Titre : Revue du Havre et de la Seine-Inférieure : marine, commerce, agriculture, horticulture, histoire, sciences, littérature, beaux-arts, voyages, mémoires, mœurs, romans, nouvelles, feuilletons, tribunaux, théâtres, modes
Éditeur : [s.n.] (Havre)
Date d'édition : 1847-12-19
Contributeur : Morlent, Joseph (1793-1861). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32859149v
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 19 décembre 1847 19 décembre 1847
Description : 1847/12/19. 1847/12/19.
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
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Description : Collection numérique : Fonds régional :... Collection numérique : Fonds régional : Haute-Normandie
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k9235313
Source : Bibliothèque municipale du Havre, Y2-123
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 11/06/2014
2 —
ON Mil SMS FOND.
(Suite et tin.)
VI.
Deux mois ont passé sur les scènes lugubres que nous venons de dé
crire, deux mois d’une tristesse morne et désespérante. Les crises qui
faillirent emporter Fanny ont fait place à une maladie de langueur non
moins alarmante, car la tombe somble devoir s’entr’ouvrir au bout.
Arnaury, lui, toujours sombre et taciturne, fuit le lit de sa femme dont
les souffrances sont pour lui un remords; il fuit son intérieur, ses amis,
ses connaissances ; it voudrait se fuir lui-même; si le néant était der
rière le suicide, il aurait demandé l’oubli de tout au tube d’un pistolet.
Cent fois il avait songé' à en finir par la mort violente, mais ii avait jus
qu’alors repoussé celte lâcheté avec le reste do cette énergie de bronze
dans laquelle avait été trompé son caractère ; cependant on sait la fasci
nation d’une idée qui revient sans cesse ; peut-être eùt-il succombé à
cette tentation, si le hasard ne lui fût venu en aide en offrant à son
âme brisée par l’inertie une activité susceptible d’en secouer la lélhar-
k*On se trouvait à la fin de mai 1830 : nous ne rappellerons ni la que
relle qui survint entre le gouvernement français et Hussein dey,' ni les
griefs qui occasionnèrent l’expédition d’Alger; les détails que nous poqr-
îims donner à cet égard sont connus de tous, et d’ailleurs ils n’entrent
point dans le cadre de notre sujet. Si nous signalons cette campagne,
c’est uniquement parce que M. de lîeaufort reçut l’ordre do se joindre à
l’élal-major qui devait accompagner lo maréchal do Bourmont en Afri
que. Arnaury, que ses chagrins domestiques avaient distrait de toute
préoccupation politique, accueillit cette injonction avec une surprise mê
lée d’une joie secrète. Tout ce qui l’entourait lui était devenu odieux ; il
crut que l’éloignement l’amènerait à l’oubli, et, on tout cas,, il ne pou
vait être ailleurs plus misérable. Et puis, qui sait? cette mort., qu’il ne
voulant point se donner, peut-être vien Irait-elle à lui et l’arracherait-
e'.le à ’eafer de sa vie?
Mais auparavant il avait à vaincre les prières et les larmes do Fanny,
qui le supplia de no pas l’abandonner et de ne point joindre à ses souf
frances les inquiétudes cruelles qu ; ferait naître à chaque minute en elle
la conscienco des dangers qu’il aurait à courir. Partir, c’était la tuer, car
elle était trop faible pour supporter les angoisses perpétuelles de l’incer
titude où elle serait sur son existence : la pauvre femme usa do toutes les
éloquences, de l’éloquence des pleurs, de l’éloquence des yeux, de l’élo—
qu’ence de l’âme. Mais elle avait affaire à un homme qui avait trop souffert
et qui souffrait trop pour n’être pas égoïste et pour voir autre chose que sa
Î iropre douleur : Arnaury fut inexorable, Mme de Beaufort eut beau
’exhorter à donner sa démission pour se livrer en paix aux jouissances
d’une fortuné brillante, le commandant répondit obstinément qu’en temps
temps de paix il eût pu la solliciter, mais qu’à la veille d’une guerre
c’aurait par trop l’air d’une lâcheté, et qu’il no fallait pas songer à lui
faire changer de résolution.
On hâtait à Toulon les préparatifs de l’expédition assez activement
pour se mettre en campagne dans les premiers jours de juin et débar
quer, selon les probabilités calculées, vers le milieu du mois dans la
baie de Sidi-Ferruch, ce qui dans le fait se réalisa. Au plus tard dans
huit jours, le commandant devait rejoiudre l’étal-major du maréchal au
quel il était attaché.
La malheureuse Fanny voyait avec un désespoir navrant approcher lo
moment fatal où son mari lui serait enlevé ; tandis que lui remerciait le
ciel de lui offrir ce moyen d’échapper au passé, en fuyant les lieux qui
lui rappelaient de si noirs souvenirs
Un malin Beaufort,en rentrant d’une courseau ministère de la guerre,
passa dans la chambre de sa femme. Une jeune femmo était assise au
chevet du lit, le dos tourné du côté de la porte. Au bruit de ses pas,
celle-ci retourna vivement la tête et se leva du fauteuil où elle se trou
vait. A sa vue, le commandant resta cloué au parquet sans pouvoir faire
un mouvement et lui adresser la parole : il avait devant les youx la ba
ronne d’Arteny. Mme do Beaufort, qui remarqua l’agitation de son mari
sans y donner une cause, en parut frappée elle-mômo et chercha à y
mettre fin :
— Mon ami, lui dit-elle, Mme d’Arteny a appris lo triste résultat
qu’ont eu mes couches, et elle a été assez bonne pour me donnor une
marque touchanto d’un intérêt qu’elle me porte à cause do vous.
Arnaury jeta un regard rapide sur elle et fut surpris du changement
qui s’était opéré dans la baronne depuis leur dernière rencontre.
Ce n’était plus cette jeune femme, vive, enjouée, railleuse, vaine do
sa beauté et do ses grâces; lt douleur l’avait métamorphosée, elle aussi,
et en avait fait une femme d’une gravité triste et mélancoltquo. Sa toi
lette,jadis si éc'alanle,était en harmonie avec la di-posilion de son esprit :
elle portait une robe de couleur sombro et un chapeau do velours noir
d’une simplicité toute puritaine; on voyait que si la mise n’excluait pas
l’élégance, c’était à son insu, et parce que l’élégance était inhérente b sa
nature. Caroline, qui jusqu’à ce jour n’avait point éprouvé la plus légère
contrariété, apprenait enfin que nul n’esi exempt de souffrir. Quoique
gâtée par le monde, elle avait un cœur capable d’attachement, et Fer
dinand avait su lui inspirer une affection profonde; une affreuse catas-
rophe le lui avait enlevé au moment o ù leur union allait s’accomplir,
tdus ses rêves de bonheur s’envolaient avec l’existence de cet infortuné
Certes, elle était en droit de maudire la cause unique do tant de maux,
et son premier sentiment fut presque de l’horreur pour lo commandant;
mais la passion frénétique d’Amaury no méritait-elle point quelque pi
tié? Le fou n’est point responsable dos actes qu’il commet, et vraiment
il y avait de la démence dans la passion de Beaufort pour elle. Un pareil
amour dans ses plus grands excès porte en lui quelque excuse ; il avait
fallu qu’il l’aimât bien souverainement pour ne pas hésiter à lui sacrifier
son meilleur ami et, sans le savoir, dans sa vanité inexpliquée, elle ces
sait d’être inexorable pour cet amour qui la rendait pourtant si malheu
reuse. D'ailleurs, elle avait promis à Ferdinand de réparer tout le mal
que sa beauté avait fait, et rendre à cette pauvre Fanny cet époux, qui
lui avait échappé sans qu’elle s’en doutât encore.
