Titre : Le Réveil du Havre : organe républicain ["puis" organe républicain-socialiste indépendant "puis" organe du Parti républicain démocratique]
Éditeur : [s.n.] (Le Havre)
Date d'édition : 1892-06-11
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32854639q
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 11 juin 1892 11 juin 1892
Description : 1892/06/11 (N36). 1892/06/11 (N36).
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k3263237c
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-89667
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/04/2019
l re Année — H* U — Samedi H Juin 1892. CINQ CENTIMES LE NUMÉRO i re Année — 28 Prairial An 100 — N° IL
ORGANE RÉPUBLICAIN
PRIX DES ABONNEMENTS :
UN AN SIX MOIS
Le Havre. 3 fr. 2 fr.
Départements 4 fr. 2 50
1 NOS LECTEURS
ADJ11MSTRATKW k RÉDACTION
15, RUE CASlMIR-PÉRIER, 15
LE RÉ VE IL DU HA VRE paraît le Samedi
PRIX DES INSERTIONS :
Annonces 25 cent, la ligne
Réclames.... 50 cent, la ligne
On traite à Forfait
L’Administration du “ RÉVEIL ”, dési
reuse d’offrir un témoignage de sa vive
sympathie à ses abonnés, est heureuse de
leur annoncer que, par suite d’une com
binaison avec M. L. Dugardin de Paris, elle
leur offre GHATUITEMENT un
magnifique portrait miniature peint à
l’huile.
Les bons seront délivrés directement
dans nos bureaux, 15, rue Gasimir-Périer,
sur le vu de la quittance d’abonnement.
Pour plus amples détails nous invitons
nos abonnés a se reporter à l’article ayant
comme titre : XOTItE
✓
Le 10 Août
Dans mie de ses dernières séances, le Conseil
municipal de Paris a décidé de fêter avec
éclat le Centenaire du 10 Août 1792, cette
date mémorable de notre histoire où le peuple
renversa la royauté.
Il n’ en faut pas davantage pour provoquer
la verve des journaux réactionnaires, auxquels
nous avons le regret de voir s’adjoindre cer
tains organes de la République dite modérée.
Il paraît/à les entendre, que le 10 Août 1792
fut un événement regrettable dans les annales
de la Révolution : insurrection contre le
gouvernement établi, violation de la consti
tution, massacre des défenseurs du trône, tel
sèraifc le triste bilan de cette journée.
Que les légitimistes pleurent encore, après
un siècle, un trône qui a été sapé par ceux-là
même qui l’occupaient, on le conçoit encore,
les jérémiades de ce parti étant la négation
même de toute évidence et une protestation
perpétuelle contre les enseignements les plus
clairs de l’histoire. Mais nous nous figurons
plus difficilement un journal républicain,
démocratique, socialiste , comme le Petit Havre,
faisant chorus dans la circonstance avec la
réaction et critiquant très vivement la célé
bration du 10 Août.
Notre confrère formule, à ce sujet, deux
griefs, qu’il considère comme capitaux :
Le 10 Août aurait été « un coup d’état
a contre l’Assemblée nationale (lisez législa-
« tive), et il n’est pas de bon goût de faire
ce passer à l’état de tradition nationale ce
a genre d’exercices. »
Second reproche :
On a massacré, le 10 Août, les Suisses,
citoyens de la seule République qui existe en
Europe, avec nous.
Cette dernière raison est, il faut en conve
nir malgré la gravité du sujet, assez plaisante.
Si l’on doit rejeter le 10 août de notre his
toire, à cause d’une liétacombe de Suisses, on
pourra se demander si les Suisses en question
n’eussent pas mieux fait de rester chez eux,
en bons républicains, que de se faire les mer
cenaires de la royauté et de mêler leurs habits
rouges à nos discordes civiles. Le jour où le
peuple les a trouvés entre lui et le trône qu’il
s’agissait de renverser, il lui a bien fallu les
traiter en ennemis. On ne voit pas clairement
en quoi leur qualité d’étrangers leur eût
conféré des droits exceptionnels à la clémence
populaire.
