refus absolu.
Elle s’obstine à jeter sur le pavé 300 familles
d’ouvriers qui n'ont jamais démérité de sa con
fiance. « Aussi, disent les grévistes dans leur
manifeste du 13 juin, adressé à toute la France,
nous nous opposons & cet acte d’inutile iniquité.
Pour l’empêcher de s’accomplir, nous sommes
résolus à subir toutes les épreuves. Nous lutterons
jusqu’au bout. »
Le bout est facile à deviner : ces dévoués seront
réduits par la famine ; ils auront lutté, mais en
vain, et la compagnie, elle qui peut attendre sans
se serrer le ventre, exercera de sinistres repré
sailles envers ces grands coupables de la solidarité
humanitaire mise en évidence dans sa plus simple
et dans sa plus noble expression.
Ah ! voilà de bien grands mots, n’est-ce pas,
vous là-bas, les plumitifs stipendiés par les gorgés
de toutes les sales affaires à tripotages interlopes ;
et la Presse socialiste qui les écrit et les jette aux
quatre vents de l’opinion et de l’histoire est une
grande coupable, elle aussi ?
Mon Dieu, est-ce notre faute à nous, si la
noblesse des actes simples et méritoires est deve
nue l’apanage du petit peuple, pendant que les
descendants de vos noblesses antiques ou en toc
se réservent les boues du Panama ou du crottin
sportif?-
Pouvons-nous dire autre chose que ce qui est et
nous crève les yeux en attendant que cela crève
votre société sur laquelle on ne sait plus même
quel nom il faut mettre ?
Mais revenons à nos moutons que l’on s’obstine
à vouloir rendre enragés.
Ils ont fait appel au gouvernement, lequel
s’appelle Dupuy pour le moment. Après avoir pro
mis d’intervenir efficacement dans cette affaire
aussi grave que facile à résoudre, Dupuy, l’Auver
gnat, subventionneur de la Cocarde (2,000 fr. par
mois et Ducret à Mazas), s’est ravisé et a finale
ment envoyé paître M. Vigné d’Octon, un des seuls
députés de l’Hérault qui se soient réellement
employés pour amener la compagnie de Graissessac
à composition. Dupuy pouvait forcer la main à la
compagnie, il s’en est bien gardé, fouchtra ; que
diraient les bons centre-droitiers et centre-gauchers
si nécessaires au bon état de santé de son maro
quin ?...
Cependant, la grève se complique de provoca
tions bien avérées et indiscustables de la part des
gardes de la compagnie vis-à-vis des mineurs,
d’un reporter même du Petit Méridional, et aussi
du citoyen Baudin, député.
Il est clair que l’on va essayer de pousser à bout
les compagnons grévistes si calmes jusqu’ici, afin
de pouvoir renouveler quelque chose dans le genre
de Fourmies, qui sait !...
Pour cela, Dupuy l’a dit, on s’en rapporte au
préfet de l’Hérault et à Barthou pour prendre telle
mesure qu’ils jugeront convenable.
Et voilà comment, fin XIX* siècle, un gouver
nement démocratique à prétentions humanitaires
et réformatrices de l’état social, défend les intérêts
de 1,800 familles de travailleurs admirables de
dévouement aux intérêts de leurs camarades.
Saluez, messieurs !
Pierre HOUCHARD.
★
Une interpellation doit avoir lieu très-prochainement
à la Chambre au sujet de l’intervention du gouvernement
pour déterminer la compagnie, à donner satisfaction aux
grévistes.
Un certain nombre de députés de toute nuance, forte
ment émus de la situation, reprochent amèrement à M.
Dupuy, son attitude injustifiable. Ils marcheront avec
les socialistes.
P. H.
VIEILLES RADERNES
Il nous est fort désagréable de revenir sur un
événement douloureux qui a déjà fait le tour de
la presse.
Ùn général, en passant une revue, prend le
revolver d’un sous-lieutenant, l’examine, tourne
le canon de l’arme vers la poitrine de l’officier,
presse la gâchette, le coup part, et le malheureux
tombe mortellement frappé,
Voilà un fait inouï, inconcevable.
Mais, vous écriez-vous, comment a-t-il pu se
produire ?
— Personne n’a-t-il prévenu le général que
l’arme était chargée ?
— Au contraire, tout le monde prétend l’avoir
averti.
