Titre : Le Réveil du Havre : organe républicain ["puis" organe républicain-socialiste indépendant "puis" organe du Parti républicain démocratique]
Éditeur : [s.n.] (Le Havre)
Date d'édition : 1893-07-08
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32854639q
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 08 juillet 1893 08 juillet 1893
Description : 1893/07/08 (N89). 1893/07/08 (N89).
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k32632893
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-89667
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 28/04/2019
2 e Année ■— N° 89 — Samedi 8 Juillet 1893.
DIX CENTIMES LE NUMERO
2 e Année — 20 Messidor An 101 — N° 89.
Réveil
Havre
ORGANE RÉPUBLICAIN
S*3
PRIX DES
Le Havre...
Départements
UN an six MOIS
5 fr. 3 fr.
6 fr. 3 50
ADMINISTRATION & RÉDACTION
15, RUE CASIMIE-PÉRIER, 15
LE RÉ VE IL DU HA VRE paraît le Samedi
PRIX DES INSERTIONS :
Annonces.
Réclames.
25 cent, la ligne
50 cent, la ligne
On traite à Forfait
LES ARGOUSI
DE
M. DUPUY
Il va bien, M. Dupuy, l’homme au di
lemme !
Ce pion auvergnat, que l’Université a cédé
a la politique, ne se contente plus d’être gro
tesque et de dépasser dans ses discours les
drôleries de Calino. 11 veut ajouter un fleuron
à la couronne qu’il s’est tressée le jour où il
s’est qualifié modestement de « chef de la
politique française, >> prenant sans doute la
politique pour une cuisine. Dupuy s’essaie à
jouer en France les Stambouloff; il tient à
verser du sang; il en verse.
Constans avait Fourmies. Dupuy a les
assassinats du quartier latin. C’est, à son
tour, un homme à poigne, ce sous-vétérinaire
qui, commodément assis en son fauteuil de la
place Beauvau, sans danger aucun pour sa
précieuse personne, fait exécuter par ses
argousins les boucheries de la rive gauche.
Car, il ne faut pas s’y méprendre, Dupuy,
dans son aberration criminelle, dans son
stupide mépris de la liberté, procède avec une
certaine logique, et ses coups sont préparés de
longue main. Le jour où, du haut de la tri
bune française, ce chef de Cabinet a adressé
aux agents qui avaient frappé, le 1 èr Mai, le
député Baudin, les éloges de celui qui donne
les ordres à ceüÿ cjàii les exécutent servilement,
Nuger et, avec lui, tant d’innocents, étaient
condamnés à mourir. Les conseils n’étaient
pas perdus pour ces br,u,tes avinées des bri
gades centrales, ramassis des salles de police,
vieux déchets de caserne, qu’on voit se ruer
sur Paris, dès qu’il y a quelque mauvais coup
à faire. ;
Dignes soldats d’un tel général !
L’occasion de mettre en action les ordres de
Dupuy n’a guère tardé, et ses prétoriens en
ont vite profité.
Il a plu, un beau jour à un M. Bérenger,
sénateur pudique devant le monde, de se
transformer, comme dit Séverine, en déter
reur de truffes. Ce M. Bérenger était déjà
connu comme auteur d’une loi bonqe en prin
cipe, mais dont l’application est déplorable,
puisque, en réalité, elle est faite par la police,
qui tient en main, par ses renseignements
plus ou moins sincères, l'honneur des citoyens.
N’ayant plus rien à faire, ce père conscrit
s’est institué professeur de morale et il a jeté
ses malédictions séniles sur tout ce qui, dans
l’exubérance de la virilité gauloise, choque sa
tristesse impuissante de vieux procureur.
La jeunesse des écoles qui, heureusement
pour la France, produira encore plus de ser
viteurs utiles au pays qu’il n’y a d’imbéciles au
Sénat, — ce n’est pas peu dire, —- a jugé bon
d’intervenir et de renvoyer à ses terreurs ridi
cules ce Géronte législatif. Rien de plus néces
saire, il faut bien le reconnaître, que cette
réaction des écoles contre la Ligue de la pu
deur, impudique à force de souligner les
choses les plus inoffensives pour en travestir
le sens.
