Titre : Le Réveil du Havre : organe républicain ["puis" organe républicain-socialiste indépendant "puis" organe du Parti républicain démocratique]
Éditeur : [s.n.] (Le Havre)
Date d'édition : 1893-08-14
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32854639q
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 14 août 1893 14 août 1893
Description : 1893/08/14 (N100). 1893/08/14 (N100).
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k3263299g
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-89667
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 28/04/2019
ORGANE RÉPUBLICAIN
PIUX DES ABONNEMENTS :
UN AN SIX MOIS
Le Havre....» 5 fr. 3 fr.
Départements 6 fr. 3 50
15, RUE CASIMIR-PÉRIER, 15
LE RÉVEIL DU HA VRE paraît tous les jours
âSEK
PRIX DES INSERTIONS;
Annonces 25 cent, la ligne
Réclames 50 cent, la ligne
On traite à Forfait
COMITÉ RÉPUBLICAIN DÉMOCRATIQUE
DES COMMERÇANTS, OUVRIERS «Sc EMPLOYÉS
LE RÉVEIL DU HAVRE
paraît
TOIJ§ LE® JOÏJSS®
à 7 heures du matin
SOMMASSE DI PRÉSENT NUMÉRO
M. Denis Guillot et la Marine Mar
chande.
Ribot, Siegfried et G°.
Réunion publique.
Les procédés du Petit Havre.
M. Siegfried panamiste.
Le Progrès du Havre.
De l’Audace !
M. Siegfried condamné par M. Félix
Faure.
A. M. Paisant.
Nouvelles et Faits divers.
M. DENTS GUTT.EOT
ET
LA MAR INE MAR CHANDE
Dans la réunion de vendredi, à la Lyre
Havraise, M. Denis Guillot, répondant à M.
Siegfried, a fait ressortir la nécessité pour le
député du Havre, de protéger la marine fran
çaise. 11 a critiqué les votes de M. Siegfried
sur la demi-prime à la marine étrangère, et
lui a reproché de s’être opposé à l’augmenta
tion de la prime à la Marine à voiles, portée à
1 fr. 70 malgré lui, et qu’il voulait maintenir
à 1 fr. 40.
Afin que tous les électeurs de la première
circonscription, et notamment ceux qui ap
partiennent au monde maritime, puissent se
rendre compte de la compétence que possède
M. Denis Guillot en cette matière, nous re
produisons le rapport ci-après, dont 1 impor
tance n’échappera à personne.
11 émane, en effet, de M. Meyer, qui fut
longtemps vice- président du Tribunal civil du
Havre et président de la Société Havraire
d’Etudes diverses , et qui, après avoir été con
seiller à la Cour de Rouen, est actuellement
investi de la haute fonction déjugé d instruc
tion au Tribunal de la Seine.
La Société Havraise d’Etudes diverses avait
mis à l’étude la question suivante : « Des
causes de la crise qui sévit actuellement sur la
marine marchande. — Des meilleurs moyens
d’y remédier. » Le prix fut decerne a M. De
nis Guillot, pour le remarquable travail qu’il
fit sur ce sujet, et qui fut‘ensuite publié.
(Guillaumin.'Paris, 1888).
On remarquera que, dans un passage de
son rapport, M* Meyer déclare que « c est par
de telles œuvres que l’on se rend digne de
représenter et de défendre les interets de sa ville
d’abord et plus tard de la nation. »
Voici, au surplus, comment s’exprimait
M. Meyer :
Rapport de M. Meyer
La marine marchande n’est-elle pas au suprême
degré une question d’intérêt général ? Evoquant
le souvenir des grands colonisateurs, des héroïques
marins des xvn me et xvm mc siècles, n’est-elle pas
dans le passé une de nos gloires nationales les plus
pures, de même qu’elle touche, dans le présent
et dans l’avenir, aux intérêts vitaux du pays tout
entier ?
N’est-elle pas une question essentiellement
havraise ?
Nos destinées ne sont-elles pas liées aux siennes?
