Titre : Le Réveil du Havre : organe républicain ["puis" organe républicain-socialiste indépendant "puis" organe du Parti républicain démocratique]
Éditeur : [s.n.] (Le Havre)
Date d'édition : 1894-01-13
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32854639q
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 13 janvier 1894 13 janvier 1894
Description : 1894/01/13 (N127). 1894/01/13 (N127).
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k3263326x
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-89667
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 28/04/2019
4* innée — S° 127 — Samedi 18 Janvier
CINQ CENTIMES LE NUMÉRO
4* Année — 24 Nivôse An 102 — N° 127.
mmÊÊtmÊmÊtmk
Réveil
Havre
ORGANE RÉPUBLICAIN
PRIX DES ABOIEMENTS :
UN AN SIX MOIS
Le Havre 3 fr. 2 fr.
Départements 4 fr. 2 50
ADMINISTRATION & RÉDACTION
15, RUE CASIMIR-PÉRIER, 15
LE RÉVEIL DU fl A VRE paraît tous les Samedis
PRIX DES INSERTIONS:
Annonces 25 cent, la ligne
Réclames 50 cent, la ligne
On traite à Forfait
LÀ COÜD1MHÂTIOI
VAILLANT
Notre législation pénale punit de la mort
ceux qui, avec préméditation, tuent ou ten
tent de 'tuer leurs semblables. La loi, assez
justement, d’ailleurs, voit avant tout l’inten
tion coupable de l’agent du crime, et ne se
préoccupe pas du résultat. Qu’il y ait ou non
mort d’homme, la peine est la même.
On peut avoir, sur cette question de la peine
de mort, une opinion contraire à celle inscrite
dans la loi. Les plus grands esprits, comme
Victor Hugo et Louis Blanc, ont protesté avec
énergie contre ce droit que l’homme s’arroge
de disposer de la vie de son semblable, même
lorsqu’il s’agit de châtier un assassin. Cette
opinion est respectable, et des erreurs judi
ciaires, hélas! trop fréquentes, donnent une
singulière force aUx arguments des adver
saires de la peine de mort.
Mais, si la question se pose simplement au
point de vue de l’application de la loi, il n’y
Qu’une réponse oui convienne à la Question
JL i. ■■ -X ' ■ X
posée au jury.
Vaillant était-il coupable de tentative de
meurtre? Oui.
Y avait-il préméditation? Oui encore.
Sur le premier point, il nous semble que
Vaillant a manqué de crânerie, et qu’il n’a
pas été jusqu’au bout de son rôle. Efcait-il
sérieux de soutenir que cette bombe ne devait
faire que des blessures? N’est-il pas plus vrai
semblable que, si elle n’a tué personne, c’est
par suite d'un fait indépendant de la volonté
de Vaillant ?
Oui, Vaillant voulait tuer.
Restait la question des circonstances atté
nuantes. Pure question de sentiment, il faut
bien en convenir. Et alors toutes les hypo
thèses sont également admissibles. On peut,
tour à tour, et avec des arguments également
spécieux — soit comparer Vaillant à Charlotte
Corday et à Orsini, que certains comptent au
nombre des héros; — soit le considérer comme
un maniaque épris de réclame retentissante
ou comme un affamé que la misère a égaré.
Si l’on fait entrer en ligne de compte les
considérations de parti, et si l’on envisage le
fait de Vaillant comme un crime politique, les
manières de voir deviennent aussi nombreuses.
Les opportunistes et les réactionnaires, —
deux opinions aujourd'hui voisines à se con
fondre, — ont fait connaître avec bruit leur
sentiment, inspiré surtout par le manque de
sang-froid et, pour tout dire, par la frousse
intense qui les possède depuis quelques semai
nes. Ils sont sévères pour Vaillant.
