Titre : Revue du Havre et de la Seine-Inférieure : marine, commerce, agriculture, horticulture, histoire, sciences, littérature, beaux-arts, voyages, mémoires, mœurs, romans, nouvelles, feuilletons, tribunaux, théâtres, modes
Éditeur : [s.n.] (Havre)
Date d'édition : 1846-12-13
Contributeur : Morlent, Joseph (1793-1861). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32859149v
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 13 décembre 1846 13 décembre 1846
Description : 1846/12/13. 1846/12/13.
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
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Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque municipale du Havre, Y2-123
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 28/05/2014
Catherine un nom commun et se donna un pèro et un métier qui, cer
tes, n’étaient pas les siens. Dans ce siècle <ùon aimait les aventures, et
où on no vivait pas, comme aujourd’hui, dans des maisons de verre, les
grands seigneurs se permettaient volontiers un genre d'intrigue facile qui
abuse une jeune fille sans compromettre ni l’amour-propre, ni l’orgueil,
ni îa fortune. Un marquis, déguisé sous l’habit d’un ouvrier, séduisait
facilement par les manières élégantes qu’il employait à propos, l’or qui
remplissait ses poches, et l’égalité qu’il affectait, et qui lui paraissait, à
lui, un charme de plus. La passion satisfaite ou le caprice passé, il aban
donnait la malheureuse, qui uo le revoyait plus qu'en paillettes et écla
boussée par son carosse.
Cependant la fortune devint si contraire au comte de Ilorn, que les
moyens qu’il employait pour se soutenir lui posaient à lui-même; sa
liberté était menacée ; d’un jour à l’autre, le bras sévète de la justice
pouvait l’atteindre, et son amour pour la jeune Catherine, naïve et pure
fille qui ne soupçonnait ni le mensonge, ni la tromperie, augmentait à
chaque instant ; alors il conçut le projet de ne vivre que pour elle : tout
lui manquait, et il voulait au moins que l’amour de la jeune fille lui res
tât. Il pensa donc à la ravir à son père, à l’enlever; mais comme il sen
tait que quoique riche que fui Ramsay, il ne déciderait pas la fille à dé
rober le père, heureux, s’il parven dl seulement il l’éloigner du toit pa
ternel, il lui fallait de l’argent, Ramsay était dans l’intimité de Law; le
comto ne pouvait pas songer à demeurer à Paris; Mine de Tencin, fati
guée des demandes du jeune homme, devenait do jour en jour plus ré
servée avec lui ; c'était néanmoins sa seule espérance, et si elle eût pu
lui suffire, il ne se s trait pas arrêté a la pensée de faire servir à nue tra
hison l’argent qu’il aurait reçu d’elle. Il se trouvait dans un de ces inti
mons où, mû par une seule passion, excité par un seul désir, rien ne pou
vait l’arrêter pour so satisfaire. Le malheureux n’eût pas même reculé
devant un crime.
C’est dans cos dispositions que le 21 mars au soir, après avoir dîné
dans la petite salle enfumée de l’aubarge des Trois-Soloils , le comte de
Ilorn se lova nonchalamment , prit son cliapoau accroché au clou qui
soutenait le portrait du duc de Créqui, et demanda à la jeune Marianne
son manteau.
Ainsi, monsieur le comte, demanda Laurent de Mille, nous no pou
vons pas compter sur vous demain?
— Cola serait fâcheux, dit le jeune chevalier d’Estampes, car c’est
vous, monsieur, qui, l’autre jour, à l’Iïpce-de-llois, avez eu cette idée,
et elle est bonne.
— Sans compter, reprit de Mille, que ne devant, et je pourrais dire
no pouvant plus longtemps habiter Paris ni les uns ni les autres, l’entre
prise est sans danger.
— Je ne vois pas ce qui m’empêcherait d’habiter Paris plus longtemps,
répondit de Ilorn avec hauteur ; la princesse Elisabo.h me protège, j’ai
l’honneur d’être son parent et celui de M. le rôgenl, et d’ailleurs ma fa
mille ne m’a pas abandonné que je sache.
De Mille avait l’habitude de laisser s’évaporer ces fumées d’orgueil; il
savait que la nécessité lui ramenait ce jeune homme faible et sans moyens
pour accomplir une résolution suivie ; il répondit donc du ton le plus
doux :
— Comme il vous plaira , monsieur le comte; mais il est assez natu
rel que nous sachions si nous pouvons ou non compter sur vous.
M. le chevalier d’Estampes, ou pour mieux dire l’Estang. qui, eu vrai
Flamand, n’nb mdonnait ni sa pipe, ni son verre , fit observer qu’il était
bien .étonnant que la situation de M. Ilorn fût changée en aussi pou de
temps ; que du reste, il n’en serait que ce que M. le comte voudrait.
De Mille, fin , adroit et désireux d’avoir, dans une affaire aussi péril-
leuso que celle dont il s’agissait, la complicité du comte de Ilorn, dont le
«ont lui paraissait une sauve-gard;, no fit pas la faute d’insister davan
tage, mais il détailla le plan que déjà il avait combiné avec do Ilorn , en
fil ressortir tous les avantages , prouva que le succès était assuré , et ,
mieux instruit des pensées les plus secrètes du comte que le jeune hom
me ne le croyait, il ajouta :
Vous ferez ce que vous voudrez, monsieur le comte, mais vous me
permettrez, si vous refusez , d'exprimer quelques regrets. Depuis trois
mois, jo me suis habitué à partager voire mauvaise fortune, commo vous
souffrez la mienne , et je suis prêt à épouser toutes vos querelles comme
toutos vos haines. Or, dans la résolution que nous allons prendre, et dont
l’idée vient do vous, il s’agit non seulement do nous enrichir lous, mais
encore do me venger, moi, en particulier, et jo complais sur vous.
— Vous venger ! dit do Ilorn ; comment cela ?
— Voici ; vous savez que j’ai fini comme un autre tous mes efforts
pour agioter sur les actions, pour entrer, ainsi qu’on l’appelle, dans le
système', jo me suis donc adressé à plusieurs agioteurs, qui maintenant
sont devenus de riches Mississipiens : lous m’ont repousse. 11 en est un
surtout que je n’ai jamais vu, il est vrai, mais qui a résisté à toutos les
ouvertures que je lui a fait faire, et n'a jamais voulu m’employer à rien,
ni me confier des actions : c’est de cet homme que je veux me venger,
et c’est à lui que je m’adresserai demain.
— Je ne pensais pas, dit de Ilorn, qu’il s’agît d’une vengeance.
— Et eut homme, reprit l’Estang en ôtant sa pipo de sa bouche, com
ment le nommez-vous.
— Lacroix.
— Monsieur de Mille , s’écria de Ilorn , j’ai des affaires ce soir que je
ne puis remettre ; mais je rentrerai de bonne heure, et vous saurez alors
mon dernier mot.
Marianne entra alors et tendit ntt comto son manteau ; il s’en revêtit ,
et quitta l’auberge des Trois-Soleils.
— Ainsi nous no sommes que son pis-aller, dit l’Etang.
— U est à nous, reprit de Mille, et vous pouvez compter sur lui, plus
encore que sur moi.