Pour ce qui est du coup d’Etat que le Petit
Havre reproche aux Parisiens, c’est mécon
naître de la façon la plus malheureuse ce
droit qui appartient aux nations de se sauver
elles-mêmes lorsque le pouvoir fait preuve
d’impuissance ou, ce qui est plus grave, est
convaincu de trahison.
Tous les historiens impartiaux de la tour
mente révolutionnaire proclament la fatalité
du mouvement populaire du 10 août. Un des
plus modérés, M. Antonin Dubost, dans son
livre sur Danton et la politique contemporaine
apprécie ainsi la situation à cette date :
« La royauté n’avait pas changé. Le pou
ce voir, qu’on avait eu la faiblesse de lui lais-
cc ser, elle s’en servit pour grouper les efforts
« rétrogrades, pour armer une portion du
cc pays contre l’autre, pour organiser sur
ce toute l’étendue du territoire une vaste cons-
cc piration contre la France nouvelle. Elle ne
cc craignit même pas d’appeler l’étranger à
cc son aide dans ses tentatives de contre-révo-
cc lution. On peut juger par là combien furent
« naturelles et légitimes l’émotion et la co-
« 1ère qui s’emparèrent de l’âme populaire
« lorsqu’on s’aperçut que le roi violait ses
« serments, trahissait la patrie et conspirait
« de la ramener sous le joug de l’ancien ré-.
Et plus loin :
« L’Assemblée législative conduisit elle-
cc même la nation hors des voies de la léga-
« lité, car lorsque la légalité est impuissante
cc le recours aux passions populaires, aux
cc mesures insurrectionnelles eét inévitable. Le
cc pays tente de se sauver lui-même quand
cc ses mandataires sont incapables de le pro-
cc téger. Et qui donc oserait prétendre que Sans
cc le 10 Août la France n'eût pas été la proie
cc des puissances coalisées ? »
Quand une mesure telle que la déchéance
du roi, préparée par des hommes d’Etat comme
Danton, a reçu l’approbation de penseurs
comme Condorcet, on peut être rassuré sur
les conditions dans lesquelles elle a été
prise.
Au surplus, que vient-on nous parler dans
la circonstance du danger de faire l’apofogie
dès coups d’Etat? Quand le peuple, mu par
l’instinct de la conservation, ressaisit le
pouvoir qu’on lui a escamoté, peut-on quali
fier de coup d’Etat cet acte de salut public !
Si le 10 Août doit encourir le blâme, qu’on
raie encore de nos fastes démocratiques le 14
Juillet 1789, les journées de Juillet 1830,
le ,24 Février 1848, le 4 Septembre 1870 ;
car à ces dates comme au 10 Août, le peuple
ressaisit le pouvoir et imposa sa volonté
souveraine.
Qu’on n’essaie donc pas de faire de diffé
rences entre des événements qui, également
nécessaires’, doivent être également honorés.
Que tous les républicains s’unissent pour
célébrer le centenaire du 10 Août et glorifier
une fois de plus le Paris de la Révolution, à
la fois tête vigilante et cœur ardent de la
Nation. Et si quelques fâcheux, plus émus
des violences temporaires du peuple que des
longues tortures qu’il a subies pendant des
siècles, reprochent à la Révolution son éner
gie implacable, répondons leur par ce mot de
Champfleury :
« On ne nettoie pas les écuries d’Augias
« avec un plumeau. »
SEMAINE POLITIQUE
FRANCE
La Chambre a continué la discussion de la
loi sur les Caisses d’épargne, qui n’a donné lieu à
aucune proposition de nature à être notée parti
culièrement.
Le Sénat s’est occupé du projet de loi, adopté
par la Chambre des Députés, sur les sociétés
coopératives de production et de consommation, et
sur le contrat de participation aux bénéfices.
M. Lourties, rapporteur, a prononcé à ce sujet
un discours résumant assez bien l’ensemble de la
question, mais qui ne semble pas avoir été écouté
avec toute l’attention qu’il méritait.
On sait que les sociétés de coopération se trou
vent actuellement sous une législation qui ne
répond pas «absolument à ce qui convient à ces
sociétés.