Mais cette manifestation ne pouvait faire le
compte de Dupuy. Ou plutôt, c’était là pour
lui une occasion superbe de montrer sa poigne.
Et il en a usé et abusé, lâchant sur la jeunesse
la meute de ses sinistres brigades centrales,
les bandes de ses agents provocateurs, jetant
l’épouvante dans Paris, tuant et massacrant
ceux qui défendent contre les cuistres parle
mentaires et contre les hypocrites de chasteté,
la gaîté, le bon sens, l’esprit français.
Voilà où nous en sommes, cent ans après la
Révolution, grâce, il faut le dire, à la stupi
dité de nos gouvernants, stupidité qui, comme
l’expérience l’a prouvé, peut aller jusqu’au
crime !
Que de fois, dans les banquets officiels, où
la pompe des paroles ne sert qu’à masquer le
vide des pensées, les ministres ou leurs agents,
n’ont-ils pas vanté les bienfaits de l’instruction
et les fruits toujours plus beaux de l’ensei
gnement national ! Quelles périodes ronflantes
pour vanter ces Ecoles de la capitale, foyer
du monde civilisé, pépinière qui donnera la
forêt de l’avenir !
Oui, prudhommes officiels, la jeunesse des
Ecoles est la réserve intellectuelle de la
Nation. C’est elle qui nous relèvera des turpi
tudes où nous a plongés votre politique d’af
faires. Et voilà pourquoi vous êtes mille fois
criminels, en la faisant sabrer par nos sergents
de ville. Hier, vous livriez à leurs violences
la représentation nationale, déjà avilie par
vous. Aujourd’hui, c’est la pensée elle-même
que vous leur livrez en pâture à ceux dont
vous avez besoin pour défendre votre société
vermoulue.
Ces brutalités, en démasquant votre poli
tique faussement démocratique, en donnant à
la jeunesse des Ecoles ce baptême du sang
qui l’arrachera pour jamais à Fin différence,
nous préparent une génératioji qui, à un
moment donné, vous réglera votre compte à
vous et aux vôtres.
Ces jeunes gens, dont la plupart sortent de
la bourgeoisie, mais qui en répudient les ten
dances stupidement égoïstes, souffraient assez
déjà de vivre côte à côte avec vos faux répu
blicains qui ne voient dans la politique que
des honneurs à conquérir, des croix à men
dier. Le fossé est heureusement creusé et il
s’élargira jusqu’à devenir un abîme.
Far votre maladresse, vous avez fait la
concentration de la jeunesse des écoles et du
parti ouvrier, c’est-à-dire de ceux qui pensent
avec ceux qui sont le nombre. Le jour, peut-
être prochain, où l’unité d’action entre eux
sera absolue, nous verrons quelle force votre
politique d’argousins pourra opposer à la
poussée du peuple régénéré et conscient.
VERUS.
SEMAINE POLITIQUE
FRANCE
Election Sénatoriale du 2 Juillet 1893
Ille-et-Vilaine :
MM. Grivart, anc. sén. réact.... 578 voix, élu.
Roger-Marvaise, anc. sén. 573 »
Divers 4 »
Il y avait bien longtemps que les réactionnai
res n’avaient eu le plaisir d’enregistrer pareil
succès à leur actif. Mais le succès est bien mé
diocre. Cinq voix seulement de majorité. Aussi,
les partisans de M. Grivart n’osent pas trop
crier victoire.
La réaction, après tout, ne gagne pas un siège :
c’est au comte de Callac que succède M. Grivart,
tout en perdant des voix. En 1888, le comte de
Callac avait été élu, par 606 voix, alors que M.
Grivart n’en a obtenu que 578. Iis ont donc, en
réalité, perdu 28 voix.
★
4 *
Emeute poliçière. — En politique, les évé
nements de la semaine sont hélas ! bien tristes à
signaler.