Les socialistes ont certes le droit de l’être
davantage. Quelle indulgence pourrait atten
dre d’eux, au point de vue politique, l’homme
néfaste qui a fourni à Casimir Périer et à ses
tristes acolytes l’occasion de tenter, au profit
de l’alliance opportuno-cléricale, un coup de
mtfin contre nos libertés républicaines ? N’est-
-ce pas Vaillant qui a permis au ministère des
grandes compagnies de former, au lendemain
de l’attentat, une majorité apeurée, prête à
toutes les mauvaises besognes que la crainte
et l’intérêt personnel peuvent imposer aux
pusillanimes? Bref, Vaillant n’est-il pas le
véritable artisan de toute cette réaction qui
monte contre les républicains de principes et
qui menace de jeter la République dans les
pires convulsions, d’en faire à un moment
donné la proie de factions sans pitié ?
Aux yeux d’un républicain, si Vaillant
mérite la mort comme responsable de ses actes,
il la mérite encore comme un ennemi du
peuple.
Logiquement, il doit être pleuré par Casimir
Périer et sa majorité de gouvernement comme
le plus utile de leurs serviteurs. Ou alors la
reconnaissance ne serait qu’un vain mot !
La situation de cet assassin une fois réglée,
voudra-t-on aussi accorder une certaine atten
tion à tous ceux qui, directement 011 indirec
tement, ont donné ou donnent la mort à leurs
concitoyens; — aux Constans qui tuent à
Fourmies avec des projectiles plus sûrs que des
clous ; —- aux industriels qui font charger par
les troupes du pouvoir les femmes et les en
fants, comme cela s’est pratiqué dans le Pas-
de-Calais ; — aux tripoteurs qui ruinent les
petits dans les grandes rafles de Bourse et les
conduisent à la mort par un moyen tout aussi
fatal que peut 1 être une bombe?
En vérité, si après le procès de Vaillant,
on instruit celui de tous les homicides, de tous
ceux qui apportent le deuil dans l’iiuinanité
soit par intérêt politique, soit par intérêt
financier, soit pour assouvir leurs haines de
castes, les Cours d’Assises ont du travail sur
la planche, et Deibler et sa sinistre machine
peuvent s’apprêter à faire en France une lon
gue tournée !
VERUS.
semâînTpolitiqii
FRANCE
, P
Les Elections sénatoriales. — Récapitu
lation : La série A du Sénat, que les électeurs sé
natoriaux ont été appelés à renouveler, dimanche ;
dernier, compte 89 sénateurs. Il y avait, en outre,
à pourvoir à 3 sièges vacants par suite de décès,
à un quatrième par suite de la démission de M.
Goblet, et un cinquième par suite de l’attribution
au département de la Seine-et-Marne du siège de
M. Tirard, inamovible décédé : soit, au total, 94
sièges.
Le premier tour de scrutin a donné 74 résultats
définitifs, se décomposant comme suit :
Républicains réélus.. 48
Conservateurs réélus. ff
Républicains nouveaux 20
Le deuxième tour de scrutin portait sur 20
sièges, répartis entre douze département^ Il a
donné 14 résultats définitifs :
Républicains réélus......... 7
Républicains nouveaux 7
Enfin, le troisième'tour de scrutin qui portait
sur 6 sièges, répartis entre quatre départements,
a donné les résultats suivants :
Républicains réélus. . î
Républicains nouveaux....,. 4
Résultat inconnu 1
*
¥ ¥
On remarquera que, pour la première fois, les
socialistes se sont affirmés dans la lutte en présen
tant des candidats dans un certain nombre Ûe cir
conscriptions, et que, dans bien des départements,
les idées avancées ont recueilli un bien plus grand
nombre de voix que les idées modérées.
Noiis devons également signaler l’échec très
caractéristique de M. Waddington, qui a perdu
près de 600 voix depuis la dernière élection.
Les opportunistes de D’Ardèche réélus tous trois
ont perdu le premier 150 voix environ, le second
110. De même dans l’Aude, M. Gauthier, seul élu
an premier tour, a perdu 50 voix sur la précédente
élection, et malgré des efforts désespérés, M. Mir,
député, n’a pas pu être réélu : on lui a préféré un
nouveau. ,
On remarquera qu’à Marseille, il eût suffi à, M.
Monnier de recueillir huit suffrages de plus pour
battre M. Peytral.