Elle avait eu connaissance en même temps, et des couches malheureu
ses de Mme de Beaufort, et du prochain départ de son mari pour l’Afri
que. L’isolement dans lequel celte femme souffrante et faible allait de
meurer lui avait paru affreux, et elle conçut aussitôt le projet de l’arra
cher à l’horreur d’une pareille situation en l’emmenant avec elle dans un
château qu’elle avait aux environs de Paris. 11 n’est rien comme une
grande douleur pour vous rendre compatissant aux chagrins des uu-
tres; elle éprouvait par avance pour Mme de Beaufort une amitié dé
vouée puisant son aliment dans les torts qu’elle se sentait avoir eu en
vers elle, la seule fois qu’elles s’étaient vues. Mais peut-être, sans le dé
part prochain du commandant, no se fût-elle jamais déridée à se retrou
ver en présence de cet homme, dont la vue pour elle la reportait vers de
si tristes événemens.
— Monsieur, fît-elle en s’adressant à Arnaury, j’ai été instruite de
l’absence qui vous éloignera pour longtemps peut-être de Mme do
Beaufort; |’ai compris tout ce qu’a d’accablant l’isolement dans lequo
vous ôtes forcé de la laisser, et je viens l’enlever à cette mortelle soli
tude. Jo veux que madame soit mon amie, et elle ne pourra manquer de
le devenir ; je n’épargnerai rien pour cela... Jo commence d’abord par
remmener à la campagne : l’air pur des champs la ranimera, et du moins
ainsi elle aura auprès d’elle quelqu’un qui vous remplacera dans les soins
qui lui sont nécessaires... Je n’ai pas pensé un instant qu’il pût exister
l’ombre d’un prétexte do refus. Dans huit jours, j’enlève Mme de Beau-
fort, c’est une chose arrêtée.
Fanny regarda son mari avec étonnement ; elle ne savait quoi répon
dre à cette invitation qui n’admettait point d’excuses , et qui disposait
d’elle sans la consulter. Le chef d’escadron lui-même, se souvenant de
l’antipathie haineuse que la baronne avait témoignée à sa femme, ne sa
vait trop quoi on penser. D’ailleurs, le trouble dans lequel lo mettait la
présence imprévue de Caroline, lui donnait peu le loisir de pénétrer
l’intention secrèle de Mme d’Arteny.
■»- N’est-ce pas que vous acceptez? reprit celle-ci en remarquant l’em
barras do Fanny.
— Madame, agréez toute ma reconnaissance... mais je ne puis... je
suis si souffrante...
— liaison do plus ; sans cela vous n’auriez pas besoin de moi.
— Ma société est bien triste...
— Et c’est pourquoi je la recherche, madame... répondit Caroline en
jetant un regard au commandant; oh! je suis bien changée de
ce que j’étais, il y a do cela trois mois !.. J’ai souffert aussi, moi, ma
dame, et ma blessure saignera longtemps encore, jo vous le jure!., ne
craignez donc pas d’être triste devant moi ; la joie seule me serait à
charge.
Entre les âmes éprouvées par le malheur, il s’établit des rapports sym
pathiques, de ces intimités étroites et chaleureuses d’une inexplicable
soudaineté : Fanny n’ignorait pas quels projets son mari élait venu rom
pre si cruellement en se battant avec Ferdinand, elle so sentit attirée
vers cette femme désoléo et sembla disposée à s’abandonner au caprice
bienveillant de la baronne.
— Eh bien! qu’en dites-vous? continua Caroline.
— Mon ami, quelle réponse dois-je faire aux séduisantes propositions
do Mme d’Arteny? demanda Fanny en s’adressant à son mari, qui s’était
dirigé vers une fenêtre pour dérober à sa femme sa violente émotion.
Dois-je accepter?
— C’est à vous de voir, ma chère amie, balbutia-t-il d’une voix ma
nifestement altérée, si vous vous sentez de force...
— Oh! no craignez rien, interrompit la baronne ; j'ai une voilure
d’une douceur incomparable, et la route est unie comme une glace. C’est
donc bien convenu : dans huit jours jo reviens prendre Mme do Baufort.
Elle se leva aussitôt, embrassa cordialement Fanny et fit un geste
presque affectueux au commandant : l’aspect bouleversé de celui-ci et les
soucis dont son front portait les marques profondes l’avaient émue
de pitié pour cet homme qui n’avait eu d’autre crime, après tout, que de
la trop aimer.
La vue de Caroline avait remué toutes les cendres d'une passion tou
jours fumante ; Beaufort jugea son départ plus que jamais nécessaire et
attendit ce moment avec une impatience fiévreuse. Üno semaine s’écoule
rapidement : l’heure des adieux arriva, et Arnaury s’arracha des bras de
sa femme avec une joie sombre, tandis qu’elle, anéantie, retombait sans
connaissance sur l’oreiller de son lit.
Le lendemain do bonne heure la voilure do voyage de la baronne en
trait dans la me de Varennes. Caroline trouva Mme do Beaufort plongée
dans le plus complet abattement; on eût dit, tant elle paraissait épuisée,
qu’elle n’avait plus de force même pour souffrir. Mme d’Arteny profita
de cette incurie qui se laissait faire, pour l’enlever elle et le petit Adrien
dans sa calèche, sans que celle-ci opposât la moindre objection.
Lo trajet fut court. L’habitation de la baronne élait assise sur lo riant
coteau qui domino Nogent aux lisières du bois de Yincerines. Un pari
immense, dont la grille s’ouvre sur la route et qui semble être une an
cienne dépendance de la forêt, donne à la maison un air d’isolément q n
la détache complètement du village. La vue la plus étendue so déroule à
l’horizon, et offre des masses do verdure et des avenues do peupliers que
la Marne sillonne avec coquetterie de son ruban d’argent. Cette situation
estravissente; mais que sont les charmes du site, les séductions de la
nature, quand tout cela est en désaccord avec le cœur! Mme d; Beau-
fort dut faiblement apprécier celte position enchanteresse qui no pouvait
rien sur la tristesse et l’état de son âme.
La baronne, malgré son incessante sollicitude, était impuissante à rap
peler lo calme chez celle pauvre femme que les inquiétudes do l’esprit
lacéraient autant que les affaissemens d’une organisation épuisée. Les
jours de Fanny s'écoulaient dans une langueur désespérante, qui no la
quittait un instant chaque matin qu’à l’apparition du courrier. Elle re
vêtait alors une énergie fébrile, et ses yeux parcouraient avec une af
freuse anxiété les nouvelles qui nous venaient d’Afrique. On ne saurait
se figurer ses angoisses lorsque, le frisson dans tous les membres, elle
dévorait la liste des morts et des blessés. Et puis, cotte lecture faite, elle
retombait dans une léthargie que Caroline réussissait rarement à secouer.
