Titre : Revue du Havre et de la Seine-Inférieure : marine, commerce, agriculture, horticulture, histoire, sciences, littérature, beaux-arts, voyages, mémoires, mœurs, romans, nouvelles, feuilletons, tribunaux, théâtres, modes
Éditeur : [s.n.] (Havre)
Date d'édition : 1846-11-15
Contributeur : Morlent, Joseph (1793-1861). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32859149v
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 15 novembre 1846 15 novembre 1846
Description : 1846/11/15. 1846/11/15.
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
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Description : Collection numérique : Fonds régional :... Collection numérique : Fonds régional : Haute-Normandie
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k9234762
Source : Bibliothèque municipale du Havre, Y2-123
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 28/05/2014
I
• 2 —
ON ALCHIMISTE AU XIX e SIÈCLE.
I.
Aa fond du Marais, dans une des plus étroites, des plus sombres, des
plus sales rues du quartier du Temple, on voit encore une grande mai
son laide, irrégulière, croulante, dont la date do la fondation importe
peu pour l’intelligence do cette histoire, mais qui doit être nécessaire
ment très vieille, à en juger par sa construction bizarre, par ses pignons
noirs et délabrés, par cet air do vétusté que le temps seul peut donner,
el qu’un amateur de médailles appellerait le vernis antique.
Le rez-de-chaussée do cette maison, bouge obscur et sans air qui
s’ouvrait sur une cour fétide, et qu’on louait pour la modique somme de
cent francs, était occupé, il y a quelques années, par un homme déjà
vieux, grand, maigre, jaune, à l’aspect misérable, sur lequel les commères
du voisinage avaient plus d’uno fois exercé leur langue. Cependant,
comme il n’y avait ni portier, ni portière dans la maison, on ne savait
pas grand’choso surM. Robert : ainsi s’appelait l'habitant du pauvre ré
duit ; seulement, on avait entendu dire qu’il était frère d’un célèbre
joaillier, et qtt’il avait longtemps lui-même exercé la profession.
Chaque fois que M. Robert, revêtu d’un antique habit noir qu’il por
tait l’hiver comme l’été, traversait la rue pour aller à scs affaires , sa
longue et scche figure toujours pensive, son crâne chauve et blanc que
recouvrait à peine un petit chapeau crasseux, ses grosses poches tou
jours pleines on ne savait do quoi étaient successivement l’objet d’une
foule de suppositions dont ne paraissait nullement s’inquiéter le person
nage mystérieux.
Il avait une fille, Mlle Fanny Robert, jeune et jolie personno de ving
ans, timide, réservée, modeste dans ses allures et dans son costume.
Elle travaillait continuellement à des ouvrages do dentelles pour lesquels
elle avait, disait-nn, une grande habileté. Elle ne sortait que pour rap
porter son trava 1 aux personnes qui l’employaient, ou pour faire dans
le voisinage les petites acquisitions nécessaires au ménage. Elle se mon
trait alors douce, affable avec tout le monde, gaie quelquefois. Mais si une
fruitière trop audacieuse ou uri épicier trop Bavard se hasardait à la
questionner sut? les occupations de son père, sur leur position, sur leur
famille, la jeune tille soupirait, baissait tristement les yeux, et, prenant
aussitôt les objets qu’elle venait d’acheter, elle s’éloignait en faisant une
réponse polie, mais qui n’expliquait absolument rien.
Sur des élémens aussi simples,on avait bâti une foule do contes. Ainsi,
on se disait tout bas que le vieux Robert , ou l’homme à l'habit râpé ,
comme on l’appelait, était un Harpagon qui s’était retiré dans ce hideux
logement pour dépenser le moins possible, et conserver intacts les im
menses trésors qu’il avait jadis amassés. On l’avait entendu parler de
millions, d’immense di t pour sa fille. D’autres faisaient remarquer que
toute la nuit on voyait de la lumière au rez-de-chaussée do la vieille
maison, que le bruit d’une forge so faisait continuellement entendre , et
on prononçait tout bas le nom de fausse monnaie. D’autres concluaient
tout simplement de cosrenseigncmons sur les occupations du vieil orfè
vre qu’il travaillait pour quelqu’un do ses anciens confrères ; et cela pa
raissait d’autant plus probable qu’on l’avait vu plusieurs fois sortir des
plus riches magasins de pierreries do la capitale. Quant à Fanny, son
âge , sa modestie , sa beauté , auraient dû sans doute la mettre à l'abri
des caquets. Sa petite robe était toujours de l’étoffe la p'us simple et la
moins chère; elle était irréprochable dans son langage, dans scs maniè
res et dans ses habitudes. Cependant , on se racontait tout bas qu’on
voyait quelquefois un grand et beau jeune homme, avec des moustaches
noires et des gants jaunes, rôder dans le \oisinage. De tout ceci encore
on tirait des inductions fort peu charitables au sujet do la pauvro en
fant.
