Titre : Le Réveil du Havre : organe républicain ["puis" organe républicain-socialiste indépendant "puis" organe du Parti républicain démocratique]
Éditeur : [s.n.] (Le Havre)
Date d'édition : 1891-12-12
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32854639q
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 12 décembre 1891 12 décembre 1891
Description : 1891/12/12 (N10). 1891/12/12 (N10).
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k32632114
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-89667
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/04/2019
l re taée — S° 10 — Samedi 12 Décembre 1891.
CINQ CENTIMES LE NUMERO
l re Année — 21 Frimaire An 100 —• A 0 10.
Le Réveil du Havre
ORGANE RÉPUBLICAIN
PRIX DES ABONNEMENTS :
Le Havre....
Départements.
UN an six MOIS
3 fr. 2 fr.
4 fr. 2 50
ADMINISTRATION & RÉDACTION
15, RUE CASIMIR-PÉRIER, 15
LE RÉ VE IL DU HA VRE paraît le Samedi
PRIX DES INSERTIONS :
Annonces 25 cent, la ligne
Réclames 50 cent, la ligne
On traite à Forfait
VIOLATION
DES
LOIS SCOLAIRES
Atteintes à la neutralité de l’école.
Nécessité d’une enqtiête.
Il se passe, depuis quelque temps, au
Havre, d'étranges choses dans le service de
l’Instruction publique.
Nos lecteurs connaissent, par les lettres
que nous avons publiées, le sans-gêne avec
lequel certains directeurs d’école se compor
tent envers les instituteurs qui subissent
leur autorité.
La violation de la loi est flagrante et
préméditée, et c’est à ce titre qu’elle mérite
d'attirer l’attention du parti républicain.
Tout le monde sait que les lois de 1882
et de 1886 sur l’enseignement primaire
instituent d’une façon complète la neutralité
de l’école. Le personnel enseignant doit
rester absolument étranger à la direction
religieuse des enfants : l'instituteur à l’école,
le prêtre à l’Eglise, telle est la nouvelle
formule qui, après tant d’années d’ingérence
cléricale, confine chacun dans le-yôle qui
lui convient.
Ce principe est non-seulement une garantie
pour les familles qui conservent Je droit
d’élever leurs enfants dans telle ou telle
religion, ou même de ne leur en faire suivre
aucune ; il est encore la sauvegarde des
instituteurs définitivement affranchis de la
domination de clergé, et tenus séulement à
l’enseignement de cet ensemble de choses
positives qui constitue l’instruction.
Or, cette neutralité que la loi commande
et que des administrateurs républicains
devraient faire respecter, reçoit dans les
écoles du Havre les atteintes les plus
graves.
On voit des directeurs d’école forcer
leurs instituteurs à exercer dans les églises
un service de surveillance qui reviendrait
de droit aux préposés de la sacristie. On
les voit même agir sur leurs subordonnés
pour les amener à signer des lettres dans
lesquelles ils demandent — c’est un com
ble, — de continuer à accompagner les
élèves à l'Eglise.
Au moment de la première communion,
— cette cérémonie qui fait perdre, aux
enfants, en moyenne, une année employée
en récitation de catéchisme, prières, cantiques
et génuflexions, — certains directeurs font
plus encore. Ils prêtent leurs locaux à des
manifestations religieuses et l’on voit des
curés faire dans les écoles des distributions
de brochures pieuses.
Si c’est pour en arriver là que l’on a fait
les lois de 1882 et de 1886, il eût mieux
valu ne rien changer à l’ancienne législation.
Cléricale par système et ouvertement, elle
avait du moins le mérite de la franchise.
Aujourd’hui, au contraire, après avoir élevé
à grands frais des écoles, qu’on appelle
laïques, on en fait des succursales de
l’Eglise.
 qui incombe la responsabilité de ces
faits scandaleux ? Il serait intéressant de
le rechercher.
Trois persoûîi ali tés se trouvent directement
en cause, à raison des pouvoirs qui leur sont
conférés sur l’enseignement au Havre :
1° M. Métivier, inspecteur d’Académie ;
2° M. Garsault, inspecteur primaire ;
3° M. Génestal, adjoint, chargé de l’ins
truction publique.