Mais ses craintes n’eurent plus de bornes à partir du jour où lo bulletin
comprit dans ses cadres le jeune Bourmont, victime do son ardeur guer
rière et de sa bravoure toute française, Elle connaissait le courage bouil
lant de son mari ; cet exemplo prouvait que la mort n’épargnait person
ne; elle s’attendait à voir chaque matin dans le Moniteur l’affreuse nou
velle. Toutes ses trances, du reste, devaient avoir une durée assez brè
ve ; l’expédition no traîna point, lo maréchal sut la mener assez vigou
reusement pour hâter la reddition d’Alger, qui capitula le 5 juillet.
Mais cotte conquête qui,dans les prévisions de tous,eût dû raffermir lo
trône chancelant de la branche aînée, ne put rien contre la destinée qui
voulait la frapper,comme les Stuarts, par un second exil.L’orago s’amas
sait depuis longtemps, les ordonnances le firent éclater et changèrent
tout de lace en trois jours. La royauté do la restauration fit place a colle
du 9 août et entraîna dans sa chute bien des fortunes particulières.
Atnaury, attaché de cœur à l’ancien ordre de choses, devait envisagor
sévèrement cette réaction, dont l’éloignaient d'ailleurs ses instincts aris-
tocraliques ; il n’hésita pas un seul instant dans le parti qu’il avait à
prendre, il donna sur-le-champ sa démission et revint en France au
moment où Bourmont remettait sa conquête dans les mains du maréchal
Clauzel, chargé do le remplacer,
Par les dernières lettres do Fanny , Beaufort savait qu’elle élait tou
jours chez la baronne à Nogent. La perspective seule de se trouver avec
elle, face à face, d’habiter le reste de la saison peut-être, sous le même
toit, lui faisait pordre la tête. Il n’avait que trop éprouvé la puissance ma
gique que cette femme exerçait sur lui, puissance qu’il élait allé éviter
en Afrique, et sous laquelle Isa destinée semblait le ramener! Un instinct
secret, une vague intuition lui prédisaient les plus affreuses catastrophes,
s’il reparaissait jamais devant la baronne. Mais pouvait-il, sans prétexte
désormais, laisser dans l’isolement et l’abandon une femme malade et
presque mourante? Cela était bien impossible. 11 est de ces nécessités
morales qui s’imposent avec la même tyrannie que les faits les plus ma
tériels. Arnaury ne pouvait se dispenser de venir auprès de Mme de Beau-
fort, et conséquemment do revoir Caroline.
A peine débarqué à Toulon, il prit une chaise de poste, résolu do s’a
bandonner en aveugle à une destinée plus forte que lui. Il était huit
heures du soir quand la voiture franchit la grille du parc de Nogent. La
journée avait été d’une chaleur étouffante; un vent léger commençait
alors à jeter quelque fraîcheur dans cette atmosphère de plomb. Madame
d’Arteny, qui était restée enfermée tout le jour dans la chambre de Fan
ny, s’était décidée à prendre l’air et se promenait insoucieusement dans
les allées du bois, livrée à cette somnolence de la pensée qui, dans les
temps de chaleur, semble se marier aux engourdissemens du corps. Elle
ne s’attendait pas en ce moment à voir paraître le commandant ; aussi
fut-elle toute saisie en l’apercevant. Celui-ci, dont le trouble n’était pas
moindre, descendit de sa calèche et aborda la jeune femmo avec le ton
d’une politesse cérémonieuse, lo moyen le plus sûr peut-être de cacher
ses senlimens secrets.
—Venez donc, monsieur, venez donc, lui dit Caroline pour brusquer
une reconnaissance, il y a ici quelqu’un que votre absence faisait tant
souffrir, et que votre retour rendra bien heureux.
Lorsque Beaufort entra dans la chambre do sa femme, celle-ci, dont
l’espérance de le revoir avait ranimé les forces, se distrayait à
faire lire le petit Adrien , qui se tenait debout à la tête de son jlit.
A sa vue, la leçon fut bientôt mise de côté : la pauvre Fanny faillit mou
rir do joie, tant il y avait de bonheur pour elle dans le retourdeson mari,
qu’elle s’étaitpersùadée, dans ses folles terreurs,lui être enlevé pour tou
jours. Atnaury répondit de son mieux à cette torrentueuse ivresse : puisqu’il
ne se sentaitpas locourage de reporter sur elle un amour sans espoir , il
lui devait au moins de l’abuser jusqu’à la fin sur l’état de son âme. 11
prit Adrien dans ses bras et le pressa tendrement contre son cœur ; mais
le cruel enfant fut pou sensible à ces caresses : le commandant dut so
convaincre de l’amère certitude de n’ôtre jamais aimé de son fils, le seul
être pourtant qui eût pu le consoler do ses chagrins.
Si Beaufort envisageait d’un œil d’effroi le séjour qu’il allait faire à
Nogent, Mme d’Arttny de son côté, n’y songeait pas sans une mortelle
inquiétude. L’amour frénétique d’Amaury l’épouvantait: cet homme, qui
avait sacrifié son ami à sa passion, n’était-il pas capable de tout? Na
guère encore, la coquetterie de Caroline se fût presque félicitée des tour-
mens que manifestait sa puissance séductrice ; mais le malheur en avait
fait une femme grave et sérieuse, et les difficultés de sa position l’acca
blèrent. La pensée de se lier avec Fanny ne lui était venue qu’en se re
traçant l’isolement affreux dans lequel Mmo de Beaufort tomberait par le
départ imminent de son mari; il lui eût été p tssible de deviner le peu
de durée de l’expédition et la nécessité conséquemment do recevoir à son
retour le commandant, quo, malgré sa sympathie réelle pour tant do
chagrins, elle no 1 eût pas emmenée à sa campagne, où maintenant elle
se voyait exposée aux mille audaces que permettait de redouter la passion
effrenée d’Amaury.
Un coup d’œil avait suffi à Caroline pour s’assurer que l’absence n’a
vait en aucune façon affaibli l’amour du chef d’escadron. Cela étant,
la jeune femme comprenait les dangers qui allaient l’entourer. Le voisi
nage de Beaufort l’effrayait pour la nuit surtout. La disposition des piè
ces du château eût lavorisé des tentatives qu’elle se croyait en droit de
redouter : la chambre que Fanny occupait était accolée à une terrasso
couronnée d’une serre-chaude, renfermant les plantes les plus rares et
les arbustes les plus curieux. Pour arriver chez elle il fallait traverser
une vasle antichambre,'et vis-à-vis de sa porte, se trouvait l’apparte
ment de la baronne. Immédiatement après, venaient un» chambre à
coucher et une espèce de boudoir, quo Caroline allait se voir forcée de
céder au commandant. Selon une pareille disposition, Beaufort et Mme
d’Arteny seraient porto à porte, et elle ne se jugeait pas en sûreté, tant
s’en faut, même avec lo secours do serrures et do verroux. C’était pous
ser loin la défiance, mais tout était à craindre d’une passion comme la
sienne. Cette prudence, exagérée peut-être, finit par lui suggérer un
moyen d’échapper à de telles transes. Un joli petit pavillon s’élevait dans
lo parc, au milieu d’un massif d’arbres, à la distance de trois cents pas
du château. M. d’Aunay, père de Caroline, sorte de sauvage ou de phi
losophe, si l’on aime mieux, l’avait fait construire pour y établir une bi
bliothèque et un cabinet de phy. iquo, où il passait ses journées, et près
do cos deux pièces, se trouvait une petite chambre, dans laquelle il avait
fait dresser un lit de repos. Mme d’Artony, elle, avait métamorphosé cet
observatoire, meublé avec un goût par trop sévère, en un séjour en
chanteur; la pensée lui vint d’exiler le commandant dans ce charmant
pavillon et d’assurer ainsi la placidité de ses nuits.