Cependant, tandis quo do Ilorn, combattu par mille idées contraires,
s’acheminait vers la petite maison do Mme de Tencin, Catherine, assise
devant une tcble à thé avec son père et M. Law, avait à résister aux or
dres de l’un et aux prières de l’autre. John Ramsay n’avait pas eu de
peine h faire comprendre à Law que le mariage do Catherine avec La
croix qui, au premier coup d’œil, paraissait une chose fort indifférente
au système, pouvait au contraire devenir très favorable aux projets de
Law, et consolider une nouveauté, qui n’était dangereuse que parce que
le caractère prompt et extrême des Français l’avait exagérée sur toutes
les faces, tandis qu’avec du temps,' et en no demandant au système que
ce qu'il pouvait raisonnablement donner, on était sûr de l'établir d’une
façon durable el utile. Quand Law avait connu l’immense fortune de
Lacroix et l’usago qu’il en faisait, il avait senti le danger, el le hasard
qui l’avait si souvent secondé le favorisait oncoro en rendant La-
amoureux de Catherine, moyen unique d’avoir de l’influence sur
cet homme, sans so compromettre ni lui dire son secret. Ainsi, dans ces
vastes usines que la vapeur met en mouvement et où elle crée des
merveilles, la négligence ou la mauvaise volonté d’un seul ouvrier
peuvent détruire toutes les espérances du manufacturier et ruiner
do fond en comble l’établissement entier. Law donc avait pris sa li
gure la plus douce, s’étaii armé do ses manières les plus agréables, et
fort do l’ascendant qu’il avait sur une jeune fille née sous ses yeux et
dans une de ses terres, il espérait arracher un assentiment dont il ne
se dissimulait ni l’importance ni la difficulté, Catherine était Ecos
saise, ollo tenait aux préjugés de son pays, et il ne s’agissait do rien
moins que de lui fairo faire une chose qui la blessait dans sa reli
gion ot dans son amour de la patrie, tout cela pour un homme
qu’elle paraissait ne pas aimer, et auquel il s'agissait de se lier éter
nellement. Que do lois dans les confidences intimes du foyer, n’avait-il
Pas flétri, devant sa femme et devant Catherine elle-même, le caractère
français, qui à cetto époque so montrait si avide ot si dénué de toutes
morato et do toute vertu? La bassesse des grands, l’ignorance et la cu
pidité des peuples avaient été si souvent l’objet de ses mépris?... Il s’était
comparé hien souvent lui-même à l’aveugle fortune qui favorise les êtres
les plus vils; maintenant il fallait revenir sur tout cela. Cependant, avec
sa sagacité ordinaire il comprenait qu’une chance do succès lui restait
encore.
, J’aimerais mieux, pensait-il, avoir à demander a monseigneur le
régent lu création do cinq ou six cont mille actions, je serais plus cer
tain de réussir ; mais si elle n’aime personno, si, dans la vieille Edim
bourg, une moitié d’anucau ou une moitié de penny n’ont pas été échan
gées avec quelque montagnard à toque bleue et à plaid de tartan, nous
pourrons encore réussir,
Il regardait ensuite la figure pensive et réfléchie de Ramsay, et il sen
tait combien cet homme lui sacrifiait en donnant les mains à ce mariage.
— CeLacroix, pensait-il, ne convient pas à Ramsay; tous les juS esad
de sa fille, il les a, et cependant il me sacrifie tout, il établit sa iillepré
France, il l’abandonne à un malotru.
Alors l’aspect de cette fidélité si délicate et si entière le remplissait
d’émotion, et il se demandait s’il coopérerait à la consommation de
ce sacrifice malgré les plaintes de Mme Law et les pleurs de Catherine;
ce moment de sensibilité était court; la nécessité et l’intérêt prenaient
bien vite le dessus. Assis donc entre le père et la fille, il tournait lente
ment sa ciiillèr dans sa tasse do thé, et tantôt s’adressait à Ramsay,
tantôt essayait sur la fille un ordre ou une prière.
— Vous croyez donc, Ramsay, qu’il est aussi riche qu’il le dit ?
— Davantage encore, monseigneur, répondit Ramsay; on est ordinai
rement porté à exagérer ses richesses; mais vous avez répandu en
France une fortune si subite que les nouveaux enrichis sont étonnés eux-
mêmes de leur position, et n’osent pas avouer tout leur bonheur.
— Vous voyez, Catherine, dit Law en se tournant vers la jeune fillo
dont les larmes couvraient les joues, vous voyez que vous allez être plus
riche qu’uno princesse, et que la fortune da votre mari ne lui est point
arrivée par une mauvaise voie, puisqu’il a seulement profité dos circons
tances que j’ai fait naître.
— Mon mari I reprit Catherine.
— Ne m’avez-vous pas dit, poursuivit Law en s’adressant encore à
Ramsay, qu’il était jeune ot de bonne mine?
— Qui, monseigneur, dit le père.
— Alors, mon enfant, reprit Law, ce que nous vous demandons n’est
pas si difficile.
—Oh! je vois ce que vous allez me dire: j’ai promis do prendre voire
parti conire votre père, vous avez aussi la parole do Mme Law ; mais ,
Catherine, vous ne m’aviez pas dit ce qu’est ce Lacroix. Il y a do ces
choses qui sont si heureuses, qui portent avec elles un intérêt si grand
et si inespéré . que ce sont des occasions rares qu’il ne faut pas laisser
échapper, et qu’un père serait coupable de de pas contraindre sa fille h
devenir riche et à jouir ainsi du bonheur et de la considération qui sui
vent lu richesse.
— Voyons, Ramsay, disail-il au père, faites bien comprendre à notre
Katty qu’il s’agit ici de son bonheur à elle d’abord, ensuite do notre po -
sition à tous; il est rare qu’une fille en se mariant acquitte toutes les
déliés qu’elle contractées depuis sa naissance, et il est sans exemple
qu’elle puisse ainsi obliger un contrôleur-général et sauver peut-être
les finances d’un royaume : c’est cependant ce qui arrive, ajouta-t-il en
riant.
i John Ramsay approuvait du geste les raisonnemens de Law ; et tan
dis que Catherine , immobile et les mains croisées sur ses genoux, no
répondait que par ses pleurs, il entassait argumens sur argumens, et
montrait le système prêt à s’écrouler si l’idée de réaliser s’emparait des
agioteurs, comme l’exemple donné par Lacroix le faisait craindre; tan
dis que si Lacroix revendait ses propriété, comme on l’y obligerait en
lui accordant Catherine, un crédit nouveau et une impulsion nouvelle
seraient donnés aux actions.