Par contre, il est intéressant de noter l’augmen
tation considérable des voix républicaines dans
des départements, comme le Calvados et la Dor
dogne notamment, où les réactionnaires soute
naient naguère la lutte.
Et pour terminer cet examen sommaire, nous
ferons remarquer qu’il n’y a plus maintenant dans
les Côtes-du-Nord — département inféodé à la
réaction — qu'un écart de 106 voix entre les can
didats conservateurs et les candidats républicains.
*
* *
La Chambre. — Petite, très petite rentrée.
Les questeurs ont fait, pendant ces vacances, de
consciencieux efforts pour rendre difficile l'accès
du Palais Bourbon. On a multiplié les consignes
et les règlements. Peut être les députés ont-ils cru
que tous ces travaux de défense étaient dirigés
contre eux. Le fait est que, sur le coup de quatre
heures, c’est-à-dire après deux heures d’attente,
on s’est aperçu que les députés n’étaient pas venus.
Un scrutin commencé pour l’élection du président,
définitif, a dû être déclaré nul. C’est un fait sans
précédent. Combien il avait raison le fûté Deluns-
Montaud, qui disait à ses amis : * Si vous m’en
croyez, ne vous comptez pas. Remettons tout à
jeudi, — dignement. »
Mais la majorité a voulu aller au vote quand
même, avec une belle confiance, espérant que les
rptnrd^tflirps vï_p’u]rn i on_t ^ V.’éu. V'iT’.Yï. iwé.-
sistible qu’on avait plantée au beau milieu de la
tribune. L’urne a fait chou-blanc. Et tout est à re
commencer.
En ouvrant la session, le doyen d’âge, M. Pierre
Blanc a lu, devant des banquettes à peu près
vides, son compliment annuel, plein ne sages con
seils et d’honnêtes exhortations.
★
¥ ¥
Le lendemain jeudi, à 3 heures un 1/4, on ou
vrait le scrutin pour la nomination du Bureau de
la Chambre :
M. Dupuy est élu président par 290 voix sur
357 votants.
On passe ensuite à l’élection de quatre vice-
présidents.
Sont élus : MM. de Mahy, 262 yoix ; Félix
Faure, 247 ; Etienne, 243 ; Lockroy, 238.
Les secrétaires élus sont : MM. Chaudeu, 253
voix ; de La Battufc, 239 ; Plichon, 229 ; André
Lebon, 184. Ballottage pour les quatre autres
sièges.
Le scrutin pour les trois questeurs amène l’élec
tion de MM. Bizarelli, 282 voix; Guillemet, 275
Royer* 269.
SOCIALISME CHRETIEN
On ne fait peut-être pas assez attention en
France aux tentatives répétées du socialisme chré
tien. Certes, nous ne pensons qu’il y ait dans cette
sacro-sainte fumisterie un réel danger pour le pro
létariat, mais il n’en reste pas moins établi par
les récents incidents de Belgique que certains
frocards connaissent à merveille l’art malpropre de
diviser la classe ouvrière.
Les lauriers de ses confrères de Liège et de
Louvain empêchent de dormir le rempart du ca
tholicisme montmartrois : l’abbé Garnier. Cet esti
mable ecclésiastique vient de fonder un quotidien :
Le'Peupte français.
On devine aisément ce que sera cette feuille, où
dans le même anathème seront enveloppés les
hommes de la troisième République et tous les so
cialistes qui omettent de prendre le mot d’ordre
idu Saint-Siège. Ce sera une nouvelle édition de
‘ La Libre Parole, moins le talent d’un Drumont.
Nous ne savons^pas si le sympathique M. Gar
nier jouira longtemps de l’appui de ses supérieurs,
car il nous revient de toutes parts que depuis la
promulgation de la fameuse encyclique De condL
tione opificum, les dispositions du Saint-Père
touchant le mouvement socialiste en France ont
sensiblement changé.
