Titre : Le Réveil du Havre : organe républicain ["puis" organe républicain-socialiste indépendant "puis" organe du Parti républicain démocratique]
Éditeur : [s.n.] (Le Havre)
Date d'édition : 1894-04-28
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32854639q
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 28 avril 1894 28 avril 1894
Description : 1894/04/28 (N142). 1894/04/28 (N142).
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k3263341m
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-89667
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 28/04/2019
4 e Année — R° 142 — Samedi 28 Avril 1894.
CINQ CENTIMES LE NUMERO
4 e Année — 9 Floréal An 102 — S° 142.
Réveil
Havre
ORGANE RÉPUBLICAIN
PaiX DES ABONNEMENTS :
UN AN SIX MOIS
Le Havre 3 fr. 2 fr.
Départements 4 fr. 2 50
ADSItKISTBÂTIOiV & RÉDACTION
15, RUE CASIMIR-PÉRIRR, 15
LE RÉVEIL DU HAVRE paraît tous les Samedis
PRIX DES INSERTIONS :
Annonces 25 cent, la ligne
Réclames 50 cent, la ligne
On traite à Forfait
LA RENTRÉE DES CHAMBRES
■KizeaHaæs&aatHBflKBRaMH
RENTRÉE D& CHAMBRES
Le monde parlementaire vient de rentrer
en scène.
Tous les journaux ont donné l’ordre du
jour du Sénat et celui de la Chambre des
Députés.
Le Sénat débutait par le projet de loi sur
les règlements d’atelier et les Conseils de
Prud'hommes; la Chambre, par la discussion
de la loi sur l’assainissement de Paris, et de
la loi, déjà adoptée par le Sénat, sur les
sociétés coopératives.
Le morceau de résistance, le clou de la
journée de jeudi, a été l’élection des membres
de la commission du budget — les quelques
interpellations, déposées dès l’ouverture de la
session, n’ont pu détourner l’attention de nos
représentants, absorbée tout entière par la
formation de la fameuse commission. — Pen-
sez-donc, il faut trente-trois commissaires
seulement, et presque tous les députés briguent
l’honneur d’être au moins le trente-troisième.
Les feuilles officieuses se plaignent de la
fréquence des interpellations qui viennent
interrompre les travaux utiles et urgents. Ce
sont là de vieux clichés qui ne trompent per
sonne. Les interpellations sont choses abso
lument nécessaires sous un régime démocra
tique. 11 serait vraiment trop facile à un
ministre d’arguer du retard apporté au vote
du budget pour enterrer toute demande d’ex
plications et soustraire ainsi ses actes les plus
arbitraires au contrôle des représentants du
peuple.
N’est-ce pas assez que Raynal ait réussi à
supprimer l’interpellation sur la grève de
Trignac, en se faisant poser une simple ques
tion par son compère Garnier?
Les lecteurs du Réveil connaissent tous l’his
torique de l’affaire, et il me suffira de la résu
mer en quelques mots :
Des ouvriers s’étaient mis en grève à Tri
gnac, M. Toussaint, député, était allé leur
porter des encouragements. C’était son droit
strict, mais Dubost ne l'entendait pas ainsi :
il avait donné l’ordre au parquet de St-Nazaire
de saisir la première occasion favorable pour
incarcérer le député socialiste. Or, il s’est
trouvé que, contrairement au calcul d’Antonin,
.— qui oublie volontiers qu’il commande à
des magistrats et non à des valets, — il s’est
trouvé, dis-je, que le procureur de la Répu
blique de St-Nazaire était un honnête homme
ne connaissant que son devoir, rien que son
devoir. Ne rencontrant pas matière à pour
suites, M. Marion de Procé n’a pas poursuivi
M. Toussaint.
Le garde des sceaux, obligé de déposer une
demande de poursuites sur le bureau de la
Chambre, ne pouvait pardonner à son subor
donné la frousse que Jaurès lui a donnée, en
demandant à changer la question Garnier en
interpellation. Aussi, vient-il de mettre le
chef du parquet de St-Nazaire à la retraite
d’office. C’est un grand honneur que le ministre
de la justice fait là à M. Marion de Procé, qui
ne devait pas être fier de servir un tel maître.