Ramsay raisonnait fort juste, mais ses conseils, excellons en affaire,
avaient très peu de poids pour une jeune fille fascinée par un amonr
d’autant plus vif qu’elle était obligée de le taire, et le succès du système
ne pouvait entrer en balance dans l’esprit de Catherine avec la figura
gracieuse et presque idéale do cet Antoine Pichelu, qui était si beau,
dont les manières étaient si élégunus, et qui l'aimait tant, qu’elle ne
pouvait pas croire que ce ne lût pus un prince au lieu d’êire le fils
d’un avocat de sept heures. Law semait de son côté combien la lâch
qu’il avait entreprise était difliciie : l'éclat des richesses n’éblouisrx
pas Catherine; d’ailleurs elle vivait au milieu de circonstances telles
le prestige de l’or lui-même avait perdu beaucoup de sa puissar
il était absurde de parler finance comme le faisait Ramsay, il n'av
donc d’autre moyen que d’émouvoir le cœur de Catherine en lui pi
sentant lu joie du mariage, la liberté qu'il procure, les chances heurtu-
ses auxquelles il peut donner lien, les charmes do l’intimité qu’il offre,
ot ces enfans qu’une mère allaite do son lait, et qui fournissent à sa ten
dresse un nouvel aliment ; mais cela mémo était dangereux si Catherine
aimait quelqu’un, et il fallait craindre de réveiller chez elle un senti
ment endormi. Il se laisail donc, lorsque Ramsay, fatigué de trouver
une résistance aussi opiniâtre, et habitué à fairo tout plier dovuut le*
intérêts do Law, s’écria :
— Monseigneur, je réponds de tout ; Catherinejobéira de bonne grâce;
dans huit jours elle sera madame Lacroix ; d’ailleurs j’ai donné rua pa
role au jeune homme; cola vaut fait, monseigneur.
Ces paroles, quelque péremptoires qu’elles lussent, ne rassurèrent qu'à
demi Law, qui dit à la jeune fille :
— Eh bien ! Kally, voilà qui est dit, n’est-il pas vrai ? ci je vais pré
parer mon cadeau de noce.
— Ainsi, mon père, répondit Catherine en levant sur, Ramsay se
yeux attristés, ainsi vous vendez votre chair et voire sang. Et vous
monsieur de Lauriston, jo n’aurais pas cru que lo fils de votre père cûs
agit ainsi envers une pauvre fille née dans vos domaines, et qui a votre
parole, ainsi quo celle de Catherine Knowel, voire femme. — Mon père,
dil-elle, je vois quo le sang montagnard bout dans vos veines, et que vous
voulez absolument exécuter ce que vous avez projeté; cependant lo con
sentement do votre fille vous est nécessaire, parce que vous ne pouvez
pas me traîner au temple malgré moi, el comme D.ck Kennedy, notre
boucher d’Edimbourg, mène ses génisses à l’abattoir. Attendez jusqu’à
demain, vous aurez ma réponse.
A ces mots, elle se lova, et pâle de douleur et d’émotion, elle se diri
gea vers le jardin sans saluer le contrôleur-général des finances, ni sans
regarder son père.
— C’est le sang do son père, dit Ramsay. Avez-vous vu, monseigneur,
comme elle a pâli et comme sos lèvres sont devenues violettes? C’est
ainsi qu’elle le disait elle-même, la violence, des montagnards ; mais
n’importé, monseigneur, elle obéira.
— Non, tnon pauvre John, et ce mariage ne se fera pas. Cherche donc
quelque autre moyen do t’attachera Lacroix, et de t’opposer aux réali-
seurs.
Catherine s’était dirigée vers lo jardin, et avait pris cotte longue allée
qui conduisait à la muraille franchie si souvent par le comte de Ilorn :
la nuit était noire, point de lune au ciel, mais des étoiles qui sointillaieut
sur l'obscurité des nuages, et filaient quelquefois en lignes lumineuses;
l’absence du jour avait fait fermer les premières feuilles des arbres, et
leur parfum embaumé y était retenu prisonnier pour ne s’en dégager
qu’au matin ; aucun souffle d’air no se faisait sentir, et lo seul indice qui
décélâl le printemps, était, l’absence du froid cl quelque chose do tiède
qui se respirait avec l’air, Catherine traversa l’allée entière, passa sous
la tonnelle, et, s’approchant de la muraille que son amant franchissait
pour venir la joindre, elle y monta avec l’adresse et l’agilité d’une mon
tagnarde. Il y eut un moment où elle fut presque de bout sur la mu
raille; elle vit les fenêtres du salon do son père éclairées par la bougie
qu’elle uvait allumée elle-même; doux ombres so projetaient ensemble
sur la vitre, son ressentiment s’accrut.
— Ils-sont là, pensa-t-elle, occupés à chercher le moyen de me faire
épouser leur Mississipien.
D’uri saut elle fut dans le jardin de Mme de Tencin.
— Me voici dans la maison de son père, pensa-t-elle : ceci est à lui,
voici une fleur qu’il arrose, dont il soigne le bouton et dont il cueillera
la plus belle lige.
Elle s’égarait ensuite dans les allées, tantôt retenue par une pudeur
naturelle, tantôt bâtant lo pas pour se rapprocher d’un lieu où elle es
pérait trouver Antoiuo Pichelu : ou bien elle craignait encore la ren
contre d’un domestique qui, voyant uno figure inconnue, lui demande
rait son nom, par où elle était arrivée, et ce qu’elle voulait. Parvenue
sur le perron qui s’étendait devant la maison, sos mains touchèrent la
porte, et un bouton qu’elle tourna lui permit d’entrer dans le vestibule.
Habile à s'orienter dans l’ombre, elle s’approcha d’une cheminée dont
la cendre, encore chaude, recouvrait quelques charbons embrâsés ,
et ayant trouvé sous sa main tous les matériaux nécessaires pour avoir
du feu, elle alluma une lampe qui était par hasard auprès du foyer.
Peu à peu son œil s’accoutuma à la lumiète, et elle distingua les meu
bles , les portes et un grand escalier dont les dernières marches
venaient aboutir dans le vestibule même. Comme nous l’avons dit,
tout, dans cette maison de Mme de Tencin, était disposé pour un
bonheur, calme, facile et mystérieux. Achetée et meublée a< r ec l’argent
du système, argent qui coûtait si peu à la maîtresse de Dubois, un môme
goût de volupté el d’élégance avait présidé à l’arrangement de l’anti
chambre comme à celui du boudoir. Catherine vit, en levant les yeux,
des peintures assez libres pour faire rougir une jeune fille, et, étonnée
du silence qui régnait autour d'elle, elle monta l’escalier qui conduisait
à l’étage supérieur. Des portes muettes, des tapis moelleux, des glaces
où elle se voyait tout entière, et dans lesquelles le jet lumineux de sa
lampe se reflétait de mille manières, tout l’étonnait. Ce luxe continuel
qui l’accompagnait partout, ces ottomanes d’étoffes brillantes qui bor
daient les murailles, donnaient à ses sens et à sa pensée même une
sorte do langueur. Catherine savait parfaitement ce que c’est que la ri-
chesse; mais elle no connaissait pas lo luxe; elle ignorait le parti que
l’homme riche sait tirer do l’or, et combien de prodiges enfante l’indus
trie. Habituée à la simplicité grossière el pauvre de i Ecosse, sa surprise
croissait de momens en moinens ; elle n’avait jamais rêvé même qu’on
pût se procurer des meubles si élégans, m rendre si commode et si re
cherchée son habitation ; la maison de Mme Law était bien loin de là.
— Il i uit que son père soit bien riche, pensait-elle. Que ne parle-t-il ?
que ne s’adresse-t-il à John Ramsay? car mon (ère aussi est riche, et
puisque avec de i’or on peut se procurer toutes ces choses, il ne tient
qu’à nous de les avoir.
