Titre : Le Réveil du Havre : organe républicain ["puis" organe républicain-socialiste indépendant "puis" organe du Parti républicain démocratique]
Éditeur : [s.n.] (Le Havre)
Date d'édition : 1893-06-24
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32854639q
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 24 juin 1893 24 juin 1893
Description : 1893/06/24 (N87). 1893/06/24 (N87).
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k32632878
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-89667
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/04/2019
2 e Aiiiée — A" 87 — Samedi U Juin I8W. DIX CENTIMES LE NUMERO 2 e inée — 6 Messidor Ab 101 — N° 87.
wmrMnnrrTHr —i nw iii r-n tTr*'
Le Réveil du Havre
ORGANE RÉPUBLICAIN
PBIX m ABOIEMENTS :
UN AN SIX MOIS
S
■
ADMINISTRATION & RÉDACTION 1
i SS
15, RUE CASIMIR-PÉRIER, 15
j •£
( PRIX DES INSERTIONS :
r
Annonces 25 cent, la ligne
I
Départements 6 fr. 3 50
LE RÉ VE IL DU HA VRE paraît le Samedi
On traite à Forfait
PITRERIES
On remarquait, depuis quelques jours, dans
les journaux opportunistes et boiilangistes,—
touchante union î — des signes certains de
contentement. Le parti radical allait être
écrasé par de terribles révélations, l'un de
ses chefs était sous le coup d’accusations de
haute trahison.
Ceux qui n’ont jamais pardonné au parti
radical d’avoir un programme et d’en vouloir
l’exécution,exultaient déjà. En mots couverts
et avec des mines de compassion profonde, ils
plaignaient ce pauvre parti radical si mal
heureusement décapité, en la personne de M.
Clemenceau. Les anciens amis de Jules
Ferry, qui, comme chacun sait, ont des ressen
timents, à longue échéance, ne se tenaient
pas de joie. On allait pouvoir promener de
vant le peuple, avant les élections, la dé
pouille de l’extrême-gauche.
D’autre part, les survivants déconsidérés
de l’aventure boulangiste, ruminaient tou
jours leur vengeance, exaspérée dans son ai
greur par quatre années d’impopularité péni
blement supportée. Quelle revanche pour eux
si l’un des chefs de l’opposition à la dictature
militaire, l’un des membres les plus actifs du
comité de la rue Cadet, pouvait payer de son
honneur son .courage civique !
Ces gens attendaient donc avec impatience
la séance de jeudi, jour fixé pour l’exécution
de Clémenceau et, avec lui, de tout le parti
radical. Le sacrifice devait avoir lieu, entie
deux et six heures, dans l’enceinte de ce
Palais-Bourbon que le Panama a si triste
ment illustré.
Le sacrificateur s’appelait Millevoye. Pour
rentrer dans la tradition qui exige du bour
reau des mains impures, il s’est accusé lui-
même du vol avec effraction. 11 était donc
digne de tenir la hache et de porter le coup
mortel. 11 était assisté de Déroulède, soldat
égaré dans la vie civile, poète perdu dans la
politique, inconscient que ses amis entraînent
à des besognes indignes de lui.
Millevoye l’exécuteur s’est donc levé. Et
l’on a vu alors cette chose étrange : le bour
reau a dépouillé sa robe rouge et s’est mis à
gambader comme un pitre. On comptait voir
un supplice. On a assisté à la plus colossale
fumisterie de cette fin de siècle pourtant si
fertile en mystifications, puisqu’il a déjà vu,
en un mois, les promenades académiques
d’Achille Le Roy et les dilemnes de M.
Dupuy.
Après avoir entendu jusqu’au bout cette
stupide histoire de brigands, au cours de la
quelle, en donnant un rôle ridicule à l’Am
bassade d’Angleterre, on attaquait dans son
honneur, un homme qui, comme Clémenceau,
a rendu apparemment à la République plus
de services que les machines à voter, chères à
Popportunisme, et encore plus chères — mais
dans un autre sens, — au pays, la Chambre
a voté comme elle devait le faire. Elle a, par
489 voix contre 4, flétri les calomnies odieuses
et ridicules apportées à la tribune.
