Titre : Le Réveil du Havre : organe républicain ["puis" organe républicain-socialiste indépendant "puis" organe du Parti républicain démocratique]
Éditeur : [s.n.] (Le Havre)
Date d'édition : 1892-08-13
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32854639q
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 13 août 1892 13 août 1892
Description : 1892/08/13 (N45). 1892/08/13 (N45).
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k3263246b
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-89667
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/04/2019
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l re Année — N° 45 — Samedi 15 Août 1892.
CINQ CENTIMES LE NUMERO
l re Année — 26 Thermidor An 100 — S° 45.
Le Réveil du Havre
(ORGANE RÉPUBLICAIN
vm DES ABOIEMENTS :
Le Havre. . V...
Départements
UN an six MOIS
3 IV. 2 fr.
4 fr. 2 50
ADMINISTRATION & RÉDACTION
15, RUE CASIMIH-PÉRIER, 15
LE RÉVEIL DU HAVRE paraît le Samedi .
PRIX DES INSERTIONS :
Annonces 25 cent, la ligne
Réclames 50 cent, la ligne
On traite à Forfait
sa
Le Grand Centenaire
• •• il • -
L’anniversaire lé plus glorieux de la Ré
volution Française s’est passé dans un calme
complet et, disons le mot, honteux pour notre
génération, n , l :
Le Centenaire du Dix Août 1792 devait
rallier tous les Français dans un sentiment
unanime de reconnaissance et de foi patrio
tique et républicaine : il n’a trouvé, dans la
grande majorité du pays, — sauf Paris, —
que l'ingratitude et l'indifférence.
11 méritait d’être fêté officiellement sur tout
le territoire par des réjouissances publiques.
La proposition en avait été faite au Parlement
qui l’a rejetée ; le Conseil municipal de Paris
avait voté des fonds pour une fête publique
dans la capitale ; sa décision a été annulée par
le gouvernement.
Cette attitude à l'égard du Dix Août
prouve, ou que l’on se fait une idée encore
bien confuse des choses de la Révolution ou
que, pour des raisons quelconques, on veut
ne pas les apprécier comme elles le méritent.
* # , * •
Il vous est arriyjé. sang .dout^ j fr Éft der
niers temps, de Aire quelques ‘uns deis ergo
tages qui ont été écrits sur ce centenaire dans
les journaux d’opinion modérée ; mais vous
n’avez certainement rien vu d’aussi lamenta
ble et d’aussi perfide que l’article paru dans Le
Petit Havre, le jour de F anniversaire, et
même les journaux réactionnaires n’ont pas
été — quoique dans leur rôle — plus insul
tants pour cette journée.
Il trouve que ceux qui fêtent le Dix Août
ont perdu le sens des choses, parce qu’il y a eu
guerre civile et sang versé. La pauvreté de ce
raisonnement nous permet de voir combien
dans un certain monde l’on est décidément
efféminé !
Le Petit Havre , qui nous parle du Radical et
de M. Maret, oublie de nous citer ce que dit
ce dernier à ce propos ; nos lecteurs nous
sauront gré de combler cette lacune :
a On n’a pas voulu fêter le Dix Août,
« parce que, dit-on, la journée a été san-
« glante, et que ce n’est pas un bon souvenir
« à réveiller que celui du massacre des Tui-
« leries.
« La raison est pitoyable, attendu qu’il
« il n’y ait eu des morts, qu’il s’est répandu
cc beaucoup de sang en Juillet, ce qui n’a pas
« empêché de fêter les mémorables journées,
« non sous la République, mais sous la mo-
« narehie du bon roi Louis-Philippe ; attendu
« enfin qu’on célèbre très bien des anniver-
« saires de grandes batailles, où le nombre
« des cadavres a été bien autrement considé-
1 Nous pourrions ajouter que le 14 Juillet,
qui est devenu fête nationale, ne s’est pas
' accompli sans effusion de sang.
; Les raisons avancées par Le Petit Havre sont
î donc mauvaises. S’il fallait célébrer F anniver
saire du 4 septembre 1870, il trouverait l’occa-
’sion de s’écrier : « Y pensez-vous ! une révo
lution faite le lendemain de Sedan ! »
; Ce sont, en somme, des chercheurs de petite
bête ; mais leurs façons de produire ainsi des
arguties à tout propos, aboutissent en fin de
compte à une situation énervante qui suppri
me toute générosité, tout mouvement spon
tané, tout enthousiasme. Or, un peuple sans
enthousiasme devient bientôt un peuple à
plaindre.