Le gouvernement a eu là une trop facile
victoire, victoire obtenue par un truc déjà un
peu vieillot et qui pourrait bien lui jouer un
mauvais tour.
Il y a encore quantité d’interpellations à
l’horizon, et les vrais républicains auront plus
d’une fois l’occasion de se compter.
Plus nous avançons, plus l’antagonisme
s’accentue entre le ministère Casimir Périer
et le pays.
Le pays veut la République, la vraie ;
Casimir lui donne un régime réactionnaire où
toutes les libertés sont supprimées ; il ne gou
vernerait pas autrement s’il était le premier
ministre de Philippe VII : « Bon chien chasse
de race ».
Mais que ce jeune tyranneau n’aille pas
croire que sa position est inexpugnable. A la
première alerte, socialistes et radicaux se
resaisiront et, d’un simple coup d’épaule,
l’enverront rejoindre les princes chers à son
cœur qu’il eût mieux fait de ne jamais quitter.
Laroche tarpéienne est près du Capitole!
Pierre MÉR1TEL.
DEUX M OTS DE THEORIE
Combien de fois n’avez-vous pas entendu, n’en
tendez-vous pas encore opposer démocratie et
aristocratie , socialisme et individualisme.
N’en déplaise aux exprits étroits, l’avenir est
dans îa conciliation de plus eu piba scientifique,
de plus en plus parfaite de ces extrêmes.
Les partisans de* l’aristocratie ( réactionnaires
et opportunistes), constatent ce qui est vrai, que
les hommes sont inégaux en fait. Il est trop évi
dent qu’ils n’ont pas tous même taille, même vi
gueur, mêmes capacités.
Les partisans de la démocratie allèguent, ce
qui n’est pas moins vrai, que les hommes sont
égaux en droit. Par cela seul que chacun d’eux
est une personne, il y a entre eux équivalence.
C’est le fondement même du suffrage universel.
Il semble aussi que l’opposition soit irréduc
tible ; mais regardez de plus près.
La démocratie veut que les fonctions publiques
soient accessibles au fils d’un paysan ou d’un ou
vrier, aussi bien qu’au fils d’un banquier ou d’un
marquis.
Elle exige, en théorie du moins, que la place de
chaque citoyen dans la société soit proportionnée
à son mérite.
Elle a pour princique, que l’intelligence et le
travail sont les seuls titres, avec la moralité,
valables aux honneurs et aux charges. Or,
qu’est-ce que ce principe, sinon un principe
aristocratique que l’on peut ainsi formuler ; —
Les plus hautes situations aux meilleurs. — Seu
lement, il entraîne le remplacement de l’aristo
cratie fausse, factice, convenue, celle qui s'hérite,
celle qui se fonde sur des aïeux ou sur des écus,
par l’aristocratie véritable, naturelle, qui est per
sonnelle et viagère.
La démocratie aboutit, à cette conséquence
qu’elle comprend et comprendra de mieux en
mieux : à savoir qu’elle doit assurer, à tous les
membres de la société, des chances aussi égales
que possible de se développer intégralement. Or,
les aptitudes des hommes n’étant pas identiques,
un développement intégral est pour eux nécessai
rement un développement inégal. Il y aura tou
jours des hommes plus capables que d’autres d’être
savants, artistes, écrivains, inventeurs. Tous les
passagers du navire ne pourront jamais être
capitaines.
De la sorte, dans l’état social le plus démocra
tique, l’inégalité et la diversité naturelle ne peu
vent jamais manquer d’avoir pour reflets une iné-
g. lité et une diversité de fonctions. Cela revient
à dire que la démocratie implique l’existence de
l’aristocratie, mais encore une fois d’une aristo
cratie qui sera légitime, parce qu’elle ne devra
qu’à sa valeur propre une supériorité réelle et
passagère.