A
X X
Le projet, venu en première délibération devant
le Sénat, comprend les trois grands ordres de
coopération : consommation, crédit et production,
auxquels peuvent se ramener à la rigueur toutes
les variétés de sociétés coopératives. La commis
sion a cru devoir y ajouter un titre spécial relatif
aux sociétés de construction de maisons ouvrières.
Il comprend donc sept titres :
Le titre I er , relatif aux dispositions générales]
Le titre II, aux sociétés de consommation ;
Le titre III, aux sociétés de crédit ;
Le titre IV, aux sociétés coopératives de con
struction ;
Le titre V, aux sociétés coopératives de pro
duction ;
Le titre VI, au transfert des actions et au
transport des crérn es ;
Le titre VII, à la participation aux bénéfices.
La discussion générale n’a pas été très mouve
mentée ; le ministre du commerce, M. J. Roche,
tout en approuvant l’esprit du projet de loi, s’est
contenté de faire quelques réserves concernant les
titres III et IV, et sur quelques dispositions parti
culières. Dans le titre IV, l’article 38 du projet
autorise les Caisses d’épargne à employer une
partie de leurs fonds de réserve en prêts faits aux
sociétés coopératives de construction de maisons
ouvrières. Or, la Chambre des Députés discute, en
ce moment, une loi sur les Caisses d’épargne, que
le Sénat discutera ensuite, il vaudrait donc mieux
attendre le vote définitif de cette loi, plutôt que
d’éparpiller les dispositions concernant un même
objet, dans plusieurs projets de loi distincts.
De même, la Chambre est précisément saisie
d’un projet spécial déposé par M. Siegfried, sur les
logements à bon marché.
Quant au titre III, le Parlement a, à son ordre
du jour, plusieurs lois spéciales relatives au crédit,
et qui touchent de très près au crédit coopératif
réglé par le projet de la commission : crédit agri
cole, crédit populaire, par l’intermédiaire des syn
dicats professionnels industriels ou agricoles.
v k
* XX
La discussion des articles a donné lieu à d’assez
nombreux amendements dont plusieurs ont été
renvoyés à la commission.
Entre la première et la deuxième délibération,
d’ailleurs, on aura l’occasion de procéder à» une
nouvelle rédaction de différents articles ; c’est-à-
dire que cette loi n’est pas encore près d’être
appliquée, et que les partisans de la coopération
n’ont qu’à s’armer d’une nouvelle patience.
A
X X
A propos de coopération, nous trouvons dans le
discours du rapporteur un passage que nous
croyons devoir citer. On sait la réputation de la’
société des équitables pionniers de Roschdale, que
l’on cite souvent comme un modèle d’organisation
et de fonctionnement. Or, voici ce qu’en dit M.
Lourties :
« La société des équitables pionniers de Rosch-
« dale.compte à elle seule plus de vingt magasins •
«rûoopératifs et Jilus de 12,000 sociétaires ; elle a
« réalisé, en 1889, près de 1,243,775 francs de
« bénéfices. »
Cette phrase a l’air de quelque chose, avec sesj
chiffres véritablement éblouissants ; toutefois,
comme nous savons faire une division, nous avons
constaté que ces 1,243,775 fr. de bénéfices répartis
entre les 12,000 sociétaires laissent pour chacun
de ceux-ci fr. 103 65 ! !
Nous avouons que ce résultat ne nous paraît pas
merveilleux, étant donnés le travail, la préoccu
pation, le souci, les ennuis, les responsabilités qui
accompagnent les entreprises de cette société.
A
X X
Les événements politiques se sont ressentis,
semble-t-il, des fêtes de la Pentecôte. Rien de
saillant n’est à signaler.
Seul, le voyage de M. Carnot, à Nancy, a rempli
les journaux pendant ces derniers jours.
Ce voyage a eu un incident : la visite, à Nancy
au Président Carnot, du grand duc ( ’onstantin, de
Russie, actuellement en cure à Contrexéville.
Nécrologie. — M. Anatole de la Forge, an
cien vice-président de la Chambre des députés a
été trouvé mort, lundi matin, dans son cabinet de
travail. Il s’était tiré un coup de revolver au coin
de l’œil droit.
