Dimanche 22 Mai 1892
JOURNAL DU HAVRE
Prix du Numéro. . . lO cent.
Pour les abonnés au
Journal du Havre 5 »
ILLUSTRÉ
HEBDOMADAIRE
BUREAUX
9 — Quai d’Orléans — 9
HAVRE
NOS GRAVURES
Ernest Guiraud
L’art musical français vient encore de
faire une perte cruelle, et la mort frappe
sans cesse dans les rangs de nos compo
siteurs; après Lalo qu’on enterrait l'autre
semaine, voici Ernest Guiraud qui meurt
subitement à l’âge de cinquante-cinq
ans.
M. Guiraud se trouvait hier à trois
heures de l’après-midi au Conservatoire,
où il était professeur; il parlait avec le
secrétaire général, M. Emile Réty, du
concours pour le prix de Rome et s’en
tretenait des candidats entrés en loge
aujourd’hui, quand il tomba foudroyé.
Peu après il expirait des suites d’une
affection cardiaque.
M. Mouquin, commissaire de police
du quartier, accouru avec deux méde
cins, dont les soins furent inutiles, fit
transporter le corps du défunt à son
domicile, rue Pi galle, 21.
Né à la Nouvelle-Orléans, M. Ernest
Guiraud s’adonna de bonne heure à la
musique, sous la direction de son père,
qui avait remporté le prix de Rome à
Paris, en 1827, et vint ensuite au Con
servatoire, afin d’y parfaire son éduca
tion musicale. Il entra dans la classe
Marmontel, remporta successivement les
prix de piano, d’harmonie et, en i85q,
enlevait, à son premier concours, le prix
de Rome avec sa cantate
Baja^et, le joueur de
flûte. Aussitôt, il quitta
le poste de timbalier à
l’Opéra-Comique, dont il
vivait, et se rendit à la
villa Médicis, où il de
meura le temps régle
mentaire, bien plus
absorbé dans ses con
templations qu’emporté
par la fièvre du travail.
Nature ardente, enthou
siaste, il se contenta de
recueillir des impressions
et de noter les idées
auxquelles il devait don
ner l’essor à son retour.
Sylvie, un petit acte,
fut son début à l’Opéra-
Comique, début favora
blement accueilli, auquel
succédèrent la Prison,
puis le Kobold (1870), un
des premiers essais de
pantomime mêlée de
dialogue.
La guerre vint qui
trouva le musicien à son
Ernest GUIRAUD, membre de l’Institut, mort a Paris, le 6 mai
Vue générale du théâtre.
VIENNE. — L’Exposition internationale de théâtre et de musique.
poste de combat, dans un bataillon de
marche, où il fit bravement son de
voir.
Puis il reprit la plume et donna suc
cessivement Madame Turlupin, un petit
bijou d’opéra-comique en deux actes,
repris il y a deux ans à l’Opéra-Comique ;
Gretna-Green, un ballet pour l’Opéra, et
Piccolino, un ouvrage en trois actes que
chanta Galli-Marié (1876) et où se retrou
vent les qualités de grâce, de charme, de
franchise qui furent la caractéristique
du musicien. En 1882, le compositeur
clôturait son répertoire dramatique avec
Galante Aventure, qui n’eut aucun
succès par la faute surtout d’un livret
languissant et sans intérêt.
Nommé professeur d’harmonie, puis
professeur de composition au Conser
vatoire, chevalier de la Légion d’hon
neur, Ernest Guiraud fut élu membre de
l’Institut en remplacement de Léo
Delibes.
A. ce léger bagage dramatique, dont
l'importance ne va pas de pair avec la
valeur de l’homme et de l’artiste, il con
vient d’ajouter une série de compo
sitions vocales et instrumentales d’une
facture toujours heureuse. Mais ce qu’il
faut dire à haute voix, c’est que si
M. Guiraud se désintéressa peut-être
trop de son avenir, de sa propre car
rière lyrique, il fut le dévouement même
à l’égard des \ œuvres de ses confrères
morts''ou’empêchés.
Ce qu’il acheva et para
cheva de partitions aban
données, ce qu’il refit
d’orchestrations et rema
nia de finales à peine
esquissées, c’est inouï!
Et avec quelle modestie
dans l’œuvre accomplie !
Si donc M. Guiraud
ne fut pas un de ces musi
ciens qui font époque, si,
à l’heure actuelle, l’art ne
pouvait plus voir en lui
un de ses champions, du
moins lui rendra-t-on
cette justice qu’en sa
sphère, si modestequ’elle
fût, il sut rester sincère,
disant juste ce qu’il faut
dire, dans un langage
toujours châtié, en rap
port avec le sujet, sou
vent même avec des
raffinements d’écriture,
d’harmonie et d’orches
tration qui resteront des
merveilles de goût et
des modèles d’exquise
habileté.