Il fut un temps où Léoii XIII, s’inspirant des
traditions de la politique italienne, pensait que le
parti catholique pouvait, dans les principaux états
de l’Europe, se tailler une grosse part à l’aide de
divisions habiles. Suivant les Etats, suivant les
majorités parlementaires, la tactique devait natu
rellement différer. En Allemagne, où 60 représen
tants socialistes menaçaient la stabilité du trône
et de l’autel, les catholiques devaient faire alliance
avec le gouvernement. En Belgique, où la ques
tion du suffrage universel semblait crée, une agi
tation favorable, il était tout indiqué de combat
tre pour le peuple, quitte à tourner court au mo
ment où le prolétariat et la bourgeoisie en vien
draient aux mains ; le rôle de médiateur étant, dans
l’occurence, une excellente position pour grouper
sous les drapeaux de l'église les modérés des deux
partis.
En France, la situation était plus simple encore;
les vieilles balançoires monarçhistes étant usées,
la seule voie du socialisme restait ouverte aux
amis dû pape ; c’était d’ailleurs un excellent
moyen de gagner des sièges au Parlement sans
ébranler sensiblement l’organisation politique d«
la France, car il ne semblait pas que les socialis
tes dussent jamais remporter quelque importante
victoire. Suivant l’expression d’un des leurs ,« les
catholiques avaient ainsi choisi le plus commode
et le plus élastique des tremplins. »
A forte dose, le machiavilisme nuit parfois.
Du moins, la politique romaine n’a pas produit
tous les résultats qu’on en attendait.
En aîlemagne, les catholiques se sont à peine
maintenus.
En Belgique, leurs manoeuvres louches lors de
la dernière insurrection leur ont fait perdre en
huit jours une grande partie du terrain pénible
ment acquis en une année.
En France, la déroute fut complète au 20 août,
et par surcroît, il s’est trouvé que la propagande
faite avec les deniers et par les hommes de l’égli
se, a tourné au profit du socialisme scientifique.
Il est intéressant de rappeler que les allure»
ultra-libérales du Saint-Siège avaient eu un re
tentissement sur les questions du dogme, car, ea
, même temps qu’il comptait gagner la démocratie,
Léon XIII jugeait bon d’attirer à lui l’énorme
masse des demi-sceptiques de la bourgeoisie par
des concessions habiles dans le domaine religieux.
La neutralité bienveillante du souverain Pon
tife laissa alors florir en France ce que l’on a ap
pelé Yécole large , c’est-à-dire Monseigneur d’HuIst,
M. l’abbé de Broglie, M. l’abbé Loisyet M. le cha
noine Didiot, auxquels plusieurs membres de
l’épiscopat français s’étaient joints, se demandant
s’il fallait, en matière de critique biblique, s’en
tenir à la vieille tradition, s’il n’était pas urgent
de faire des concessions et comme la part du feu.
La tactique du Saint-Siège était alors d’entrer
dans la voie des concessions politiques et religieu
ses en France, quand éclata le coup de tonnerre
des élections du 20 août : 5Q représentants socia
listes à la Chambre. *
Cela fit à Léon XIII l’effet d’une bombe en plein
Vatican. Conservateur convaincu, comme tout pape
qui se respecte, il jugea d’un coup d’œil la profon
deur de l’abîme qu’il avait cotoyé, et tout compte
fait, se prononça pour l’alliance opportuniste,
moins compromettante après tout que celle de la
démocratie. Toutefois, en homme avisé, il laissa
provisoirement quelques personnalités déjà brû
lées, genre Garnier, combattre à tout hasard dans
les rangs du mi-socialisme chrétien ; car les défai
tes d’un Garnier ne compromettent point l’église,
tandis que les victoires d’un tel homme peuvent
lui profiter.
Pour compléter son œuvre de réaction, Léon
XIII n’hésita même pas à désavouer les tendances
de Y école large ; ce fut l’œuvre de son encyclique
de novembre 1893.
Malheureusement pour lui, cette seconde me
sure eut plus de retentissement que la première,
$ans doute par cela même qu’elle avait été prise
plus franchement.
Les vieux routiers de l’Exégèse protestèrent.