M. Anatole de la Forge était né à Paris le 1 er
avril 1821. Sous la monarchie de Juillet, il entra
dans la carrière diplomatique. En 1848, il écrivit
dans plusieurs journaux, tels que YEstafette et le
Siècle , où il collabora également sous l’Empire. •
Après le 4 Septembre 1870, il fut nommé préfet
de l’Aisne. On sait qu’il contribua énergiquement,
dans ce Département, à la résistance contre les
Allemands, et prit une part très vive à la défense
St-Quentin ; il y fut blessé à la jambe.
Il futélu député en 1879, dans le IX e arrondis
sement, à la suite du décès de M. de Girardin.
II fut renommé en 1881 et 1885.
Il se retira de la lutte politique en 1889.
M. Anatole de la Forge laissera le souvenir d’un
patriote indiscutable.
la QUESTI ON fa INS TITUTEURS
Etat de l’Instruction laïque du Havre
Nous avons déjà montré ici même quelles
graves atteintes les lois scolaires reçoivent
au Havre, cité qui a longtemps tenu la tête
dans la marche en avant de l’instruction
laïque. De l’avis même des personnes compé
tentes, elle a perdu le rang qu’elle occupait,
et cela grâce à des compromissions regret-?
tables dues à une municipalité débonnaire, et
surtout à un inspecteur primaire dont les
intrigues pour ménager la chèvre cléricale et
le chou républicain ne sont que trop connues.
Elle a rétrogradé jusqu’à devenir égale
sinon inférieure aux derniers des arrondisse
ments de la Bretagne. Ploërmel et Guingamp
qui avaient tout à faire il y a dix ans, en
fait d’instruction laïque, sont à la veille de
dépasser la ville du Havre.
De complicité en complicité, on est allé de
reculade en reculade. Après avoir pris d’une
façon occulte la défense des directeurs clé
ricaux, ou s’étonne aujourd’hui quand se
produisent des réclamations émanant de pères
de familles républicaines.
Get état de choses ne pourrait durer plus
longtemps. Nous croyons que, par l’Adminis
tration supérieure, à la suite des réclamations
du genre de celles publiées par le Réveil %
satisfaction sera donnée aux intéressés. S’il
en eût été autrement, les familles républi
caines du quartier de Graville n’auraient eu
qu’une ressource : celle d’envoyer leurs
enfants à l’école chrétienne de la rue du
Neuf, dans un but de protestation. Ils
auraient eu du moins la certitude que rien
n’aurait été changé dans l’éducation de leurs
enfants, la morale enseignée étant la même
quoique plus sincère, le qualificatif et l’habit
du directeur étant seuls changés.
u t
ORGANE RÉPUBLICAIN
PRIX DES ABONNEMENTS :
UN AN SIX MOIS
Le Havre. 3 fr. 2 fr.
Départements 4 fr. 2 50
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LE RÉ VE IL DU HA VRE paraît le Samedi
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leur annoncer que, par suite d’une com
binaison avec M. L. Dugardin de Paris, elle
leur offre GHATUITEMENT un
magnifique portrait miniature peint à
l’huile.
Les bons seront délivrés directement
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sur le vu de la quittance d’abonnement.
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comme titre : XOTItE
✓
Le 10 Août
Dans mie de ses dernières séances, le Conseil
municipal de Paris a décidé de fêter avec
éclat le Centenaire du 10 Août 1792, cette
date mémorable de notre histoire où le peuple
renversa la royauté.
Il n’ en faut pas davantage pour provoquer
la verve des journaux réactionnaires, auxquels
nous avons le regret de voir s’adjoindre cer
tains organes de la République dite modérée.
Il paraît/à les entendre, que le 10 Août 1792
fut un événement regrettable dans les annales
de la Révolution : insurrection contre le
gouvernement établi, violation de la consti
tution, massacre des défenseurs du trône, tel
sèraifc le triste bilan de cette journée.