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Ernest Guiraud
L’art musical français vient encore de
faire une perte cruelle, et la mort frappe
sans cesse dans les rangs de nos compo
siteurs; après Lalo qu’on enterrait l'autre
semaine, voici Ernest Guiraud qui meurt
subitement à l’âge de cinquante-cinq
ans.
M. Guiraud se trouvait hier à trois
heures de l’après-midi au Conservatoire,
où il était professeur; il parlait avec le
secrétaire général, M. Emile Réty, du
concours pour le prix de Rome et s’en
tretenait des candidats entrés en loge
aujourd’hui, quand il tomba foudroyé.
Peu après il expirait des suites d’une
affection cardiaque.
M. Mouquin, commissaire de police
du quartier, accouru avec deux méde
cins, dont les soins furent inutiles, fit
transporter le corps du défunt à son
domicile, rue Pi galle, 21.
Né à la Nouvelle-Orléans, M. Ernest
Guiraud s’adonna de bonne heure à la
musique, sous la direction de son père,
qui avait remporté le prix de Rome à
Paris, en 1827, et vint ensuite au Con
servatoire, afin d’y parfaire son éduca
tion musicale. Il entra dans la classe
Marmontel, remporta successivement les
prix de piano, d’harmonie et, en i85q,
enlevait, à son premier concours, le prix
de Rome avec sa cantate
Baja^et, le joueur de
flûte. Aussitôt, il quitta
le poste de timbalier à
l’Opéra-Comique, dont il
vivait, et se rendit à la
villa Médicis, où il de
meura le temps régle
mentaire, bien plus
absorbé dans ses con
templations qu’emporté
par la fièvre du travail.
Nature ardente, enthou
siaste, il se contenta de
recueillir des impressions
et de noter les idées
auxquelles il devait don
ner l’essor à son retour.
Sylvie, un petit acte,
fut son début à l’Opéra-
Comique, début favora
blement accueilli, auquel
succédèrent la Prison,
puis le Kobold (1870), un
des premiers essais de
pantomime mêlée de
dialogue.
La guerre vint qui
trouva le musicien à son
Ernest GUIRAUD, membre de l’Institut, mort a Paris, le 6 mai
Vue générale du théâtre.
VIENNE. — L’Exposition internationale de théâtre et de musique.
poste de combat, dans un bataillon de
marche, où il fit bravement son de
voir.
Puis il reprit la plume et donna suc
cessivement Madame Turlupin, un petit
bijou d’opéra-comique en deux actes,
repris il y a deux ans à l’Opéra-Comique ;
Gretna-Green, un ballet pour l’Opéra, et
Piccolino, un ouvrage en trois actes que
chanta Galli-Marié (1876) et où se retrou
vent les qualités de grâce, de charme, de
franchise qui furent la caractéristique
du musicien. En 1882, le compositeur
clôturait son répertoire dramatique avec
Galante Aventure, qui n’eut aucun
succès par la faute surtout d’un livret
languissant et sans intérêt.
Nommé professeur d’harmonie, puis
professeur de composition au Conser
vatoire, chevalier de la Légion d’hon
neur, Ernest Guiraud fut élu membre de
l’Institut en remplacement de Léo
Delibes.
A. ce léger bagage dramatique, dont
l'importance ne va pas de pair avec la
valeur de l’homme et de l’artiste, il con
vient d’ajouter une série de compo
sitions vocales et instrumentales d’une
facture toujours heureuse. Mais ce qu’il
faut dire à haute voix, c’est que si
M. Guiraud se désintéressa peut-être
trop de son avenir, de sa propre car
rière lyrique, il fut le dévouement même
à l’égard des \ œuvres de ses confrères
morts''ou’empêchés.
Ce qu’il acheva et para
cheva de partitions aban
données, ce qu’il refit
d’orchestrations et rema
nia de finales à peine
esquissées, c’est inouï!
Et avec quelle modestie
dans l’œuvre accomplie !
Si donc M. Guiraud
ne fut pas un de ces musi
ciens qui font époque, si,
à l’heure actuelle, l’art ne
pouvait plus voir en lui
un de ses champions, du
moins lui rendra-t-on
cette justice qu’en sa
sphère, si modestequ’elle
fût, il sut rester sincère,
disant juste ce qu’il faut
dire, dans un langage
toujours châtié, en rap
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