On peut dire encore davantage : La démocratie
ne tend pas seulement à rendre à l’aristocratie
vraie, sa place et son rôle usurpés par 1 autre ;
elle tend aussi à l’étendre, à la généraliser.
En mettant une instruction complète à la portée
de tous les enfants, elle fait porter la sélection,
non plus sur un petit nombre de privilégiés, mais
sur l’ensemble d’une génération, en même temps
qu’elle offre aux mieux doués les moyens de sortir
du pair, elle relève le niveau général, elle crée un
public bien capable d’apprécier le talent, elle
permet aussi à l’humanité de porter toutes ses
fleurs et tous ses fruits.
On dit parfois aux démocrates : Fi donc ! Vous
voulez le gouvernement de la populace ? — Non,
peuvent-ils répondre, car nous voulons qu’il n’y
ait plus de populace.
On ne saurait être plus aristocrate
L’opposition qu’on établit entre socialisme et
individualisme n’est pas moins superficielle.
Un homme quelconque est à la fois, de nais
sance, individu et membre d’une société. Il a, par
la force des choses, une personnalité distincte,
mais aussi une solidarité plus ou moins étroite
avec la famille, la race à laquelle il appartient.
Par suite, en tout temps et en tout pays, tout
homme garde en propre certains droits et se recon
naît certains devoirs envers la société dont il fait
partie.
Or, que font les socialistes ?
Demandent-ils qu’on supprime la part réservée
à l’individu, pour livrer tout à la communauté ?
Point du tout.
Ils prétendent seulement qu’on a laissé à l’indi
vidu des choses qui doivent revenir à l’Etat et
réciproquement. C’est cette mauvaise distribution
qu’ils désirent changer. S’agit-il de choses d’ordre
matériel comme la propriété de la terre, des
canaux, des mines, des chemins de fer, comme la
production et la répartition de la richesse, ils veu
lent que tout cela soit possédé, exploité, administré
à frais et bénéfices communs, de façon que l’inté
rêt privé se confonde avec l’intérêt général, de
façon aussi que le travail et les jouissances soient
également partagés.
S’agit-il de choses d’ordre moral comme la reli
gion, la philosophie, l’art, la science, ils contestent
à l’Etat le pouvoir qu’il s’arroge de patronner
certaines doctrines, d’accorder ou de refuser
l’estampille officielle à telle ou telle théorie.
Ils sont, sur ce point, plus individualistes que
la plupart des gouvernements actuels. Ils le sont
en matière politique, quand ils demandent pleine
liberté de presse, de réunion, d'association.
Ils le sont encore, même quand ils réclament
l’intervention de la loi, pour égaliser les conditions
sociales. Leur but est, en effet, de rendre l’individu
plus libre, d’émanciper l’homme de l’homme, de
ne plus permettre qu’à l’avenir des riches exercent
sur des pauvres un pouvoir oppresseur, en ache
tant le vote d’un électeur, la plume d’un journa
liste, la beauté d’une jeune fille, etc.
Cela n’empêchera pas des naïfs, des sots et des
habiles de répéter demain que les socialistes ne
laissent aucune place à la liberté individuelle, et
que les démocrates sont les ennemis nés de toute ■
aristocratie.
Georges RENARD.
_
ÉVANGILE SE LON SA INT-CASIMIR
En ce temps là, le peuple de Dieu habitait une
magnifique contrée appelée Gaule.
Pendant longtemps, les hommes y avaient vécu
heureux, chantant les louanges du Très-Haut.
Mais la mollesse et la luxure les ayant envahis,
ils prêtèrent une complaisante oreille aux rhéteurs
qui leur vantaient les douceurs du culte des dieux
païens, et bientôt le paganisme régna en maître
dans leurs cœurs.
Vénus, Bacchfis et le Veau d’Or furent l’objet
de leur adoration.
Le Seigneur, voyant cela, entra dans une grande
colère, et, oubliant la promesse faite à Noé, sup
prima l’arc-en-ciel.
Pour punir les Gaulois, il suscita un grand-juge
nommé Barbenzinc.
Quand Barbenzinc fut assis sur le trône, il dé
laissa complètement l’administration du royaume,
laissant la gérance des affaires à ses favoris.