En mettant à l’étude l’incontestable malaise qui
en paralyse l’essor depuis des années déjà trop
longues, la Société ne s’est pas bercée du fol espoir
de faire naître une panacée qui permit de ramener
immédiatement la prospérité chez nos armateurs ;
elle sait que de semblables remèdes n’existent que
dans le cerveau creux des utopistes. Mais elle a
pensé, qu’on ne saurait trop souvent appeler l’es
prit scientifique à analyser les causes des faits
économiques dont souffrent les intérêts et à indi
quer les différents buts vers lesquels on doit tendre
pour atténuer.ces souffrances et giême y substituer
ia~prospérité.
Dois-je l’avouer ? nous avons craint, un instant,
que notre appel restât sans réponse.
Le sujet, pour être utilement abordé, exigeait
des études antérieures profondes et une instruc
tion générale élevée qu’on ne rencontre pas tou
jours chez les hommes pratiques qui eussent pu,
d’autre part, nous apporter d’utiles renseigne
ments.
Heureusement, il s’èst rencontré un esprit dis
tingué qui a complètement répondu à l’attente
de la Société et satisfait aux exigences des juges
les plus difficiles.
Dès les premières pages, et par la simple divi
sion des chapitres, l’auteur du manuscrit portant
l i devise heureusement choisie : « Le trident de
Neptune est le sceptre du monde », nous a révélé
une connaissance approfondie du sujet ettm esprit
positif, s’écartant des hypothèses hasardées pour
ne se baser que sur des faits.
Définissant ce qu’on entend par le mot crise,
et dans le sens vulgaire et dans le sens scientifi
que, après nous avoir tracé dans un tableau ma
gistral les transformations du matériel maritime,
passant dans moins d’un demi-siècle du voilier de
petite dimension aux immenses paquebots que
nous voyons sortir majestueusement de nos ports ;
après nous avoir montré l’influence des progrès
scientifiques substituant dans les constructions
d’abord le fer au bois, puis l’acier au fer, rampla-
çant les machines à vapeur dévorantes de combu
stibles des premiers temps par les moteurs à haute
pression, l’hélice simple, dûe au génie de Frédéric
Sauvage, détrônant la roue ; après nous avoir
initiés à la lutte du libre-échange et de la protec
tion, et avoir exposé dans ses détails la puissance
de la marine anglaise, il nousfait toucher du doigt
que cette magnifique évolution, qui supprime la
distance et met le nouveau monde à quelques jours
de l’ancien, n’a pu s’accomplir sans froisser bien
des intérêts respectables, sans apporter dans bien
des situations légitimement acquises, de cruels
bouleversements. C’est l’enfantement douloureux
de tout progrès humain.
Les causes de rabaissement du prix du fret
provenant de l’exagération de la construction en
Angleterre et s’étendant à tous les autres peuples
par l’effet de la loi de Ricardo, ainsi que de la sub
stitution des grandes Compagnies par actions aux
anciens armatenrs, sont particulièrement étudiées.
M. Denis Guillot est jeune ; nous ne savons ce
que l’avenir lui réserve. Nous comptons bien qu’il
publiera son œuvre. S’il rie le faisait, la Société
le ferait pour lui. Dans tous les cas, elle se félicite
de saluer ses débuts d’économiste, comme elle
s’applaudit d’avoir encouragé, dans un autre ordre
d’idées, les premières armes de poètes dont les
noms viennnent sur toutes les lèvres.
Qu'il n'en reste pas là ., c'est par de telles œu
vres que Von se rend digne de représenter et de
défendre les intêrês de sa ville d’aborcl et plus
tard de lanation.
Il est une constatation qui a dû coûter à son
ardent patriotisme, comme elle coûte au nôtre,
mais nous l’approuvons de l’avoir faite, parce que
à un peuple libre on doit dire la yérité. C’est que
li puissance de notre marine marchande ne s’aug
mente pas proportionnellement à celle de nos voi
sins ; qu’elle souffre surtout des funestes consé
quences de l’année terrible. Il est dur d’avoir à
constater qu’une nation, se disant amie cependant,
fait attendre des années à une Compagnie fran
çaise le règlement d’une indemnité incontestable
ment due.