M. Millevoye, déshonoré aux yeux de ses
propres amis qui l’ont forcé à donner sa démis
sion, s’est enfui comme les voleurs dans la
catégorie desquels il se rangeait modestement.
L’exécuteur s’est exécuté lui-même.
Déroulède, lui aussi, a démissionné. On dit
qu après la séance, il s’est retiré dans un des
bureaux de la chambre pour y verser des
larmes. Nous le concevons sans peine. Quand
on se laisse prendre à des pièges aussi gros
siers, et qu’on se fait accusateur de ceux qu’on
devrait seconder pour le bien de la patrie, on
n’est décidément pas fait pour gouverner les
hommes.
VEHUS.
SEMAINE POLITIQUE
FRANCE
Election législative du 18 Juin 1893
Aisne (2 e circonscription)
MM. Desjardins, rép. rallié... 8,598 voix élu
Vatin, rép. modéré 5,133
★
¥ ¥
Les élections législatives semblent décidément
fixées au 20 août. Ceci résulte d’une note formelle
publiée par les agences et par les journaux offi
cieux.'
*
¥ ¥
En attendant, les discours abondent, et tour, à
tour, il nous est donné la surprise de lire les ha
rangues des chefs de files qui ont tous la prétention
de donner bientôt une nouvelle direction au gou
vernement de la France. Ce n’est pas cette fois
que les élections manqueront de clarté. .
M. Pion, le fervent catholique, vient aussi, à
l’instar des Dupuy et des Constans, de faire sa
cônTeSslOirrépnldicHine. Nous nous demandons ce
que deviendrait la République, si, par suite d’évè
nements impossibles à prévoir, ces convertis
d’hier, ces ralliés de la dernière heure, venaient à
en avoir la direction. Ils nous disent qu’ils accep
tent bien la forme du gouvernement, mais non pas
ses méthodes, ni ses doctrines, ni sa législation,
autrement dit qu’ils veulent bien de la République,
mais non pas de l’esprit républicain ; ils consen
tent simplement, à subir le mot, mais non pas la
chose.
Nous avons foi dans l’avenir et nous n’hésitons
pas à dire aux partisans du vieux régime qu’ils
prêchent dans le désert. Qu’ils sachent bien qa’au-
jourd’iiui, la masse : les petits propriétaires, les
petits bourgeois, les travailleurs des champs et de
râtelier, qui forment la grande majorité de la
nation, veulent des réformes, parce qu’ils sentent
que la raison de la République doit être dans une
répartition plus équitable de bonheur pour tous.
Le jour où les vrais républicains parleront aux
électeurs en leur montrant les deux camps, nul
doute qu’ils seront écoutés et qu’ils iront se ranger
sous leurs bannières.
*
¥ ¥
Nouveau Scandale. — Depuis quelques
jours, l’attention de la presse et des hommes poli
tiques a été tenue en éveil par suite de l’incident
M i llevoye-Clémenceau.
Le plan de ceux qui entament encore une cam
pagne de cette nature est connu depuis longtemps.
Ils ont le désir d’échelonner jusqu’aux élections
des divulgations plus ou moins exactes, mais de
nature à produire de vives sensations, de façon à
ce que le Suffrage universel vote sous l’empire de
l’émotion.
Depuis de longs mois la France se débat sous le
cauchemar des incriminations que des hommes
politiques considérables se sont jetées à la tête, à
propos de l’affaire du Panama.
S’il y a des coupables, aucune considération
ne doit les soustraire au stigmate de la vindicte
publique.
S’il y a des calomniateurs, il faut que la lumière
les montre à tous les yeux, dans leur œuvre de
calomnie.
S’il y a des calomniés, il faut que le grand jour
éclaire leur innocence et les venge.