Quoi qu’il en soit des bavardages des commères du quartier, par une
soirée froide et silencieuse d’hiver, l’orfèvre et sa fillo étaient réunis
dans la pièce principale do leur pauvre appartement. Nous disons pauvre,
mais non pas nu, car cette pièce était encombrée d’une prodigieuse quan
tité de fioles étiquetées, de creusets d’argile, de cornues de verre; sur
une vaste table de chêne, on voyait épars des fragmens de métaux, de
minéraux, de cristallisations de toute espèce ; dans un coin, une petite
forge, munie de son soufflet bruyant, brillait en ce moment d’une feu
clair et animé, qui répandait bien plus d* lumière sur tous ces objets que
la chandelle fumeuse qu’on avait fichée dans un pot cassé en guise do
bougeoir. Cependant, au milieu do ce désordre, on n’apercevait pas un
outil, pas un ouvrage d’orfèvrerie qui pût faire supposor que l’ancien
joaillier continuât son état, et, à voir ce vieux Robert, maigre, pâle, asth
matique, dont la mince et longue échine, dépouillée du misérable habit
noir qui la couvrait d’ordinaire, penchait do temps en temps sur le foyer
de la forge, pendant que son bras étique agitait le soufflet sans relâche,
ou eût dit un des savans alchimistes du moyen-âge, dont le nom se ter
minait en us et qui consumaient leur vie à la recherche de la pierre phi
losophale, plutôt qu’un honnête artisan du dix-neuvième siècle travaillant
à faire des bracelets ou des boucles d’oreilles pour les petites maîtresses
de la Chaussée-d’Anlin.
A l’autre bout de cette espèce de laboratoire, Fanny était assise sur
une mauvaise chaise, devant une petite table qui paraissait lui apparte
nir exclusivement, et qui était couverte d’éloflès et de dentelles. Elle
travaillait à l’aiguille avec ardeur, à côté do la triste chandelle dont nous
avons parlé, et ne s’interrompait de temps en temps que pour approcher
du feu ses doigts engourdis par le froid. Son petit bonnet de gaze était dé
posé près d’elle surfit table, par la raison qui avait fait quitter au vieux
Robert son habit noir, c’est-à-dire par économie, et ses jolis yeux no so
levaient de dessus son ouvrage que dans les momens où l’impatience ou
tout autre sentiment arrachàit à son père quelque brusque exclamation.
— Je te dis, Fanny, que quelqu’un est venu ici pendant mon absence,
dit le vieillard d’uno voix cassée et haletante qui lui était particulière,
en examinant un creuset hermétiquement fermé qu’il venait de prendre
sur la table ; je te dis que quelqu’un m’épie secrètement et cherche à
dérober mes secrets.
— Mon père, qui peut vous faire supposer cela ? dit la jeune fillo en
rougissant.
— On est entré ici pendant quo je n’y étais pas répéta Robert ; je sais
bien que tu n’oserais pour rien au monde toucher à mes creusets, et
cependant je suis sûr quo celui-ci a été ouvert par quelque curieux. Ma
fille, réponds, qui est entré ici?
Fanny rougit plus fort quo jamais.
— Mon père, je vous assure...
— Ne mentez pas, dit lo vieillard d’un ton sérieux, je pourrai peut-êlro
trouver des preuves de la présence d’un étranger ici.
Il jeta autour do lui un regard soupçonneux, et tout-à-coup il s’élança
vers un gant jaune qui était resté suMa table.
— A qui est ce gant, mademoiselle? demanda-t-il d’uno voix fou
droyante.
— Mon père... à moi, sans doute... balbutia l’enfant.