Q’esfc que la norole l’an qqô avant ” A re chré
tienne est toujours vraie : « Vœ victis : malheur
aux vaincus. » Elle s’est retournée contre nous.
Le poète Schiller ne pourrait, hélas ! plus nous la
reprocher.
Mais la fortune est changeante ; le sang de
Brennus coule toujours daos nos veines.
Nous ne sommes point de ceux qui désespèrent
des destinées de notre chère et toujours grande
patrie.
Nous extrayons du livre de M. Denis Guillot
sur La Marine Marchande les passages suivants
qui montrent bien qu’au point de vue de notre
politique extérieure, comme à celui des marins
du commerce, il est en parfait accord avec
notre population maritime.
La politique anglaise
Voici l’opinion de M. Denis Guillot sur le
rôle de la politique anglaise :.
Nous devons nous demander quel a été le rôle
de la politique internationale sur la puissance
maritime des nations.
La politique audacieuse de l’Angleterre est le
fait le plus important à enregistrer. Et les consé
quences en sont d’autant plus dangereuses pour
nous que cette nation étend son action dans une
région où nous jouissions jusqu’alors d’une pré
pondérance incontestée. Nous voulons parler delà
Méditerranée.
En peu d’années nous avons assisté à une im
mixtion continue de l’Angleterre dans la politique
des Etats méditerranéens. Déjà dangereuse par sa
situation à Gibraltar et à Malte, elle a lutté sans
cesse pour acquérir davantage, et pour se procurer
une nouvelle série de possessions sur la route de
l’Inde. C’est ainsi que nous avons assisté à la
mainmise de cette nation sur l’île de Chypre en
1878, lors du Congrès de Berlin. Nous la retrou
vons dans les entreprises des Bondholders contre
l’indépendance égyptienne. Et alors se déroule une
longue série d’événements obscurs, mais dont le
but est clair, et qui doit aboutir, après une occu
pation militaire sans aucun droit, accompagnée
d’intrigues à Constantinople, à Vienne et à Berlin,
à la suppression irrévocable du condominium et
de la suzeraineté du sultan. La même politique
agit, en Septembre 1885, à Sofia et à Philippopoli,
pour reconstituer, au profit de l’Angleterre et
contre la Russie, la Grande-Bulgarie du traité de
San-Stefano. En Crète des insurrections partielles,
en Egypte l’asservissement de Tewfick, le renver
sement du ministère Nubar, sont l’indice d’une
politique tantôt insinuante, tantôt violente, dans
tous les cas peu scrupuleuse dans le choix des
moyens.
Ces faits, accomplis avec une certaine facilité,
grâce aux jalousies regrettables qui divisent actuel
lement les races latines, indiquent le danger que
nous courons et les devoirs qui nous sont tracés»
Les conditions des capitaines, des officiers
et des marins
Sur cette question si importante, M. Denis
Guillot s’exprime ainsi (pages 104 et suivan
tes de son livre) :
Autrefois, dans la navigation primitive, — et
cela subsiste encore parfois dans les marines
italiennne, grecque et norwégienne, — le pro
priétaire du navire en était en même temps capi
taine. Souvent il avait à son bord ses frères ou
ses fils le secondant dans la direction du navire
et servant sous ses ordres. Ainsi qu’il arrive dans
les industries de plus en plus complexes, où les
diverses fonctions se différencient, la division du
travail a changé tout cela. A l’armateur-capitaine,
qui était parfois même un négociant et qui achetait
des marchandises dans un port pour les revendre
a\pc bénéfice dans un autre, s’est substitué l’ar
mateur étranger à la pratique du métier de la
mer, et, dans les conditions actuelles, le directeur
de la compagnie maritime qui peut fort bien
ignorer le premier mot de la navigation propre
ment dite, et dont la fonction tend de plus ce.
plus à consister surtout dans des vérifications
d’écritures et dans des rapports à présenter aux
assemblées générales d’actionnaires.