La France a perdu des heures précieuses à voir
remuer des hontes. Elle n’a plus de temps à con
sacrer à cette besogne ; elle demande une fois de
plus la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
A la Chambre. — Jamais séance n’avait été
plus nombreuse que celle de jeudi. Tous les mi
nistres et tous les députés sont à leurs bancs et
les tribunes regorgent de spectateurs, attirés par
l’annonce d’une exécution, attendant avec impa
tience le développement du scandale qu’on lui
avait promis.
Hâtons-nous de dire que ceux qui avaient pro
voqué tout ce tapage et répandu avec tant de
prouesses ces abominables calomnies contre M.
Clémenceau, ont été châtiés et conspués comme
ils le méritaient. Mis en demeure de fournir les
preuves de leurs infâmes accusations, ils n’ont pu
fournir que quelques piteux documents volés, soi-
disant, dans un coffre-fort de l’ambassade an
glaise, que celle-ci s’est empresée de démentir et
de les les déclarer dénuées de fondement.
A la tribune, du reste, M. Millevoye ne peut
lire que des lettres plus vides les unes que les au
tres, qui soulèvent, sur la grande majorité des
bancs de la Chambre, les réclamations les plus
vives ou une irrésistible hilarité.
Il est question de Monaco, du Pays-Bas, d’un
attaché militaire américain, de MM.Waddington,
Charles Laurent, Ribot, Henri Rochefort, etc. ;
mais de M. Clémenceau, jamais, ou si peu qu’on
n’arrive plus rien à comprendre à l’accusation
portée contre lui.
Alors, M. Déroulède s’est levé de son banc,
déclarant qu’il donnait sa démission de député.
C’est ce qu’il avait de mieux à faire. Il quitte la
séance au milieu d’applaudissements. Quelle
sortie !
M. Maujan dépose un ordre du jour ainsi conçu :
« La Chambre, flétrissant les calomnies odieu
ses et ridicules qui ont été apportées à la tribune,
et regrettant qu’on ait ainsi perdu, pendant toute
une séance, le temps du pays, passe à l’ordre du
jour. »
M. Clémenceau, très pâle, la voix brisée par
une émotion insurmontable, demande aussi un
vote clair, précis, qui traduise nettement l'opinion
de la Chambre.
M. Millevoye monte à la tribune. Il proteste
contre l’ordre du jour de M. Maujan. Il se réserve
d’établir devant la justice l’authenticité de ses
documents, et, pour être plus libre devant elle, il
donne sa démission de député.
'Û.. Ernest Roche proteste contre l’infâme accu
sation portée contre M. Rochefort, qui ne peut se
défendre.
Puis M. Castelin monte à la tribune pour ex
pliquer la conduite qu’il tiendra dans le vote de
l’ordre du jour. Lui et ses amis politiques s’ab
stiendront, mais ils croient qu’ils ont rempli un
devoir en exigeant de M. Millevoye sa démission
de député.
De nombreux applaudissements accueillent la
déclaration du député de l’Aisne.
On passe au vote.
L’ordre du jour de M. Maujan est adoptée par
489 voix contre 4. (Longs applaudissements).
La séance est levée.
★
¥ ¥
ALLEMAGNE
Les Elections allemandes. — Le scrutin
de ballottage : Le scrutin de ballottage est défi
nitivement fixé à aujourd’hui 24 et tous les partis
s’emploient avec une rare activité au dernier
assaut. Tout permet d’affirmer que ce second tour
donnera aux démocrates-socialistes une victoire
encore plus considérable que celle qu’ils espé
raient dès que le Reichstag fut dissous. En effet,
les progressistes, qui ont essuyé une défaite ou,
pour mieux dire, un écrasement complet, ont
décidé de voter pour les candidats socialistes.
Voici les résultats officiels du premier tour de
scrutin. Il y a 217 élections définitives et 180
ballottages. Les 217 représentants élus se répar
tissent de la façon suivante :
Conservateurs 49, membres du parti de l’empire
11, nationaux-libéraux 15, centre 81, progressistes
(nuance Richter) 0, progressistes dissidents 3,
socialistes 24, démocrates du Sud 4, polonais 12,
antisémites 3, alsaciens-lorrains 9, danois 1,
sauvages (indépendants) 5.