★
* *
Heureusement, toutefois, que cet état n’est
pas arrivé à son point incurable ; il n’est, à
tout prendre, que la conséquence du Carno-
tisme qui règne en co moment. Paraître cor
rect, voilà le bon républicain I Avec les réac
tionnaires qui, hier, sous le 16 Mai, nous
auraient impitoyablement envoyés à Nouméa
et qui demain nous y expédieraient encore
sans merci, il faut être correct —- voilà la
bonne, la vraie politique ! —
Dans cette situation, c’est pour nous un
devoir de nous reporter cent ans en arrière
afin de nous retremper dans ces journées
révolutionnaires ; nous puiserons dans l’étude
de cette sublime époque l’enseignement et la
force, nécessaire pour marcher vers l’avenir
et nous armer contre les découragements.
* ★
¥ ¥
Il y a, dans la Révolution Française, plu
sieurs dates principales qui sont, — on l’a dit
souvent, — comme des cimes plus élevées de
cette chaîne d’événements qui se sont déroulés
à ce moment.
Le mouvement s’ouvre le u mai 1789 par
la réunion des Etats Généraux.
Il se continue par le*0 Juin 1789, serment
du Jeu de Paume, pour prendre le 14 Juillet
suivant un caractère tout à fait populaire.
La Révolution s’affirme et reçoit la consé
cration du peuple.
Les journées des 5 et 6 Octobre 1789 font
rentrer Louis XVI et sa famille, de Versailles
à Paris, et la royauté se trouve ainsi subor
donnée à l’Assemblée constituante.
Les travaux de la Constituante du 23 juin
1789 au 1 er octobre 1791, et de l’Assemblée
législative après le 1 er octobre, remplissent
trois années d’un travail considérable de
réformes dans tous les ordres.
Mais les réformes politiques que l’on faisait
se trouvaient, d’un autre côté, minées par les
contre-révolutionnaires. De plus, la coalition
étrangère, excitée par les frères du roi, par
les émigrés, par la cour et le roi lui-même, se
préparait à attaquer la France ; depuis le
mois de mai 1791, d’ailleurs, des pourparlers
avaient lieu entre le roi et l’étranger. De sorte
qu’il y avait, à l’intérieur, le parti contre-
révolutionnaire qui menaçait le nouvel ordre
de choses, et, au dehors, l’étranger qui était
prêt à nous faire la guerre, tout cela inspiré
et conduit par la royauté.
Il devenait donc indispensable de supprimer
cette royauté qui constituait un danger consi
dérable.
Malheureusement, l’Assemblée législative
ne contenait pas un assez grand nombre d’hom
mes énergiques pour accomplir cet acte de
vigueur. Elle ajournait sans cesse la déchéance
du roi,'que tout le monde réclamait.
C’est alors que Paris se chargea de faire ce
que l’Assemblée était incapable de réaliser ; il
fit le Dix Août et débarrassa la France de la
royauté.
La royauté, c’était le signe représentatif de
l’ancien état de choses que la Révolution avait
remplacé ; elle était devenue un obstacle, il
fallait la supprimer à tout prix.
Le peuple de Paris prêta noblement son
concours aux hommes politiques, Danton en
tête, qui avaient préparé P insurrection. Les
Tuileries furent attaquées, et le roi fait pri
sonnier.
Grâce au Dix Août, on a pu organiser la
défense nationale, réunir la Convention dont
l’œuvre est impérissable, proclamer la Répu
blique ; sans le Dix Août, des entraves nom
breuses auraient arrêté à chaque pas la marche
de la Révolution,
★
¥ ¥
Mais la royauté une fois supprimée, il
importait de sanctionner cette suppression par
la suppression de l'homme lui-même : c’était
le meilleur moyen de s’assurer qu’il ne s’oppo
serait plus aux réformes ! Le 21 Janvier 1791
devint donc la journée complémentaire de
celle du 10 Août; mais elle ne fut pas seule
ment légitime ; elle fut un acte de justice pour
punir le traître à la France.
A
* ¥
De toutes ’ces dates que nous venons de
passer en revue, le Dix Août surpasse les
autres toutes par l’importance des services ren
dus et par la grandeur du sacrifice accompli.