Après l’étonnement que lui causaient les salons , les boudoirs qu’elle
traversait 1rs uns après les autres, et dont le luxe, il faut bien l’avouer,
eût été facilement surpassé, elle éprouva un mouvement de satisfaction
intérieure : ,
— Cet homme, so dit-elle, dont on veut faire mon mari, et quo je
hais à lu mort, n’est pas si riche qu’on le dit, ou du moins il n’est pas le
seul riche, puisque Antoine Pichelu, mon Antoine, possède uno maison
qui est plus belle que le palais d’un prince.
Elle avançait toujours, mais en hésitant, ainsi qu’une jeune paysanne,
qui s’aventure pour la première fois dans de riches appartenions,
pour arriver jusqu’à la grande dame à qui son père loue quelques
ariens et une petite chaumière ; elle atteignit, enfin la chambre
à coucher de Mme de Tencin , tout en se demandant par quel
charme une demeure aussi magnifique s’élevait auprès do la sienne.
Là, elle admira encore les rideaux élégans du lit, la commodité et lo
brillant des meubles, et toute cette recherche sensuelle que Mme do Ten
cin avait rassemblée autour d’elle, et que les compatriotes de Catherine,
continuateurs distingués de l’art de la chanoinesse, ont nommé le com-
f'orl. Un chat était accroupi sur un fauteuil, et faisait jouer sa queue sur
la soie des coussins : c’était le seul être animé qu’elle eût vu depuis
qu’elle avait quitté son père. Elle s’assit auprès de lui et le carrossa ;
l’animal intr'ouvrit les yeux, élira ses pattes, et, tout en arrondissant
son dos, fil entendre un petit grognement.
— J’aurais mieux aimé, pensa Catherine, trouver ici un chien fidèle
ou quelque daim familier, que ce symbole de lu perfidie et de la faus
seté ; un chat n’accompagne jamais le chasseur ni le guerrier, il ne sait
pas défendre une maison, mais il ne quille pas lo coin du feu des sor
cières.
Bientôt elle entendit des pas, et reconnut sans peine l’arrivée de
I celui qui l'ai lirait en ce lieu. C’était le Comte de Ilorn; il marcha droit
! vers la chambre où se trouvait Catherine, et quoique les pièces par
| esquelles il passait ne,fussent point éclairées, il les traversa avec ce pas
j cal quo tonne l'habitude el la connaissance des lieux. Sur le seuil de
éla chambre de Mme de Tencin, il s’arrêta et considéra un moment la
personne qu’il allait aborder ; à l’aspect de Catherine, il fit uncri do sur
prise.
— Quoi ? s’écria-t-il, c’est vous, Catherine?
— Vous ne m’attendiez pas, Antoine?
— Non, reprit-il d’un ton galant ; vous ne m’avez pas habitué à ces fa
veurs.
— Ah! Antoine, dil-elle, depuis que je ne vous ai vu, il est arrivé bien
des choses.... Mon père...
— Jo sais tout cela; j’ai tout entendu, j’ai même vu cet homme
qui veut vous épouser, et qui a fait briller devant votre père tout l’or
qu’il a gagné dans lo système-; mais ce mariage ne se fera pas, n’cst-il
pas vrai, Catherine ?
Non, reprit vivement la jeune fillo. Cependant, mon père et M. Law
ont employé tous les moyens pour arracher mon consentement, et même
mon père s’est engagé.
Alors elle raconta la demande de Lacroix, sa visite à Mme Law, et com
ment lo contrôleur-général, après lui avoir promis son appui, s’élait ré
tracté et so joignait maintenant à son père.
— C’est, quand j’ai «u, poursuivit-elle, que tous deux me suppliaient
et même m’ordonnaient positivement une chose que je ne pourrais ja
mais me décider à faire, que je me suis ainsi échapp >e, et que, franchis
sant la muraille qui vous sert de chemin pour arriver jusqu’à moi, je
uis venue chez vous comme dans un lieu de protection, incertaine si je
vous trouverais ou non, et craignant presque autant, ajouta-t elle enrou-
gssant, votre absence quo votre présence.
Lo comte de Ilorn prit les mains de la jeune fille dans les siennes ; il
lui peignit sorf amour en termes brùlans, il lui fit un tableau animé d’u
ne vio consacrée a lui plaire, passée auprès d'elle, dans celte joie pure
dhin amour satisfait qui s’augmente par sa violence môme, el qui de
vient durable en devenant plus vif. Jeune, beau, passionné, le comte du
Ilorn fut éloquent, el il n’eut pas do peine à faire partager sos sentimens
à une jeune fille dont il avait déjà l’amour el qui était menacée d’un
mariage qu’elle redoutait. Sa belle figure, la franchise et la douceur qui
se faisaient remarquer dans ses traits, des expressions flatteuses, choisies,
qui sortaient sans apprêts doses lèvres, fascinèrent la jeune fille ;Kat!y n’a-'
vuit jamais entendu dessous si doux à sou oreille, ni qui remuassent plus dé
licieusement les fibres secrètes de son cœur. L’amant coupable de Mme do
Tencin, en exprimant un amour qu’il éprouvait, devenait chaque moment
plus pressant, et oubliait que la chanoinesse pouvait arriver et faire avor
ter toutes ses espérances; Catherino elle-même, toute à son amour, ne
songeait plus guère à Lacroix ni à son père, ni à Law ; mais heu
reuse auprès du jeune comto, elle jeta un regard toujours surpris sur
10 luxe qui l’environnait, et elle demanda l’explication d’un mystère qui
l’étonnait.
— Vous m’avez dit, Antoine, que votre pèro était avocat au Châtelet,
qu il vous retenait tous les jours à grasseyer dans son cabinet, et
nous voici dans une maison superbe;.un prince s’en contenterait, la fille
djun roi serait fibre de l’habiter et votre père la dédaigne el n’y vient ja
mais. Dans quel pays sommes-nous donc pour qu’un avocat ait inutile
ment un si grand luxe? Mais si vous êtes si riche, Antoine, que no de
mandez-vous ma main à mon père? fl vous l’accordera.
Le comte ne s’attendait pas à celle question, quelque naturelle
qu’elle fût. Cependant, comme le moment où l’on se trouvait en France
rendait tout possible, il demanda à Catherine si otle croyait que les
Lacroix seuls pussent s’enrichir ot posséder des palais. Quant à deman
der sa main à Ramsay, c’était possible avant ia démarche da Lacroix ;
maintenant, avec l’intérêt que Law et Ramsay portaient à son rival, ne
voyait-elle pas que ce serait inutilement découvrir le secret de leur
amour? Son pèro à lui, Pichelu l’avocat, ajoÉta-l-il, s’intéressait peu à
outils; mais , dit-il encore en rougissant,ÉfiHto richesse quo tout le
monde acquérait si facilement, il en avait ni part, ot si Catherine vou
lait, ils luiraient tous deux, elle un père dont lus volontés étaient trop ty
ranniques, lui un homme indifférent qui ne s ■ souvenait qu’il était son
pèro que pour l’accabler d’un travail rebutant.
— Il y a, lui dit-il, dans l’Angleterre ou dans l’Allemagne, des lieux
où nous vivions tranquilles et cachés. Nous serons d’abord heureux, et
le temps qui marche toujours apaisera le ressentiment de votre père,
et diminuera peut-être l’indifférence du mien. Croyez-vous, ajouta-
t-il encore, croyez-vous, Catherine, que dans les lieux que je vous cite
11 manque d'autels et de magistrats pour bénir et recevoir nos surmens?