— M. de Beaufort, lui dit-elle, lorsqu’il fut l’heure de se retirer, je
viens de faire disposer à votre intention le pavillon du parc ; vous aurez
la une bibliothèque sous votre main et vous serez aussi complètement
libre que partout ailleurs. J’ai supposé que cela vous conviendrait mieux.
Francis va vous conduire chez vous.
Arnaury devina l’intention de la baronne et un sourire amer effleura
scs lèvres. Toutefois il remercia Mme d’Arteny et prit congé d’elle aus
sitôt.
— Mon Dieu ! s’écria-t-il, quand le valet qui l’introduisit dans le pa
villon l’eut laissé à lui-même, vous êtes impitoyable ! vous me rappro
chez de cette femme qu’il me faudrait fuir !... La tentation sera au-des
sus do mes forces, Oh ! jo no voux pas songer à la fin que cola pout
avoir !
Mme d’Arteny s’était fait un plan de conduite dentelle no so déparis-
sait point. Depuis quinze jours que le commandant était au château, i
ne sœtait pas trouvé un seul instant seul avec elle; elle avait réussi
par se mettre à l’abri de toute tentative de tête à tête. Elle ne
quittait Fanny que pour se renfermer, et les repas avaient lieu dans la
chambre de Mme de Beaufort. La baronne s’était interdit ses promena
des au clair de la lune, qu’elle aimait tant, pour éviter toute recon-
de avec Atnaury. Celui-ci no pouvait point no pas remarquer l’intention
tre trop manifeste de le fuir, et cette conviction produisit sur lui l’effet
de la compression sur les corps élastiques ; elle élargit encore la force
de cette passion, contre laquelle il cherchait en vain à se débat
tre. Du reste, la lassitude l’avait pris, il ne so sentait plus le courage
pour la lutte ; il en vint à se dire ( funeste sophisme qui pouvait le
conduire à tout J qu’il lui serait plus facile de vaincre cette femme quo
de se vaincre lui-même. Dès lors lo sentiment du devoir fut étouffé : s’il
devenait coupable, il rejetait toute la responsabilité de sa faute sur la
fatalité, excuse ordinaire des gens qui ne veulent plus combattre et qui
trouvent plus commode d’accuser la Providence, comme si elle ne leur
donnait pas toujours l’aviron pour louvoyer et arriver au port.
Caroline le fuyait, cela était évident ; elle le redoutait donc? La crainte
annonce toujours le doute de soi-même, l’indifférence eût été plus pla
cide et moins timorée surtout ; elle l’aimait ou commençait à l’aimer I
Pourquoi pas ? il avait assez fait pour cela, lui ! il lui avait assez sa
crifié pour la toucher et l’attendrir! Un peu d’audace, delà constance, et
peut-être n’était-il pas aussi loin du succès qu’il l’avait cru jusqu’alors.
Une réaction s’opéra en lui : l’espérance avait succédé au décourage
ment. Les grandes passions offrent fréquemment cos phases d’abatte
ment et d’exaltation ; l’âme, comme lu mer, dont elle a toutes les ru
meurs et tous les orages, îi dos heures où elle sa replie sur elle-
même , d'autres où elle déborde, ses marées montantes et descen
dantes, si Ton nous passe ce terme. Beaufort, sans regarder désor
mais on arrière, lâcha la bride à tous ses instincts passionnés. Son parti
fut bientôt pris : tout favorisait ses desseins ; il n'avait plus, dans sa
pensée, qu’à obtenir de la baronne quelques entretiens ou sa froideur
finirait par se fondro devant la flamme contagieuse d’un amour comme
e sien.
VII.
Lasso do la claustration qu’olle s’élait elle-même imposée , Caroline
avait trouvé un expédient d’en revenir à ses promenades chéries, aux
quelles elle avait renoncé pour dépister les poursuites du commandant :
c’était do traîner avec elle, toutes les fois qu’elle sortait, le petit Adrien
dont elle s’était fait la bonne atnio en no lui refusant la réalisation d’au
cun de scs caprices; et, grâce à cet innocent protecteur, elle défiait l’en
nemi audacieusement. Atnaury, de sou côté, résolut de profiter de cette
sécurité pour faire naître une occasion de l’entretenir seul à seul.
Un matin, après lo déjeûner, la baronne, séluite par la suavité du
ciel, prit son compagnon habituel et se disposa à explorer le parc avec
lui|; Fanny était apesantie, elle avait manifesté le désir de reposer et elle
avait elle-même engagé Caroline et son mari à faire de concert une ex
cursion à travers champs. Celui-ci n’eut garde de refuser et accueillit
cette idée de façon à ôter à Mme d’Arteny toute impossibilité d’opposer un
refus.
La jeune femme sut renfermer en elle sa contrariété , d’ailleurs ,
après tout, que pouveit le commandant, tant que son fils serait en tiers
dans la conversation ? ils quittèrent donc la chambre de la malade et se
dirigèrent assez taciturnemonl vers lo bois.
Arnaury comprit quo c’était lo moment ou jamais do parler, et se de
manda de quelle manière il s’y prendrait pour éloigner l’importun en
fant qui le contraignait à se taire. Il se tourna enfin vers Adrien et lui
dit assez naturellement :
— Adrien, vous êtes tête nue, le soloil est dans toute sa vigueur, cela
pourrait vous faire du mal ; allez chercher votro casquette, et vous re
viendrez nous rejoindre ensuite.
— Je no veux pas, répondit l’enfant d’un ton boudeur, avec ce senti
ment do rébellion qu'il se sentait pour chuque ordre du commandant.
— Comment! vous ne voulez pas ! qu’ost-ce à dire?
— Je veux rester avec bonne amie, ajouta-t-il résolument en se ser
rant contre la baronne.
— Obéissez, ou vous serez puni, monsieur.
— N’ost-ce pas, bonne amie, que tu Tompêcheros bien qu’il me pu
nisse? riposta-t-il en s’adressant à la jeune femme.
— Vous êtes un malhonnête et un indocile , dit le commandant, et',
pour votre peine, vous allez nous quitter sur-le-champ et retourner au
château; allons, vite, dépêchez!
Arnaury le prit par le bras cl lui fit rebrousser chemin.
— Monsieur, do grâce, interrompit Caroline, que la peur saisit,
pardonnez à cet enfant, c’est un monvement d’humeur.