Car s’il est vrai que de pauvres Suisses, salariés
après tout, et dans l’accomplissement d’un
devoir commandé, ont péri malheureusement,
il y a eu des milliers de citoyens qui sont
morts pour la Patrie, pour la République,
généreusement, sans salaire, qui se sont offerts
volontairement aux immolations des soldats
du roi ! Ils s’imposent ainsi à notre admiration
et à notre reconnaissance, et la France répu
blicaine leur doit une glorification publique
et solennelle ! •
Le gouvernement ne l’a pas compris ainsi,
et s’est opposé à toute manifestation officielle :
c’est une grande faute.
Honneur aux vainqueurs du Dix Août, et
Vive la République !
APRÈS LE CO MBAT
A propos du 10 Août, nous croyons être agréable
à nos lecteurs en empruntant à Y Histoire des Giron
dins, de Lamartine, les pages magistrales qui sui
vent. On verra comment le grand poète, qui fut
aussi un grand historien, apprécie l’admirable rôle
du peuple de Paris dans cette héroïque journée,
où les vainqueurs montrèrent, après leur victoire
douloureuse, tant de désintéressement, tant de
générosité.
Nous commençons la reproduction de Lamartine
au chapitre qui suit le récit de la prise du château
des Tuileries :
Aspect de l’Assemblée.
Les pétitionnaires à la barre.
Dépouilles du château apportées par les
combattants. — La royauté suspen
due. — La Convention décrétée.
Paris le soir du 40 Août.
L’Assemblée ne comptait pas trois cents mem
bres présents dans la journée du 10 Août. Les
membres du côté droit et les membres du parti
constitutionnel, pressentant qu’ils n’auraient qu’à
sanctionner les volontés du peuple ou à périr,'
s’étalent abstenus de se rendre à la séance. Les
Girondins et les Jacobins y assistaient seuls. Mais
les rangs dégarnis de la' représentation étaient
peuplés d’étrangers, de pétitionnaires, de membres
des clubs, d’hommes de travail qui. assis pêle-mêle
avec les députés, offraient a i’œil l’image de ia
confusion du peuple et de ses représentants, par
lant, gesticulant, consultant, se levant avec les
députes, comme sous l’empire d’un péril public
qui identifiait l’Assemblée et les spectateurs. Dans
une catastrophe qui intéresse au même degré
toutes tes âmes, personne ne regardé, tout le
monde agit. Tel était l’aspect de l’Assemblée pen
dant et après le combat. Aucun discours ; des
gestes soudains et unanimes ; des cris d’horreur ou
de triomphe ; des serments renouvelés à chaque
instant, comme pour se raffermir par le bruit d’une
acclamation civique contre l’ébranlement du ca
non qui reteniissait aux portes ; des députations
nommées, essayant de sortir, refoulées dans la
salle; enfin dès appels nominaux qui usaient
l’heure en.apparences d’action, et qui donnaient
aux événements Te temps d’éclore et d’enfanter
une résolution décisive.
Aussitôt que le peuple fut maître du château,
les cris de victoire pénétrèrent du dehors par tou
tes les issues dans la salle. L’Assemblée se leva eu
masse et s’associa au triomphe du peuple parle
serment de maintenir l’égalité et la liberté. De
minute en minute, des hommes du peuple, les
bras nus, les mains sanglantes, le visage noirci de
poudre, entraient aux applaudissements des tribu
nes, s’avancaient à la barre, racontaient en paroles
brèves les pei fides embûches de la cour, qui avait
attiré les citoyens par des apparences de trêve sous
le feu des Suisses pour les immoler. D’autres,
montrant du geste la loge du logographe, offraient
leurs bras à la nation pour exterminer le tyran et
l’assassin de son peuple.
« C’est cette cour perfide, s’écria un de ces ora
teurs en découvrant sa poitrine frappée d’une balle
et ruisselante de sang, c’est celte cour perfide qui
a fait couler ce sang, nous n’avons pénétré dans
le palais qu’en marchant sur les monceaux de ca
davres de nos frères massacrés! Nous avons fait
prisonniers plusieurs de ces satellites d’un roi par
ricide. C’est le roi seul/ que nous accusons. Ges
hommes n’étaient que les instruments de sa tra
hison ; du moment qu’ils ont mis bas les armes,
dans ces assassins soudoyés, nous ne voyons plus
d’enemis, nous ne voulons voir que des frères! *
A ces mots, il embrasse un Suisse désarmé, qu’il
avait amené par la main, et il tombe évanoui au
milieu de la salle, épuisé de fatigue, d’émotions,
de sang Des députes se précipitent, l’emportent.