— Alors ?
— Le chef désigné pour conduire nos troupes
est d’une surdité tellement remarquable, que six
batteries, tonnant ensemble, ne lui feraient pas
tourner la tête. En voilà un qui ne marcherait pas
au bruit du canon.
Outre sa surdité, il faut bien convenir, qu’il ne
doit pas être d’une intelligence hors ligne ; il faut
être un enfant ou un imbécile pour faire manœu
vrer un revolver en face de quelqu’un.
Mais, alors que le Ministre de la guerre s’apprête
à traduire le général Edon devant un conseil de
guerre, le chef suprême de l’armée française, M.
le général Mercier, ayant perdu, sans doute, le
flair que l’on sait, ne semble pas avoir conscience
de la situation : s’il y a un coupable, c’est lui, et
rien que lui. Si le sous-lieutenant Schiffmacher a
été tué, c’est parce que le Ministre de la guerre
s’acquitte très mal des hautes fonctions qui lui ont
été imprudemment confiées. Il a beau nous affirmer
lui-même qu’il est impeccable, chaque jour nous
apporte la preuve qu’il est aussi piètre artilleur
qu’administrateur détestable.
Comment a-t-il poussé le je m’en foutisme ou
flânerie, à son choix, jusqu’à laisser exercer un
commandement par un infirme ?
Deux questions se posent :
Ou le général Mercier ignorait l’état de son
subordonné, ou il le connaissait ?
S’il l’ignorait, son devoir étant de savoir, il a
commis une grande faute en ne se renseignant
pas ; dans le second cas, la responsabilité qui lui
incombe est bien plus grande encore. Sa négli
gence, qui a causé la mort d’un jeune officier
plein d’avenir, pouvait avoir des conséquences
plus désastreuses encore.
Vous figurez-vous cedialogue,en rasecampagne,
entre ce général sourd et un aide-de-camp qui
vient lui communiquer les ordres du commandant
en chef :
— Mon général, l’ennemi est à 15 kilomètres
sur votre droite, par ordre du général X...,
veuillez vous porter à sa rencontre et l’empêcher
d’occuper le villlage de Z...
— Vous dites qu’il fait chaud, capitaine, vous
avez raison, jeune homme, mais sapristi ! il faisait
bien plus chaud à Magenta...
— Mon général, il ne s’agit pas de cela, le temps
presse...
— Il y a des membres de la presse ? dites-leur
de se retirer.
Et pendant une demi-heure, le malheureux
porteur d’ordres s’épuisera, s’irritera peut-être, en
présence de l’impossibilité où il sera de se faire
comprendre de la bûche qu’on aura chargée de
tenir tête à l’ennemi.
La bataille sera perdue, les revers s’abattront
sur la France, tout cela parce qu’un ministre de
la guerre, avec un tact qui n’a d’égal que son flair,
aura jalousement réservé tous les commandements
aux impotents.
Car le cas du général Edon n’est malheureuse
ment pas un fait isolé ; l’armée est inondée de non-
valeurs : tel colonel de cavalerie, ne peut plus
monter à cheval ; tel autre est à moitié gaga ; cer
tains ne sont bons qu’à jurer et à fourrer au bloc
à tort et à travers ; toute leur science militaire se
résume à compter les clous sous les semelles des
godillots, à voir si les boutons sont bien cousus et
à s’assurer que la cravate bien serrée, faisant
deux fois le tour du cou, étrangle parfaitement le
pauvre troupier.
Nous ne manquons cependant pas d’officiers
jeunes, intelligents, ne demandant qu’à se distin
guer, et qu’on laisse croupir dans les grades subal
ternes.
Allons ! puisque décidément Mercier n’est bon
qu’à dire ou à faire des bêtises, qu’on le débarque
bien vite, qu’un Ministre à la hauteur de sa tâche
lui succède, et fende vivement l’oreille à toutes
les vieilles badernes.
Place aux jeunes !
P. M.
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 88.13%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 88.13%.
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://nutrisco-patrimoine.lehavre.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k3263349x/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://nutrisco-patrimoine.lehavre.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k3263349x/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://nutrisco-patrimoine.lehavre.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k3263349x/f1.image
- Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://nutrisco-patrimoine.lehavre.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k3263349x
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://nutrisco-patrimoine.lehavre.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k3263349x
Facebook
Twitter