Près d’un quart du territoire parisien a servi
de théâtre à des hostilités qui ont duré près de
quatre journées. Et pourquoi? A cause de quel
ques étudiants qui ont voulu porter une feuille de
vigne en papier peint à M. le sénateur Bérenger,
qui avait requis la sévérité de la justice contre un
bal un peu décolleté.
Et voilà pourquoi un confit des plus déplora
bles, entre la police et les habitants de la rive
gauche a eu lieu, et a pris un caractère tellement
grave, qu’il y a eu plusieurs personnes de tuées et
des centaines de blessées.
Nous n’entrerons pas davantage dans les tristes
détails de cette émeute. Notre sympathique rédac
teur Vérus, dans un article spécial, que nous pu
blions en tête de notre journal, — traité sévè-
ment, mais qu’il a écrit avec sa grande bonne foi
et sous l’indignation des horreurs commises,—
nous dispense de ce soin.
*
¥ ¥
Le dernier exploit de M. Dupuy. — C’était
écrit depuis longtemps. La Bourse du Travail
empêchait M. Dupuy de dormir. Rien ne faisait
pourtant prévoir sa fermeture immédiate. Les
troupes viennent de pénétrer dans l’intérieur de
la Bourse, enjoignant aux occupants de se retirer.
A l’extérieur, la cavalerie et l’artillerie déblaient
les abords, et font des charges sur le boulevard
Magenta et la place de la République.
En même temps, les troupes s’installent place
de l’Hôtel-de-Ville, afin d’empêcher toute mani
festation.
Ces nouvelles ont causé une grande émotion à
la Chambre, surtout parmi les députés démocrates
et socialistes.
La.Gauche modérée, c’est-à-dire les complices
de M. Dupuy, disent que le ministère a la preuve
de la participation des Syndicats irréguliers aux
derniers troubles du quartier latin.
Espérons qu’à la suite de l’interpellation de
lundi prochain, on n’aura pas de mal à démontrer
l’inanité de leurs fausses accusations, et que M.
Dupuy récoltera la tempête qui surgira infaillible
ment du vent qu’il aura semé.
*
4 4
Une Loi d’Hygiène. — La Chambre a enfin
voté, après bien des tâtonnements et des discus
sions, une grande loi sur la santé publique, si le
Sénat, toutefois, veut bien lui donner sa sanction.
Disons, tout d’abord, que la loi nouvelle prévoit
la constatation possible de l’état sanitaire des
communes et les moyens légaux de les améliorer.
Elle exigera un avis des autorités sanitaires pour
les maisons neuves. Elle permettra aussi d’inter
dire l’habitation des maisons mal construites ou
insalubres.
Cete disposition a, comme on le pense, soulevé
bien des objections.
Nous connaissons certainement, dans le centre
de notre ville, bien des propriétés qui se trouve
ront dans ce cas, et leurs propriétaires se trouve
ront très embarrassés et parfois bien malheureux.
Mais, en vérité, ont-ils le droit d’empoisonner
toute une maison, tout un quartier, toute une
ville, tout un pays ? Et les personnes qu’ils tuent
par l’insalubrité de leurs immeubles, ne sont-elles
pas plus malheureuses encore ? On sait bien que,
dans notre propre ville, le choléra est sorti, trois
fois de suite des mêmes maisons. Si ces maisons
avaient été, dès l’abord, déclarées inhabitables ou
démolies, peut-être que l’épidémie ne se serait pas
reproduite. Et alors, bien des vies humaines au
raient été épargnées !
La loi nouvelle organise des services d’hygiène.
Elle constitue des conseils d’arrondissement, des
conseils départementaux, un conseil supérieur :
toute une armée d’hommes dévoués qui auront la
garde de la santé publique.
Cette loi, si attendue, par les grandes cités,
marquera un grand progrès et deviendra, si elle
est sérieusement appliquée, un grand bienfait au
service de l’humanité tout entière. — Nini.
MONTREZ -VOUS, M . DUPUY
Notre président du Conseil et ministre de l’In
térieur est décidément un homme extraordinaire.