Il importe de savoir si la responsabilité des
faits qui se passent au Havre incombe à l’un
ou à l’autre de ces administrateurs, ou si
elle leur est commune.
Pour s’en rendre compte, une enquête
s’impose.
Il faut qu’elle soit conduite par une per
sonne absolument désintéressée dans la ques
tion, qui fasse la lumière sur les actes de
pression illégale et d’ingérence cléricale dont
se plaignent les instituteurs.
Il faut que M. le Ministre de l’Instruction
publique fasse pour nos écoles, ce que M. le
Ministre de l’Intérieur a fait pour le Bureau
de Bienfaisance. M. Napias, délégué du
ministre, n’hésita pas, on s’en souvient, à
condamner les -agissements du personnel
congréganiste du Bureau.
La venue d’un inspecteur général de l’Ins
truction publique aurait pour nos écoles le
même effet. Elle ferait cesser des abus qui
n’ont que trop duré, et nous saurions s’il ne
s'est pas glissé, dans le parti républicain, des
administrateurs plus aptes à propager la
réaction en faisant des concessions aux cléri
caux, qu’à défendre la République.
SEMAINE POLITIQUE
FRANCE
Une interpellation au Sénat. —■ Mercredi
dernier, le Sénat a discuté l’interpellation de
M. Dide, sur les menées cléricales.
L’honorable interpellateur a fait ressortir, avec
son éloquence ordinaire, la nécessité de défendre
contre les entreprises du clergé : l’Etat laïque.
M. Goblet, dans un discours énergique et d’une
implacable logique, a montré au bout de toute
cette campagme, la solution inévitable : la sépara
tion des Eglises et de l’Etat.
Nous passerons sur le discours de M. Fallières,
indigne d’un ministre de la République, pour
rendre justice à l’éloquence de M. de Freycinet.
Le Président du Conseil, réparant les maladresses
de son collègue des cultes, a reconnu que la sépa
ration des Eglises et de l’Etat s’imposerait si le
clergé persistait dans son attitude.
Comme M. Chesnelong, l’crateur de la Droite,
a jeté au milieu de notre placide Sénat le cri de
guerre des cléricaux contre la République. Atten
dons-nous à voir cette question revenir sur le tapis
de la politique.
Quoi qu'il en soit, l’ordre du jour du Sénat est
un acheminement vers la défaite définitive de
l’ultramontanisme, dont la dernière ressource est
dans le Concordat.
Don Pedro. — On vient de célébrer, à Paris,
les obsèques de Don Pedro, ancien empereur du
Brésil.
Bien qu’il répugne en général à des républicains
de faire l’éloge de ceux qui furent les détenteurs
du pouvoir absolu, c’est faire acte de justice que
de rendre hommage à celui qui, parvenant au
pouvoir suprême, s’ycomporta en philosophe.
Tous ceux qui s’intéressent au mouvement
scientifique, savent le culte que Don Pedro pro
fessait pour les sciences exactes, notamment pour
l’astronomie. Des savants français, comme M.
Emmanuel Liais, de Cherbourg, reçurent de sa
part un accueil qu’on ne peut oublier.
Il fut, de plus, le promoteur de l’affranchis
sement des esclaves au Brésil.
Il appartient, en un mot, à cette lignée d’em*
pereurs et de rois grands à la fois par l'intelli
gence et par le cœur qui constituent une exception
dans l’histoire des peuples. Il faudrait peut-être
remonter jusqu’aux Antonins' pour trouver un
porte-scepte ayant à ce point la compréhension
de son temps,
Victor-Hugo avait donc pu, sans déroger,
recevoir chez lui cet homme qui, modeste devant
le génie-, se faisait annoncer sous le nom de
Don Pedro de Alcantara.
LE COURRIER DU HAVRE
Inconséquence et Jésuitisme
Le Courrier du Havre, fidèle à ses traditions
de jésuitisme, continue, en désespoir de cause, sa
campagne d’organe bien pensant.