Electeurs havrais, En avant !
L’époque des élections législatives est proche.
Il importe donc au plus haut point que les Comi
tés réqublicains radicaux s’organisent prompte
ment et imposent leurs revendications à ceux qui
veulent briguer l’honneur de les représenter.
k II faut une politique nette et loyale ; il fané
montrer des résolutions viriles et combattre tout
candidat qui ne se déclarera pas partisan immédiat
de réformes réclamées par la classe laborieuse.
Il faut en finir avec l’opportunisme, cette poli
tique hybride qui consiste uniquement à promet
tre des réformes et à ne pas les tenir. Il est temps
de cesser le jeu de bascule au moyen duquel nos
députés préparent hâtivement des lois mal combi
nées eu comptant sur le Sénat pour les annuler.
Certes, nous n’ignorons pas que le Sénat est
animé de sentiments rétrogrades et que l’âge de
ses membres le porterait plutôt au repos qu’au
travail, mais enfin il est républicain, et, depuis
quelques années, diverses sommités de la.
Chambre des députés ont émigré et lui ont appor
té le concours d'un réel talent. Si donc les lois de
travail et de production élaborées par la Chambre
étaient bien étudiées, il y a lieu d’espérer que le
Sénat ne les rejetterait pas impitoyablement et,
sous peine d’une réprobation générale, en admet
trait au moins une bonne partie.
Il est temps d’exiger de nos représentants une
politique franche et de bon aloi. Assez de ces com
promissions louches, de ces tristes transactions
qui ont miné la fortune politique de nos princi
paux hommes d’Etat. Ils ont eu beau louvoyer/
tergiverser, rien n’y a fait et un beau jour la
conscience nationale les a précipités du pouvoir,
sans qu’ils puissent concevoir l’espérance d'y re
monter.
Si la prochaine législature est aussi nulle que
la dernière, il faudra renoncer à reprendre l’in
fluence à laquelle nous avons droit.
Ne voit-on pas qu’à Madagascar, à Siam, nous
sommes bernés et que bientôt dans nos grandes
colonies l’appui d’un ministre étranger sera bien
supérieur à celui de nos résidents ?
Cette situation impose donc de grands devoirs
aux électeurs.
Il faut donc que les Comités se constituent, efc
que tous les vrais républicains se groupent. Qu’ils
n’oublient pas que la République va être envahie
par les ralliés et que pour combattre cette nou
velle politique dissolvante, il faut des hommes
hardis, courageux et prenant l’exemple de la
vertu et du civisme, non dans la Chambre ac
tuelle, mais bien dans les Assemblées législatives
et constituantes de la première République.
Souvenons-nous, que si jadis il y a eu des excès
regrettables, ils n’ont jamais été provoqués que
par la grandeur de leur patriotisme.
ÉTUDES POLITICO-ASTRONOMIQUES
Les pluies d’étoiles
Les savants désignent sous le nom de pluies
d'étoiles , les chutes d’aérolithes qui, à certaines
époques de l’année, sillonnent l’atmosphère efc
nous donnent l’illusion d’une pluie de feu.
Notre grand Arago, aussi illustre par son savoir
que par la fermeté de ses convictions républicai
nes, a, le premier, constaté la périodicité de ce
brillant phénomène, qui se manifeste avec le plus
d’intensité le 10 août et 13 novembre. Il n’esfc
pourtant guère de nuit où l’on ne puisse voir uw
de ces météores, une de ces étoiles filantes qui,
après avoir brillé d’un éphémère éclat, vient s’abî
mer et s’éteindre snr notre globle terraqué.
Ces soi-disant étoiles sont parfois de dimensions
considérables.
Dans l’ordre politique, un phénomène analogue
se produit en France, avec la même régularité ; la
date des averses n’est cependant pas la même, et
varie suivant les gouvernements.
Du temps de Louis-Philippe, le 1 er janvier efc le
1 er mai étaient les jours où la pluie des étoiles,
pardon, des décorations, atteignaient son maxi
mum d’intensité.