Que les légitimistes pleurent encore, après
un siècle, un trône qui a été sapé par ceux-là
même qui l’occupaient, on le conçoit encore,
les jérémiades de ce parti étant la négation
même de toute évidence et une protestation
perpétuelle contre les enseignements les plus
clairs de l’histoire. Mais nous nous figurons
plus difficilement un journal républicain,
démocratique, socialiste , comme le Petit Havre,
faisant chorus dans la circonstance avec la
réaction et critiquant très vivement la célé
bration du 10 Août.
Notre confrère formule, à ce sujet, deux
griefs, qu’il considère comme capitaux :
Le 10 Août aurait été « un coup d’état
a contre l’Assemblée nationale (lisez législa-
« tive), et il n’est pas de bon goût de faire
ce passer à l’état de tradition nationale ce
a genre d’exercices. »
Second reproche :
On a massacré, le 10 Août, les Suisses,
citoyens de la seule République qui existe en
Europe, avec nous.
Cette dernière raison est, il faut en conve
nir malgré la gravité du sujet, assez plaisante.
Si l’on doit rejeter le 10 août de notre his
toire, à cause d’une liétacombe de Suisses, on
pourra se demander si les Suisses en question
n’eussent pas mieux fait de rester chez eux,
en bons républicains, que de se faire les mer
cenaires de la royauté et de mêler leurs habits
rouges à nos discordes civiles. Le jour où le
peuple les a trouvés entre lui et le trône qu’il
s’agissait de renverser, il lui a bien fallu les
traiter en ennemis. On ne voit pas clairement
en quoi leur qualité d’étrangers leur eût
conféré des droits exceptionnels à la clémence
populaire.
Pour ce qui est du coup d’Etat que le Petit
Havre reproche aux Parisiens, c’est mécon
naître de la façon la plus malheureuse ce
droit qui appartient aux nations de se sauver
elles-mêmes lorsque le pouvoir fait preuve
d’impuissance ou, ce qui est plus grave, est
convaincu de trahison.
Tous les historiens impartiaux de la tour
mente révolutionnaire proclament la fatalité
du mouvement populaire du 10 août. Un des
plus modérés, M. Antonin Dubost, dans son
livre sur Danton et la politique contemporaine
apprécie ainsi la situation à cette date :
« La royauté n’avait pas changé. Le pou
ce voir, qu’on avait eu la faiblesse de lui lais-
cc ser, elle s’en servit pour grouper les efforts
« rétrogrades, pour armer une portion du
cc pays contre l’autre, pour organiser sur
ce toute l’étendue du territoire une vaste cons-
cc piration contre la France nouvelle. Elle ne
cc craignit même pas d’appeler l’étranger à
cc son aide dans ses tentatives de contre-révo-
cc lution. On peut juger par là combien furent
« naturelles et légitimes l’émotion et la co-
« 1ère qui s’emparèrent de l’âme populaire
« lorsqu’on s’aperçut que le roi violait ses
« serments, trahissait la patrie et conspirait
« de la ramener sous le joug de l’ancien ré-.
« L’Assemblée législative conduisit elle-
cc même la nation hors des voies de la léga-
« lité, car lorsque la légalité est impuissante
cc le recours aux passions populaires, aux
cc mesures insurrectionnelles eét inévitable. Le
cc pays tente de se sauver lui-même quand
cc ses mandataires sont incapables de le pro-
cc téger. Et qui donc oserait prétendre que Sans
cc le 10 Août la France n'eût pas été la proie
cc des puissances coalisées ? »
Quand une mesure telle que la déchéance
du roi, préparée par des hommes d’Etat comme
Danton, a reçu l’approbation de penseurs
comme Condorcet, on peut être rassuré sur
les conditions dans lesquelles elle a été
prise.
Au surplus, que vient-on nous parler dans
la circonstance du danger de faire l’apofogie
dès coups d’Etat? Quand le peuple, mu par
l’instinct de la conservation, ressaisit le
pouvoir qu’on lui a escamoté, peut-on quali
fier de coup d’Etat cet acte de salut public !
Si le 10 Août doit encourir le blâme, qu’on
raie encore de nos fastes démocratiques le 14
Juillet 1789, les journées de Juillet 1830,
le ,24 Février 1848, le 4 Septembre 1870 ;
car à ces dates comme au 10 Août, le peuple
ressaisit le pouvoir et imposa sa volonté
souveraine.