Il croit n’avoir qu’à parler pour faire rentrer
tout dans l’ordre et cependant il semble depuis
son arrivée aux affaires, n’avoir pas une concep
tion bien nette du but qu’il veut atteindre.
Nous avons rarement assisté à d’aussi nom
breuses tergiversations que celles dont M. Dupuy
paraît avoir la spécialité.
La révocation du préfet de Seine-et-Oise, est'
Une nouvelle preuve de la versatilité de cet éton
nant président du Conseil et il faut, ma foi, une
certaine dose de philosophie pour rester.préfet ou
sous-préfet, sous la direction d’un ministre qui
révoque un serviteur dont le seul tort est de n’a
voir pas voulu suivre les multiples indications de
la girouette de la place Beauvau.
Quel méfait avait commis le préfet de Seine-et-
Oise ? Celui ne n’avoir pas assisté au banquet de
Hoche, à Versailles, malgré l’injonction de M.
Dupuy qui, l’avant-veille, lui avait donné l’ordre
de s’abstenir d’y paraître.
Certes nous reconnaissons que le ministre de
l’Intérieur a le droit d’exiger de ses subordonnés
une obéissance complète mais c’est à condition, de
ne pas froisser leur dignité en donnant sur une
même question et à quarante-huit heures d’inter
valle des ordres absolument contradictoires.
Il est vrai qu’il existe des journaux qui, comme
Le Petit Havre, estiment que M. Dupuy est un
président de Conseil accompli et qu’il a raison de
ne pas manquer l’occasion de se montrer.
Oui, il y a des occasions où il faut se montrer ,
et M. Dupuy eut mieux fait de garder son énergie
pour mettre un frein aux brutalités de la police
parisienne que de sévir contre un préfet qui a pré
féré rentrer dans la vie privée plutôt que suivre
l’impulsion d’un chef qui flotte au gré des vents.
Par son attitude à la Chambre, lors de la dis
cussion de l’interpellation sur la journée du 1 er
Mai, M. Dupuy a encouragé la police à se livrer
aux excès qu’on lui reproche ; aussi, le résul
tat ne s’est pas fait attendre et, à la première ren
contre avec la population de Paris, M. Lozé pou
vait adresser à M. Dupuy un bulletin de victoire,
on avait chargé d’inoffensifs consommateurs assis
devant une brasserie et l’un d’eux avait trouvé
la mort victime, disent les témoins, d’un acte de
sauvagerie commis par un gardien de la paix !
Qu’a fait M. Dupuy ? A-t-il révoqué M. Lozé,
coupable d’avoir laissé faire une charge avant
d’opérer les sommations prescrites par la loi du 7
Juin 1848 ? Non,
Il s’est contenté de laisser dire officieusement, le
jour de l’interpellation Millerand, que M. le pré
fet de police était démissionnaire.
L’opinion publique demande autre chose qu’une
démission, il lui faut une satisfaction que seuléla
révocation peut donner.
M. Dupuy a fait exercer des poursuites contre
le député Baudin et il ne sévit pas contre M.Lozé.
On poursuit les battus et on félicite, au besoin,
ceux qui les rossent.
C’est la logique de M. Dupuy.
Allons, M. le président du Conseil, débarrassez-
vous de votre préfet de police dont vous pourriez
bien n’être que le jouet et qui travaille sans doute
pour un autre que vous.
Montrez-vous, c’est le moment.
pic.
MARINE ET JUSTICE
Parlant du personnel des gardes maritimes de
la Marine, l’amiral Vallon s’est exprimé ainsi
dans la séance du 3 juillet 1893 (Chambre des
députés) :
« Il y a dans les quartiers, trois cent vingt-quatre
gardes maritimes. Que font-ils ? Les gardes ma
ritimes ont assurément un service défini ; ils sont
chargés de la défense du domaine maritime. Ils
sont durs, il faut bien le dire pour les petits
et quand il y a des contraventions à reprimer et
qu’elles sont le fait de gros bonnets ils
arrivent toujours un peu tard pour la consta
tation. »
Il y a longtemps que nous savions que la justice
n’était pas égale pour tous et que le bon plaisir
régnait en maître dans l’Admînistration de la
Marine à quelque degré de l’échelle que ce soit.