Parmi ces derniers, un étranger, nommé Spuller,
se distinguait surtout par les exactions et les vio
lences qu’il exerçait sans cesse sur les ministres
du vrai Dieu.
Cependant, il y avait encore dans cette contrée
quelques hommes justes.
Le Grand-Prêtre ne cessait de prier et supplier
l’Auteur de toutes choses de faire cesser la persé
cution.
Or, un jour qu’il était au milieu d’une assemblée
de notables se préparant, suivant son habitude, à
demander de nouvelles lois coercitives contre les
serviteurs de Dieu, Spuller sentit tout à coup sa
langue paralysée, son cerveau se troubler, et il
sembla rester en extase devant un spectable invi
sible pour toute autre que lui.
Puis, reprenant ses sens, il promena un regard
compatissant sur l’assemblée et s’écria :
« Mes frères, le seigneur a daigné m’animer de
son souffle puissant : un esprit nouveau m’a péné
tré ; désormais, les prêtres et leurs princes n’au
ront pas de défenseur plus zélé que moi. »
Et les sages qui entendaient ce langage, criè
rent: Hosannah ! et les Pharisiens et les Publicains
crièrent : Trahison !
A la même époque vivait, dans la*ville de Lyon,
un pasteur nommé Couillié, ses brebis le véné
raient et lui apportaient de nombreuses offrandes
ce qui exicitait la jalousie du favori Spuller que
VEsprit nouveau n’avait pas assez pénétré et au
quel le malin donna l’idée de connaître le compte
des innombrables oboles offertes à Couil’il
Alors Spuller fit proclamer à son de trompe que
chaque pasteur devrait déclarer au consul de sa
province tous les dons qu’il recevrait. Le vénéra
ble pasteur des Gaules refusa de se soumettre à
cette exigence, et Spuller entra dans une grande
colère.
Le Démon, qui avait revêtu la forme d’un autre
favori appelé, Casimir P. Anzin, conseillait à
Spuller de faire saisir Couillié par ses gardes et de
le faire fouetter de verges sur la place publique.
Mais un ange qui veillait sur le pasteur sug
géra à Spuller l’idée d’aller en un lieu, nommé
Antun, où se trouvait une augure qui rendait des
oracles célèbres.
Spuller alla donc visiter le fameux magicien qui
s’appelait Perraud.
Celui-ci lui représenta durement ce que sa con
duite avait de répréhensible, et, comme le favori
que la convoitise rongeait s’obstinait et se refusait
à laisser jouir en paix Couillié de ses biens,
Perraud, prononçant une formule cabalistique
étendant le bras d’un geste de commandement
s’écria : « Regarde, profane ! et vois la récompense
promise aux hommes de bonne volonté. »
Alors le mur du palais de Perraud s’entr’ouvrit.
et un grandiose spectacle s’offrit à leurs regards :
Spuller vit, dans une salle magnifique, située
dans un palais surmonté d’une coupole dorée où
trente-neuf vieillards revêtus d’habits brodés de
belles palmes vertes occupaient autant de fauteuils,
un quarantième fauteuil était vide ; une inscrip
tion flamboyante le surmontait et il lut : Place
réservée à Spuller s’il se montre fils reconnaissant
et respectueux.
Cette vision eut la durée d’un éclair, puis dis
parut tout à coup.
Alors le favori sentit un grand ravissement en
son âme : l'Esprit nouveau avait vaincu le Malin .
Spuller se précipita aux pieds de l’augure, les
lui baisa et répandit des larmes de bonheur.
Et il commanda qu’on rendit incontinent à
Couillié tout ce qu’on lui avait pris.
Et ce fut une grande joie ; et pendant quarante
jours et quarante nuits il tomba une pluie de
fleurs, et on entendit un concert de louanges.
* ¥
Cependant, lès esclaves étaient soumis à un dur
labeur, et pendant que les puissants et les princes
des prêtres se réjouissaient, le pauvre peuple avait
grand’peine à manger un morceau de pain noir;
les mères ne pouvaient plus allaiter leurs enfants,
leurs mamelles taries faute d’une nourriture abon
dante et saine n’avaient plus de lait !