Je rendent à ia vie. IL reprend ses sens, il se relève,
il rentre a la barre : <• Je sens renaître mes forces,
dit-il, je demande à l’Assemblée de permettre à ce
malheureux Suisse de demeurer chez moi ; je veux
le protéger et Je nourrir. Voila la vengeance d’un
patriote français ! >>
La générosité de ce ciioyen se communique à
l’Assemblée et aux tribunes. On envoie des dépu
tations au peuple pour arrêter le massacre. Ou fait
entrer dans la cour des Feuillants les Suisses qui
stationnaient encore sur la terrasse, exposés à la
fureur du peuple. Ces soldats déchargent leurs
fusils en l’air en signe de confiance et de sécurité.
Ils sont introduits dans les couloirs, dans les cours
et jusque dans les bureaux de l’Assemblée.
Des combattants apportent successivement et
déposent sur la table du président la vaisselle
d’argent, les sacs d’or, les diamants, les bijoux pré
cieux, les meubles de prix et jusqu’aux portefeuilles
et aux lettres trouvés dans les appartements de la
famille royale. Des applaudissements saluent ces
actes de probité. Les armes, l’or, les assignats
trouvés dans les vêlements des Suisses, sont accu
mulés au pied de la tribune. Le roi et la reine as
sistent du fond de leur loge à l’inventaire des dé
pouilles trouvées dans leurs plus secrets apparte
ments
Le président remet tous ces objets sous la res
ponsabilité d’Huguenin, commLsaire de la nou
velle i ornmune. Le canon se tait. La fusillade se
ralentit. Les pétitionnaires demandent à grands
cris, ou ia tête ou la déchéance du roi : « Vous
n’arrêterez la vengeance du peuple qu’en lui fai
sant justice. Représentants, soyez fermes ! Vous
avez l’obligation de nous sauver ! Osez jurer que
vous sauverez l’empire, et l’empire est sauvé ! »
Ces voix imploraient comme on ordonne.
Les Girondins, indécis jusque-là entre l’abaisse
ment et la chute du trône sentirent qu’il fallait ou
le précipiter eux-mêmes ou être entraînés avec lui.
Vergniaud laissa J.a présidence a Guadet, pour que
l’Assemblée, pendant son absence, restât sous la
main d’un homme de sa faction. La commission
extraordinaire, où les Girondins avaient la majo
rité du nombre, de l’importance et du talent s’as
sembla séance tenante. La délibération ne fut pas
longue. Le canon délibérait pour elle. Le peuple
attendait. Vergniaud prend la plume et rédige pré
cipitamment l’acte de suspension provisoire de la
royauté. Il rentre et lit, au milieu d’un profond
silence et à quatre pas du roi, qui l’écoute, le plé
biscite de la déchéance. Le son de la voix de Ver
gniaud était solennel et triste, son attitude morne,
son geste abattu. Soit que la nécessité de lire la
condamnation de ia monarchie en présence du.
monarque imposât à ses lèvres et à son cœur la
décadence de la pitié, soit que le repentir de i’im-
puision qu’ii avait donnée aux événements le sai
sît, et qu’il se sentît déjà l’instrument passif d’une
fatalité qui lui demandait plus que sa conscience
ne consentait, il semblait moins déclarer la victoire
de son parti que prononcer sa propre sentence.
Ce décret fut adopté sans discution. Le roi l’en-
tenditsans étonnement et sans douleur. Au moment
du vote, il s’adressa au député Coustard, placé
au-dessus de la loge du logographe avec lequel il
s’était entretenu familièrementpendant la séance:
« Ce que vous faites là n’est pus très constitu
tionnel •>, lui dit le roi d’un ton d’ironie qui con
trastait avec la solennité de la circonstance. ■—
« C’est vrai, Sire, répondit Coustard, mais c’est le
seul moyen de sauver votre vie. » Et il vota contre
le roi en s’entretenant avec l’homme...
L’Assemblée fit rédiger l’analyse de ses décrets
,du jour et envoya des commissaires les publier
aux flambeaux, dans toutes les rues de Paris.