Ces transformations ont atteint plus d’un inté
rêt respectable. La classe des officiers de la marine
marchande a subi un préjudice considérable du
fait du remplacement des petits navires par les
grands steamers. Beaucoup de capitaines privés
de leur emploi sont tombés^ dans une situation
précaire. Ceux maintenus en exercice ont eu
souvent à lutter, surtout dans les lignes subven
tionnées, contre la concurrence des officiers de la
marine militaire que l’Etat prête à la marine
marchande avec une libéralité peut-être excessive,
les anciens capitaines étant parfaitement aptes,
pour la plupart, à continuer leurs fonctions.
C’est surtout dans la cla$se des simples matelots
que la condition matérielle a subi une évolution
curieuse. Naguère, les marins embarqués à bord
des navires à voiles devaient connaître dans tous
ses détails un métier qui exigeait une longue
pratique. Avec les steamers, cette nécessité pour
le matelot d’etre bon "gabier, d’avoir certaines
notions de météorologie, de savoir exécuter
promptement une manœuvre périlleuse, a presque
entièrement disparu. En mettant de côté quelques
matelots de la vieille école, on peut affirmer que
le niveau des connaissances dans ce métier a
singulièrement diminué parmi les équipages des
navires à vapeur. La majorité dés inscrits servent
à bord comme manœuvres, comme ouvriers em
ployés à la machine, ou sont en réalité attachés
aux fonctions domestiques du bord.
L’introduction des machines sur les navires a
produit le même effet que dans les usines.
L’homme est souvent devenu un auxiliaire dont
l’initiative a décru dans de larges proportions. Si
cet inconvénient n’est pas compensé pour le
marin, comme pour l'ouvrier des villes, par une
instruction qui le force à élever sa pensée au-
dessus des détails mesquins de sa besogne jour
nalière, on peut craindre un déclin de ses fa
cultés intellectuelles.
Il suffit de parcourir la liste des lois qui traitent
de la marine marchande pour constater que la
législateur ne s’est préoccupé que médiocrement
de la condition des marins. Sans doute, il peut
être dangereux dans certains cas d’ifltervenir
dans les rapports du capital et du travail. Mais
lorsque la loi, dans un but national, protège les
armateurs, elle ne peut sans injustice se désinté
resser de leurs auxiliaires.
Les encouragements pécuniaires accordés à la
marine marchande n’ont eu aucune influence
appréciable sur le taux des salaires des marins.
Et ceux-ci cependant restent soumis à des lois
exceptionnelles dont certaines dispositions sont
PIUX DES ABONNEMENTS :
UN AN SIX MOIS
Le Havre....» 5 fr. 3 fr.
Départements 6 fr. 3 50
15, RUE CASIMIR-PÉRIER, 15
LE RÉVEIL DU HA VRE paraît tous les jours
âSEK
PRIX DES INSERTIONS;
Annonces 25 cent, la ligne
Réclames 50 cent, la ligne
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COMITÉ RÉPUBLICAIN DÉMOCRATIQUE
DES COMMERÇANTS, OUVRIERS «Sc EMPLOYÉS
LE RÉVEIL DU HAVRE
paraît
TOIJ§ LE® JOÏJSS®
à 7 heures du matin
SOMMASSE DI PRÉSENT NUMÉRO
M. Denis Guillot et la Marine Mar
chande.
Ribot, Siegfried et G°.
Réunion publique.
Les procédés du Petit Havre.
M. Siegfried panamiste.
Le Progrès du Havre.
De l’Audace !
M. Siegfried condamné par M. Félix
Faure.
A. M. Paisant.
Nouvelles et Faits divers.
M. DENTS GUTT.EOT
ET
LA MAR INE MAR CHANDE
Dans la réunion de vendredi, à la Lyre
Havraise, M. Denis Guillot, répondant à M.
Siegfried, a fait ressortir la nécessité pour le
député du Havre, de protéger la marine fran
çaise. 11 a critiqué les votes de M. Siegfried
sur la demi-prime à la marine étrangère, et
lui a reproché de s’être opposé à l’augmenta
tion de la prime à la Marine à voiles, portée à
1 fr. 70 malgré lui, et qu’il voulait maintenir
à 1 fr. 40.