— Ne meniez pas, vous dis-je ; il faut que je sache...
Fanny se jeta a ses genoux, et lui dit avec terreur :
— Mon père, je vous en supplie, ne me grondez pas 1
j — Eh bien? reprit le vieillard avec anxiété.
— C’était mon cousin Paul.
— Toujours lui! dit Robert en jetant le gant à terre avec dépit. Eh
bien 1 mademoiselle, pourquoi recevez-vous votre cousin pendant riion
absence et malgré mes ordres exprès?
— Mon père, vous oubliez qu’il est mon ami d’enfance, depuis lo temps
où vous étiez associé avec mon oncle et où vous étiez si riches l’un el
l’autre. Paul n’a pas cessé de vous aimer, mon père, et si vous ne l’aviez
pas deux fois chassé do votre présence...
— Et si je l’ai chassé, crois-tu que je n’avais pas de bonnes raisons
pour cela ? dit le vieil orfèvre avec chaleur ; lui, le fils d’un homme qui
a voulu me faire passer pour fou et me faire interdinaire; le fils d’uri
homme qui a été assez insensé pour me repousser avec mépris quand je
lui offrais des millions en échange de quelques bagatelles. Croyez-vous,
mademoiselle, que ce ne sont pas là des raisons suffisantes pour que je
ne veuille jamais revoir mon frère et ceux qui le touchent de si près ?
Ai-je besoin qu’ils viennent insulter par leur opulence à ma misère?
Mais si je réussis dans l’immense projet que j’ai conçu...
— Mon père, dit la jeune fillo avec vivacité, Paul n’a pas la dureté de
cœur do son père. Si vous saviez combien notre pauvreté lo touche! 11
y a quelques jours, en voyant la simplicité avec laquelle je suis vêtue, il
pleura long-temps. Il me demanda si nous avions réellement achevé
d’épuiser nos ressources, puis il m’offrit.
— Tu n’as rien accepté, j’espère! s’écria lo vieillard avec un nouvel
éclat de colère.
— Rien, mon père ; 1 jo sais quo vous aimeriez mieux mourir de faim
que de recevoir quelque chose de votre famille ; et moi, je dois mourir
avec vous.
— Nous rie mourrons pas, ma fillo, dit Robert avec douceur. Nous vi
vrons pour être aussi riches que le plus puissant roi du monde.
Fanny soupira et alla reprendre sa place. Son père plaça le creuset
dans la forge ot so remit à souffler avec ardeur. Un moment, on n’en
tendit que le bruit de la flamme agitée et le pétillement du charbon.
— Fanny, reprit lo vieillard ou s’interrompant de nouveau, il faut
que tu me promettes do ne revoir jamais ton cousin.
— Mon père !...
— Tu veux donc que mes ennemis soient.tes amis?
— Ah! mon père, si vous saviez!...
— Eh bien ?
La jeune fille hésita un moment; puis elle alla se jeter en rougissant
dans les bras de son père.
— C’est parce quo je l’aime, murmura-t-elle en sanglottant.
— Tu l’aimes, reprit Robert tout pensif on lâchant le cordon delà
forge. Tu l’aimes, pauvre enfant?... et lui?...
— Oh ! il m’aime aussi. Vous oubliez donc qu’avant votre fatale que
relle avec mon oncle, nous étions destinés l’un à l’autre. Paul s’en est
souvenu, mon père, et toute pauvre que je suis aujourd’hui, si vous y
consentiez encore...
— Non, non, s’écria l’orfèvre avec empressement; Paul est riche, très
riche, et je ne veux pas qu’il croie te faire une grâce en te prenant pour
femme. Seulement, ajouta-t-il d’un Ion réfléchi et en pesant ses paroles,
si jamais... ce que je veux dire... enfin nous verrons.
— Quoi ! mon père, vous consentiriez à ce mariage ! dit Fanny en je
tant ses bras autour du cou du vieillard ; je serais la femme do Paul
quo j’aime tant et dont je suis tant aimée ! Mais quand donc, mon père ?
combien de temps faut-il attendre encore?