DIX CENTIMES LE NUMERO
2 e Année — 20 Messidor An 101 — N° 89.
Réveil
Havre
ORGANE RÉPUBLICAIN
S*3
PRIX DES
Le Havre...
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5 fr. 3 fr.
6 fr. 3 50
ADMINISTRATION & RÉDACTION
15, RUE CASIMIE-PÉRIER, 15
LE RÉ VE IL DU HA VRE paraît le Samedi
PRIX DES INSERTIONS :
Annonces.
Réclames.
25 cent, la ligne
50 cent, la ligne
On traite à Forfait
LES ARGOUSI
DE
M. DUPUY
Il va bien, M. Dupuy, l’homme au di
lemme !
Ce pion auvergnat, que l’Université a cédé
a la politique, ne se contente plus d’être gro
tesque et de dépasser dans ses discours les
drôleries de Calino. 11 veut ajouter un fleuron
à la couronne qu’il s’est tressée le jour où il
s’est qualifié modestement de « chef de la
politique française, >> prenant sans doute la
politique pour une cuisine. Dupuy s’essaie à
jouer en France les Stambouloff; il tient à
verser du sang; il en verse.
Constans avait Fourmies. Dupuy a les
assassinats du quartier latin. C’est, à son
tour, un homme à poigne, ce sous-vétérinaire
qui, commodément assis en son fauteuil de la
place Beauvau, sans danger aucun pour sa
précieuse personne, fait exécuter par ses
argousins les boucheries de la rive gauche.
Car, il ne faut pas s’y méprendre, Dupuy,
dans son aberration criminelle, dans son
stupide mépris de la liberté, procède avec une
certaine logique, et ses coups sont préparés de
longue main. Le jour où, du haut de la tri
bune française, ce chef de Cabinet a adressé
aux agents qui avaient frappé, le 1 èr Mai, le
député Baudin, les éloges de celui qui donne
les ordres à ceüÿ cjàii les exécutent servilement,
Nuger et, avec lui, tant d’innocents, étaient
condamnés à mourir. Les conseils n’étaient
pas perdus pour ces br,u,tes avinées des bri
gades centrales, ramassis des salles de police,
vieux déchets de caserne, qu’on voit se ruer
sur Paris, dès qu’il y a quelque mauvais coup
à faire. ;
Dignes soldats d’un tel général !
L’occasion de mettre en action les ordres de
Dupuy n’a guère tardé, et ses prétoriens en
ont vite profité.
Il a plu, un beau jour à un M. Bérenger,
sénateur pudique devant le monde, de se
transformer, comme dit Séverine, en déter
reur de truffes. Ce M. Bérenger était déjà
connu comme auteur d’une loi bonqe en prin
cipe, mais dont l’application est déplorable,
puisque, en réalité, elle est faite par la police,
qui tient en main, par ses renseignements
plus ou moins sincères, l'honneur des citoyens.
N’ayant plus rien à faire, ce père conscrit
s’est institué professeur de morale et il a jeté
ses malédictions séniles sur tout ce qui, dans
l’exubérance de la virilité gauloise, choque sa
tristesse impuissante de vieux procureur.
La jeunesse des écoles qui, heureusement
pour la France, produira encore plus de ser
viteurs utiles au pays qu’il n’y a d’imbéciles au
Sénat, — ce n’est pas peu dire, —- a jugé bon
d’intervenir et de renvoyer à ses terreurs ridi
cules ce Géronte législatif. Rien de plus néces
saire, il faut bien le reconnaître, que cette
réaction des écoles contre la Ligue de la pu
deur, impudique à force de souligner les
choses les plus inoffensives pour en travestir
le sens.
Mais cette manifestation ne pouvait faire le
compte de Dupuy. Ou plutôt, c’était là pour
lui une occasion superbe de montrer sa poigne.