Les pères étaient dans la désolation : ils avaient
beau travailler, à peine arrivaient-ils à satisfaire
le collecteur de l’impôt.
CINQ CENTIMES LE NUMERO
4 e Année — 9 Floréal An 102 — S° 142.
Réveil
Havre
ORGANE RÉPUBLICAIN
PaiX DES ABONNEMENTS :
UN AN SIX MOIS
Le Havre 3 fr. 2 fr.
Départements 4 fr. 2 50
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15, RUE CASIMIR-PÉRIRR, 15
LE RÉVEIL DU HAVRE paraît tous les Samedis
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Réclames 50 cent, la ligne
On traite à Forfait
LA RENTRÉE DES CHAMBRES
■KizeaHaæs&aatHBflKBRaMH
RENTRÉE D& CHAMBRES
Le monde parlementaire vient de rentrer
en scène.
Tous les journaux ont donné l’ordre du
jour du Sénat et celui de la Chambre des
Députés.
Le Sénat débutait par le projet de loi sur
les règlements d’atelier et les Conseils de
Prud'hommes; la Chambre, par la discussion
de la loi sur l’assainissement de Paris, et de
la loi, déjà adoptée par le Sénat, sur les
sociétés coopératives.
Le morceau de résistance, le clou de la
journée de jeudi, a été l’élection des membres
de la commission du budget — les quelques
interpellations, déposées dès l’ouverture de la
session, n’ont pu détourner l’attention de nos
représentants, absorbée tout entière par la
formation de la fameuse commission. — Pen-
sez-donc, il faut trente-trois commissaires
seulement, et presque tous les députés briguent
l’honneur d’être au moins le trente-troisième.
Les feuilles officieuses se plaignent de la
fréquence des interpellations qui viennent
interrompre les travaux utiles et urgents. Ce
sont là de vieux clichés qui ne trompent per
sonne. Les interpellations sont choses abso
lument nécessaires sous un régime démocra
tique. 11 serait vraiment trop facile à un
ministre d’arguer du retard apporté au vote
du budget pour enterrer toute demande d’ex
plications et soustraire ainsi ses actes les plus
arbitraires au contrôle des représentants du
peuple.
N’est-ce pas assez que Raynal ait réussi à
supprimer l’interpellation sur la grève de
Trignac, en se faisant poser une simple ques
tion par son compère Garnier?
Les lecteurs du Réveil connaissent tous l’his
torique de l’affaire, et il me suffira de la résu
mer en quelques mots :
Des ouvriers s’étaient mis en grève à Tri
gnac, M. Toussaint, député, était allé leur
porter des encouragements. C’était son droit
strict, mais Dubost ne l'entendait pas ainsi :
il avait donné l’ordre au parquet de St-Nazaire
de saisir la première occasion favorable pour
incarcérer le député socialiste. Or, il s’est
trouvé que, contrairement au calcul d’Antonin,
.— qui oublie volontiers qu’il commande à
des magistrats et non à des valets, — il s’est
trouvé, dis-je, que le procureur de la Répu
blique de St-Nazaire était un honnête homme
ne connaissant que son devoir, rien que son
devoir. Ne rencontrant pas matière à pour
suites, M. Marion de Procé n’a pas poursuivi
M. Toussaint.
Le garde des sceaux, obligé de déposer une
demande de poursuites sur le bureau de la
Chambre, ne pouvait pardonner à son subor
donné la frousse que Jaurès lui a donnée, en
demandant à changer la question Garnier en
interpellation. Aussi, vient-il de mettre le
chef du parquet de St-Nazaire à la retraite
d’office. C’est un grand honneur que le ministre
de la justice fait là à M. Marion de Procé, qui
ne devait pas être fier de servir un tel maître.
Le gouvernement a eu là une trop facile
victoire, victoire obtenue par un truc déjà un
peu vieillot et qui pourrait bien lui jouer un
mauvais tour.