. — 11 faut attendre, ma fille, dit le vieillard en s’animant, quo tu puis
ses apporter à ton cousin une dot magnifique; il faut attendra que les
richesses le fassent rougir do son opulence bourgeoise ; il faut attendre
que j’ai découvert ce secret quo je cherche depuis longtemps et qui no
peut plus m’échapper ; il faut attendre quo j’aie trouvé l’art de faire du
diamant.
A cette promesse, qui paraissait au vieux Robert devoir so réaliser
promptement, mais qui aux yeux do la pauvre Fanny équivalait à un re
fus formel, elle s’éloigna do nouveau do son père et se remit tristement
à son ouvrage. L’orfèvre ranima le feu de sa forge, qui languissait depuis
un moment, et, tout en saufllant, il disait à sa fille •
— Pourquoi douter du succès, Fanny? Presque tous les savans ont cru
à la possibilité do faire le diamant,et plus quo jamais je suis convaincu...
— Mon père, interrompit la pauvre fille, Paul m’a toujours dit que
ce que vous cherchez est impossible à trouver. Il dit que vous ressemblez
à des gens qui vivaient autrefois, et qu’on appelait des ..
— Dos alchimistes ! reprit le vieillard d’un ton dédaigneux; n’est ce
pas ce nom-là dont s’est servi M. Paul, aussi fou que ceux dont il parle?
Ces alchimistes, Fanny voulaient faire de l’or avec une foule de corps
répandus en abondance dans la nature. C’était une utopie ; l’or est
un corps simple, et par conséquent échappe à l’analyse el a la synthèse.
Une molécule de cuivre sera toujours une molécule de cuivre, ot ne pourra
être convertie eu uno molécule d’or. Les anciens étaient vraiment des
fous et des ignorans. Mais lo diamant, Fanny, ce n’est pas un corps sim
ple, c’est du carbone, du charbon, si tu aime mieux, cristallisé. Tout lo
problème pour le fabriquer consisto donc à opérer cetto cristallisation,
avec le corps dont elle s’est servie comme agent.Or, j’ai déjà combiné le
carbone avec plus de huit cents corps tant simples que composés, et il
ne m’en reste plus qu’à peu près autant pour avoir parcouru tous ceux
quo la nature a probablement employés dans la formation des pierres
précieuses. Tu vois donc bien que j’approche d’une solution, et que
bientôt...
— Et combien d’années vous ont occupé ces premiers travaux, mon
père ? demanda Fanny en attachant sur lui son œil noir plein de mélan
colie.
— Vingt années! ma fillo, et vingt années bien rudes, je lo juro! ré
pondit Robert avec une quinte do toux qui témoignait de la perle de sa
santé à la suite do ces immenses travaux. J’y travaillais déjà depuis long
temps quand je me suis séparé do mon frère.
— Et il vous faut encore vingt ans pour quo vous vous aperceviez
peut-être, au bout de ce temps, de l’inutilité de vos recherches, répondit
la jeune fille en baissant la tête comme pour cacher ses larmes.
— Non pas Fanny, non pas, mon enfant! s’écria le vieil alchimiste; il
ne faut pas raisonner si rigoureusement ; peut-être cette nuit, peut-être
demain en brisant mon creuset je trouverai au fond co que je cherche
avec tant d’ardeur. Tiens, vois-tu, ajouta-t-il avec vivacité en montrant
à sa fillo lo creuset tout en feu qui brillait dans la forge, notre fortune
est là, peut-être. J'ai là un morceau de carbone qui, s’il se cristallisait,
donnerait un diam nt deux fois plus gros quo le mogol, lo plus gros des
diamans connus. Tous les empires do l’Europe seraient obligés do so co
tiser pour nous en acheter chacun un morceau. Et alors, ma fille, conti
nua-t-il pendant que ses yeux brillaient d’un éclat extraordinaire, tu
pourrais épouser un prince si lu voulais, et moi, du haut d’uno voiture
royale, jo pourrais éclaboussor tous ceux qui m’ont méconnu et méprisé;
dans ce siècle d’argent, jo commanderais par mes incalculables richesses
au monde tout entier...
Il s’arrêta tout-à-coup au milieu de ces pompeuses promesses, et exa
mina le feu avec inquiétude.
— Fanny, dit-il, le charbon va me manquer, et mon expérience man
querait aussi. Va, mon enfant, me chercher du charbon pour la nuit.
— Volontiers, mon père, dit la jeune fille avec hésitation ; mais...