★
¥ ¥
Le ciel était serein ; la fraîcheur du soir et l’émo
tion fébrile des. événements du jour engageaient
les habitants à sortir de leurs demeures et à respirer
l’air d’une nuit d’été. La curiosité de savoir ce qui
se passait à l’Assemblée'et fie visiter le champ de
bataille de la matinée poussait instinctivement
yejs,les quais, vers les Champs-Elysées et vers les
Tuileries, les oLifs, les jeunes gens et les femmes
des quartiers, éloignés de la capitale. De longues
colonnes de promeneurs paisibles erraient dans
l re Année — N° 45 — Samedi 15 Août 1892.
CINQ CENTIMES LE NUMERO
l re Année — 26 Thermidor An 100 — S° 45.
Le Réveil du Havre
(ORGANE RÉPUBLICAIN
vm DES ABOIEMENTS :
Le Havre. . V...
Départements
UN an six MOIS
3 IV. 2 fr.
4 fr. 2 50
ADMINISTRATION & RÉDACTION
15, RUE CASIMIH-PÉRIER, 15
LE RÉVEIL DU HAVRE paraît le Samedi .
PRIX DES INSERTIONS :
Annonces 25 cent, la ligne
Réclames 50 cent, la ligne
On traite à Forfait
sa
Le Grand Centenaire
• •• il • -
L’anniversaire lé plus glorieux de la Ré
volution Française s’est passé dans un calme
complet et, disons le mot, honteux pour notre
génération, n , l :
Le Centenaire du Dix Août 1792 devait
rallier tous les Français dans un sentiment
unanime de reconnaissance et de foi patrio
tique et républicaine : il n’a trouvé, dans la
grande majorité du pays, — sauf Paris, —
que l'ingratitude et l'indifférence.
11 méritait d’être fêté officiellement sur tout
le territoire par des réjouissances publiques.
La proposition en avait été faite au Parlement
qui l’a rejetée ; le Conseil municipal de Paris
avait voté des fonds pour une fête publique
dans la capitale ; sa décision a été annulée par
le gouvernement.
Cette attitude à l'égard du Dix Août
prouve, ou que l’on se fait une idée encore
bien confuse des choses de la Révolution ou
que, pour des raisons quelconques, on veut
ne pas les apprécier comme elles le méritent.
* # , * •
Il vous est arriyjé. sang .dout^ j fr Éft der
niers temps, de Aire quelques ‘uns deis ergo
tages qui ont été écrits sur ce centenaire dans
les journaux d’opinion modérée ; mais vous
n’avez certainement rien vu d’aussi lamenta
ble et d’aussi perfide que l’article paru dans Le
Petit Havre, le jour de F anniversaire, et
même les journaux réactionnaires n’ont pas
été — quoique dans leur rôle — plus insul
tants pour cette journée.
Il trouve que ceux qui fêtent le Dix Août
ont perdu le sens des choses, parce qu’il y a eu
guerre civile et sang versé. La pauvreté de ce
raisonnement nous permet de voir combien
dans un certain monde l’on est décidément
efféminé !
Le Petit Havre , qui nous parle du Radical et
de M. Maret, oublie de nous citer ce que dit
ce dernier à ce propos ; nos lecteurs nous
sauront gré de combler cette lacune :
a On n’a pas voulu fêter le Dix Août,
« parce que, dit-on, la journée a été san-
« glante, et que ce n’est pas un bon souvenir
« à réveiller que celui du massacre des Tui-
« leries.
« La raison est pitoyable, attendu qu’il
cc beaucoup de sang en Juillet, ce qui n’a pas
« empêché de fêter les mémorables journées,
« non sous la République, mais sous la mo-
« narehie du bon roi Louis-Philippe ; attendu
« enfin qu’on célèbre très bien des anniver-
« saires de grandes batailles, où le nombre
« des cadavres a été bien autrement considé-
qui est devenu fête nationale, ne s’est pas
' accompli sans effusion de sang.
; Les raisons avancées par Le Petit Havre sont
î donc mauvaises. S’il fallait célébrer F anniver
saire du 4 septembre 1870, il trouverait l’occa-
’sion de s’écrier : « Y pensez-vous ! une révo
lution faite le lendemain de Sedan ! »
; Ce sont, en somme, des chercheurs de petite
bête ; mais leurs façons de produire ainsi des
arguties à tout propos, aboutissent en fin de
compte à une situation énervante qui suppri
me toute générosité, tout mouvement spon
tané, tout enthousiasme. Or, un peuple sans
enthousiasme devient bientôt un peuple à
plaindre.