Qu’on n’essaie donc pas de faire de diffé
rences entre des événements qui, également
nécessaires’, doivent être également honorés.
Que tous les républicains s’unissent pour
célébrer le centenaire du 10 Août et glorifier
une fois de plus le Paris de la Révolution, à
la fois tête vigilante et cœur ardent de la
Nation. Et si quelques fâcheux, plus émus
des violences temporaires du peuple que des
longues tortures qu’il a subies pendant des
siècles, reprochent à la Révolution son éner
gie implacable, répondons leur par ce mot de
Champfleury :
« On ne nettoie pas les écuries d’Augias
« avec un plumeau. »
SEMAINE POLITIQUE
FRANCE
La Chambre a continué la discussion de la
loi sur les Caisses d’épargne, qui n’a donné lieu à
aucune proposition de nature à être notée parti
culièrement.
Le Sénat s’est occupé du projet de loi, adopté
par la Chambre des Députés, sur les sociétés
coopératives de production et de consommation, et
sur le contrat de participation aux bénéfices.
M. Lourties, rapporteur, a prononcé à ce sujet
un discours résumant assez bien l’ensemble de la
question, mais qui ne semble pas avoir été écouté
avec toute l’attention qu’il méritait.
On sait que les sociétés de coopération se trou
vent actuellement sous une législation qui ne
répond pas «absolument à ce qui convient à ces
sociétés.
A
X X
Le projet, venu en première délibération devant
le Sénat, comprend les trois grands ordres de
coopération : consommation, crédit et production,
auxquels peuvent se ramener à la rigueur toutes
les variétés de sociétés coopératives. La commis
sion a cru devoir y ajouter un titre spécial relatif
aux sociétés de construction de maisons ouvrières.
Il comprend donc sept titres :
Le titre I er , relatif aux dispositions générales]
Le titre II, aux sociétés de consommation ;
Le titre III, aux sociétés de crédit ;
Le titre IV, aux sociétés coopératives de con
struction ;
Le titre V, aux sociétés coopératives de pro
duction ;
Le titre VI, au transfert des actions et au
transport des crérn es ;
Le titre VII, à la participation aux bénéfices.
La discussion générale n’a pas été très mouve
mentée ; le ministre du commerce, M. J. Roche,
tout en approuvant l’esprit du projet de loi, s’est
contenté de faire quelques réserves concernant les
titres III et IV, et sur quelques dispositions parti
culières. Dans le titre IV, l’article 38 du projet
autorise les Caisses d’épargne à employer une
partie de leurs fonds de réserve en prêts faits aux
sociétés coopératives de construction de maisons
ouvrières. Or, la Chambre des Députés discute, en
ce moment, une loi sur les Caisses d’épargne, que
le Sénat discutera ensuite, il vaudrait donc mieux
attendre le vote définitif de cette loi, plutôt que
d’éparpiller les dispositions concernant un même
objet, dans plusieurs projets de loi distincts.
De même, la Chambre est précisément saisie
d’un projet spécial déposé par M. Siegfried, sur les
logements à bon marché.
Quant au titre III, le Parlement a, à son ordre
du jour, plusieurs lois spéciales relatives au crédit,
et qui touchent de très près au crédit coopératif
réglé par le projet de la commission : crédit agri
cole, crédit populaire, par l’intermédiaire des syn
dicats professionnels industriels ou agricoles.
v k
* XX
La discussion des articles a donné lieu à d’assez
nombreux amendements dont plusieurs ont été
renvoyés à la commission.
Entre la première et la deuxième délibération,
d’ailleurs, on aura l’occasion de procéder à» une
nouvelle rédaction de différents articles ; c’est-à-
dire que cette loi n’est pas encore près d’être
appliquée, et que les partisans de la coopération
n’ont qu’à s’armer d’une nouvelle patience.
A
X X
A propos de coopération, nous trouvons dans le
discours du rapporteur un passage que nous
croyons devoir citer. On sait la réputation de la’
société des équitables pionniers de Roschdale, que
l’on cite souvent comme un modèle d’organisation
et de fonctionnement. Or, voici ce qu’en dit M.