Le bandit qui termina si honteusement sa car
rière politique à Sedan, reporta au 15 août la
grande averse du 1 er mai, la République l’a fixée
au 14 juillet.
Il n’est pourtant pas de jour où une de ces étoi
les, si enviées, ne viennent frapper, en pleine poi-
wmrMnnrrTHr —i nw iii r-n tTr*'
Le Réveil du Havre
ORGANE RÉPUBLICAIN
PBIX m ABOIEMENTS :
UN AN SIX MOIS
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ADMINISTRATION & RÉDACTION 1
i SS
15, RUE CASIMIR-PÉRIER, 15
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( PRIX DES INSERTIONS :
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Annonces 25 cent, la ligne
I
Départements 6 fr. 3 50
LE RÉ VE IL DU HA VRE paraît le Samedi
On traite à Forfait
PITRERIES
On remarquait, depuis quelques jours, dans
les journaux opportunistes et boiilangistes,—
touchante union î — des signes certains de
contentement. Le parti radical allait être
écrasé par de terribles révélations, l'un de
ses chefs était sous le coup d’accusations de
haute trahison.
Ceux qui n’ont jamais pardonné au parti
radical d’avoir un programme et d’en vouloir
l’exécution,exultaient déjà. En mots couverts
et avec des mines de compassion profonde, ils
plaignaient ce pauvre parti radical si mal
heureusement décapité, en la personne de M.
Clemenceau. Les anciens amis de Jules
Ferry, qui, comme chacun sait, ont des ressen
timents, à longue échéance, ne se tenaient
pas de joie. On allait pouvoir promener de
vant le peuple, avant les élections, la dé
pouille de l’extrême-gauche.
D’autre part, les survivants déconsidérés
de l’aventure boulangiste, ruminaient tou
jours leur vengeance, exaspérée dans son ai
greur par quatre années d’impopularité péni
blement supportée. Quelle revanche pour eux
si l’un des chefs de l’opposition à la dictature
militaire, l’un des membres les plus actifs du
comité de la rue Cadet, pouvait payer de son
honneur son .courage civique !
Ces gens attendaient donc avec impatience
la séance de jeudi, jour fixé pour l’exécution
de Clémenceau et, avec lui, de tout le parti
radical. Le sacrifice devait avoir lieu, entie
deux et six heures, dans l’enceinte de ce
Palais-Bourbon que le Panama a si triste
ment illustré.
Le sacrificateur s’appelait Millevoye. Pour
rentrer dans la tradition qui exige du bour
reau des mains impures, il s’est accusé lui-
même du vol avec effraction. 11 était donc
digne de tenir la hache et de porter le coup
mortel. 11 était assisté de Déroulède, soldat
égaré dans la vie civile, poète perdu dans la
politique, inconscient que ses amis entraînent
à des besognes indignes de lui.
Millevoye l’exécuteur s’est donc levé. Et
l’on a vu alors cette chose étrange : le bour
reau a dépouillé sa robe rouge et s’est mis à
gambader comme un pitre. On comptait voir
un supplice. On a assisté à la plus colossale
fumisterie de cette fin de siècle pourtant si
fertile en mystifications, puisqu’il a déjà vu,
en un mois, les promenades académiques
d’Achille Le Roy et les dilemnes de M.
Dupuy.
Après avoir entendu jusqu’au bout cette
stupide histoire de brigands, au cours de la
quelle, en donnant un rôle ridicule à l’Am
bassade d’Angleterre, on attaquait dans son
honneur, un homme qui, comme Clémenceau,
a rendu apparemment à la République plus
de services que les machines à voter, chères à
Popportunisme, et encore plus chères — mais
dans un autre sens, — au pays, la Chambre
a voté comme elle devait le faire. Elle a, par
489 voix contre 4, flétri les calomnies odieuses
et ridicules apportées à la tribune.
M. Millevoye, déshonoré aux yeux de ses
propres amis qui l’ont forcé à donner sa démis
sion, s’est enfui comme les voleurs dans la
catégorie desquels il se rangeait modestement.