★
* *
Heureusement, toutefois, que cet état n’est
pas arrivé à son point incurable ; il n’est, à
tout prendre, que la conséquence du Carno-
tisme qui règne en co moment. Paraître cor
rect, voilà le bon républicain I Avec les réac
tionnaires qui, hier, sous le 16 Mai, nous
auraient impitoyablement envoyés à Nouméa
et qui demain nous y expédieraient encore
sans merci, il faut être correct —- voilà la
bonne, la vraie politique ! —
Dans cette situation, c’est pour nous un
devoir de nous reporter cent ans en arrière
afin de nous retremper dans ces journées
révolutionnaires ; nous puiserons dans l’étude
de cette sublime époque l’enseignement et la
force, nécessaire pour marcher vers l’avenir
et nous armer contre les découragements.
* ★
¥ ¥
Il y a, dans la Révolution Française, plu
sieurs dates principales qui sont, — on l’a dit
souvent, — comme des cimes plus élevées de
cette chaîne d’événements qui se sont déroulés
à ce moment.
Le mouvement s’ouvre le u mai 1789 par
la réunion des Etats Généraux.
Il se continue par le*0 Juin 1789, serment
du Jeu de Paume, pour prendre le 14 Juillet
suivant un caractère tout à fait populaire.
La Révolution s’affirme et reçoit la consé
cration du peuple.
Les journées des 5 et 6 Octobre 1789 font
rentrer Louis XVI et sa famille, de Versailles
à Paris, et la royauté se trouve ainsi subor
donnée à l’Assemblée constituante.
Les travaux de la Constituante du 23 juin
1789 au 1 er octobre 1791, et de l’Assemblée
législative après le 1 er octobre, remplissent
trois années d’un travail considérable de
réformes dans tous les ordres.
Mais les réformes politiques que l’on faisait
se trouvaient, d’un autre côté, minées par les
contre-révolutionnaires. De plus, la coalition
étrangère, excitée par les frères du roi, par
les émigrés, par la cour et le roi lui-même, se
préparait à attaquer la France ; depuis le
mois de mai 1791, d’ailleurs, des pourparlers
avaient lieu entre le roi et l’étranger. De sorte
qu’il y avait, à l’intérieur, le parti contre-
révolutionnaire qui menaçait le nouvel ordre
de choses, et, au dehors, l’étranger qui était
prêt à nous faire la guerre, tout cela inspiré
et conduit par la royauté.
Il devenait donc indispensable de supprimer
cette royauté qui constituait un danger consi
dérable.
Malheureusement, l’Assemblée législative
ne contenait pas un assez grand nombre d’hom
mes énergiques pour accomplir cet acte de
vigueur. Elle ajournait sans cesse la déchéance
du roi,'que tout le monde réclamait.
C’est alors que Paris se chargea de faire ce
que l’Assemblée était incapable de réaliser ; il
fit le Dix Août et débarrassa la France de la
royauté.
La royauté, c’était le signe représentatif de
l’ancien état de choses que la Révolution avait
remplacé ; elle était devenue un obstacle, il
fallait la supprimer à tout prix.
Le peuple de Paris prêta noblement son
concours aux hommes politiques, Danton en
tête, qui avaient préparé P insurrection. Les
Tuileries furent attaquées, et le roi fait pri
sonnier.
Grâce au Dix Août, on a pu organiser la
défense nationale, réunir la Convention dont
l’œuvre est impérissable, proclamer la Répu
blique ; sans le Dix Août, des entraves nom
breuses auraient arrêté à chaque pas la marche
de la Révolution,
★
¥ ¥
Mais la royauté une fois supprimée, il
importait de sanctionner cette suppression par
la suppression de l'homme lui-même : c’était
le meilleur moyen de s’assurer qu’il ne s’oppo
serait plus aux réformes ! Le 21 Janvier 1791
devint donc la journée complémentaire de
celle du 10 Août; mais elle ne fut pas seule
ment légitime ; elle fut un acte de justice pour
punir le traître à la France.
A
* ¥
De toutes ’ces dates que nous venons de
passer en revue, le Dix Août surpasse les
autres toutes par l’importance des services ren
dus et par la grandeur du sacrifice accompli.
Car s’il est vrai que de pauvres Suisses, salariés
après tout, et dans l’accomplissement d’un
devoir commandé, ont péri malheureusement,
il y a eu des milliers de citoyens qui sont
morts pour la Patrie, pour la République,
généreusement, sans salaire, qui se sont offerts
volontairement aux immolations des soldats
du roi ! Ils s’imposent ainsi à notre admiration
et à notre reconnaissance, et la France répu
blicaine leur doit une glorification publique
et solennelle ! •
Le gouvernement ne l’a pas compris ainsi,
et s’est opposé à toute manifestation officielle :
c’est une grande faute.