En parlant ainsi, il avait arrêté son regard sur les yeux de Cathe
rine, et tandis quo sa bouche souriait et que sa main serrait teu-
tes, n’étaient pas les siens. Dans ce siècle <ùon aimait les aventures, et
où on no vivait pas, comme aujourd’hui, dans des maisons de verre, les
grands seigneurs se permettaient volontiers un genre d'intrigue facile qui
abuse une jeune fille sans compromettre ni l’amour-propre, ni l’orgueil,
ni îa fortune. Un marquis, déguisé sous l’habit d’un ouvrier, séduisait
facilement par les manières élégantes qu’il employait à propos, l’or qui
remplissait ses poches, et l’égalité qu’il affectait, et qui lui paraissait, à
lui, un charme de plus. La passion satisfaite ou le caprice passé, il aban
donnait la malheureuse, qui uo le revoyait plus qu'en paillettes et écla
boussée par son carosse.
Cependant la fortune devint si contraire au comte de Ilorn, que les
moyens qu’il employait pour se soutenir lui posaient à lui-même; sa
liberté était menacée ; d’un jour à l’autre, le bras sévète de la justice
pouvait l’atteindre, et son amour pour la jeune Catherine, naïve et pure
fille qui ne soupçonnait ni le mensonge, ni la tromperie, augmentait à
chaque instant ; alors il conçut le projet de ne vivre que pour elle : tout
lui manquait, et il voulait au moins que l’amour de la jeune fille lui res
tât. Il pensa donc à la ravir à son père, à l’enlever; mais comme il sen
tait que quoique riche que fui Ramsay, il ne déciderait pas la fille à dé
rober le père, heureux, s’il parven dl seulement il l’éloigner du toit pa
ternel, il lui fallait de l’argent, Ramsay était dans l’intimité de Law; le
comto ne pouvait pas songer à demeurer à Paris; Mine de Tencin, fati
guée des demandes du jeune homme, devenait do jour en jour plus ré
servée avec lui ; c'était néanmoins sa seule espérance, et si elle eût pu
lui suffire, il ne se s trait pas arrêté a la pensée de faire servir à nue tra
hison l’argent qu’il aurait reçu d’elle. Il se trouvait dans un de ces inti
mons où, mû par une seule passion, excité par un seul désir, rien ne pou
vait l’arrêter pour so satisfaire. Le malheureux n’eût pas même reculé
devant un crime.
C’est dans cos dispositions que le 21 mars au soir, après avoir dîné
dans la petite salle enfumée de l’aubarge des Trois-Soloils , le comte de
Ilorn se lova nonchalamment , prit son cliapoau accroché au clou qui
soutenait le portrait du duc de Créqui, et demanda à la jeune Marianne
son manteau.
Ainsi, monsieur le comte, demanda Laurent de Mille, nous no pou
vons pas compter sur vous demain?
— Cola serait fâcheux, dit le jeune chevalier d’Estampes, car c’est
vous, monsieur, qui, l’autre jour, à l’Iïpce-de-llois, avez eu cette idée,
et elle est bonne.
— Sans compter, reprit de Mille, que ne devant, et je pourrais dire
no pouvant plus longtemps habiter Paris ni les uns ni les autres, l’entre
prise est sans danger.
— Je ne vois pas ce qui m’empêcherait d’habiter Paris plus longtemps,
répondit de Ilorn avec hauteur ; la princesse Elisabo.h me protège, j’ai
l’honneur d’être son parent et celui de M. le rôgenl, et d’ailleurs ma fa
mille ne m’a pas abandonné que je sache.
De Mille avait l’habitude de laisser s’évaporer ces fumées d’orgueil; il
savait que la nécessité lui ramenait ce jeune homme faible et sans moyens
pour accomplir une résolution suivie ; il répondit donc du ton le plus
doux :
— Comme il vous plaira , monsieur le comte; mais il est assez natu
rel que nous sachions si nous pouvons ou non compter sur vous.
M. le chevalier d’Estampes, ou pour mieux dire l’Estang. qui, eu vrai
Flamand, n’nb mdonnait ni sa pipe, ni son verre , fit observer qu’il était
bien .étonnant que la situation de M. Ilorn fût changée en aussi pou de
temps ; que du reste, il n’en serait que ce que M. le comte voudrait.
De Mille, fin , adroit et désireux d’avoir, dans une affaire aussi péril-
leuso que celle dont il s’agissait, la complicité du comte de Ilorn, dont le
«ont lui paraissait une sauve-gard;, no fit pas la faute d’insister davan
tage, mais il détailla le plan que déjà il avait combiné avec do Ilorn , en
fil ressortir tous les avantages , prouva que le succès était assuré , et ,
mieux instruit des pensées les plus secrètes du comte que le jeune hom
me ne le croyait, il ajouta :
Vous ferez ce que vous voudrez, monsieur le comte, mais vous me
permettrez, si vous refusez , d'exprimer quelques regrets. Depuis trois
mois, jo me suis habitué à partager voire mauvaise fortune, commo vous
souffrez la mienne , et je suis prêt à épouser toutes vos querelles comme
toutos vos haines. Or, dans la résolution que nous allons prendre, et dont
l’idée vient do vous, il s’agit non seulement do nous enrichir lous, mais
encore do me venger, moi, en particulier, et jo complais sur vous.
— Vous venger ! dit do Ilorn ; comment cela ?
— Voici ; vous savez que j’ai fini comme un autre tous mes efforts
pour agioter sur les actions, pour entrer, ainsi qu’on l’appelle, dans le
système', jo me suis donc adressé à plusieurs agioteurs, qui maintenant
sont devenus de riches Mississipiens : lous m’ont repousse. 11 en est un
surtout que je n’ai jamais vu, il est vrai, mais qui a résisté à toutos les
ouvertures que je lui a fait faire, et n'a jamais voulu m’employer à rien,
ni me confier des actions : c’est de cet homme que je veux me venger,
et c’est à lui que je m’adresserai demain.
— Je ne pensais pas, dit de Ilorn, qu’il s’agît d’une vengeance.
— Et eut homme, reprit l’Estang en ôtant sa pipo de sa bouche, com
ment le nommez-vous.
— Lacroix.
— Monsieur de Mille , s’écria de Ilorn , j’ai des affaires ce soir que je
ne puis remettre ; mais je rentrerai de bonne heure, et vous saurez alors
mon dernier mot.
Marianne entra alors et tendit ntt comto son manteau ; il s’en revêtit ,
et quitta l’auberge des Trois-Soleils.
— Ainsi nous no sommes que son pis-aller, dit l’Etang.
— U est à nous, reprit de Mille, et vous pouvez compter sur lui, plus
encore que sur moi.