L’exécuteur s’est exécuté lui-même.
Déroulède, lui aussi, a démissionné. On dit
qu après la séance, il s’est retiré dans un des
bureaux de la chambre pour y verser des
larmes. Nous le concevons sans peine. Quand
on se laisse prendre à des pièges aussi gros
siers, et qu’on se fait accusateur de ceux qu’on
devrait seconder pour le bien de la patrie, on
n’est décidément pas fait pour gouverner les
hommes.
VEHUS.
SEMAINE POLITIQUE
FRANCE
Election législative du 18 Juin 1893
Aisne (2 e circonscription)
MM. Desjardins, rép. rallié... 8,598 voix élu
Vatin, rép. modéré 5,133
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Les élections législatives semblent décidément
fixées au 20 août. Ceci résulte d’une note formelle
publiée par les agences et par les journaux offi
cieux.'
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En attendant, les discours abondent, et tour, à
tour, il nous est donné la surprise de lire les ha
rangues des chefs de files qui ont tous la prétention
de donner bientôt une nouvelle direction au gou
vernement de la France. Ce n’est pas cette fois
que les élections manqueront de clarté. .
M. Pion, le fervent catholique, vient aussi, à
l’instar des Dupuy et des Constans, de faire sa
cônTeSslOirrépnldicHine. Nous nous demandons ce
que deviendrait la République, si, par suite d’évè
nements impossibles à prévoir, ces convertis
d’hier, ces ralliés de la dernière heure, venaient à
en avoir la direction. Ils nous disent qu’ils accep
tent bien la forme du gouvernement, mais non pas
ses méthodes, ni ses doctrines, ni sa législation,
autrement dit qu’ils veulent bien de la République,
mais non pas de l’esprit républicain ; ils consen
tent simplement, à subir le mot, mais non pas la
chose.
Nous avons foi dans l’avenir et nous n’hésitons
pas à dire aux partisans du vieux régime qu’ils
prêchent dans le désert. Qu’ils sachent bien qa’au-
jourd’iiui, la masse : les petits propriétaires, les
petits bourgeois, les travailleurs des champs et de
râtelier, qui forment la grande majorité de la
nation, veulent des réformes, parce qu’ils sentent
que la raison de la République doit être dans une
répartition plus équitable de bonheur pour tous.
Le jour où les vrais républicains parleront aux
électeurs en leur montrant les deux camps, nul
doute qu’ils seront écoutés et qu’ils iront se ranger
sous leurs bannières.
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Nouveau Scandale. — Depuis quelques
jours, l’attention de la presse et des hommes poli
tiques a été tenue en éveil par suite de l’incident
M i llevoye-Clémenceau.
Le plan de ceux qui entament encore une cam
pagne de cette nature est connu depuis longtemps.
Ils ont le désir d’échelonner jusqu’aux élections
des divulgations plus ou moins exactes, mais de
nature à produire de vives sensations, de façon à
ce que le Suffrage universel vote sous l’empire de
l’émotion.
Depuis de longs mois la France se débat sous le
cauchemar des incriminations que des hommes
politiques considérables se sont jetées à la tête, à
propos de l’affaire du Panama.
S’il y a des coupables, aucune considération
ne doit les soustraire au stigmate de la vindicte
publique.
S’il y a des calomniateurs, il faut que la lumière
les montre à tous les yeux, dans leur œuvre de
calomnie.
S’il y a des calomniés, il faut que le grand jour
éclaire leur innocence et les venge.
La France a perdu des heures précieuses à voir
remuer des hontes. Elle n’a plus de temps à con
sacrer à cette besogne ; elle demande une fois de
plus la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
A la Chambre. — Jamais séance n’avait été
plus nombreuse que celle de jeudi. Tous les mi
nistres et tous les députés sont à leurs bancs et
les tribunes regorgent de spectateurs, attirés par
l’annonce d’une exécution, attendant avec impa
tience le développement du scandale qu’on lui
avait promis.