Honneur aux vainqueurs du Dix Août, et
Vive la République !
APRÈS LE CO MBAT
A propos du 10 Août, nous croyons être agréable
à nos lecteurs en empruntant à Y Histoire des Giron
dins, de Lamartine, les pages magistrales qui sui
vent. On verra comment le grand poète, qui fut
aussi un grand historien, apprécie l’admirable rôle
du peuple de Paris dans cette héroïque journée,
où les vainqueurs montrèrent, après leur victoire
douloureuse, tant de désintéressement, tant de
générosité.
Nous commençons la reproduction de Lamartine
au chapitre qui suit le récit de la prise du château
des Tuileries :
Aspect de l’Assemblée.
Les pétitionnaires à la barre.
Dépouilles du château apportées par les
combattants. — La royauté suspen
due. — La Convention décrétée.
Paris le soir du 40 Août.
L’Assemblée ne comptait pas trois cents mem
bres présents dans la journée du 10 Août. Les
membres du côté droit et les membres du parti
constitutionnel, pressentant qu’ils n’auraient qu’à
sanctionner les volontés du peuple ou à périr,'
s’étalent abstenus de se rendre à la séance. Les
Girondins et les Jacobins y assistaient seuls. Mais
les rangs dégarnis de la' représentation étaient
peuplés d’étrangers, de pétitionnaires, de membres
des clubs, d’hommes de travail qui. assis pêle-mêle
avec les députés, offraient a i’œil l’image de ia
confusion du peuple et de ses représentants, par
lant, gesticulant, consultant, se levant avec les
députes, comme sous l’empire d’un péril public
qui identifiait l’Assemblée et les spectateurs. Dans
une catastrophe qui intéresse au même degré
toutes tes âmes, personne ne regardé, tout le
monde agit. Tel était l’aspect de l’Assemblée pen
dant et après le combat. Aucun discours ; des
gestes soudains et unanimes ; des cris d’horreur ou
de triomphe ; des serments renouvelés à chaque
instant, comme pour se raffermir par le bruit d’une
acclamation civique contre l’ébranlement du ca
non qui reteniissait aux portes ; des députations
nommées, essayant de sortir, refoulées dans la
salle; enfin dès appels nominaux qui usaient
l’heure en.apparences d’action, et qui donnaient
aux événements Te temps d’éclore et d’enfanter
une résolution décisive.
Aussitôt que le peuple fut maître du château,
les cris de victoire pénétrèrent du dehors par tou
tes les issues dans la salle. L’Assemblée se leva eu
masse et s’associa au triomphe du peuple parle
serment de maintenir l’égalité et la liberté. De
minute en minute, des hommes du peuple, les
bras nus, les mains sanglantes, le visage noirci de
poudre, entraient aux applaudissements des tribu
nes, s’avancaient à la barre, racontaient en paroles
brèves les pei fides embûches de la cour, qui avait
attiré les citoyens par des apparences de trêve sous
le feu des Suisses pour les immoler. D’autres,
montrant du geste la loge du logographe, offraient
leurs bras à la nation pour exterminer le tyran et
l’assassin de son peuple.
« C’est cette cour perfide, s’écria un de ces ora
teurs en découvrant sa poitrine frappée d’une balle
et ruisselante de sang, c’est celte cour perfide qui
a fait couler ce sang, nous n’avons pénétré dans
le palais qu’en marchant sur les monceaux de ca
davres de nos frères massacrés! Nous avons fait
prisonniers plusieurs de ces satellites d’un roi par
ricide. C’est le roi seul/ que nous accusons. Ges
hommes n’étaient que les instruments de sa tra
hison ; du moment qu’ils ont mis bas les armes,
dans ces assassins soudoyés, nous ne voyons plus
d’enemis, nous ne voulons voir que des frères! *
A ces mots, il embrasse un Suisse désarmé, qu’il
avait amené par la main, et il tombe évanoui au
milieu de la salle, épuisé de fatigue, d’émotions,
de sang Des députes se précipitent, l’emportent.