Se rendant compte que le terrain se dérobe sous
ses pas, il prend le parti commode d’injurier l’una
nimité du Conseil municipal qui a voté la laïcisa
tion immédiate de deux Bureaux.
Nous ne relèverons pas dans cette élucubration
les contradictions qui y fourmillent. Cette tâche
serait trop longue.
L’organe des congrégations se garde bien d’ail
leurs de publier in extenso le rapport fait par
l’honorable M. Cheuret, au nom de l’unanimüe
dès deux Commissions des Finances et de l’Assis
tance publique.
Alors que, dans le sein du Conseil, aucune voix
ne s’est élevée pour réfuter les constatations pré
cises du rapport — pas même celles de MM. Heu et
Dourt, membres de la Commission administrative
du Bureau—il paraît plaisant à l’organe clérical de
prendre des airs effarouchés et de voir le mensonge
le plus noir où il y a la vérité la plus éclatante.
Il y a quinze jours, le Courrier traitait le
rapport d’amas de futilités. Aujourd'hui il y voit
un tissu de mensonges.
Ces rodomontades et ces inconséquences ne
trompent plus personne. Le temps est passé où le
Courrier et ses amis pouvaient compter sur l’in
dulgence des républicains.
Un seul fait se dégage de cette campagne, où les
goupillons se lèvent d’une façon si grotesque au
commandement de Gouthe-Soulard :
Les jésuites et leurs organes sont restés fidèles
à cette devise que le Courrier attribue si mala
droitement à Voltaire et qu’on doit laisser pour
compte à Basile et à ses disciples : « Calomniez,
calomniez, il en restera toujours quelque chose. »
CONFÉRENCE DE M. MILLERAND
Un nombreux auditoire, que nous pouvons éva
luer à près de quinze cents personnes, assistait
à la magnifique conférence donnée au Cercle
Franklin, dimanche dernier, à trois heures de
l’après-midi, par M. Millerand, député, sur l’Eglise
et la République.
Le sujet choisi par l’orateur est un de ceux qui,
en général, préoccupent le plus vivement l’opinion
publique, dont l’attention a été, plus particulière
ment encore, attirée par les événements récents
sur cette grave question de la séparation de l’Eglise
et de l’Etat.
Il n’est donc pas étonnant que, malgré la con
currence d’un temps superbe qui invitait à la pro
menade, la salle ait été amplement garnie.
C’est avec une joie profonde que nous consta
tons le succès remporté par M.' Millerand. Sans
doute, il est coutumier du fait; mais l’impression
qu’il a produite-sur ^assistance a été telle, que l'on
peut classer cette réunion comme l’une des plus
belles qui se soient données au Havre.
Malheureusement, mous ne pouvons, dans ce
journal, donner qu’un simple aperçu de la confé
rence.
M. Millerand, après avoir, au début, rappelé le
caractère d’actualité qui s’attache à la question
qu’il se propose de traiter, aborde so.n sujet ,en
faisant un exposé historique ‘de - fa' ‘conduite ; de
l’Eglise catholique à l’égard dé Ta République :
arrêté Ducrot sur les enterrements civils, érection
de l’église Montmartre, campagne ’ cléricale à
l’occasion de laquelle les gauches. de. la Chambre
votent un ordre du jour contre les agitations du
parti ultramontain ; coup d’état du 16 mai et ins
tallation du gouvernement des curés qui mit tout
en œuvre pour détruire la République. Puis, plus
tard, guerre à la loi de l’instruction laïque, gra
tuite et obligatoire, enfin, participation active au
mouvement boulangiste.
*
* *
Examinant ensuite la situation depuis 1889,
M. Millerand montre l’attitude nouvelle du parti
réactionnaire ; après avoir, pendant près de
vingt ans, essayé par tous les moyens possibles
de tuer la République, ces Messieurs eurent, il y
a quelque temps, la prétention de prendre en
mains ses destinées et de la gouverner.