Comment, disaient-ils, ce pape libéral, admiré
par les hommes de gouvernement dans toute l'Eu
rope, ce diplomate si profondément italien, si ha*
bile à tirer parti de toutes choses et de tout hom
me, n’a rien compris aux inquiétudes des esprits ?
Hé 1 bonnes gens 1 le pape gardien d’une reli-
/
CINQ CENTIMES LE NUMÉRO
4* Année — 24 Nivôse An 102 — N° 127.
mmÊÊtmÊmÊtmk
Réveil
Havre
ORGANE RÉPUBLICAIN
PRIX DES ABOIEMENTS :
UN AN SIX MOIS
Le Havre 3 fr. 2 fr.
Départements 4 fr. 2 50
ADMINISTRATION & RÉDACTION
15, RUE CASIMIR-PÉRIER, 15
LE RÉVEIL DU fl A VRE paraît tous les Samedis
PRIX DES INSERTIONS:
Annonces 25 cent, la ligne
Réclames 50 cent, la ligne
On traite à Forfait
LÀ COÜD1MHÂTIOI
VAILLANT
Notre législation pénale punit de la mort
ceux qui, avec préméditation, tuent ou ten
tent de 'tuer leurs semblables. La loi, assez
justement, d’ailleurs, voit avant tout l’inten
tion coupable de l’agent du crime, et ne se
préoccupe pas du résultat. Qu’il y ait ou non
mort d’homme, la peine est la même.
On peut avoir, sur cette question de la peine
de mort, une opinion contraire à celle inscrite
dans la loi. Les plus grands esprits, comme
Victor Hugo et Louis Blanc, ont protesté avec
énergie contre ce droit que l’homme s’arroge
de disposer de la vie de son semblable, même
lorsqu’il s’agit de châtier un assassin. Cette
opinion est respectable, et des erreurs judi
ciaires, hélas! trop fréquentes, donnent une
singulière force aUx arguments des adver
saires de la peine de mort.
Mais, si la question se pose simplement au
point de vue de l’application de la loi, il n’y
Qu’une réponse oui convienne à la Question
JL i. ■■ -X ' ■ X
posée au jury.
Vaillant était-il coupable de tentative de
meurtre? Oui.
Y avait-il préméditation? Oui encore.
Sur le premier point, il nous semble que
Vaillant a manqué de crânerie, et qu’il n’a
pas été jusqu’au bout de son rôle. Efcait-il
sérieux de soutenir que cette bombe ne devait
faire que des blessures? N’est-il pas plus vrai
semblable que, si elle n’a tué personne, c’est
par suite d'un fait indépendant de la volonté
de Vaillant ?
Oui, Vaillant voulait tuer.
Restait la question des circonstances atté
nuantes. Pure question de sentiment, il faut
bien en convenir. Et alors toutes les hypo
thèses sont également admissibles. On peut,
tour à tour, et avec des arguments également
spécieux — soit comparer Vaillant à Charlotte
Corday et à Orsini, que certains comptent au
nombre des héros; — soit le considérer comme
un maniaque épris de réclame retentissante
ou comme un affamé que la misère a égaré.
Si l’on fait entrer en ligne de compte les
considérations de parti, et si l’on envisage le
fait de Vaillant comme un crime politique, les
manières de voir deviennent aussi nombreuses.
Les opportunistes et les réactionnaires, —
deux opinions aujourd'hui voisines à se con
fondre, — ont fait connaître avec bruit leur
sentiment, inspiré surtout par le manque de
sang-froid et, pour tout dire, par la frousse
intense qui les possède depuis quelques semai
nes. Ils sont sévères pour Vaillant.
Les socialistes ont certes le droit de l’être
davantage. Quelle indulgence pourrait atten
dre d’eux, au point de vue politique, l’homme
néfaste qui a fourni à Casimir Périer et à ses
tristes acolytes l’occasion de tenter, au profit
de l’alliance opportuno-cléricale, un coup de
mtfin contre nos libertés républicaines ? N’est-
-ce pas Vaillant qui a permis au ministère des
grandes compagnies de former, au lendemain
de l’attentat, une majorité apeurée, prête à
toutes les mauvaises besognes que la crainte
et l’intérêt personnel peuvent imposer aux
pusillanimes? Bref, Vaillant n’est-il pas le
véritable artisan de toute cette réaction qui
monte contre les républicains de principes et
qui menace de jeter la République dans les
pires convulsions, d’en faire à un moment
donné la proie de factions sans pitié ?