Je rendent à ia vie. IL reprend ses sens, il se relève,
il rentre a la barre : <• Je sens renaître mes forces,
dit-il, je demande à l’Assemblée de permettre à ce
malheureux Suisse de demeurer chez moi ; je veux
le protéger et Je nourrir. Voila la vengeance d’un
patriote français ! >>
La générosité de ce ciioyen se communique à
l’Assemblée et aux tribunes. On envoie des dépu
tations au peuple pour arrêter le massacre. Ou fait
entrer dans la cour des Feuillants les Suisses qui
stationnaient encore sur la terrasse, exposés à la
fureur du peuple. Ces soldats déchargent leurs
fusils en l’air en signe de confiance et de sécurité.
Ils sont introduits dans les couloirs, dans les cours
et jusque dans les bureaux de l’Assemblée.
Des combattants apportent successivement et
déposent sur la table du président la vaisselle
d’argent, les sacs d’or, les diamants, les bijoux pré
cieux, les meubles de prix et jusqu’aux portefeuilles
et aux lettres trouvés dans les appartements de la
famille royale. Des applaudissements saluent ces
actes de probité. Les armes, l’or, les assignats
trouvés dans les vêlements des Suisses, sont accu
mulés au pied de la tribune. Le roi et la reine as
sistent du fond de leur loge à l’inventaire des dé
pouilles trouvées dans leurs plus secrets apparte
ments
Le président remet tous ces objets sous la res
ponsabilité d’Huguenin, commLsaire de la nou
velle i ornmune. Le canon se tait. La fusillade se
ralentit. Les pétitionnaires demandent à grands
cris, ou ia tête ou la déchéance du roi : « Vous
n’arrêterez la vengeance du peuple qu’en lui fai
sant justice. Représentants, soyez fermes ! Vous
avez l’obligation de nous sauver ! Osez jurer que
vous sauverez l’empire, et l’empire est sauvé ! »
Ces voix imploraient comme on ordonne.
Les Girondins, indécis jusque-là entre l’abaisse
ment et la chute du trône sentirent qu’il fallait ou
le précipiter eux-mêmes ou être entraînés avec lui.
Vergniaud laissa J.a présidence a Guadet, pour que
l’Assemblée, pendant son absence, restât sous la
main d’un homme de sa faction. La commission
extraordinaire, où les Girondins avaient la majo
rité du nombre, de l’importance et du talent s’as
sembla séance tenante. La délibération ne fut pas
longue. Le canon délibérait pour elle. Le peuple
attendait. Vergniaud prend la plume et rédige pré
cipitamment l’acte de suspension provisoire de la
royauté. Il rentre et lit, au milieu d’un profond
silence et à quatre pas du roi, qui l’écoute, le plé
biscite de la déchéance. Le son de la voix de Ver
gniaud était solennel et triste, son attitude morne,
son geste abattu. Soit que la nécessité de lire la
condamnation de ia monarchie en présence du.
monarque imposât à ses lèvres et à son cœur la
décadence de la pitié, soit que le repentir de i’im-
puision qu’ii avait donnée aux événements le sai
sît, et qu’il se sentît déjà l’instrument passif d’une
fatalité qui lui demandait plus que sa conscience
ne consentait, il semblait moins déclarer la victoire
de son parti que prononcer sa propre sentence.
Ce décret fut adopté sans discution. Le roi l’en-
tenditsans étonnement et sans douleur. Au moment
du vote, il s’adressa au député Coustard, placé
au-dessus de la loge du logographe avec lequel il
s’était entretenu familièrementpendant la séance:
« Ce que vous faites là n’est pus très constitu
tionnel •>, lui dit le roi d’un ton d’ironie qui con
trastait avec la solennité de la circonstance. ■—
« C’est vrai, Sire, répondit Coustard, mais c’est le
seul moyen de sauver votre vie. » Et il vota contre
le roi en s’entretenant avec l’homme...
L’Assemblée fit rédiger l’analyse de ses décrets
,du jour et envoya des commissaires les publier
aux flambeaux, dans toutes les rues de Paris.
★
¥ ¥
Le ciel était serein ; la fraîcheur du soir et l’émo
tion fébrile des. événements du jour engageaient
les habitants à sortir de leurs demeures et à respirer
l’air d’une nuit d’été. La curiosité de savoir ce qui
se passait à l’Assemblée'et fie visiter le champ de
bataille de la matinée poussait instinctivement
yejs,les quais, vers les Champs-Elysées et vers les
Tuileries, les oLifs, les jeunes gens et les femmes
des quartiers, éloignés de la capitale. De longues
colonnes de promeneurs paisibles erraient dans
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