Cette tactique nouvelle réussit à ébranler et à
attirer un grand nombre de républicains, séduits
par les déclarations de MM. Lavigerie et Fava ; on
se souvient, soit dit en passant, de la tentative
prêchée par l’opportunisme local lors de l’incident
de l’abbé Palfray !
Les réactionnaires semblaient donc sûrs de
pouvoir entrer dans la citadelle, lorsque dernière
ment se produisirent les pèlerinages de Rome et
l’affaire Gouthe-Soulard, dont la condamnation
amena cette découverte que tout le clergé français
était ouvertement hostile à la République.
★
* *
Or, cette hostilité, elle est logique. Elle provient
de l’incompatibilité, de l’opposition qui existe entre
les idées, les principes qui forment la hase de
chacun des deux pouvoirs en présence. M. Mille
rand a exposé cette partie doctrinale de sa con
férence d’une façon tout à fait magistrale et
saisissante. D’une part, le Syllabus, condamnant
l’esprit moderne, la Révolution, et inspirant les
hommes de l’Eglise ; d’autre part les partisans des
idées modernes, les républicains, excommuniés !
— Comment espérer faire vivre ensemble ces deux
éléments aussi contraires — le feu et l’eau ?
C’est une prétention dont l’incident Gouthe-
Soulard s’est chargé de démontrer le caractère
utopique.
*
* *
Le Concordat, cependant, a été inventé pour
opérer cette union, cette espèce de mariage entre
deux choses inconciliables.
On dit qu’avec lui le gouvernement est maître
du clergé. C’est une erreur, car le seul droit qu’il
possède, est la déclaration, après beaucoup de
formalités, comme d’abus , affichée aux frais de
l’Etat , à la porte des églises.
La belle affaire ! En réalité, l’Eglise fait ce
qu’elle veut, et si parfois il arrive à Tun de ses
représentants d’être poursuivi par le temporel,
le résultat est de lui fournir une occasion de crier
à la persécution et de se poser en martyr !
Le Concordat constitue une situation fausse,
insensée; il autorise l’entretien, avec l’argent de
tous, d’une catégorie d’individus qui combattent
le gouvernement qui les paie.
En le supprimant, on établirait un droit commun
qui placerait l’Eglise dans la nécessité de se suffire
à elle-même en demandant à ses seuls fidèles ses
moyens d’existence.
*
* ¥
La séparation des Eglises et de l’Etat s’impose
donc, et quelle que soit l’appréhension qu’elle peut
susciter, ce n’est que par elle que seront aplanies
les entraves nombreuses que trouvent les répu
blicains autour d’eux.
Mais il faut procéder avec clairvoyance. Il faut,
notamment, faire une loi sur les associations, qui
accorde à tout le monde le droit d’association ;
en même temps, il importe d’empêcher, par une
autre loi, la constitution des biens fde main morte.
*
X X
On craint que ces réformes ne soient accueillies
avec défaveur par la masse des français. C’est une
erreur ; le bénéfice qui en résulterait pour l’en
semble des contribuables leur ferait au contraire
bientôt apprécier avantageusement la mesure.
M. Jules Roche; avant d’être ministre, a établi
des calculs à cet égard et fait ressortir l’impor
tance des résultats qui en découleraient. Nous
avons devant nous sa proposition de loi tendant
à la sécularisation des biens des congréga
tions religieuses , des fabriques , des séminaires ,
des consistoires et la séparation de l’Eglise et
.de l’Etat. Dans l’exposé de motifs, il examine
le côté fiscal de la suppression du budget des
cultes'; on pourrait faire profiter la petite pro 1 -
priété de la diminution des 50 millions que les
cultes coûtent annuellement au budget de l’Etat,
c’est-à-dire aux cotes inférieures à 50 fr. repré
sentant la propriété non bâtie, possédée et exploi
tée directement par les paysans ; ce serait un dé-
? grèvement de 55 0/0, auquel le contribuable serait
^sensible, et, comme dit M. Jules Roche, « un
» acte solennel de justice républicaine en faveur
. » de ces vaillants et patriotiques populations des
» campagnes, qui souffrent depuis si longtemps
» de l’exploitation cléricale, de la domination du
x> prêtre, et qui n’oublieront plus qu’elles doivent
» à la Révolution la fin de leur servage matériel
s> et de leur servage moral. »
CINQ CENTIMES LE NUMERO
l re Année — 21 Frimaire An 100 —• A 0 10.