— Qu’y a-t-il donc ?
— Mon père , dit Fanny timidement, la dame pour qui jo travaille a
refusé do me faire de nouvelles avances , et il me reste bien pou do
chose.
— Combien?
— Vingt sous au plus.
— 11 y a assez pour achotor un boisseau de charbon ?
— Demain , ma fille , nous aurons peut-être à notro disposition tous
les trésors de la nature !
Fanny, sans répondre , prit son bonnet do gazo et un polit fichu qui
devait mal garantir du froid. Elle sortit en silence, et revint bientôt avec
le charbon que son père avait demandé.
— Et maintenant, ma fille, dit le vieillard, va prendre un peu do re
pos ; moi, je ne puis quitter mes fournaux et mes creusets ; va, ma pe
tite, et prie Dieu quo ton père réussisse celle nuit.
Fanny obéit en silence après avoir embrassé son père, et so retira
dans la petite chambre où elle couchait à côté du laboratoire. Vers lo
matin, elle dormait d’un sommeil paisible, rôvant peui-ôtro de tout co
bonheur quo lui avait promis son père , quand un bruit qui so fit en
tendre tout à coup l’éveilla en sursaut. Robert l’appelait à grands cris
en poussant des exclamations entrecoupées. Elle s’habilla à la hâtoot ac
courut vers lui.
II.
Le feordre ordinaire de l’atelier était encore augmenté. Les fioles, les
minéraux, les tables, tout était bouleversé. Le vieil orfèvre semblait
frappé de folie, il riait, il pleurait, il dansait autour do sa forge ardente
encore, et donnait tous les signes do la joie la plus frénétique. Aussitôt
qu’il aperçut sa fille, il la serra dans ses bras avec des transports à
l’étouffer.
— Qu'est-il donc arrivé, mon pèro ? dit Fanny au cornblo de l’étonne
ment.
— Ma fille, s’écria le vieillard d’une voix retentissante, j’ai réussi à
faire du diamant.
— Cela est-il bien possible? Etes-vous sûr que vous ne vous trompez
pas cette fois comme tant d’autres?
— Non, non, s’écria le vieillard en lui montrant deux petites pierres
noires qu’il retira des débris du creuset. Fie-toi à mon expérience, Fanny,
co sont là des diamans, de vrais diamans, vois-tu, quoique la surface en
soit un peu altérée. Je ne mo trompe pas, cette fois, Fanny. Le charbon
quo j’avais soumis au feu m’a donné deux diamans au lieu d’un; sans
doute il se sera brisé dans l’opération. Qu’importo! nous sommes riches,
riches à jamais !
Fanny partagea avec défiance la joie do son pèro. Il s’était déjà si sou
vent trompé qu’elle n’osait trop croira à tant do bonheur. Cependant lo
vieillard paraissait sûr de son fait. Il passa lo reste de la nuit à fairo les
expériences nécessaires pour constater l’identité des pierres qu’il avait
trouvées dans son creuset avec le diamant. Toutes lo confirmèrent dans
cette opinion.
Aussitôt quo le jour parut, il se prépara à sortir pour aller annoncer
sa découverte aux principaux joailliers de Paris,
— Ma fille, disait-il avec enthousiasme, jo vais voir à mes pieds tous
ces richards qui m’ont tant méprisé ; jo les ai tous ruinés dans la nuit
qui vient de s’écouler. Fanny mon nom no s’effacera plus do la mémoire j
des hommes.
— Mon père, murmura la jeune fille, songez quo nous manquons en
core de pain aujourd’hui.
Lo vieux Robert ne l’écouta pas. Il prit ses diamans , embrassa Fanny
encore une fois et s'élança dans la rue que commençaient à éclairer les
premiers rayons du soleil.
Fanny, toute pensive , regarda la place qu’il venait do quitter, et dit i
avec une sorte d’inquiétude :
« Et pourtant Paul m’avait dit qu’il était impossiblo do faire du dia
mant ! »
Le vieux Robert, en parcourant les rues de Paris, marchait d’un pas
fier, la tête droite, lo regard animé, murmurant à demi-voix des paroles
étranges qui faisaient retourner les passans. Dans ses gestes, dans l’ex- !
pression de son visage, il y avait quelque chose de triomphant ot de
solennel qui contrastait avec la misère de son costume et son appa
rence maladive. Ses narines semblaient so gonfler d’orgueil, sa poitrine
se cambrait dans son antique gilet do piqué jaune; il avait enfin tout
l’extérieur heureux et insolent d’un pauvro diablo qui vient do fairo sa
fortune par un coup duso.it inattendu.