Il y a encore quantité d’interpellations à
l’horizon, et les vrais républicains auront plus
d’une fois l’occasion de se compter.
Plus nous avançons, plus l’antagonisme
s’accentue entre le ministère Casimir Périer
et le pays.
Le pays veut la République, la vraie ;
Casimir lui donne un régime réactionnaire où
toutes les libertés sont supprimées ; il ne gou
vernerait pas autrement s’il était le premier
ministre de Philippe VII : « Bon chien chasse
de race ».
Mais que ce jeune tyranneau n’aille pas
croire que sa position est inexpugnable. A la
première alerte, socialistes et radicaux se
resaisiront et, d’un simple coup d’épaule,
l’enverront rejoindre les princes chers à son
cœur qu’il eût mieux fait de ne jamais quitter.
Laroche tarpéienne est près du Capitole!
Pierre MÉR1TEL.
DEUX M OTS DE THEORIE
Combien de fois n’avez-vous pas entendu, n’en
tendez-vous pas encore opposer démocratie et
aristocratie , socialisme et individualisme.
N’en déplaise aux exprits étroits, l’avenir est
dans îa conciliation de plus eu piba scientifique,
de plus en plus parfaite de ces extrêmes.
Les partisans de* l’aristocratie ( réactionnaires
et opportunistes), constatent ce qui est vrai, que
les hommes sont inégaux en fait. Il est trop évi
dent qu’ils n’ont pas tous même taille, même vi
gueur, mêmes capacités.
Les partisans de la démocratie allèguent, ce
qui n’est pas moins vrai, que les hommes sont
égaux en droit. Par cela seul que chacun d’eux
est une personne, il y a entre eux équivalence.
C’est le fondement même du suffrage universel.
Il semble aussi que l’opposition soit irréduc
tible ; mais regardez de plus près.
La démocratie veut que les fonctions publiques
soient accessibles au fils d’un paysan ou d’un ou
vrier, aussi bien qu’au fils d’un banquier ou d’un
marquis.
Elle exige, en théorie du moins, que la place de
chaque citoyen dans la société soit proportionnée
à son mérite.
Elle a pour princique, que l’intelligence et le
travail sont les seuls titres, avec la moralité,
valables aux honneurs et aux charges. Or,
qu’est-ce que ce principe, sinon un principe
aristocratique que l’on peut ainsi formuler ; —
Les plus hautes situations aux meilleurs. — Seu
lement, il entraîne le remplacement de l’aristo
cratie fausse, factice, convenue, celle qui s'hérite,
celle qui se fonde sur des aïeux ou sur des écus,
par l’aristocratie véritable, naturelle, qui est per
sonnelle et viagère.
La démocratie aboutit, à cette conséquence
qu’elle comprend et comprendra de mieux en
mieux : à savoir qu’elle doit assurer, à tous les
membres de la société, des chances aussi égales
que possible de se développer intégralement. Or,
les aptitudes des hommes n’étant pas identiques,
un développement intégral est pour eux nécessai
rement un développement inégal. Il y aura tou
jours des hommes plus capables que d’autres d’être
savants, artistes, écrivains, inventeurs. Tous les
passagers du navire ne pourront jamais être
capitaines.
De la sorte, dans l’état social le plus démocra
tique, l’inégalité et la diversité naturelle ne peu
vent jamais manquer d’avoir pour reflets une iné-
g. lité et une diversité de fonctions. Cela revient
à dire que la démocratie implique l’existence de
l’aristocratie, mais encore une fois d’une aristo
cratie qui sera légitime, parce qu’elle ne devra
qu’à sa valeur propre une supériorité réelle et
passagère.
On peut dire encore davantage : La démocratie
ne tend pas seulement à rendre à l’aristocratie
vraie, sa place et son rôle usurpés par 1 autre ;
elle tend aussi à l’étendre, à la généraliser.