Cependant, tandis quo do Ilorn, combattu par mille idées contraires,
s’acheminait vers la petite maison do Mme de Tencin, Catherine, assise
devant une tcble à thé avec son père et M. Law, avait à résister aux or
dres de l’un et aux prières de l’autre. John Ramsay n’avait pas eu de
peine h faire comprendre à Law que le mariage do Catherine avec La
croix qui, au premier coup d’œil, paraissait une chose fort indifférente
au système, pouvait au contraire devenir très favorable aux projets de
Law, et consolider une nouveauté, qui n’était dangereuse que parce que
le caractère prompt et extrême des Français l’avait exagérée sur toutes
les faces, tandis qu’avec du temps,' et en no demandant au système que
ce qu'il pouvait raisonnablement donner, on était sûr de l'établir d’une
façon durable el utile. Quand Law avait connu l’immense fortune de
Lacroix et l’usago qu’il en faisait, il avait senti le danger, el le hasard
qui l’avait si souvent secondé le favorisait oncoro en rendant La-
amoureux de Catherine, moyen unique d’avoir de l’influence sur
cet homme, sans so compromettre ni lui dire son secret. Ainsi, dans ces
vastes usines que la vapeur met en mouvement et où elle crée des
merveilles, la négligence ou la mauvaise volonté d’un seul ouvrier
peuvent détruire toutes les espérances du manufacturier et ruiner
do fond en comble l’établissement entier. Law donc avait pris sa li
gure la plus douce, s’étaii armé do ses manières les plus agréables, et
fort do l’ascendant qu’il avait sur une jeune fille née sous ses yeux et
dans une de ses terres, il espérait arracher un assentiment dont il ne
se dissimulait ni l’importance ni la difficulté, Catherine était Ecos
saise, ollo tenait aux préjugés de son pays, et il ne s’agissait do rien
moins que de lui fairo faire une chose qui la blessait dans sa reli
gion ot dans son amour de la patrie, tout cela pour un homme
qu’elle paraissait ne pas aimer, et auquel il s'agissait de se lier éter
nellement. Que do lois dans les confidences intimes du foyer, n’avait-il
Pas flétri, devant sa femme et devant Catherine elle-même, le caractère
français, qui à cetto époque so montrait si avide ot si dénué de toutes
morato et do toute vertu? La bassesse des grands, l’ignorance et la cu
pidité des peuples avaient été si souvent l’objet de ses mépris?... Il s’était
comparé hien souvent lui-même à l’aveugle fortune qui favorise les êtres
les plus vils; maintenant il fallait revenir sur tout cela. Cependant, avec
sa sagacité ordinaire il comprenait qu’une chance do succès lui restait
encore.
, J’aimerais mieux, pensait-il, avoir à demander a monseigneur le
régent lu création do cinq ou six cont mille actions, je serais plus cer
tain de réussir ; mais si elle n’aime personno, si, dans la vieille Edim
bourg, une moitié d’anucau ou une moitié de penny n’ont pas été échan
gées avec quelque montagnard à toque bleue et à plaid de tartan, nous
pourrons encore réussir,
Il regardait ensuite la figure pensive et réfléchie de Ramsay, et il sen
tait combien cet homme lui sacrifiait en donnant les mains à ce mariage.
— CeLacroix, pensait-il, ne convient pas à Ramsay; tous les juS esad
de sa fille, il les a, et cependant il me sacrifie tout, il établit sa iillepré
France, il l’abandonne à un malotru.
Alors l’aspect de cette fidélité si délicate et si entière le remplissait
d’émotion, et il se demandait s’il coopérerait à la consommation de
ce sacrifice malgré les plaintes de Mme Law et les pleurs de Catherine;
ce moment de sensibilité était court; la nécessité et l’intérêt prenaient
bien vite le dessus. Assis donc entre le père et la fille, il tournait lente
ment sa ciiillèr dans sa tasse do thé, et tantôt s’adressait à Ramsay,
tantôt essayait sur la fille un ordre ou une prière.
— Vous croyez donc, Ramsay, qu’il est aussi riche qu’il le dit ?
— Davantage encore, monseigneur, répondit Ramsay; on est ordinai
rement porté à exagérer ses richesses; mais vous avez répandu en
France une fortune si subite que les nouveaux enrichis sont étonnés eux-
mêmes de leur position, et n’osent pas avouer tout leur bonheur.
— Vous voyez, Catherine, dit Law en se tournant vers la jeune fillo
dont les larmes couvraient les joues, vous voyez que vous allez être plus
riche qu’uno princesse, et que la fortune da votre mari ne lui est point
arrivée par une mauvaise voie, puisqu’il a seulement profité dos circons
tances que j’ai fait naître.
— Mon mari I reprit Catherine.
— Ne m’avez-vous pas dit, poursuivit Law en s’adressant encore à
Ramsay, qu’il était jeune ot de bonne mine?
— Qui, monseigneur, dit le père.
— Alors, mon enfant, reprit Law, ce que nous vous demandons n’est
pas si difficile.
—Oh! je vois ce que vous allez me dire: j’ai promis do prendre voire
parti conire votre père, vous avez aussi la parole do Mme Law ; mais ,
Catherine, vous ne m’aviez pas dit ce qu’est ce Lacroix. Il y a do ces
choses qui sont si heureuses, qui portent avec elles un intérêt si grand
et si inespéré . que ce sont des occasions rares qu’il ne faut pas laisser
échapper, et qu’un père serait coupable de de pas contraindre sa fille h
devenir riche et à jouir ainsi du bonheur et de la considération qui sui
vent lu richesse.
— Voyons, Ramsay, disail-il au père, faites bien comprendre à notre
Katty qu’il s’agit ici de son bonheur à elle d’abord, ensuite do notre po -
sition à tous; il est rare qu’une fille en se mariant acquitte toutes les
déliés qu’elle contractées depuis sa naissance, et il est sans exemple
qu’elle puisse ainsi obliger un contrôleur-général et sauver peut-être
les finances d’un royaume : c’est cependant ce qui arrive, ajouta-t-il en
riant.
i John Ramsay approuvait du geste les raisonnemens de Law ; et tan
dis que Catherine , immobile et les mains croisées sur ses genoux, no
répondait que par ses pleurs, il entassait argumens sur argumens, et
montrait le système prêt à s’écrouler si l’idée de réaliser s’emparait des
agioteurs, comme l’exemple donné par Lacroix le faisait craindre; tan
dis que si Lacroix revendait ses propriété, comme on l’y obligerait en
lui accordant Catherine, un crédit nouveau et une impulsion nouvelle
seraient donnés aux actions.
Ramsay raisonnait fort juste, mais ses conseils, excellons en affaire,
avaient très peu de poids pour une jeune fille fascinée par un amonr
d’autant plus vif qu’elle était obligée de le taire, et le succès du système
ne pouvait entrer en balance dans l’esprit de Catherine avec la figura
gracieuse et presque idéale do cet Antoine Pichelu, qui était si beau,
dont les manières étaient si élégunus, et qui l'aimait tant, qu’elle ne
pouvait pas croire que ce ne lût pus un prince au lieu d’êire le fils
d’un avocat de sept heures. Law semait de son côté combien la lâch
qu’il avait entreprise était difliciie : l'éclat des richesses n’éblouisrx
pas Catherine; d’ailleurs elle vivait au milieu de circonstances telles
le prestige de l’or lui-même avait perdu beaucoup de sa puissar
il était absurde de parler finance comme le faisait Ramsay, il n'av
donc d’autre moyen que d’émouvoir le cœur de Catherine en lui pi
sentant lu joie du mariage, la liberté qu'il procure, les chances heurtu-
ses auxquelles il peut donner lien, les charmes do l’intimité qu’il offre,
ot ces enfans qu’une mère allaite do son lait, et qui fournissent à sa ten
dresse un nouvel aliment ; mais cela mémo était dangereux si Catherine
aimait quelqu’un, et il fallait craindre de réveiller chez elle un senti
ment endormi. Il se laisail donc, lorsque Ramsay, fatigué de trouver
une résistance aussi opiniâtre, et habitué à fairo tout plier dovuut le*
intérêts do Law, s’écria :
— Monseigneur, je réponds de tout ; Catherinejobéira de bonne grâce;
dans huit jours elle sera madame Lacroix ; d’ailleurs j’ai donné rua pa
role au jeune homme; cola vaut fait, monseigneur.