Afin que tous les électeurs de la première
circonscription, et notamment ceux qui ap
partiennent au monde maritime, puissent se
rendre compte de la compétence que possède
M. Denis Guillot en cette matière, nous re
produisons le rapport ci-après, dont 1 impor
tance n’échappera à personne.
11 émane, en effet, de M. Meyer, qui fut
longtemps vice- président du Tribunal civil du
Havre et président de la Société Havraire
d’Etudes diverses , et qui, après avoir été con
seiller à la Cour de Rouen, est actuellement
investi de la haute fonction déjugé d instruc
tion au Tribunal de la Seine.
La Société Havraise d’Etudes diverses avait
mis à l’étude la question suivante : « Des
causes de la crise qui sévit actuellement sur la
marine marchande. — Des meilleurs moyens
d’y remédier. » Le prix fut decerne a M. De
nis Guillot, pour le remarquable travail qu’il
fit sur ce sujet, et qui fut‘ensuite publié.
(Guillaumin.'Paris, 1888).
On remarquera que, dans un passage de
son rapport, M* Meyer déclare que « c est par
de telles œuvres que l’on se rend digne de
représenter et de défendre les interets de sa ville
d’abord et plus tard de la nation. »
Voici, au surplus, comment s’exprimait
M. Meyer :
Rapport de M. Meyer
La marine marchande n’est-elle pas au suprême
degré une question d’intérêt général ? Evoquant
le souvenir des grands colonisateurs, des héroïques
marins des xvn me et xvm mc siècles, n’est-elle pas
dans le passé une de nos gloires nationales les plus
pures, de même qu’elle touche, dans le présent
et dans l’avenir, aux intérêts vitaux du pays tout
entier ?
N’est-elle pas une question essentiellement
havraise ?
Nos destinées ne sont-elles pas liées aux siennes?
En mettant à l’étude l’incontestable malaise qui
en paralyse l’essor depuis des années déjà trop
longues, la Société ne s’est pas bercée du fol espoir
de faire naître une panacée qui permit de ramener
immédiatement la prospérité chez nos armateurs ;
elle sait que de semblables remèdes n’existent que
dans le cerveau creux des utopistes. Mais elle a
pensé, qu’on ne saurait trop souvent appeler l’es
prit scientifique à analyser les causes des faits
économiques dont souffrent les intérêts et à indi
quer les différents buts vers lesquels on doit tendre
pour atténuer.ces souffrances et giême y substituer
ia~prospérité.
Dois-je l’avouer ? nous avons craint, un instant,
que notre appel restât sans réponse.
Le sujet, pour être utilement abordé, exigeait
des études antérieures profondes et une instruc
tion générale élevée qu’on ne rencontre pas tou
jours chez les hommes pratiques qui eussent pu,
d’autre part, nous apporter d’utiles renseigne
ments.
Heureusement, il s’èst rencontré un esprit dis
tingué qui a complètement répondu à l’attente
de la Société et satisfait aux exigences des juges
les plus difficiles.
Dès les premières pages, et par la simple divi
sion des chapitres, l’auteur du manuscrit portant
l i devise heureusement choisie : « Le trident de
Neptune est le sceptre du monde », nous a révélé
une connaissance approfondie du sujet ettm esprit
positif, s’écartant des hypothèses hasardées pour
ne se baser que sur des faits.
Définissant ce qu’on entend par le mot crise,
et dans le sens vulgaire et dans le sens scientifi
que, après nous avoir tracé dans un tableau ma
gistral les transformations du matériel maritime,
passant dans moins d’un demi-siècle du voilier de
petite dimension aux immenses paquebots que
nous voyons sortir majestueusement de nos ports ;
après nous avoir montré l’influence des progrès
scientifiques substituant dans les constructions
d’abord le fer au bois, puis l’acier au fer, rampla-
çant les machines à vapeur dévorantes de combu
stibles des premiers temps par les moteurs à haute
pression, l’hélice simple, dûe au génie de Frédéric
Sauvage, détrônant la roue ; après nous avoir
initiés à la lutte du libre-échange et de la protec
tion, et avoir exposé dans ses détails la puissance
de la marine anglaise, il nousfait toucher du doigt
que cette magnifique évolution, qui supprime la
distance et met le nouveau monde à quelques jours
de l’ancien, n’a pu s’accomplir sans froisser bien
des intérêts respectables, sans apporter dans bien
des situations légitimement acquises, de cruels
bouleversements. C’est l’enfantement douloureux
de tout progrès humain.