En mettant une instruction complète à la portée
de tous les enfants, elle fait porter la sélection,
non plus sur un petit nombre de privilégiés, mais
sur l’ensemble d’une génération, en même temps
qu’elle offre aux mieux doués les moyens de sortir
du pair, elle relève le niveau général, elle crée un
public bien capable d’apprécier le talent, elle
permet aussi à l’humanité de porter toutes ses
fleurs et tous ses fruits.
On dit parfois aux démocrates : Fi donc ! Vous
voulez le gouvernement de la populace ? — Non,
peuvent-ils répondre, car nous voulons qu’il n’y
ait plus de populace.
On ne saurait être plus aristocrate
L’opposition qu’on établit entre socialisme et
individualisme n’est pas moins superficielle.
Un homme quelconque est à la fois, de nais
sance, individu et membre d’une société. Il a, par
la force des choses, une personnalité distincte,
mais aussi une solidarité plus ou moins étroite
avec la famille, la race à laquelle il appartient.
Par suite, en tout temps et en tout pays, tout
homme garde en propre certains droits et se recon
naît certains devoirs envers la société dont il fait
partie.
Or, que font les socialistes ?
Demandent-ils qu’on supprime la part réservée
à l’individu, pour livrer tout à la communauté ?
Point du tout.
Ils prétendent seulement qu’on a laissé à l’indi
vidu des choses qui doivent revenir à l’Etat et
réciproquement. C’est cette mauvaise distribution
qu’ils désirent changer. S’agit-il de choses d’ordre
matériel comme la propriété de la terre, des
canaux, des mines, des chemins de fer, comme la
production et la répartition de la richesse, ils veu
lent que tout cela soit possédé, exploité, administré
à frais et bénéfices communs, de façon que l’inté
rêt privé se confonde avec l’intérêt général, de
façon aussi que le travail et les jouissances soient
également partagés.
S’agit-il de choses d’ordre moral comme la reli
gion, la philosophie, l’art, la science, ils contestent
à l’Etat le pouvoir qu’il s’arroge de patronner
certaines doctrines, d’accorder ou de refuser
l’estampille officielle à telle ou telle théorie.
Ils sont, sur ce point, plus individualistes que
la plupart des gouvernements actuels. Ils le sont
en matière politique, quand ils demandent pleine
liberté de presse, de réunion, d'association.
Ils le sont encore, même quand ils réclament
l’intervention de la loi, pour égaliser les conditions
sociales. Leur but est, en effet, de rendre l’individu
plus libre, d’émanciper l’homme de l’homme, de
ne plus permettre qu’à l’avenir des riches exercent
sur des pauvres un pouvoir oppresseur, en ache
tant le vote d’un électeur, la plume d’un journa
liste, la beauté d’une jeune fille, etc.
Cela n’empêchera pas des naïfs, des sots et des
habiles de répéter demain que les socialistes ne
laissent aucune place à la liberté individuelle, et
que les démocrates sont les ennemis nés de toute ■
aristocratie.
Georges RENARD.
_
ÉVANGILE SE LON SA INT-CASIMIR
En ce temps là, le peuple de Dieu habitait une
magnifique contrée appelée Gaule.
Pendant longtemps, les hommes y avaient vécu
heureux, chantant les louanges du Très-Haut.
Mais la mollesse et la luxure les ayant envahis,
ils prêtèrent une complaisante oreille aux rhéteurs
qui leur vantaient les douceurs du culte des dieux
païens, et bientôt le paganisme régna en maître
dans leurs cœurs.
Vénus, Bacchfis et le Veau d’Or furent l’objet
de leur adoration.
Le Seigneur, voyant cela, entra dans une grande
colère, et, oubliant la promesse faite à Noé, sup
prima l’arc-en-ciel.
Pour punir les Gaulois, il suscita un grand-juge
nommé Barbenzinc.
Quand Barbenzinc fut assis sur le trône, il dé
laissa complètement l’administration du royaume,
laissant la gérance des affaires à ses favoris.
Parmi ces derniers, un étranger, nommé Spuller,
se distinguait surtout par les exactions et les vio
lences qu’il exerçait sans cesse sur les ministres
du vrai Dieu.
Cependant, il y avait encore dans cette contrée
quelques hommes justes.