Lourties :
« La société des équitables pionniers de Rosch-
« dale.compte à elle seule plus de vingt magasins •
«rûoopératifs et Jilus de 12,000 sociétaires ; elle a
« réalisé, en 1889, près de 1,243,775 francs de
« bénéfices. »
Cette phrase a l’air de quelque chose, avec sesj
chiffres véritablement éblouissants ; toutefois,
comme nous savons faire une division, nous avons
constaté que ces 1,243,775 fr. de bénéfices répartis
entre les 12,000 sociétaires laissent pour chacun
de ceux-ci fr. 103 65 ! !
Nous avouons que ce résultat ne nous paraît pas
merveilleux, étant donnés le travail, la préoccu
pation, le souci, les ennuis, les responsabilités qui
accompagnent les entreprises de cette société.
A
X X
Les événements politiques se sont ressentis,
semble-t-il, des fêtes de la Pentecôte. Rien de
saillant n’est à signaler.
Seul, le voyage de M. Carnot, à Nancy, a rempli
les journaux pendant ces derniers jours.
Ce voyage a eu un incident : la visite, à Nancy
au Président Carnot, du grand duc ( ’onstantin, de
Russie, actuellement en cure à Contrexéville.
Nécrologie. — M. Anatole de la Forge, an
cien vice-président de la Chambre des députés a
été trouvé mort, lundi matin, dans son cabinet de
travail. Il s’était tiré un coup de revolver au coin
de l’œil droit.
M. Anatole de la Forge était né à Paris le 1 er
avril 1821. Sous la monarchie de Juillet, il entra
dans la carrière diplomatique. En 1848, il écrivit
dans plusieurs journaux, tels que YEstafette et le
Siècle , où il collabora également sous l’Empire. •
Après le 4 Septembre 1870, il fut nommé préfet
de l’Aisne. On sait qu’il contribua énergiquement,
dans ce Département, à la résistance contre les
Allemands, et prit une part très vive à la défense
St-Quentin ; il y fut blessé à la jambe.
Il futélu député en 1879, dans le IX e arrondis
sement, à la suite du décès de M. de Girardin.
II fut renommé en 1881 et 1885.
Il se retira de la lutte politique en 1889.
M. Anatole de la Forge laissera le souvenir d’un
patriote indiscutable.
la QUESTI ON fa INS TITUTEURS
Etat de l’Instruction laïque du Havre
Nous avons déjà montré ici même quelles
graves atteintes les lois scolaires reçoivent
au Havre, cité qui a longtemps tenu la tête
dans la marche en avant de l’instruction
laïque. De l’avis même des personnes compé
tentes, elle a perdu le rang qu’elle occupait,
et cela grâce à des compromissions regret-?
tables dues à une municipalité débonnaire, et
surtout à un inspecteur primaire dont les
intrigues pour ménager la chèvre cléricale et
le chou républicain ne sont que trop connues.
Elle a rétrogradé jusqu’à devenir égale
sinon inférieure aux derniers des arrondisse
ments de la Bretagne. Ploërmel et Guingamp
qui avaient tout à faire il y a dix ans, en
fait d’instruction laïque, sont à la veille de
dépasser la ville du Havre.
De complicité en complicité, on est allé de
reculade en reculade. Après avoir pris d’une
façon occulte la défense des directeurs clé
ricaux, ou s’étonne aujourd’hui quand se
produisent des réclamations émanant de pères
de familles républicaines.
Get état de choses ne pourrait durer plus
longtemps. Nous croyons que, par l’Adminis
tration supérieure, à la suite des réclamations
du genre de celles publiées par le Réveil %
satisfaction sera donnée aux intéressés. S’il
en eût été autrement, les familles républi
caines du quartier de Graville n’auraient eu
qu’une ressource : celle d’envoyer leurs
enfants à l’école chrétienne de la rue du
Neuf, dans un but de protestation. Ils
auraient eu du moins la certitude que rien
n’aurait été changé dans l’éducation de leurs
enfants, la morale enseignée étant la même
quoique plus sincère, le qualificatif et l’habit
du directeur étant seuls changés.
u t
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