Ces paroles, quelque péremptoires qu’elles lussent, ne rassurèrent qu'à
demi Law, qui dit à la jeune fille :
— Eh bien ! Kally, voilà qui est dit, n’est-il pas vrai ? ci je vais pré
parer mon cadeau de noce.
— Ainsi, mon père, répondit Catherine en levant sur, Ramsay se
yeux attristés, ainsi vous vendez votre chair et voire sang. Et vous
monsieur de Lauriston, jo n’aurais pas cru que lo fils de votre père cûs
agit ainsi envers une pauvre fille née dans vos domaines, et qui a votre
parole, ainsi quo celle de Catherine Knowel, voire femme. — Mon père,
dil-elle, je vois quo le sang montagnard bout dans vos veines, et que vous
voulez absolument exécuter ce que vous avez projeté; cependant lo con
sentement do votre fille vous est nécessaire, parce que vous ne pouvez
pas me traîner au temple malgré moi, el comme D.ck Kennedy, notre
boucher d’Edimbourg, mène ses génisses à l’abattoir. Attendez jusqu’à
demain, vous aurez ma réponse.
A ces mots, elle se lova, et pâle de douleur et d’émotion, elle se diri
gea vers le jardin sans saluer le contrôleur-général des finances, ni sans
regarder son père.
— C’est le sang do son père, dit Ramsay. Avez-vous vu, monseigneur,
comme elle a pâli et comme sos lèvres sont devenues violettes? C’est
ainsi qu’elle le disait elle-même, la violence, des montagnards ; mais
n’importé, monseigneur, elle obéira.
— Non, tnon pauvre John, et ce mariage ne se fera pas. Cherche donc
quelque autre moyen do t’attachera Lacroix, et de t’opposer aux réali-
seurs.
Catherine s’était dirigée vers lo jardin, et avait pris cotte longue allée
qui conduisait à la muraille franchie si souvent par le comte de Ilorn :
la nuit était noire, point de lune au ciel, mais des étoiles qui sointillaieut
sur l'obscurité des nuages, et filaient quelquefois en lignes lumineuses;
l’absence du jour avait fait fermer les premières feuilles des arbres, et
leur parfum embaumé y était retenu prisonnier pour ne s’en dégager
qu’au matin ; aucun souffle d’air no se faisait sentir, et lo seul indice qui
décélâl le printemps, était, l’absence du froid cl quelque chose do tiède
qui se respirait avec l’air, Catherine traversa l’allée entière, passa sous
la tonnelle, et, s’approchant de la muraille que son amant franchissait
pour venir la joindre, elle y monta avec l’adresse et l’agilité d’une mon
tagnarde. Il y eut un moment où elle fut presque de bout sur la mu
raille; elle vit les fenêtres du salon do son père éclairées par la bougie
qu’elle uvait allumée elle-même; doux ombres so projetaient ensemble
sur la vitre, son ressentiment s’accrut.
— Ils-sont là, pensa-t-elle, occupés à chercher le moyen de me faire
épouser leur Mississipien.
D’uri saut elle fut dans le jardin de Mme de Tencin.
— Me voici dans la maison de son père, pensa-t-elle : ceci est à lui,
voici une fleur qu’il arrose, dont il soigne le bouton et dont il cueillera
la plus belle lige.
Elle s’égarait ensuite dans les allées, tantôt retenue par une pudeur
naturelle, tantôt bâtant lo pas pour se rapprocher d’un lieu où elle es
pérait trouver Antoiuo Pichelu : ou bien elle craignait encore la ren
contre d’un domestique qui, voyant uno figure inconnue, lui demande
rait son nom, par où elle était arrivée, et ce qu’elle voulait. Parvenue
sur le perron qui s’étendait devant la maison, sos mains touchèrent la
porte, et un bouton qu’elle tourna lui permit d’entrer dans le vestibule.
Habile à s'orienter dans l’ombre, elle s’approcha d’une cheminée dont
la cendre, encore chaude, recouvrait quelques charbons embrâsés ,
et ayant trouvé sous sa main tous les matériaux nécessaires pour avoir
du feu, elle alluma une lampe qui était par hasard auprès du foyer.
Peu à peu son œil s’accoutuma à la lumiète, et elle distingua les meu
bles , les portes et un grand escalier dont les dernières marches
venaient aboutir dans le vestibule même. Comme nous l’avons dit,
tout, dans cette maison de Mme de Tencin, était disposé pour un
bonheur, calme, facile et mystérieux. Achetée et meublée a< r ec l’argent
du système, argent qui coûtait si peu à la maîtresse de Dubois, un môme
goût de volupté el d’élégance avait présidé à l’arrangement de l’anti
chambre comme à celui du boudoir. Catherine vit, en levant les yeux,
des peintures assez libres pour faire rougir une jeune fille, et, étonnée
du silence qui régnait autour d'elle, elle monta l’escalier qui conduisait
à l’étage supérieur. Des portes muettes, des tapis moelleux, des glaces
où elle se voyait tout entière, et dans lesquelles le jet lumineux de sa
lampe se reflétait de mille manières, tout l’étonnait. Ce luxe continuel
qui l’accompagnait partout, ces ottomanes d’étoffes brillantes qui bor
daient les murailles, donnaient à ses sens et à sa pensée même une
sorte do langueur. Catherine savait parfaitement ce que c’est que la ri-
chesse; mais elle no connaissait pas lo luxe; elle ignorait le parti que
l’homme riche sait tirer do l’or, et combien de prodiges enfante l’indus
trie. Habituée à la simplicité grossière el pauvre de i Ecosse, sa surprise
croissait de momens en moinens ; elle n’avait jamais rêvé même qu’on
pût se procurer des meubles si élégans, m rendre si commode et si re
cherchée son habitation ; la maison de Mme Law était bien loin de là.
— Il i uit que son père soit bien riche, pensait-elle. Que ne parle-t-il ?
que ne s’adresse-t-il à John Ramsay? car mon (ère aussi est riche, et
puisque avec de i’or on peut se procurer toutes ces choses, il ne tient
qu’à nous de les avoir.
Après l’étonnement que lui causaient les salons , les boudoirs qu’elle
traversait 1rs uns après les autres, et dont le luxe, il faut bien l’avouer,
eût été facilement surpassé, elle éprouva un mouvement de satisfaction
intérieure : ,
— Cet homme, so dit-elle, dont on veut faire mon mari, et quo je
hais à lu mort, n’est pas si riche qu’on le dit, ou du moins il n’est pas le
seul riche, puisque Antoine Pichelu, mon Antoine, possède uno maison
qui est plus belle que le palais d’un prince.