Le Grand-Prêtre ne cessait de prier et supplier
l’Auteur de toutes choses de faire cesser la persé
cution.
Or, un jour qu’il était au milieu d’une assemblée
de notables se préparant, suivant son habitude, à
demander de nouvelles lois coercitives contre les
serviteurs de Dieu, Spuller sentit tout à coup sa
langue paralysée, son cerveau se troubler, et il
sembla rester en extase devant un spectable invi
sible pour toute autre que lui.
Puis, reprenant ses sens, il promena un regard
compatissant sur l’assemblée et s’écria :
« Mes frères, le seigneur a daigné m’animer de
son souffle puissant : un esprit nouveau m’a péné
tré ; désormais, les prêtres et leurs princes n’au
ront pas de défenseur plus zélé que moi. »
Et les sages qui entendaient ce langage, criè
rent: Hosannah ! et les Pharisiens et les Publicains
crièrent : Trahison !
A la même époque vivait, dans la*ville de Lyon,
un pasteur nommé Couillié, ses brebis le véné
raient et lui apportaient de nombreuses offrandes
ce qui exicitait la jalousie du favori Spuller que
VEsprit nouveau n’avait pas assez pénétré et au
quel le malin donna l’idée de connaître le compte
des innombrables oboles offertes à Couil’il
Alors Spuller fit proclamer à son de trompe que
chaque pasteur devrait déclarer au consul de sa
province tous les dons qu’il recevrait. Le vénéra
ble pasteur des Gaules refusa de se soumettre à
cette exigence, et Spuller entra dans une grande
colère.
Le Démon, qui avait revêtu la forme d’un autre
favori appelé, Casimir P. Anzin, conseillait à
Spuller de faire saisir Couillié par ses gardes et de
le faire fouetter de verges sur la place publique.
Mais un ange qui veillait sur le pasteur sug
géra à Spuller l’idée d’aller en un lieu, nommé
Antun, où se trouvait une augure qui rendait des
oracles célèbres.
Spuller alla donc visiter le fameux magicien qui
s’appelait Perraud.
Celui-ci lui représenta durement ce que sa con
duite avait de répréhensible, et, comme le favori
que la convoitise rongeait s’obstinait et se refusait
à laisser jouir en paix Couillié de ses biens,
Perraud, prononçant une formule cabalistique
étendant le bras d’un geste de commandement
s’écria : « Regarde, profane ! et vois la récompense
promise aux hommes de bonne volonté. »
Alors le mur du palais de Perraud s’entr’ouvrit.
et un grandiose spectacle s’offrit à leurs regards :
Spuller vit, dans une salle magnifique, située
dans un palais surmonté d’une coupole dorée où
trente-neuf vieillards revêtus d’habits brodés de
belles palmes vertes occupaient autant de fauteuils,
un quarantième fauteuil était vide ; une inscrip
tion flamboyante le surmontait et il lut : Place
réservée à Spuller s’il se montre fils reconnaissant
et respectueux.
Cette vision eut la durée d’un éclair, puis dis
parut tout à coup.
Alors le favori sentit un grand ravissement en
son âme : l'Esprit nouveau avait vaincu le Malin .
Spuller se précipita aux pieds de l’augure, les
lui baisa et répandit des larmes de bonheur.
Et il commanda qu’on rendit incontinent à
Couillié tout ce qu’on lui avait pris.
Et ce fut une grande joie ; et pendant quarante
jours et quarante nuits il tomba une pluie de
fleurs, et on entendit un concert de louanges.
* ¥
Cependant, lès esclaves étaient soumis à un dur
labeur, et pendant que les puissants et les princes
des prêtres se réjouissaient, le pauvre peuple avait
grand’peine à manger un morceau de pain noir;
les mères ne pouvaient plus allaiter leurs enfants,
leurs mamelles taries faute d’une nourriture abon
dante et saine n’avaient plus de lait !
Les pères étaient dans la désolation : ils avaient
beau travailler, à peine arrivaient-ils à satisfaire
le collecteur de l’impôt.
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