Le Réveil du Havre
ORGANE RÉPUBLICAIN
PRIX DES ABONNEMENTS :
Le Havre....
Départements.
UN an six MOIS
3 fr. 2 fr.
4 fr. 2 50
ADMINISTRATION & RÉDACTION
15, RUE CASIMIR-PÉRIER, 15
LE RÉ VE IL DU HA VRE paraît le Samedi
PRIX DES INSERTIONS :
Annonces 25 cent, la ligne
Réclames 50 cent, la ligne
On traite à Forfait
VIOLATION
DES
LOIS SCOLAIRES
Atteintes à la neutralité de l’école.
Nécessité d’une enqtiête.
Il se passe, depuis quelque temps, au
Havre, d'étranges choses dans le service de
l’Instruction publique.
Nos lecteurs connaissent, par les lettres
que nous avons publiées, le sans-gêne avec
lequel certains directeurs d’école se compor
tent envers les instituteurs qui subissent
leur autorité.
La violation de la loi est flagrante et
préméditée, et c’est à ce titre qu’elle mérite
d'attirer l’attention du parti républicain.
Tout le monde sait que les lois de 1882
et de 1886 sur l’enseignement primaire
instituent d’une façon complète la neutralité
de l’école. Le personnel enseignant doit
rester absolument étranger à la direction
religieuse des enfants : l'instituteur à l’école,
le prêtre à l’Eglise, telle est la nouvelle
formule qui, après tant d’années d’ingérence
cléricale, confine chacun dans le-yôle qui
lui convient.
Ce principe est non-seulement une garantie
pour les familles qui conservent Je droit
d’élever leurs enfants dans telle ou telle
religion, ou même de ne leur en faire suivre
aucune ; il est encore la sauvegarde des
instituteurs définitivement affranchis de la
domination de clergé, et tenus séulement à
l’enseignement de cet ensemble de choses
positives qui constitue l’instruction.
Or, cette neutralité que la loi commande
et que des administrateurs républicains
devraient faire respecter, reçoit dans les
écoles du Havre les atteintes les plus
graves.
On voit des directeurs d’école forcer
leurs instituteurs à exercer dans les églises
un service de surveillance qui reviendrait
de droit aux préposés de la sacristie. On
les voit même agir sur leurs subordonnés
pour les amener à signer des lettres dans
lesquelles ils demandent — c’est un com
ble, — de continuer à accompagner les
élèves à l'Eglise.
Au moment de la première communion,
— cette cérémonie qui fait perdre, aux
enfants, en moyenne, une année employée
en récitation de catéchisme, prières, cantiques
et génuflexions, — certains directeurs font
plus encore. Ils prêtent leurs locaux à des
manifestations religieuses et l’on voit des
curés faire dans les écoles des distributions
de brochures pieuses.
Si c’est pour en arriver là que l’on a fait
les lois de 1882 et de 1886, il eût mieux
valu ne rien changer à l’ancienne législation.
Cléricale par système et ouvertement, elle
avait du moins le mérite de la franchise.
Aujourd’hui, au contraire, après avoir élevé
à grands frais des écoles, qu’on appelle
laïques, on en fait des succursales de
l’Eglise.
 qui incombe la responsabilité de ces
faits scandaleux ? Il serait intéressant de
le rechercher.
Trois persoûîi ali tés se trouvent directement
en cause, à raison des pouvoirs qui leur sont
conférés sur l’enseignement au Havre :
1° M. Métivier, inspecteur d’Académie ;
2° M. Garsault, inspecteur primaire ;
3° M. Génestal, adjoint, chargé de l’ins
truction publique.
Il importe de savoir si la responsabilité des
faits qui se passent au Havre incombe à l’un
ou à l’autre de ces administrateurs, ou si
elle leur est commune.