Elle avançait toujours, mais en hésitant, ainsi qu’une jeune paysanne,
qui s’aventure pour la première fois dans de riches appartenions,
pour arriver jusqu’à la grande dame à qui son père loue quelques
ariens et une petite chaumière ; elle atteignit, enfin la chambre
à coucher de Mme de Tencin , tout en se demandant par quel
charme une demeure aussi magnifique s’élevait auprès do la sienne.
Là, elle admira encore les rideaux élégans du lit, la commodité et lo
brillant des meubles, et toute cette recherche sensuelle que Mme do Ten
cin avait rassemblée autour d’elle, et que les compatriotes de Catherine,
continuateurs distingués de l’art de la chanoinesse, ont nommé le com-
f'orl. Un chat était accroupi sur un fauteuil, et faisait jouer sa queue sur
la soie des coussins : c’était le seul être animé qu’elle eût vu depuis
qu’elle avait quitté son père. Elle s’assit auprès de lui et le carrossa ;
l’animal intr'ouvrit les yeux, élira ses pattes, et, tout en arrondissant
son dos, fil entendre un petit grognement.
— J’aurais mieux aimé, pensa Catherine, trouver ici un chien fidèle
ou quelque daim familier, que ce symbole de lu perfidie et de la faus
seté ; un chat n’accompagne jamais le chasseur ni le guerrier, il ne sait
pas défendre une maison, mais il ne quille pas lo coin du feu des sor
cières.
Bientôt elle entendit des pas, et reconnut sans peine l’arrivée de
I celui qui l'ai lirait en ce lieu. C’était le Comte de Ilorn; il marcha droit
! vers la chambre où se trouvait Catherine, et quoique les pièces par
| esquelles il passait ne,fussent point éclairées, il les traversa avec ce pas
j cal quo tonne l'habitude el la connaissance des lieux. Sur le seuil de
éla chambre de Mme de Tencin, il s’arrêta et considéra un moment la
personne qu’il allait aborder ; à l’aspect de Catherine, il fit uncri do sur
prise.
— Quoi ? s’écria-t-il, c’est vous, Catherine?
— Vous ne m’attendiez pas, Antoine?
— Non, reprit-il d’un ton galant ; vous ne m’avez pas habitué à ces fa
veurs.
— Ah! Antoine, dil-elle, depuis que je ne vous ai vu, il est arrivé bien
des choses.... Mon père...
— Jo sais tout cela; j’ai tout entendu, j’ai même vu cet homme
qui veut vous épouser, et qui a fait briller devant votre père tout l’or
qu’il a gagné dans lo système-; mais ce mariage ne se fera pas, n’cst-il
pas vrai, Catherine ?
Non, reprit vivement la jeune fillo. Cependant, mon père et M. Law
ont employé tous les moyens pour arracher mon consentement, et même
mon père s’est engagé.
Alors elle raconta la demande de Lacroix, sa visite à Mme Law, et com
ment lo contrôleur-général, après lui avoir promis son appui, s’élait ré
tracté et so joignait maintenant à son père.
— C’est, quand j’ai «u, poursuivit-elle, que tous deux me suppliaient
et même m’ordonnaient positivement une chose que je ne pourrais ja
mais me décider à faire, que je me suis ainsi échapp >e, et que, franchis
sant la muraille qui vous sert de chemin pour arriver jusqu’à moi, je
uis venue chez vous comme dans un lieu de protection, incertaine si je
vous trouverais ou non, et craignant presque autant, ajouta-t elle enrou-
gssant, votre absence quo votre présence.
Lo comte de Ilorn prit les mains de la jeune fille dans les siennes ; il
lui peignit sorf amour en termes brùlans, il lui fit un tableau animé d’u
ne vio consacrée a lui plaire, passée auprès d'elle, dans celte joie pure
dhin amour satisfait qui s’augmente par sa violence môme, el qui de
vient durable en devenant plus vif. Jeune, beau, passionné, le comte du
Ilorn fut éloquent, el il n’eut pas do peine à faire partager sos sentimens
à une jeune fille dont il avait déjà l’amour el qui était menacée d’un
mariage qu’elle redoutait. Sa belle figure, la franchise et la douceur qui
se faisaient remarquer dans ses traits, des expressions flatteuses, choisies,
qui sortaient sans apprêts doses lèvres, fascinèrent la jeune fille ;Kat!y n’a-'
vuit jamais entendu dessous si doux à sou oreille, ni qui remuassent plus dé
licieusement les fibres secrètes de son cœur. L’amant coupable de Mme do
Tencin, en exprimant un amour qu’il éprouvait, devenait chaque moment
plus pressant, et oubliait que la chanoinesse pouvait arriver et faire avor
ter toutes ses espérances; Catherino elle-même, toute à son amour, ne
songeait plus guère à Lacroix ni à son père, ni à Law ; mais heu
reuse auprès du jeune comto, elle jeta un regard toujours surpris sur
10 luxe qui l’environnait, et elle demanda l’explication d’un mystère qui
l’étonnait.
— Vous m’avez dit, Antoine, que votre pèro était avocat au Châtelet,
qu il vous retenait tous les jours à grasseyer dans son cabinet, et
nous voici dans une maison superbe;.un prince s’en contenterait, la fille
djun roi serait fibre de l’habiter et votre père la dédaigne el n’y vient ja
mais. Dans quel pays sommes-nous donc pour qu’un avocat ait inutile
ment un si grand luxe? Mais si vous êtes si riche, Antoine, que no de
mandez-vous ma main à mon père? fl vous l’accordera.
Le comte ne s’attendait pas à celle question, quelque naturelle
qu’elle fût. Cependant, comme le moment où l’on se trouvait en France
rendait tout possible, il demanda à Catherine si otle croyait que les
Lacroix seuls pussent s’enrichir ot posséder des palais. Quant à deman
der sa main à Ramsay, c’était possible avant ia démarche da Lacroix ;
maintenant, avec l’intérêt que Law et Ramsay portaient à son rival, ne
voyait-elle pas que ce serait inutilement découvrir le secret de leur
amour? Son pèro à lui, Pichelu l’avocat, ajoÉta-l-il, s’intéressait peu à
outils; mais , dit-il encore en rougissant,ÉfiHto richesse quo tout le
monde acquérait si facilement, il en avait ni part, ot si Catherine vou
lait, ils luiraient tous deux, elle un père dont lus volontés étaient trop ty
ranniques, lui un homme indifférent qui ne s ■ souvenait qu’il était son
pèro que pour l’accabler d’un travail rebutant.
— Il y a, lui dit-il, dans l’Angleterre ou dans l’Allemagne, des lieux
où nous vivions tranquilles et cachés. Nous serons d’abord heureux, et
le temps qui marche toujours apaisera le ressentiment de votre père,
et diminuera peut-être l’indifférence du mien. Croyez-vous, ajouta-
t-il encore, croyez-vous, Catherine, que dans les lieux que je vous cite
11 manque d'autels et de magistrats pour bénir et recevoir nos surmens?
En parlant ainsi, il avait arrêté son regard sur les yeux de Cathe
rine, et tandis quo sa bouche souriait et que sa main serrait teu-
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