Aux yeux d’un républicain, si Vaillant
mérite la mort comme responsable de ses actes,
il la mérite encore comme un ennemi du
peuple.
Logiquement, il doit être pleuré par Casimir
Périer et sa majorité de gouvernement comme
le plus utile de leurs serviteurs. Ou alors la
reconnaissance ne serait qu’un vain mot !
La situation de cet assassin une fois réglée,
voudra-t-on aussi accorder une certaine atten
tion à tous ceux qui, directement 011 indirec
tement, ont donné ou donnent la mort à leurs
concitoyens; — aux Constans qui tuent à
Fourmies avec des projectiles plus sûrs que des
clous ; —- aux industriels qui font charger par
les troupes du pouvoir les femmes et les en
fants, comme cela s’est pratiqué dans le Pas-
de-Calais ; — aux tripoteurs qui ruinent les
petits dans les grandes rafles de Bourse et les
conduisent à la mort par un moyen tout aussi
fatal que peut 1 être une bombe?
En vérité, si après le procès de Vaillant,
on instruit celui de tous les homicides, de tous
ceux qui apportent le deuil dans l’iiuinanité
soit par intérêt politique, soit par intérêt
financier, soit pour assouvir leurs haines de
castes, les Cours d’Assises ont du travail sur
la planche, et Deibler et sa sinistre machine
peuvent s’apprêter à faire en France une lon
gue tournée !
VERUS.
semâînTpolitiqii
FRANCE
, P
Les Elections sénatoriales. — Récapitu
lation : La série A du Sénat, que les électeurs sé
natoriaux ont été appelés à renouveler, dimanche ;
dernier, compte 89 sénateurs. Il y avait, en outre,
à pourvoir à 3 sièges vacants par suite de décès,
à un quatrième par suite de la démission de M.
Goblet, et un cinquième par suite de l’attribution
au département de la Seine-et-Marne du siège de
M. Tirard, inamovible décédé : soit, au total, 94
sièges.
Le premier tour de scrutin a donné 74 résultats
définitifs, se décomposant comme suit :
Républicains réélus.. 48
Conservateurs réélus. ff
Républicains nouveaux 20
Le deuxième tour de scrutin portait sur 20
sièges, répartis entre douze département^ Il a
donné 14 résultats définitifs :
Républicains réélus......... 7
Républicains nouveaux 7
Enfin, le troisième'tour de scrutin qui portait
sur 6 sièges, répartis entre quatre départements,
a donné les résultats suivants :
Républicains réélus. . î
Républicains nouveaux....,. 4
Résultat inconnu 1
*
¥ ¥
On remarquera que, pour la première fois, les
socialistes se sont affirmés dans la lutte en présen
tant des candidats dans un certain nombre Ûe cir
conscriptions, et que, dans bien des départements,
les idées avancées ont recueilli un bien plus grand
nombre de voix que les idées modérées.
Noiis devons également signaler l’échec très
caractéristique de M. Waddington, qui a perdu
près de 600 voix depuis la dernière élection.
Les opportunistes de D’Ardèche réélus tous trois
ont perdu le premier 150 voix environ, le second
110. De même dans l’Aude, M. Gauthier, seul élu
an premier tour, a perdu 50 voix sur la précédente
élection, et malgré des efforts désespérés, M. Mir,
député, n’a pas pu être réélu : on lui a préféré un
nouveau. ,
On remarquera qu’à Marseille, il eût suffi à, M.
Monnier de recueillir huit suffrages de plus pour
battre M. Peytral.
Par contre, il est intéressant de noter l’augmen
tation considérable des voix républicaines dans
des départements, comme le Calvados et la Dor
dogne notamment, où les réactionnaires soute
naient naguère la lutte.