Pour s’en rendre compte, une enquête
s’impose.
Il faut qu’elle soit conduite par une per
sonne absolument désintéressée dans la ques
tion, qui fasse la lumière sur les actes de
pression illégale et d’ingérence cléricale dont
se plaignent les instituteurs.
Il faut que M. le Ministre de l’Instruction
publique fasse pour nos écoles, ce que M. le
Ministre de l’Intérieur a fait pour le Bureau
de Bienfaisance. M. Napias, délégué du
ministre, n’hésita pas, on s’en souvient, à
condamner les -agissements du personnel
congréganiste du Bureau.
La venue d’un inspecteur général de l’Ins
truction publique aurait pour nos écoles le
même effet. Elle ferait cesser des abus qui
n’ont que trop duré, et nous saurions s’il ne
s'est pas glissé, dans le parti républicain, des
administrateurs plus aptes à propager la
réaction en faisant des concessions aux cléri
caux, qu’à défendre la République.
SEMAINE POLITIQUE
FRANCE
Une interpellation au Sénat. —■ Mercredi
dernier, le Sénat a discuté l’interpellation de
M. Dide, sur les menées cléricales.
L’honorable interpellateur a fait ressortir, avec
son éloquence ordinaire, la nécessité de défendre
contre les entreprises du clergé : l’Etat laïque.
M. Goblet, dans un discours énergique et d’une
implacable logique, a montré au bout de toute
cette campagme, la solution inévitable : la sépara
tion des Eglises et de l’Etat.
Nous passerons sur le discours de M. Fallières,
indigne d’un ministre de la République, pour
rendre justice à l’éloquence de M. de Freycinet.
Le Président du Conseil, réparant les maladresses
de son collègue des cultes, a reconnu que la sépa
ration des Eglises et de l’Etat s’imposerait si le
clergé persistait dans son attitude.
Comme M. Chesnelong, l’crateur de la Droite,
a jeté au milieu de notre placide Sénat le cri de
guerre des cléricaux contre la République. Atten
dons-nous à voir cette question revenir sur le tapis
de la politique.
Quoi qu'il en soit, l’ordre du jour du Sénat est
un acheminement vers la défaite définitive de
l’ultramontanisme, dont la dernière ressource est
dans le Concordat.
Don Pedro. — On vient de célébrer, à Paris,
les obsèques de Don Pedro, ancien empereur du
Brésil.
Bien qu’il répugne en général à des républicains
de faire l’éloge de ceux qui furent les détenteurs
du pouvoir absolu, c’est faire acte de justice que
de rendre hommage à celui qui, parvenant au
pouvoir suprême, s’ycomporta en philosophe.
Tous ceux qui s’intéressent au mouvement
scientifique, savent le culte que Don Pedro pro
fessait pour les sciences exactes, notamment pour
l’astronomie. Des savants français, comme M.
Emmanuel Liais, de Cherbourg, reçurent de sa
part un accueil qu’on ne peut oublier.
Il fut, de plus, le promoteur de l’affranchis
sement des esclaves au Brésil.
Il appartient, en un mot, à cette lignée d’em*
pereurs et de rois grands à la fois par l'intelli
gence et par le cœur qui constituent une exception
dans l’histoire des peuples. Il faudrait peut-être
remonter jusqu’aux Antonins' pour trouver un
porte-scepte ayant à ce point la compréhension
de son temps,
Victor-Hugo avait donc pu, sans déroger,
recevoir chez lui cet homme qui, modeste devant
le génie-, se faisait annoncer sous le nom de
Don Pedro de Alcantara.
LE COURRIER DU HAVRE
Inconséquence et Jésuitisme
Le Courrier du Havre, fidèle à ses traditions
de jésuitisme, continue, en désespoir de cause, sa
campagne d’organe bien pensant.
Se rendant compte que le terrain se dérobe sous
ses pas, il prend le parti commode d’injurier l’una
nimité du Conseil municipal qui a voté la laïcisa
tion immédiate de deux Bureaux.