Il arriva ainsi sur le quai aux orfèvres. Dans un des plus somptueux
magasins de ce quartier, une femme élégamment mise était tranquille
ment assise devant un comptoir tout brillant d’or, de pierreries et do
bijoux. L’apparition d’un homme pâle, essouflo, gesticulant comme un
énergumène, et qui se précipita presque sans_saluer dans le magasin, la
fit tressaillir d’effroi.
— M. Chauvin est-il là? demanda Robert d’uno voix quo l’enthou
siasme avait rendue ferme.
La bijoutière sembla reconnaître cotte voix et fit un geste do mauvaise
humeur.
— Ah! c’est vous encore, papa Robert? dit-elle p’un ton maussade.
Vous m’avez fait uno belle peurl
— Votre mari, où est-il? 11 faut que je lui parle, reprit lo vieillard,
sans écouter ses plaintes.
— Eh bien ! que lui voulez-vous à mon mari? Croyez-vous qu’il ait
toujours le temps d’écouter les balivernes dont vous venez l’entretenir?
Allez, allez, vieux fou que vous êtes; un bijoutier do la couronne a autro
chose à faire que d’examiner les petits morceaux de pierre que vous lui
portez quelquefois !. .
Robert lui jeta un regard do mépris et de pitié.
— Je vous répète, madame, qu’il faut que je parle sur-le-champ à M.
Chauvin. Il y va do sa fortune, il y va de colla de tous les marchands
de diamans do la terre.
La damo poussa un grand éclat de rire et haussa les épaules. .Robert,
impatienté, allait peut-être répliquer vertement, quand le bijoutier, at
tiré par le bruit de cette discussion, parut dans le magasin. C’était un
homme d’une quarantaine d’années, à figure douce ot paisible.
— Eh bien! Lolotto, qu’y a-t-il donc ? pourquoi tourmentes-tu co
pauvre homme? demanda-t-il on adressant à sa femme un regard signi
ficatif, comme pour lui fairo comprendre qu’on devait avoir égard à la
faiblesse d’esprit du vioux Robert.
—Mon confrère, s’écria l’alchimiste, qui ne voyait, n’entendait rien
qui fûtétrangerà sa découverte, passons dans votre cabinet, j’ai un im
portant secret...
— Vous pouvez parler devant Lolotto, dit le bijoutier tranquillement
avec un imperceptible sourire.
— Oh ! si vous saviez !
— Jo gage que je devine. Vous avez encore uno fois trouvé lo moyen
do fairo du diamant, n’est-co pas ?
Et ces paroles ôtaient accompagnées d’un nouveau regard do Chauvin
à sa femmo pour lui reprocher d’avoir pu s’attaquer à un malheureux in
sensé, Robert sembla d'abord déconcerté par ce sang-froid et cette sourde
ironie, puis bientôt il reprit avec chaleur :
— Oui, confrère, du vrai diamant cette fois, voyez-vous; ce n’est plus
du strass comme l’autre jour, ni du quartz altéré par le feu, ni des vitri
fications métalliques! c’est du diamant, vous dis-je, de véritable carbono
cristallisé! du diamant aussi pur que ceux de l'indo ou du Urésil.
— C’est bien, dit tranquillement Chauvin en se préparant à sortir.
Mais je suis un peu pressé , papa Robert, j’ai à terminer deux croix on
rubis pour un ministre étranger. Nous verrons vos essais uno autro fois.
Lolotte, conlinua-l-il en se tournant vers sa femme, donne quelque chose
à co pauvre Robert ; il a sans doute besoin d’un peu d’argent pour ache
ter les objets nécessaires à ses expériences, et aussi pour acheter du pain
à lui et à sa fillo, murmura-t-il tout bas; il ne sera pas dit quo jo n’ai
pas cherché à secourir un ancien confrère tombé dans l'indigence.