Hâtons-nous de dire que ceux qui avaient pro
voqué tout ce tapage et répandu avec tant de
prouesses ces abominables calomnies contre M.
Clémenceau, ont été châtiés et conspués comme
ils le méritaient. Mis en demeure de fournir les
preuves de leurs infâmes accusations, ils n’ont pu
fournir que quelques piteux documents volés, soi-
disant, dans un coffre-fort de l’ambassade an
glaise, que celle-ci s’est empresée de démentir et
de les les déclarer dénuées de fondement.
A la tribune, du reste, M. Millevoye ne peut
lire que des lettres plus vides les unes que les au
tres, qui soulèvent, sur la grande majorité des
bancs de la Chambre, les réclamations les plus
vives ou une irrésistible hilarité.
Il est question de Monaco, du Pays-Bas, d’un
attaché militaire américain, de MM.Waddington,
Charles Laurent, Ribot, Henri Rochefort, etc. ;
mais de M. Clémenceau, jamais, ou si peu qu’on
n’arrive plus rien à comprendre à l’accusation
portée contre lui.
Alors, M. Déroulède s’est levé de son banc,
déclarant qu’il donnait sa démission de député.
C’est ce qu’il avait de mieux à faire. Il quitte la
séance au milieu d’applaudissements. Quelle
sortie !
M. Maujan dépose un ordre du jour ainsi conçu :
« La Chambre, flétrissant les calomnies odieu
ses et ridicules qui ont été apportées à la tribune,
et regrettant qu’on ait ainsi perdu, pendant toute
une séance, le temps du pays, passe à l’ordre du
jour. »
M. Clémenceau, très pâle, la voix brisée par
une émotion insurmontable, demande aussi un
vote clair, précis, qui traduise nettement l'opinion
de la Chambre.
M. Millevoye monte à la tribune. Il proteste
contre l’ordre du jour de M. Maujan. Il se réserve
d’établir devant la justice l’authenticité de ses
documents, et, pour être plus libre devant elle, il
donne sa démission de député.
'Û.. Ernest Roche proteste contre l’infâme accu
sation portée contre M. Rochefort, qui ne peut se
défendre.
Puis M. Castelin monte à la tribune pour ex
pliquer la conduite qu’il tiendra dans le vote de
l’ordre du jour. Lui et ses amis politiques s’ab
stiendront, mais ils croient qu’ils ont rempli un
devoir en exigeant de M. Millevoye sa démission
de député.
De nombreux applaudissements accueillent la
déclaration du député de l’Aisne.
On passe au vote.
L’ordre du jour de M. Maujan est adoptée par
489 voix contre 4. (Longs applaudissements).
La séance est levée.
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ALLEMAGNE
Les Elections allemandes. — Le scrutin
de ballottage : Le scrutin de ballottage est défi
nitivement fixé à aujourd’hui 24 et tous les partis
s’emploient avec une rare activité au dernier
assaut. Tout permet d’affirmer que ce second tour
donnera aux démocrates-socialistes une victoire
encore plus considérable que celle qu’ils espé
raient dès que le Reichstag fut dissous. En effet,
les progressistes, qui ont essuyé une défaite ou,
pour mieux dire, un écrasement complet, ont
décidé de voter pour les candidats socialistes.
Voici les résultats officiels du premier tour de
scrutin. Il y a 217 élections définitives et 180
ballottages. Les 217 représentants élus se répar
tissent de la façon suivante :
Conservateurs 49, membres du parti de l’empire
11, nationaux-libéraux 15, centre 81, progressistes
(nuance Richter) 0, progressistes dissidents 3,
socialistes 24, démocrates du Sud 4, polonais 12,
antisémites 3, alsaciens-lorrains 9, danois 1,
sauvages (indépendants) 5.
Electeurs havrais, En avant !
L’époque des élections législatives est proche.
Il importe donc au plus haut point que les Comi
tés réqublicains radicaux s’organisent prompte
ment et imposent leurs revendications à ceux qui
veulent briguer l’honneur de les représenter.
k II faut une politique nette et loyale ; il fané
montrer des résolutions viriles et combattre tout
candidat qui ne se déclarera pas partisan immédiat
de réformes réclamées par la classe laborieuse.