— Non, sa mère cède à tous ses caprices, il deviendrait volontaire ; il
se souviendra de se mieux conduire une autre fois. Obéissez, monsieur,
et promptement encore, si vous ne voulez pas voir grossir votre châti
ment.
Adrien, auquel cette fermeté imposa, so dirigea en pleurant vers le
château et disparut bientôt à l’encoignure d’une allée.
Le commandant avait atteint son but ; il s’était débarrassé de l’onfant,
ON Mil SMS FOND.
(Suite et tin.)
VI.
Deux mois ont passé sur les scènes lugubres que nous venons de dé
crire, deux mois d’une tristesse morne et désespérante. Les crises qui
faillirent emporter Fanny ont fait place à une maladie de langueur non
moins alarmante, car la tombe somble devoir s’entr’ouvrir au bout.
Arnaury, lui, toujours sombre et taciturne, fuit le lit de sa femme dont
les souffrances sont pour lui un remords; il fuit son intérieur, ses amis,
ses connaissances ; it voudrait se fuir lui-même; si le néant était der
rière le suicide, il aurait demandé l’oubli de tout au tube d’un pistolet.
Cent fois il avait songé' à en finir par la mort violente, mais ii avait jus
qu’alors repoussé celte lâcheté avec le reste do cette énergie de bronze
dans laquelle avait été trompé son caractère ; cependant on sait la fasci
nation d’une idée qui revient sans cesse ; peut-être eùt-il succombé à
cette tentation, si le hasard ne lui fût venu en aide en offrant à son
âme brisée par l’inertie une activité susceptible d’en secouer la lélhar-
k*On se trouvait à la fin de mai 1830 : nous ne rappellerons ni la que
relle qui survint entre le gouvernement français et Hussein dey,' ni les
griefs qui occasionnèrent l’expédition d’Alger; les détails que nous poqr-
îims donner à cet égard sont connus de tous, et d’ailleurs ils n’entrent
point dans le cadre de notre sujet. Si nous signalons cette campagne,
c’est uniquement parce que M. de lîeaufort reçut l’ordre do se joindre à
l’élal-major qui devait accompagner lo maréchal do Bourmont en Afri
que. Arnaury, que ses chagrins domestiques avaient distrait de toute
préoccupation politique, accueillit cette injonction avec une surprise mê
lée d’une joie secrète. Tout ce qui l’entourait lui était devenu odieux ; il
crut que l’éloignement l’amènerait à l’oubli, et, on tout cas,, il ne pou
vait être ailleurs plus misérable. Et puis, qui sait? cette mort., qu’il ne
voulant point se donner, peut-être vien Irait-elle à lui et l’arracherait-
e'.le à ’eafer de sa vie?
Mais auparavant il avait à vaincre les prières et les larmes do Fanny,
qui le supplia de no pas l’abandonner et de ne point joindre à ses souf
frances les inquiétudes cruelles qu ; ferait naître à chaque minute en elle
la conscienco des dangers qu’il aurait à courir. Partir, c’était la tuer, car
elle était trop faible pour supporter les angoisses perpétuelles de l’incer
titude où elle serait sur son existence : la pauvre femme usa do toutes les
éloquences, de l’éloquence des pleurs, de l’éloquence des yeux, de l’élo—
qu’ence de l’âme. Mais elle avait affaire à un homme qui avait trop souffert
et qui souffrait trop pour n’être pas égoïste et pour voir autre chose que sa
Î iropre douleur : Arnaury fut inexorable, Mme de Beaufort eut beau
’exhorter à donner sa démission pour se livrer en paix aux jouissances
d’une fortuné brillante, le commandant répondit obstinément qu’en temps
temps de paix il eût pu la solliciter, mais qu’à la veille d’une guerre
c’aurait par trop l’air d’une lâcheté, et qu’il no fallait pas songer à lui
faire changer de résolution.
On hâtait à Toulon les préparatifs de l’expédition assez activement
pour se mettre en campagne dans les premiers jours de juin et débar
quer, selon les probabilités calculées, vers le milieu du mois dans la
baie de Sidi-Ferruch, ce qui dans le fait se réalisa. Au plus tard dans
huit jours, le commandant devait rejoiudre l’étal-major du maréchal au
quel il était attaché.
La malheureuse Fanny voyait avec un désespoir navrant approcher lo
moment fatal où son mari lui serait enlevé ; tandis que lui remerciait le
ciel de lui offrir ce moyen d’échapper au passé, en fuyant les lieux qui
lui rappelaient de si noirs souvenirs
Un malin Beaufort,en rentrant d’une courseau ministère de la guerre,
passa dans la chambre de sa femme. Une jeune femmo était assise au
chevet du lit, le dos tourné du côté de la porte. Au bruit de ses pas,
celle-ci retourna vivement la tête et se leva du fauteuil où elle se trou
vait. A sa vue, le commandant resta cloué au parquet sans pouvoir faire
un mouvement et lui adresser la parole : il avait devant les youx la ba
ronne d’Arteny. Mme do Beaufort, qui remarqua l’agitation de son mari
sans y donner une cause, en parut frappée elle-mômo et chercha à y
mettre fin :
— Mon ami, lui dit-elle, Mme d’Arteny a appris lo triste résultat
qu’ont eu mes couches, et elle a été assez bonne pour me donnor une
marque touchanto d’un intérêt qu’elle me porte à cause do vous.
Arnaury jeta un regard rapide sur elle et fut surpris du changement
qui s’était opéré dans la baronne depuis leur dernière rencontre.
Ce n’était plus cette jeune femme, vive, enjouée, railleuse, vaine do
sa beauté et do ses grâces; lt douleur l’avait métamorphosée, elle aussi,
et en avait fait une femme d’une gravité triste et mélancoltquo. Sa toi
lette,jadis si éc'alanle,était en harmonie avec la di-posilion de son esprit :
elle portait une robe de couleur sombro et un chapeau do velours noir
d’une simplicité toute puritaine; on voyait que si la mise n’excluait pas
l’élégance, c’était à son insu, et parce que l’élégance était inhérente b sa
nature. Caroline, qui jusqu’à ce jour n’avait point éprouvé la plus légère
contrariété, apprenait enfin que nul n’esi exempt de souffrir. Quoique
gâtée par le monde, elle avait un cœur capable d’attachement, et Fer
dinand avait su lui inspirer une affection profonde; une affreuse catas-
rophe le lui avait enlevé au moment o ù leur union allait s’accomplir,
tdus ses rêves de bonheur s’envolaient avec l’existence de cet infortuné
Certes, elle était en droit de maudire la cause unique do tant de maux,
et son premier sentiment fut presque de l’horreur pour lo commandant;
mais la passion frénétique d’Amaury no méritait-elle point quelque pi
tié? Le fou n’est point responsable dos actes qu’il commet, et vraiment
il y avait de la démence dans la passion de Beaufort pour elle. Un pareil
amour dans ses plus grands excès porte en lui quelque excuse ; il avait
fallu qu’il l’aimât bien souverainement pour ne pas hésiter à lui sacrifier
son meilleur ami et, sans le savoir, dans sa vanité inexpliquée, elle ces
sait d’être inexorable pour cet amour qui la rendait pourtant si malheu
reuse. D'ailleurs, elle avait promis à Ferdinand de réparer tout le mal
que sa beauté avait fait, et rendre à cette pauvre Fanny cet époux, qui
lui avait échappé sans qu’elle s’en doutât encore.