Nous ne relèverons pas dans cette élucubration
les contradictions qui y fourmillent. Cette tâche
serait trop longue.
L’organe des congrégations se garde bien d’ail
leurs de publier in extenso le rapport fait par
l’honorable M. Cheuret, au nom de l’unanimüe
dès deux Commissions des Finances et de l’Assis
tance publique.
Alors que, dans le sein du Conseil, aucune voix
ne s’est élevée pour réfuter les constatations pré
cises du rapport — pas même celles de MM. Heu et
Dourt, membres de la Commission administrative
du Bureau—il paraît plaisant à l’organe clérical de
prendre des airs effarouchés et de voir le mensonge
le plus noir où il y a la vérité la plus éclatante.
Il y a quinze jours, le Courrier traitait le
rapport d’amas de futilités. Aujourd'hui il y voit
un tissu de mensonges.
Ces rodomontades et ces inconséquences ne
trompent plus personne. Le temps est passé où le
Courrier et ses amis pouvaient compter sur l’in
dulgence des républicains.
Un seul fait se dégage de cette campagne, où les
goupillons se lèvent d’une façon si grotesque au
commandement de Gouthe-Soulard :
Les jésuites et leurs organes sont restés fidèles
à cette devise que le Courrier attribue si mala
droitement à Voltaire et qu’on doit laisser pour
compte à Basile et à ses disciples : « Calomniez,
calomniez, il en restera toujours quelque chose. »
CONFÉRENCE DE M. MILLERAND
Un nombreux auditoire, que nous pouvons éva
luer à près de quinze cents personnes, assistait
à la magnifique conférence donnée au Cercle
Franklin, dimanche dernier, à trois heures de
l’après-midi, par M. Millerand, député, sur l’Eglise
et la République.
Le sujet choisi par l’orateur est un de ceux qui,
en général, préoccupent le plus vivement l’opinion
publique, dont l’attention a été, plus particulière
ment encore, attirée par les événements récents
sur cette grave question de la séparation de l’Eglise
et de l’Etat.
Il n’est donc pas étonnant que, malgré la con
currence d’un temps superbe qui invitait à la pro
menade, la salle ait été amplement garnie.
C’est avec une joie profonde que nous consta
tons le succès remporté par M.' Millerand. Sans
doute, il est coutumier du fait; mais l’impression
qu’il a produite-sur ^assistance a été telle, que l'on
peut classer cette réunion comme l’une des plus
belles qui se soient données au Havre.
Malheureusement, mous ne pouvons, dans ce
journal, donner qu’un simple aperçu de la confé
rence.
M. Millerand, après avoir, au début, rappelé le
caractère d’actualité qui s’attache à la question
qu’il se propose de traiter, aborde so.n sujet ,en
faisant un exposé historique ‘de - fa' ‘conduite ; de
l’Eglise catholique à l’égard dé Ta République :
arrêté Ducrot sur les enterrements civils, érection
de l’église Montmartre, campagne ’ cléricale à
l’occasion de laquelle les gauches. de. la Chambre
votent un ordre du jour contre les agitations du
parti ultramontain ; coup d’état du 16 mai et ins
tallation du gouvernement des curés qui mit tout
en œuvre pour détruire la République. Puis, plus
tard, guerre à la loi de l’instruction laïque, gra
tuite et obligatoire, enfin, participation active au
mouvement boulangiste.
*
* *
Examinant ensuite la situation depuis 1889,
M. Millerand montre l’attitude nouvelle du parti
réactionnaire ; après avoir, pendant près de
vingt ans, essayé par tous les moyens possibles
de tuer la République, ces Messieurs eurent, il y
a quelque temps, la prétention de prendre en
mains ses destinées et de la gouverner.
Cette tactique nouvelle réussit à ébranler et à
attirer un grand nombre de républicains, séduits
par les déclarations de MM. Lavigerie et Fava ; on
se souvient, soit dit en passant, de la tentative
prêchée par l’opportunisme local lors de l’incident
de l’abbé Palfray !