Il faut en finir avec l’opportunisme, cette poli
tique hybride qui consiste uniquement à promet
tre des réformes et à ne pas les tenir. Il est temps
de cesser le jeu de bascule au moyen duquel nos
députés préparent hâtivement des lois mal combi
nées eu comptant sur le Sénat pour les annuler.
Certes, nous n’ignorons pas que le Sénat est
animé de sentiments rétrogrades et que l’âge de
ses membres le porterait plutôt au repos qu’au
travail, mais enfin il est républicain, et, depuis
quelques années, diverses sommités de la.
Chambre des députés ont émigré et lui ont appor
té le concours d'un réel talent. Si donc les lois de
travail et de production élaborées par la Chambre
étaient bien étudiées, il y a lieu d’espérer que le
Sénat ne les rejetterait pas impitoyablement et,
sous peine d’une réprobation générale, en admet
trait au moins une bonne partie.
Il est temps d’exiger de nos représentants une
politique franche et de bon aloi. Assez de ces com
promissions louches, de ces tristes transactions
qui ont miné la fortune politique de nos princi
paux hommes d’Etat. Ils ont eu beau louvoyer/
tergiverser, rien n’y a fait et un beau jour la
conscience nationale les a précipités du pouvoir,
sans qu’ils puissent concevoir l’espérance d'y re
monter.
Si la prochaine législature est aussi nulle que
la dernière, il faudra renoncer à reprendre l’in
fluence à laquelle nous avons droit.
Ne voit-on pas qu’à Madagascar, à Siam, nous
sommes bernés et que bientôt dans nos grandes
colonies l’appui d’un ministre étranger sera bien
supérieur à celui de nos résidents ?
Cette situation impose donc de grands devoirs
aux électeurs.
Il faut donc que les Comités se constituent, efc
que tous les vrais républicains se groupent. Qu’ils
n’oublient pas que la République va être envahie
par les ralliés et que pour combattre cette nou
velle politique dissolvante, il faut des hommes
hardis, courageux et prenant l’exemple de la
vertu et du civisme, non dans la Chambre ac
tuelle, mais bien dans les Assemblées législatives
et constituantes de la première République.
Souvenons-nous, que si jadis il y a eu des excès
regrettables, ils n’ont jamais été provoqués que
par la grandeur de leur patriotisme.
ÉTUDES POLITICO-ASTRONOMIQUES
Les pluies d’étoiles
Les savants désignent sous le nom de pluies
d'étoiles , les chutes d’aérolithes qui, à certaines
époques de l’année, sillonnent l’atmosphère efc
nous donnent l’illusion d’une pluie de feu.
Notre grand Arago, aussi illustre par son savoir
que par la fermeté de ses convictions républicai
nes, a, le premier, constaté la périodicité de ce
brillant phénomène, qui se manifeste avec le plus
d’intensité le 10 août et 13 novembre. Il n’esfc
pourtant guère de nuit où l’on ne puisse voir uw
de ces météores, une de ces étoiles filantes qui,
après avoir brillé d’un éphémère éclat, vient s’abî
mer et s’éteindre snr notre globle terraqué.
Ces soi-disant étoiles sont parfois de dimensions
considérables.
Dans l’ordre politique, un phénomène analogue
se produit en France, avec la même régularité ; la
date des averses n’est cependant pas la même, et
varie suivant les gouvernements.
Du temps de Louis-Philippe, le 1 er janvier efc le
1 er mai étaient les jours où la pluie des étoiles,
pardon, des décorations, atteignaient son maxi
mum d’intensité.
Le bandit qui termina si honteusement sa car
rière politique à Sedan, reporta au 15 août la
grande averse du 1 er mai, la République l’a fixée
au 14 juillet.
Il n’est pourtant pas de jour où une de ces étoi
les, si enviées, ne viennent frapper, en pleine poi-
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