Elle avait eu connaissance en même temps, et des couches malheureu
ses de Mme de Beaufort, et du prochain départ de son mari pour l’Afri
que. L’isolement dans lequel celte femme souffrante et faible allait de
meurer lui avait paru affreux, et elle conçut aussitôt le projet de l’arra
cher à l’horreur d’une pareille situation en l’emmenant avec elle dans un
château qu’elle avait aux environs de Paris. 11 n’est rien comme une
grande douleur pour vous rendre compatissant aux chagrins des uu-
tres; elle éprouvait par avance pour Mme de Beaufort une amitié dé
vouée puisant son aliment dans les torts qu’elle se sentait avoir eu en
vers elle, la seule fois qu’elles s’étaient vues. Mais peut-être, sans le dé
part prochain du commandant, no se fût-elle jamais déridée à se retrou
ver en présence de cet homme, dont la vue pour elle la reportait vers de
si tristes événemens.
— Monsieur, fît-elle en s’adressant à Arnaury, j’ai été instruite de
l’absence qui vous éloignera pour longtemps peut-être de Mme do
Beaufort; |’ai compris tout ce qu’a d’accablant l’isolement dans lequo
vous ôtes forcé de la laisser, et je viens l’enlever à cette mortelle soli
tude. Jo veux que madame soit mon amie, et elle ne pourra manquer de
le devenir ; je n’épargnerai rien pour cela... Jo commence d’abord par
remmener à la campagne : l’air pur des champs la ranimera, et du moins
ainsi elle aura auprès d’elle quelqu’un qui vous remplacera dans les soins
qui lui sont nécessaires... Je n’ai pas pensé un instant qu’il pût exister
l’ombre d’un prétexte do refus. Dans huit jours, j’enlève Mme de Beau-
fort, c’est une chose arrêtée.
Fanny regarda son mari avec étonnement ; elle ne savait quoi répon
dre à cette invitation qui n’admettait point d’excuses , et qui disposait
d’elle sans la consulter. Le chef d’escadron lui-même, se souvenant de
l’antipathie haineuse que la baronne avait témoignée à sa femme, ne sa
vait trop quoi on penser. D’ailleurs, le trouble dans lequel lo mettait la
présence imprévue de Caroline, lui donnait peu le loisir de pénétrer
l’intention secrèle de Mme d’Arteny.
■»- N’est-ce pas que vous acceptez? reprit celle-ci en remarquant l’em
barras do Fanny.
— Madame, agréez toute ma reconnaissance... mais je ne puis... je
suis si souffrante...
— liaison do plus ; sans cela vous n’auriez pas besoin de moi.
— Ma société est bien triste...
— Et c’est pourquoi je la recherche, madame... répondit Caroline en
jetant un regard au commandant; oh! je suis bien changée de
ce que j’étais, il y a do cela trois mois !.. J’ai souffert aussi, moi, ma
dame, et ma blessure saignera longtemps encore, jo vous le jure!., ne
craignez donc pas d’être triste devant moi ; la joie seule me serait à
charge.
Entre les âmes éprouvées par le malheur, il s’établit des rapports sym
pathiques, de ces intimités étroites et chaleureuses d’une inexplicable
soudaineté : Fanny n’ignorait pas quels projets son mari élait venu rom
pre si cruellement en se battant avec Ferdinand, elle so sentit attirée
vers cette femme désoléo et sembla disposée à s’abandonner au caprice
bienveillant de la baronne.
— Eh bien! qu’en dites-vous? continua Caroline.
— Mon ami, quelle réponse dois-je faire aux séduisantes propositions
do Mme d’Arteny? demanda Fanny en s’adressant à son mari, qui s’était
dirigé vers une fenêtre pour dérober à sa femme sa violente émotion.
Dois-je accepter?
— C’est à vous de voir, ma chère amie, balbutia-t-il d’une voix ma
nifestement altérée, si vous vous sentez de force...
— Oh! no craignez rien, interrompit la baronne ; j'ai une voilure
d’une douceur incomparable, et la route est unie comme une glace. C’est
donc bien convenu : dans huit jours jo reviens prendre Mme do Baufort.
Elle se leva aussitôt, embrassa cordialement Fanny et fit un geste
presque affectueux au commandant : l’aspect bouleversé de celui-ci et les
soucis dont son front portait les marques profondes l’avaient émue
de pitié pour cet homme qui n’avait eu d’autre crime, après tout, que de
la trop aimer.
La vue de Caroline avait remué toutes les cendres d'une passion tou
jours fumante ; Beaufort jugea son départ plus que jamais nécessaire et
attendit ce moment avec une impatience fiévreuse. Üno semaine s’écoule
rapidement : l’heure des adieux arriva, et Arnaury s’arracha des bras de
sa femme avec une joie sombre, tandis qu’elle, anéantie, retombait sans
connaissance sur l’oreiller de son lit.
Le lendemain do bonne heure la voilure do voyage de la baronne en
trait dans la me de Varennes. Caroline trouva Mme do Beaufort plongée
dans le plus complet abattement; on eût dit, tant elle paraissait épuisée,
qu’elle n’avait plus de force même pour souffrir. Mme d’Arteny profita
de cette incurie qui se laissait faire, pour l’enlever elle et le petit Adrien
dans sa calèche, sans que celle-ci opposât la moindre objection.
Lo trajet fut court. L’habitation de la baronne élait assise sur lo riant
coteau qui domino Nogent aux lisières du bois de Yincerines. Un pari
immense, dont la grille s’ouvre sur la route et qui semble être une an
cienne dépendance de la forêt, donne à la maison un air d’isolément q n
la détache complètement du village. La vue la plus étendue so déroule à
l’horizon, et offre des masses do verdure et des avenues do peupliers que
la Marne sillonne avec coquetterie de son ruban d’argent. Cette situation
estravissente; mais que sont les charmes du site, les séductions de la
nature, quand tout cela est en désaccord avec le cœur! Mme d; Beau-
fort dut faiblement apprécier celte position enchanteresse qui no pouvait
rien sur la tristesse et l’état de son âme.
La baronne, malgré son incessante sollicitude, était impuissante à rap
peler lo calme chez celle pauvre femme que les inquiétudes do l’esprit
lacéraient autant que les affaissemens d’une organisation épuisée. Les
jours de Fanny s'écoulaient dans une langueur désespérante, qui no la
quittait un instant chaque matin qu’à l’apparition du courrier. Elle re
vêtait alors une énergie fébrile, et ses yeux parcouraient avec une af
freuse anxiété les nouvelles qui nous venaient d’Afrique. On ne saurait
se figurer ses angoisses lorsque, le frisson dans tous les membres, elle
dévorait la liste des morts et des blessés. Et puis, cotte lecture faite, elle
retombait dans une léthargie que Caroline réussissait rarement à secouer.