Les causes de rabaissement du prix du fret
provenant de l’exagération de la construction en
Angleterre et s’étendant à tous les autres peuples
par l’effet de la loi de Ricardo, ainsi que de la sub
stitution des grandes Compagnies par actions aux
anciens armatenrs, sont particulièrement étudiées.
M. Denis Guillot est jeune ; nous ne savons ce
que l’avenir lui réserve. Nous comptons bien qu’il
publiera son œuvre. S’il rie le faisait, la Société
le ferait pour lui. Dans tous les cas, elle se félicite
de saluer ses débuts d’économiste, comme elle
s’applaudit d’avoir encouragé, dans un autre ordre
d’idées, les premières armes de poètes dont les
noms viennnent sur toutes les lèvres.
Qu'il n'en reste pas là ., c'est par de telles œu
vres que Von se rend digne de représenter et de
défendre les intêrês de sa ville d’aborcl et plus
tard de lanation.
Il est une constatation qui a dû coûter à son
ardent patriotisme, comme elle coûte au nôtre,
mais nous l’approuvons de l’avoir faite, parce que
à un peuple libre on doit dire la yérité. C’est que
li puissance de notre marine marchande ne s’aug
mente pas proportionnellement à celle de nos voi
sins ; qu’elle souffre surtout des funestes consé
quences de l’année terrible. Il est dur d’avoir à
constater qu’une nation, se disant amie cependant,
fait attendre des années à une Compagnie fran
çaise le règlement d’une indemnité incontestable
ment due.
Q’esfc que la norole l’an qqô avant ” A re chré
tienne est toujours vraie : « Vœ victis : malheur
aux vaincus. » Elle s’est retournée contre nous.
Le poète Schiller ne pourrait, hélas ! plus nous la
reprocher.
Mais la fortune est changeante ; le sang de
Brennus coule toujours daos nos veines.
Nous ne sommes point de ceux qui désespèrent
des destinées de notre chère et toujours grande
patrie.
Nous extrayons du livre de M. Denis Guillot
sur La Marine Marchande les passages suivants
qui montrent bien qu’au point de vue de notre
politique extérieure, comme à celui des marins
du commerce, il est en parfait accord avec
notre population maritime.
La politique anglaise
Voici l’opinion de M. Denis Guillot sur le
rôle de la politique anglaise :.
Nous devons nous demander quel a été le rôle
de la politique internationale sur la puissance
maritime des nations.
La politique audacieuse de l’Angleterre est le
fait le plus important à enregistrer. Et les consé
quences en sont d’autant plus dangereuses pour
nous que cette nation étend son action dans une
région où nous jouissions jusqu’alors d’une pré
pondérance incontestée. Nous voulons parler delà
Méditerranée.
En peu d’années nous avons assisté à une im
mixtion continue de l’Angleterre dans la politique
des Etats méditerranéens. Déjà dangereuse par sa
situation à Gibraltar et à Malte, elle a lutté sans
cesse pour acquérir davantage, et pour se procurer
une nouvelle série de possessions sur la route de
l’Inde. C’est ainsi que nous avons assisté à la
mainmise de cette nation sur l’île de Chypre en
1878, lors du Congrès de Berlin. Nous la retrou
vons dans les entreprises des Bondholders contre
l’indépendance égyptienne. Et alors se déroule une
longue série d’événements obscurs, mais dont le
but est clair, et qui doit aboutir, après une occu
pation militaire sans aucun droit, accompagnée
d’intrigues à Constantinople, à Vienne et à Berlin,
à la suppression irrévocable du condominium et
de la suzeraineté du sultan. La même politique
agit, en Septembre 1885, à Sofia et à Philippopoli,
pour reconstituer, au profit de l’Angleterre et
contre la Russie, la Grande-Bulgarie du traité de
San-Stefano. En Crète des insurrections partielles,
en Egypte l’asservissement de Tewfick, le renver
sement du ministère Nubar, sont l’indice d’une
politique tantôt insinuante, tantôt violente, dans
tous les cas peu scrupuleuse dans le choix des
moyens.