Et pour terminer cet examen sommaire, nous
ferons remarquer qu’il n’y a plus maintenant dans
les Côtes-du-Nord — département inféodé à la
réaction — qu'un écart de 106 voix entre les can
didats conservateurs et les candidats républicains.
*
* *
La Chambre. — Petite, très petite rentrée.
Les questeurs ont fait, pendant ces vacances, de
consciencieux efforts pour rendre difficile l'accès
du Palais Bourbon. On a multiplié les consignes
et les règlements. Peut être les députés ont-ils cru
que tous ces travaux de défense étaient dirigés
contre eux. Le fait est que, sur le coup de quatre
heures, c’est-à-dire après deux heures d’attente,
on s’est aperçu que les députés n’étaient pas venus.
Un scrutin commencé pour l’élection du président,
définitif, a dû être déclaré nul. C’est un fait sans
précédent. Combien il avait raison le fûté Deluns-
Montaud, qui disait à ses amis : * Si vous m’en
croyez, ne vous comptez pas. Remettons tout à
jeudi, — dignement. »
Mais la majorité a voulu aller au vote quand
même, avec une belle confiance, espérant que les
rptnrd^tflirps vï_p’u]rn i on_t ^ V.’éu. V'iT’.Yï. iwé.-
sistible qu’on avait plantée au beau milieu de la
tribune. L’urne a fait chou-blanc. Et tout est à re
commencer.
En ouvrant la session, le doyen d’âge, M. Pierre
Blanc a lu, devant des banquettes à peu près
vides, son compliment annuel, plein ne sages con
seils et d’honnêtes exhortations.
★
¥ ¥
Le lendemain jeudi, à 3 heures un 1/4, on ou
vrait le scrutin pour la nomination du Bureau de
la Chambre :
M. Dupuy est élu président par 290 voix sur
357 votants.
On passe ensuite à l’élection de quatre vice-
présidents.
Sont élus : MM. de Mahy, 262 yoix ; Félix
Faure, 247 ; Etienne, 243 ; Lockroy, 238.
Les secrétaires élus sont : MM. Chaudeu, 253
voix ; de La Battufc, 239 ; Plichon, 229 ; André
Lebon, 184. Ballottage pour les quatre autres
sièges.
Le scrutin pour les trois questeurs amène l’élec
tion de MM. Bizarelli, 282 voix; Guillemet, 275
Royer* 269.
SOCIALISME CHRETIEN
On ne fait peut-être pas assez attention en
France aux tentatives répétées du socialisme chré
tien. Certes, nous ne pensons qu’il y ait dans cette
sacro-sainte fumisterie un réel danger pour le pro
létariat, mais il n’en reste pas moins établi par
les récents incidents de Belgique que certains
frocards connaissent à merveille l’art malpropre de
diviser la classe ouvrière.
Les lauriers de ses confrères de Liège et de
Louvain empêchent de dormir le rempart du ca
tholicisme montmartrois : l’abbé Garnier. Cet esti
mable ecclésiastique vient de fonder un quotidien :
Le'Peupte français.
On devine aisément ce que sera cette feuille, où
dans le même anathème seront enveloppés les
hommes de la troisième République et tous les so
cialistes qui omettent de prendre le mot d’ordre
idu Saint-Siège. Ce sera une nouvelle édition de
‘ La Libre Parole, moins le talent d’un Drumont.
Nous ne savons^pas si le sympathique M. Gar
nier jouira longtemps de l’appui de ses supérieurs,
car il nous revient de toutes parts que depuis la
promulgation de la fameuse encyclique De condL
tione opificum, les dispositions du Saint-Père
touchant le mouvement socialiste en France ont
sensiblement changé.
Il fut un temps où Léoii XIII, s’inspirant des
traditions de la politique italienne, pensait que le
parti catholique pouvait, dans les principaux états
de l’Europe, se tailler une grosse part à l’aide de
divisions habiles. Suivant les Etats, suivant les
majorités parlementaires, la tactique devait natu
rellement différer. En Allemagne, où 60 représen
tants socialistes menaçaient la stabilité du trône
et de l’autel, les catholiques devaient faire alliance
avec le gouvernement. En Belgique, où la ques
tion du suffrage universel semblait crée, une agi
tation favorable, il était tout indiqué de combat
tre pour le peuple, quitte à tourner court au mo
ment où le prolétariat et la bourgeoisie en vien
draient aux mains ; le rôle de médiateur étant, dans
l’occurence, une excellente position pour grouper
sous les drapeaux de l'église les modérés des deux
partis.