Mais ses craintes n’eurent plus de bornes à partir du jour où lo bulletin
comprit dans ses cadres le jeune Bourmont, victime do son ardeur guer
rière et de sa bravoure toute française, Elle connaissait le courage bouil
lant de son mari ; cet exemplo prouvait que la mort n’épargnait person
ne; elle s’attendait à voir chaque matin dans le Moniteur l’affreuse nou
velle. Toutes ses trances, du reste, devaient avoir une durée assez brè
ve ; l’expédition no traîna point, lo maréchal sut la mener assez vigou
reusement pour hâter la reddition d’Alger, qui capitula le 5 juillet.
Mais cotte conquête qui,dans les prévisions de tous,eût dû raffermir lo
trône chancelant de la branche aînée, ne put rien contre la destinée qui
voulait la frapper,comme les Stuarts, par un second exil.L’orago s’amas
sait depuis longtemps, les ordonnances le firent éclater et changèrent
tout de lace en trois jours. La royauté do la restauration fit place a colle
du 9 août et entraîna dans sa chute bien des fortunes particulières.
Atnaury, attaché de cœur à l’ancien ordre de choses, devait envisagor
sévèrement cette réaction, dont l’éloignaient d'ailleurs ses instincts aris-
tocraliques ; il n’hésita pas un seul instant dans le parti qu’il avait à
prendre, il donna sur-le-champ sa démission et revint en France au
moment où Bourmont remettait sa conquête dans les mains du maréchal
Clauzel, chargé do le remplacer,
Par les dernières lettres do Fanny , Beaufort savait qu’elle élait tou
jours chez la baronne à Nogent. La perspective seule de se trouver avec
elle, face à face, d’habiter le reste de la saison peut-être, sous le même
toit, lui faisait pordre la tête. Il n’avait que trop éprouvé la puissance ma
gique que cette femme exerçait sur lui, puissance qu’il élait allé éviter
en Afrique, et sous laquelle Isa destinée semblait le ramener! Un instinct
secret, une vague intuition lui prédisaient les plus affreuses catastrophes,
s’il reparaissait jamais devant la baronne. Mais pouvait-il, sans prétexte
désormais, laisser dans l’isolement et l’abandon une femme malade et
presque mourante? Cela était bien impossible. 11 est de ces nécessités
morales qui s’imposent avec la même tyrannie que les faits les plus ma
tériels. Arnaury ne pouvait se dispenser de venir auprès de Mme de Beau-
fort, et conséquemment do revoir Caroline.
A peine débarqué à Toulon, il prit une chaise de poste, résolu do s’a
bandonner en aveugle à une destinée plus forte que lui. Il était huit
heures du soir quand la voiture franchit la grille du parc de Nogent. La
journée avait été d’une chaleur étouffante; un vent léger commençait
alors à jeter quelque fraîcheur dans cette atmosphère de plomb. Madame
d’Arteny, qui était restée enfermée tout le jour dans la chambre de Fan
ny, s’était décidée à prendre l’air et se promenait insoucieusement dans
les allées du bois, livrée à cette somnolence de la pensée qui, dans les
temps de chaleur, semble se marier aux engourdissemens du corps. Elle
ne s’attendait pas en ce moment à voir paraître le commandant ; aussi
fut-elle toute saisie en l’apercevant. Celui-ci, dont le trouble n’était pas
moindre, descendit de sa calèche et aborda la jeune femmo avec le ton
d’une politesse cérémonieuse, lo moyen le plus sûr peut-être de cacher
ses senlimens secrets.
—Venez donc, monsieur, venez donc, lui dit Caroline pour brusquer
une reconnaissance, il y a ici quelqu’un que votre absence faisait tant
souffrir, et que votre retour rendra bien heureux.
Lorsque Beaufort entra dans la chambre do sa femme, celle-ci, dont
l’espérance de le revoir avait ranimé les forces, se distrayait à
faire lire le petit Adrien , qui se tenait debout à la tête de son jlit.
A sa vue, la leçon fut bientôt mise de côté : la pauvre Fanny faillit mou
rir do joie, tant il y avait de bonheur pour elle dans le retourdeson mari,
qu’elle s’étaitpersùadée, dans ses folles terreurs,lui être enlevé pour tou
jours. Atnaury répondit de son mieux à cette torrentueuse ivresse : puisqu’il
ne se sentaitpas locourage de reporter sur elle un amour sans espoir , il
lui devait au moins de l’abuser jusqu’à la fin sur l’état de son âme. 11
prit Adrien dans ses bras et le pressa tendrement contre son cœur ; mais
le cruel enfant fut pou sensible à ces caresses : le commandant dut so
convaincre de l’amère certitude de n’ôtre jamais aimé de son fils, le seul
être pourtant qui eût pu le consoler do ses chagrins.
Si Beaufort envisageait d’un œil d’effroi le séjour qu’il allait faire à
Nogent, Mme d’Arttny de son côté, n’y songeait pas sans une mortelle
inquiétude. L’amour frénétique d’Amaury l’épouvantait: cet homme, qui
avait sacrifié son ami à sa passion, n’était-il pas capable de tout? Na
guère encore, la coquetterie de Caroline se fût presque félicitée des tour-
mens que manifestait sa puissance séductrice ; mais le malheur en avait
fait une femme grave et sérieuse, et les difficultés de sa position l’acca
blèrent. La pensée de se lier avec Fanny ne lui était venue qu’en se re
traçant l’isolement affreux dans lequel Mmo de Beaufort tomberait par le
départ imminent de son mari; il lui eût été p tssible de deviner le peu
de durée de l’expédition et la nécessité conséquemment do recevoir à son
retour le commandant, quo, malgré sa sympathie réelle pour tant do
chagrins, elle no 1 eût pas emmenée à sa campagne, où maintenant elle
se voyait exposée aux mille audaces que permettait de redouter la passion
effrenée d’Amaury.
Un coup d’œil avait suffi à Caroline pour s’assurer que l’absence n’a
vait en aucune façon affaibli l’amour du chef d’escadron. Cela étant,
la jeune femme comprenait les dangers qui allaient l’entourer. Le voisi
nage de Beaufort l’effrayait pour la nuit surtout. La disposition des piè
ces du château eût lavorisé des tentatives qu’elle se croyait en droit de
redouter : la chambre que Fanny occupait était accolée à une terrasso
couronnée d’une serre-chaude, renfermant les plantes les plus rares et
les arbustes les plus curieux. Pour arriver chez elle il fallait traverser
une vasle antichambre,'et vis-à-vis de sa porte, se trouvait l’apparte
ment de la baronne. Immédiatement après, venaient un» chambre à
coucher et une espèce de boudoir, quo Caroline allait se voir forcée de
céder au commandant. Selon une pareille disposition, Beaufort et Mme
d’Arteny seraient porto à porte, et elle ne se jugeait pas en sûreté, tant
s’en faut, même avec lo secours do serrures et do verroux. C’était pous
ser loin la défiance, mais tout était à craindre d’une passion comme la
sienne. Cette prudence, exagérée peut-être, finit par lui suggérer un
moyen d’échapper à de telles transes. Un joli petit pavillon s’élevait dans
lo parc, au milieu d’un massif d’arbres, à la distance de trois cents pas
du château. M. d’Aunay, père de Caroline, sorte de sauvage ou de phi
losophe, si l’on aime mieux, l’avait fait construire pour y établir une bi
bliothèque et un cabinet de phy. iquo, où il passait ses journées, et près
do cos deux pièces, se trouvait une petite chambre, dans laquelle il avait
fait dresser un lit de repos. Mme d’Artony, elle, avait métamorphosé cet
observatoire, meublé avec un goût par trop sévère, en un séjour en
chanteur; la pensée lui vint d’exiler le commandant dans ce charmant
pavillon et d’assurer ainsi la placidité de ses nuits.