Ces faits, accomplis avec une certaine facilité,
grâce aux jalousies regrettables qui divisent actuel
lement les races latines, indiquent le danger que
nous courons et les devoirs qui nous sont tracés»
Les conditions des capitaines, des officiers
et des marins
Sur cette question si importante, M. Denis
Guillot s’exprime ainsi (pages 104 et suivan
tes de son livre) :
Autrefois, dans la navigation primitive, — et
cela subsiste encore parfois dans les marines
italiennne, grecque et norwégienne, — le pro
priétaire du navire en était en même temps capi
taine. Souvent il avait à son bord ses frères ou
ses fils le secondant dans la direction du navire
et servant sous ses ordres. Ainsi qu’il arrive dans
les industries de plus en plus complexes, où les
diverses fonctions se différencient, la division du
travail a changé tout cela. A l’armateur-capitaine,
qui était parfois même un négociant et qui achetait
des marchandises dans un port pour les revendre
a\pc bénéfice dans un autre, s’est substitué l’ar
mateur étranger à la pratique du métier de la
mer, et, dans les conditions actuelles, le directeur
de la compagnie maritime qui peut fort bien
ignorer le premier mot de la navigation propre
ment dite, et dont la fonction tend de plus ce.
plus à consister surtout dans des vérifications
d’écritures et dans des rapports à présenter aux
assemblées générales d’actionnaires.
Ces transformations ont atteint plus d’un inté
rêt respectable. La classe des officiers de la marine
marchande a subi un préjudice considérable du
fait du remplacement des petits navires par les
grands steamers. Beaucoup de capitaines privés
de leur emploi sont tombés^ dans une situation
précaire. Ceux maintenus en exercice ont eu
souvent à lutter, surtout dans les lignes subven
tionnées, contre la concurrence des officiers de la
marine militaire que l’Etat prête à la marine
marchande avec une libéralité peut-être excessive,
les anciens capitaines étant parfaitement aptes,
pour la plupart, à continuer leurs fonctions.
C’est surtout dans la cla$se des simples matelots
que la condition matérielle a subi une évolution
curieuse. Naguère, les marins embarqués à bord
des navires à voiles devaient connaître dans tous
ses détails un métier qui exigeait une longue
pratique. Avec les steamers, cette nécessité pour
le matelot d’etre bon "gabier, d’avoir certaines
notions de météorologie, de savoir exécuter
promptement une manœuvre périlleuse, a presque
entièrement disparu. En mettant de côté quelques
matelots de la vieille école, on peut affirmer que
le niveau des connaissances dans ce métier a
singulièrement diminué parmi les équipages des
navires à vapeur. La majorité dés inscrits servent
à bord comme manœuvres, comme ouvriers em
ployés à la machine, ou sont en réalité attachés
aux fonctions domestiques du bord.
L’introduction des machines sur les navires a
produit le même effet que dans les usines.
L’homme est souvent devenu un auxiliaire dont
l’initiative a décru dans de larges proportions. Si
cet inconvénient n’est pas compensé pour le
marin, comme pour l'ouvrier des villes, par une
instruction qui le force à élever sa pensée au-
dessus des détails mesquins de sa besogne jour
nalière, on peut craindre un déclin de ses fa
cultés intellectuelles.
Il suffit de parcourir la liste des lois qui traitent
de la marine marchande pour constater que la
législateur ne s’est préoccupé que médiocrement
de la condition des marins. Sans doute, il peut
être dangereux dans certains cas d’ifltervenir
dans les rapports du capital et du travail. Mais
lorsque la loi, dans un but national, protège les
armateurs, elle ne peut sans injustice se désinté
resser de leurs auxiliaires.
Les encouragements pécuniaires accordés à la
marine marchande n’ont eu aucune influence
appréciable sur le taux des salaires des marins.
Et ceux-ci cependant restent soumis à des lois
exceptionnelles dont certaines dispositions sont
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