Et il en a usé et abusé, lâchant sur la jeunesse
la meute de ses sinistres brigades centrales,
les bandes de ses agents provocateurs, jetant
l’épouvante dans Paris, tuant et massacrant
ceux qui défendent contre les cuistres parle
mentaires et contre les hypocrites de chasteté,
la gaîté, le bon sens, l’esprit français.
Voilà où nous en sommes, cent ans après la
Révolution, grâce, il faut le dire, à la stupi
dité de nos gouvernants, stupidité qui, comme
l’expérience l’a prouvé, peut aller jusqu’au
crime !
Que de fois, dans les banquets officiels, où
la pompe des paroles ne sert qu’à masquer le
vide des pensées, les ministres ou leurs agents,
n’ont-ils pas vanté les bienfaits de l’instruction
et les fruits toujours plus beaux de l’ensei
gnement national ! Quelles périodes ronflantes
pour vanter ces Ecoles de la capitale, foyer
du monde civilisé, pépinière qui donnera la
forêt de l’avenir !
Oui, prudhommes officiels, la jeunesse des
Ecoles est la réserve intellectuelle de la
Nation. C’est elle qui nous relèvera des turpi
tudes où nous a plongés votre politique d’af
faires. Et voilà pourquoi vous êtes mille fois
criminels, en la faisant sabrer par nos sergents
de ville. Hier, vous livriez à leurs violences
la représentation nationale, déjà avilie par
vous. Aujourd’hui, c’est la pensée elle-même
que vous leur livrez en pâture à ceux dont
vous avez besoin pour défendre votre société
vermoulue.
Ces brutalités, en démasquant votre poli
tique faussement démocratique, en donnant à
la jeunesse des Ecoles ce baptême du sang
qui l’arrachera pour jamais à Fin différence,
nous préparent une génératioji qui, à un
moment donné, vous réglera votre compte à
vous et aux vôtres.
Ces jeunes gens, dont la plupart sortent de
la bourgeoisie, mais qui en répudient les ten
dances stupidement égoïstes, souffraient assez
déjà de vivre côte à côte avec vos faux répu
blicains qui ne voient dans la politique que
des honneurs à conquérir, des croix à men
dier. Le fossé est heureusement creusé et il
s’élargira jusqu’à devenir un abîme.
Far votre maladresse, vous avez fait la
concentration de la jeunesse des écoles et du
parti ouvrier, c’est-à-dire de ceux qui pensent
avec ceux qui sont le nombre. Le jour, peut-
être prochain, où l’unité d’action entre eux
sera absolue, nous verrons quelle force votre
politique d’argousins pourra opposer à la
poussée du peuple régénéré et conscient.
VERUS.
SEMAINE POLITIQUE
FRANCE
Election Sénatoriale du 2 Juillet 1893
Ille-et-Vilaine :
MM. Grivart, anc. sén. réact.... 578 voix, élu.
Roger-Marvaise, anc. sén. 573 »
Divers 4 »
Il y avait bien longtemps que les réactionnai
res n’avaient eu le plaisir d’enregistrer pareil
succès à leur actif. Mais le succès est bien mé
diocre. Cinq voix seulement de majorité. Aussi,
les partisans de M. Grivart n’osent pas trop
crier victoire.
La réaction, après tout, ne gagne pas un siège :
c’est au comte de Callac que succède M. Grivart,
tout en perdant des voix. En 1888, le comte de
Callac avait été élu, par 606 voix, alors que M.
Grivart n’en a obtenu que 578. Iis ont donc, en
réalité, perdu 28 voix.
★
4 *
Emeute poliçière. — En politique, les évé
nements de la semaine sont hélas ! bien tristes à
signaler.
Près d’un quart du territoire parisien a servi
de théâtre à des hostilités qui ont duré près de
quatre journées. Et pourquoi? A cause de quel
ques étudiants qui ont voulu porter une feuille de
vigne en papier peint à M. le sénateur Bérenger,
qui avait requis la sévérité de la justice contre un
bal un peu décolleté.