En France, la situation était plus simple encore;
les vieilles balançoires monarçhistes étant usées,
la seule voie du socialisme restait ouverte aux
amis dû pape ; c’était d’ailleurs un excellent
moyen de gagner des sièges au Parlement sans
ébranler sensiblement l’organisation politique d«
la France, car il ne semblait pas que les socialis
tes dussent jamais remporter quelque importante
victoire. Suivant l’expression d’un des leurs ,« les
catholiques avaient ainsi choisi le plus commode
et le plus élastique des tremplins. »
A forte dose, le machiavilisme nuit parfois.
Du moins, la politique romaine n’a pas produit
tous les résultats qu’on en attendait.
En aîlemagne, les catholiques se sont à peine
maintenus.
En Belgique, leurs manoeuvres louches lors de
la dernière insurrection leur ont fait perdre en
huit jours une grande partie du terrain pénible
ment acquis en une année.
En France, la déroute fut complète au 20 août,
et par surcroît, il s’est trouvé que la propagande
faite avec les deniers et par les hommes de l’égli
se, a tourné au profit du socialisme scientifique.
Il est intéressant de rappeler que les allure»
ultra-libérales du Saint-Siège avaient eu un re
tentissement sur les questions du dogme, car, ea
, même temps qu’il comptait gagner la démocratie,
Léon XIII jugeait bon d’attirer à lui l’énorme
masse des demi-sceptiques de la bourgeoisie par
des concessions habiles dans le domaine religieux.
La neutralité bienveillante du souverain Pon
tife laissa alors florir en France ce que l’on a ap
pelé Yécole large , c’est-à-dire Monseigneur d’HuIst,
M. l’abbé de Broglie, M. l’abbé Loisyet M. le cha
noine Didiot, auxquels plusieurs membres de
l’épiscopat français s’étaient joints, se demandant
s’il fallait, en matière de critique biblique, s’en
tenir à la vieille tradition, s’il n’était pas urgent
de faire des concessions et comme la part du feu.
La tactique du Saint-Siège était alors d’entrer
dans la voie des concessions politiques et religieu
ses en France, quand éclata le coup de tonnerre
des élections du 20 août : 5Q représentants socia
listes à la Chambre. *
Cela fit à Léon XIII l’effet d’une bombe en plein
Vatican. Conservateur convaincu, comme tout pape
qui se respecte, il jugea d’un coup d’œil la profon
deur de l’abîme qu’il avait cotoyé, et tout compte
fait, se prononça pour l’alliance opportuniste,
moins compromettante après tout que celle de la
démocratie. Toutefois, en homme avisé, il laissa
provisoirement quelques personnalités déjà brû
lées, genre Garnier, combattre à tout hasard dans
les rangs du mi-socialisme chrétien ; car les défai
tes d’un Garnier ne compromettent point l’église,
tandis que les victoires d’un tel homme peuvent
lui profiter.
Pour compléter son œuvre de réaction, Léon
XIII n’hésita même pas à désavouer les tendances
de Y école large ; ce fut l’œuvre de son encyclique
de novembre 1893.
Malheureusement pour lui, cette seconde me
sure eut plus de retentissement que la première,
$ans doute par cela même qu’elle avait été prise
plus franchement.
Les vieux routiers de l’Exégèse protestèrent.
Comment, disaient-ils, ce pape libéral, admiré
par les hommes de gouvernement dans toute l'Eu
rope, ce diplomate si profondément italien, si ha*
bile à tirer parti de toutes choses et de tout hom
me, n’a rien compris aux inquiétudes des esprits ?
Hé 1 bonnes gens 1 le pape gardien d’une reli-
/
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