— M. de Beaufort, lui dit-elle, lorsqu’il fut l’heure de se retirer, je
viens de faire disposer à votre intention le pavillon du parc ; vous aurez
la une bibliothèque sous votre main et vous serez aussi complètement
libre que partout ailleurs. J’ai supposé que cela vous conviendrait mieux.
Francis va vous conduire chez vous.
Arnaury devina l’intention de la baronne et un sourire amer effleura
scs lèvres. Toutefois il remercia Mme d’Arteny et prit congé d’elle aus
sitôt.
— Mon Dieu ! s’écria-t-il, quand le valet qui l’introduisit dans le pa
villon l’eut laissé à lui-même, vous êtes impitoyable ! vous me rappro
chez de cette femme qu’il me faudrait fuir !... La tentation sera au-des
sus do mes forces, Oh ! jo no voux pas songer à la fin que cola pout
avoir !
Mme d’Arteny s’était fait un plan de conduite dentelle no so déparis-
sait point. Depuis quinze jours que le commandant était au château, i
ne sœtait pas trouvé un seul instant seul avec elle; elle avait réussi
par se mettre à l’abri de toute tentative de tête à tête. Elle ne
quittait Fanny que pour se renfermer, et les repas avaient lieu dans la
chambre de Mme de Beaufort. La baronne s’était interdit ses promena
des au clair de la lune, qu’elle aimait tant, pour éviter toute recon-
de avec Atnaury. Celui-ci no pouvait point no pas remarquer l’intention
tre trop manifeste de le fuir, et cette conviction produisit sur lui l’effet
de la compression sur les corps élastiques ; elle élargit encore la force
de cette passion, contre laquelle il cherchait en vain à se débat
tre. Du reste, la lassitude l’avait pris, il ne so sentait plus le courage
pour la lutte ; il en vint à se dire ( funeste sophisme qui pouvait le
conduire à tout J qu’il lui serait plus facile de vaincre cette femme quo
de se vaincre lui-même. Dès lors lo sentiment du devoir fut étouffé : s’il
devenait coupable, il rejetait toute la responsabilité de sa faute sur la
fatalité, excuse ordinaire des gens qui ne veulent plus combattre et qui
trouvent plus commode d’accuser la Providence, comme si elle ne leur
donnait pas toujours l’aviron pour louvoyer et arriver au port.
Caroline le fuyait, cela était évident ; elle le redoutait donc? La crainte
annonce toujours le doute de soi-même, l’indifférence eût été plus pla
cide et moins timorée surtout ; elle l’aimait ou commençait à l’aimer I
Pourquoi pas ? il avait assez fait pour cela, lui ! il lui avait assez sa
crifié pour la toucher et l’attendrir! Un peu d’audace, delà constance, et
peut-être n’était-il pas aussi loin du succès qu’il l’avait cru jusqu’alors.
Une réaction s’opéra en lui : l’espérance avait succédé au décourage
ment. Les grandes passions offrent fréquemment cos phases d’abatte
ment et d’exaltation ; l’âme, comme lu mer, dont elle a toutes les ru
meurs et tous les orages, îi dos heures où elle sa replie sur elle-
même , d'autres où elle déborde, ses marées montantes et descen
dantes, si Ton nous passe ce terme. Beaufort, sans regarder désor
mais on arrière, lâcha la bride à tous ses instincts passionnés. Son parti
fut bientôt pris : tout favorisait ses desseins ; il n'avait plus, dans sa
pensée, qu’à obtenir de la baronne quelques entretiens ou sa froideur
finirait par se fondro devant la flamme contagieuse d’un amour comme
e sien.
VII.
Lasso do la claustration qu’olle s’élait elle-même imposée , Caroline
avait trouvé un expédient d’en revenir à ses promenades chéries, aux
quelles elle avait renoncé pour dépister les poursuites du commandant :
c’était do traîner avec elle, toutes les fois qu’elle sortait, le petit Adrien
dont elle s’était fait la bonne atnio en no lui refusant la réalisation d’au
cun de scs caprices; et, grâce à cet innocent protecteur, elle défiait l’en
nemi audacieusement. Atnaury, de sou côté, résolut de profiter de cette
sécurité pour faire naître une occasion de l’entretenir seul à seul.
Un matin, après lo déjeûner, la baronne, séluite par la suavité du
ciel, prit son compagnon habituel et se disposa à explorer le parc avec
lui|; Fanny était apesantie, elle avait manifesté le désir de reposer et elle
avait elle-même engagé Caroline et son mari à faire de concert une ex
cursion à travers champs. Celui-ci n’eut garde de refuser et accueillit
cette idée de façon à ôter à Mme d’Arteny toute impossibilité d’opposer un
refus.
La jeune femme sut renfermer en elle sa contrariété , d’ailleurs ,
après tout, que pouveit le commandant, tant que son fils serait en tiers
dans la conversation ? ils quittèrent donc la chambre de la malade et se
dirigèrent assez taciturnemonl vers lo bois.
Arnaury comprit quo c’était lo moment ou jamais do parler, et se de
manda de quelle manière il s’y prendrait pour éloigner l’importun en
fant qui le contraignait à se taire. Il se tourna enfin vers Adrien et lui
dit assez naturellement :
— Adrien, vous êtes tête nue, le soloil est dans toute sa vigueur, cela
pourrait vous faire du mal ; allez chercher votro casquette, et vous re
viendrez nous rejoindre ensuite.
— Je no veux pas, répondit l’enfant d’un ton boudeur, avec ce senti
ment do rébellion qu'il se sentait pour chuque ordre du commandant.
— Comment! vous ne voulez pas ! qu’ost-ce à dire?
— Je veux rester avec bonne amie, ajouta-t-il résolument en se ser
rant contre la baronne.
— Obéissez, ou vous serez puni, monsieur.
— N’ost-ce pas, bonne amie, que tu Tompêcheros bien qu’il me pu
nisse? riposta-t-il en s’adressant à la jeune femme.
— Vous êtes un malhonnête et un indocile , dit le commandant, et',
pour votre peine, vous allez nous quitter sur-le-champ et retourner au
château; allons, vite, dépêchez!
Arnaury le prit par le bras cl lui fit rebrousser chemin.
— Monsieur, do grâce, interrompit Caroline, que la peur saisit,
pardonnez à cet enfant, c’est un monvement d’humeur.
— Non, sa mère cède à tous ses caprices, il deviendrait volontaire ; il
se souviendra de se mieux conduire une autre fois. Obéissez, monsieur,
et promptement encore, si vous ne voulez pas voir grossir votre châti
ment.
Adrien, auquel cette fermeté imposa, so dirigea en pleurant vers le
château et disparut bientôt à l’encoignure d’une allée.
Le commandant avait atteint son but ; il s’était débarrassé de l’onfant,
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