Et voilà pourquoi un confit des plus déplora
bles, entre la police et les habitants de la rive
gauche a eu lieu, et a pris un caractère tellement
grave, qu’il y a eu plusieurs personnes de tuées et
des centaines de blessées.
Nous n’entrerons pas davantage dans les tristes
détails de cette émeute. Notre sympathique rédac
teur Vérus, dans un article spécial, que nous pu
blions en tête de notre journal, — traité sévè-
ment, mais qu’il a écrit avec sa grande bonne foi
et sous l’indignation des horreurs commises,—
nous dispense de ce soin.
*
¥ ¥
Le dernier exploit de M. Dupuy. — C’était
écrit depuis longtemps. La Bourse du Travail
empêchait M. Dupuy de dormir. Rien ne faisait
pourtant prévoir sa fermeture immédiate. Les
troupes viennent de pénétrer dans l’intérieur de
la Bourse, enjoignant aux occupants de se retirer.
A l’extérieur, la cavalerie et l’artillerie déblaient
les abords, et font des charges sur le boulevard
Magenta et la place de la République.
En même temps, les troupes s’installent place
de l’Hôtel-de-Ville, afin d’empêcher toute mani
festation.
Ces nouvelles ont causé une grande émotion à
la Chambre, surtout parmi les députés démocrates
et socialistes.
La.Gauche modérée, c’est-à-dire les complices
de M. Dupuy, disent que le ministère a la preuve
de la participation des Syndicats irréguliers aux
derniers troubles du quartier latin.
Espérons qu’à la suite de l’interpellation de
lundi prochain, on n’aura pas de mal à démontrer
l’inanité de leurs fausses accusations, et que M.
Dupuy récoltera la tempête qui surgira infaillible
ment du vent qu’il aura semé.
*
4 4
Une Loi d’Hygiène. — La Chambre a enfin
voté, après bien des tâtonnements et des discus
sions, une grande loi sur la santé publique, si le
Sénat, toutefois, veut bien lui donner sa sanction.
Disons, tout d’abord, que la loi nouvelle prévoit
la constatation possible de l’état sanitaire des
communes et les moyens légaux de les améliorer.
Elle exigera un avis des autorités sanitaires pour
les maisons neuves. Elle permettra aussi d’inter
dire l’habitation des maisons mal construites ou
insalubres.
Cete disposition a, comme on le pense, soulevé
bien des objections.
Nous connaissons certainement, dans le centre
de notre ville, bien des propriétés qui se trouve
ront dans ce cas, et leurs propriétaires se trouve
ront très embarrassés et parfois bien malheureux.
Mais, en vérité, ont-ils le droit d’empoisonner
toute une maison, tout un quartier, toute une
ville, tout un pays ? Et les personnes qu’ils tuent
par l’insalubrité de leurs immeubles, ne sont-elles
pas plus malheureuses encore ? On sait bien que,
dans notre propre ville, le choléra est sorti, trois
fois de suite des mêmes maisons. Si ces maisons
avaient été, dès l’abord, déclarées inhabitables ou
démolies, peut-être que l’épidémie ne se serait pas
reproduite. Et alors, bien des vies humaines au
raient été épargnées !
La loi nouvelle organise des services d’hygiène.
Elle constitue des conseils d’arrondissement, des
conseils départementaux, un conseil supérieur :
toute une armée d’hommes dévoués qui auront la
garde de la santé publique.
Cette loi, si attendue, par les grandes cités,
marquera un grand progrès et deviendra, si elle
est sérieusement appliquée, un grand bienfait au
service de l’humanité tout entière. — Nini.
MONTREZ -VOUS, M . DUPUY
Notre président du Conseil et ministre de l’In
térieur est décidément un homme extraordinaire.
Il croit n’avoir qu’à parler pour faire rentrer
tout dans l’ordre et cependant il semble depuis
son arrivée aux affaires, n’avoir pas une concep
tion bien nette du but qu’il veut atteindre.