Les réactionnaires semblaient donc sûrs de
pouvoir entrer dans la citadelle, lorsque dernière
ment se produisirent les pèlerinages de Rome et
l’affaire Gouthe-Soulard, dont la condamnation
amena cette découverte que tout le clergé français
était ouvertement hostile à la République.
★
* *
Or, cette hostilité, elle est logique. Elle provient
de l’incompatibilité, de l’opposition qui existe entre
les idées, les principes qui forment la hase de
chacun des deux pouvoirs en présence. M. Mille
rand a exposé cette partie doctrinale de sa con
férence d’une façon tout à fait magistrale et
saisissante. D’une part, le Syllabus, condamnant
l’esprit moderne, la Révolution, et inspirant les
hommes de l’Eglise ; d’autre part les partisans des
idées modernes, les républicains, excommuniés !
— Comment espérer faire vivre ensemble ces deux
éléments aussi contraires — le feu et l’eau ?
C’est une prétention dont l’incident Gouthe-
Soulard s’est chargé de démontrer le caractère
utopique.
*
* *
Le Concordat, cependant, a été inventé pour
opérer cette union, cette espèce de mariage entre
deux choses inconciliables.
On dit qu’avec lui le gouvernement est maître
du clergé. C’est une erreur, car le seul droit qu’il
possède, est la déclaration, après beaucoup de
formalités, comme d’abus , affichée aux frais de
l’Etat , à la porte des églises.
La belle affaire ! En réalité, l’Eglise fait ce
qu’elle veut, et si parfois il arrive à Tun de ses
représentants d’être poursuivi par le temporel,
le résultat est de lui fournir une occasion de crier
à la persécution et de se poser en martyr !
Le Concordat constitue une situation fausse,
insensée; il autorise l’entretien, avec l’argent de
tous, d’une catégorie d’individus qui combattent
le gouvernement qui les paie.
En le supprimant, on établirait un droit commun
qui placerait l’Eglise dans la nécessité de se suffire
à elle-même en demandant à ses seuls fidèles ses
moyens d’existence.
*
* ¥
La séparation des Eglises et de l’Etat s’impose
donc, et quelle que soit l’appréhension qu’elle peut
susciter, ce n’est que par elle que seront aplanies
les entraves nombreuses que trouvent les répu
blicains autour d’eux.
Mais il faut procéder avec clairvoyance. Il faut,
notamment, faire une loi sur les associations, qui
accorde à tout le monde le droit d’association ;
en même temps, il importe d’empêcher, par une
autre loi, la constitution des biens fde main morte.
*
X X
On craint que ces réformes ne soient accueillies
avec défaveur par la masse des français. C’est une
erreur ; le bénéfice qui en résulterait pour l’en
semble des contribuables leur ferait au contraire
bientôt apprécier avantageusement la mesure.
M. Jules Roche; avant d’être ministre, a établi
des calculs à cet égard et fait ressortir l’impor
tance des résultats qui en découleraient. Nous
avons devant nous sa proposition de loi tendant
à la sécularisation des biens des congréga
tions religieuses , des fabriques , des séminaires ,
des consistoires et la séparation de l’Eglise et
.de l’Etat. Dans l’exposé de motifs, il examine
le côté fiscal de la suppression du budget des
cultes'; on pourrait faire profiter la petite pro 1 -
priété de la diminution des 50 millions que les
cultes coûtent annuellement au budget de l’Etat,
c’est-à-dire aux cotes inférieures à 50 fr. repré
sentant la propriété non bâtie, possédée et exploi
tée directement par les paysans ; ce serait un dé-
? grèvement de 55 0/0, auquel le contribuable serait
^sensible, et, comme dit M. Jules Roche, « un
» acte solennel de justice républicaine en faveur
. » de ces vaillants et patriotiques populations des
» campagnes, qui souffrent depuis si longtemps
» de l’exploitation cléricale, de la domination du
x> prêtre, et qui n’oublieront plus qu’elles doivent
» à la Révolution la fin de leur servage matériel
s> et de leur servage moral. »
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