Nous avons rarement assisté à d’aussi nom
breuses tergiversations que celles dont M. Dupuy
paraît avoir la spécialité.
La révocation du préfet de Seine-et-Oise, est'
Une nouvelle preuve de la versatilité de cet éton
nant président du Conseil et il faut, ma foi, une
certaine dose de philosophie pour rester.préfet ou
sous-préfet, sous la direction d’un ministre qui
révoque un serviteur dont le seul tort est de n’a
voir pas voulu suivre les multiples indications de
la girouette de la place Beauvau.
Quel méfait avait commis le préfet de Seine-et-
Oise ? Celui ne n’avoir pas assisté au banquet de
Hoche, à Versailles, malgré l’injonction de M.
Dupuy qui, l’avant-veille, lui avait donné l’ordre
de s’abstenir d’y paraître.
Certes nous reconnaissons que le ministre de
l’Intérieur a le droit d’exiger de ses subordonnés
une obéissance complète mais c’est à condition, de
ne pas froisser leur dignité en donnant sur une
même question et à quarante-huit heures d’inter
valle des ordres absolument contradictoires.
Il est vrai qu’il existe des journaux qui, comme
Le Petit Havre, estiment que M. Dupuy est un
président de Conseil accompli et qu’il a raison de
ne pas manquer l’occasion de se montrer.
Oui, il y a des occasions où il faut se montrer ,
et M. Dupuy eut mieux fait de garder son énergie
pour mettre un frein aux brutalités de la police
parisienne que de sévir contre un préfet qui a pré
féré rentrer dans la vie privée plutôt que suivre
l’impulsion d’un chef qui flotte au gré des vents.
Par son attitude à la Chambre, lors de la dis
cussion de l’interpellation sur la journée du 1 er
Mai, M. Dupuy a encouragé la police à se livrer
aux excès qu’on lui reproche ; aussi, le résul
tat ne s’est pas fait attendre et, à la première ren
contre avec la population de Paris, M. Lozé pou
vait adresser à M. Dupuy un bulletin de victoire,
on avait chargé d’inoffensifs consommateurs assis
devant une brasserie et l’un d’eux avait trouvé
la mort victime, disent les témoins, d’un acte de
sauvagerie commis par un gardien de la paix !
Qu’a fait M. Dupuy ? A-t-il révoqué M. Lozé,
coupable d’avoir laissé faire une charge avant
d’opérer les sommations prescrites par la loi du 7
Juin 1848 ? Non,
Il s’est contenté de laisser dire officieusement, le
jour de l’interpellation Millerand, que M. le pré
fet de police était démissionnaire.
L’opinion publique demande autre chose qu’une
démission, il lui faut une satisfaction que seuléla
révocation peut donner.
M. Dupuy a fait exercer des poursuites contre
le député Baudin et il ne sévit pas contre M.Lozé.
On poursuit les battus et on félicite, au besoin,
ceux qui les rossent.
C’est la logique de M. Dupuy.
Allons, M. le président du Conseil, débarrassez-
vous de votre préfet de police dont vous pourriez
bien n’être que le jouet et qui travaille sans doute
pour un autre que vous.
Montrez-vous, c’est le moment.
pic.
MARINE ET JUSTICE
Parlant du personnel des gardes maritimes de
la Marine, l’amiral Vallon s’est exprimé ainsi
dans la séance du 3 juillet 1893 (Chambre des
députés) :
« Il y a dans les quartiers, trois cent vingt-quatre
gardes maritimes. Que font-ils ? Les gardes ma
ritimes ont assurément un service défini ; ils sont
chargés de la défense du domaine maritime. Ils
sont durs, il faut bien le dire pour les petits
et quand il y a des contraventions à reprimer et
qu’elles sont le fait de gros bonnets ils
arrivent toujours un peu tard pour la consta
tation. »
Il y a longtemps que nous savions que la justice
n’était pas égale pour tous et que le bon plaisir
régnait en maître dans l’Admînistration de la
Marine à quelque degré de l’échelle que ce soit.
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