— Oui, voilà comme vous ôtes, monsieur Chauvin, s’écria la jeune
femme avec colère, vous vous laisseriez arracher les entrailles pour fairo
une aumône, et parce quo co vieux lou, ce vieux fainéant, ce vieux
mendiant..,
Un geste énergiquo do Robert lui coupa la parole.
— Je ne suis ni un fou ni un mendiant, madame, dit-il d’une
voix imposante. Si quelqu'un ici peut faire l’aumône, ce n’est pas votre
mari, mais moi, moi qui l’ai choisi parmi tant d’autres pour le faire par
ticiper aux immenses richesses qui m’appartiennent désormais.
— Voyez, Chauvin, reprit-il en déposant scs doux diamans sur lo
comptoir; si celui qui peut créer do semblable chose a besoin de deman
der l'aumône !
Lo joaillier jeta un regard distrait et indifférent sur ce quo lui pré
sentait le vieillard, ot d’un ton familier ot amical à la fois :
— Allons! allons! papa Robert, ne vous fâchez pas; ma femmo est
un peu vive, mais elle est bonno au fond. Revenez mo voir ; quand
j’aurai plus de temps nous examinerons de près vos nouveaux produits.
Allons, ne faites pas lo fier ; Lolotto va vous donner cinq francs, ot à
revoir...
Il s’approcha de la porto comme pour rentrer dans un atelier prochain,
en congédiant d’un signe le vioil alchimiste.
— Mais ce sont des diamans , do véritables diamans que je vous
présente, s’écria celui-ci d’une voix éclatante, ot c’est moi qui les ai
faits! Regardez-les seulement; ils sont bruts, et le feu les a un pou ternis
à la surface, mais jamais on n’en a vu do plus limpides et de plus purs.
Ce sont de vrais diamans confrère! ils raient lo verre ot lo cristal.
J’ai fait toutes les expériences pour m’assurer de leur valeur, et je m’y
connais : j’ai été aussi joaillier pendant vingt ans. Chacun d’eux
vaut mille écus , tout bruts qu’ils sont, et moi jo vous les donne pour
mille francs pièce, car j’en ferai d’autres, j’en ferai de trois cents tarais,
j’en ferai que tout l’or monnayé do l’Europe ne pourrait payer !
Ces paroles, prononcées d’une voix forte et sonore, commençaient à
fairo attrouper les passans devant le magasin, Chauvin parut perdre tout
à fait patience.
— Ecoutez, père Robert, reprit-il, ceci commence à devenir fatiguant.
Prenez ces 5 francs et laissez-moi à mes affaires. Je vous répète que le
temps me presse, et...
— Ce fou est insupportable! s’écria la jeune femme. Cela vous ap
prendra, monsieur Chauvin, à tant ménager ses manies, au lieu de le
renvoyer une bonne fois pour toutes à Charenton !
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ON ALCHIMISTE AU XIX e SIÈCLE.
I.
Aa fond du Marais, dans une des plus étroites, des plus sombres, des
plus sales rues du quartier du Temple, on voit encore une grande mai
son laide, irrégulière, croulante, dont la date do la fondation importe
peu pour l’intelligence do cette histoire, mais qui doit être nécessaire
ment très vieille, à en juger par sa construction bizarre, par ses pignons
noirs et délabrés, par cet air do vétusté que le temps seul peut donner,
el qu’un amateur de médailles appellerait le vernis antique.
Le rez-de-chaussée do cette maison, bouge obscur et sans air qui
s’ouvrait sur une cour fétide, et qu’on louait pour la modique somme de
cent francs, était occupé, il y a quelques années, par un homme déjà
vieux, grand, maigre, jaune, à l’aspect misérable, sur lequel les commères
du voisinage avaient plus d’uno fois exercé leur langue. Cependant,
comme il n’y avait ni portier, ni portière dans la maison, on ne savait
pas grand’choso surM. Robert : ainsi s’appelait l'habitant du pauvre ré
duit ; seulement, on avait entendu dire qu’il était frère d’un célèbre
joaillier, et qtt’il avait longtemps lui-même exercé la profession.
Chaque fois que M. Robert, revêtu d’un antique habit noir qu’il por
tait l’hiver comme l’été, traversait la rue pour aller à scs affaires , sa
longue et scche figure toujours pensive, son crâne chauve et blanc que
recouvrait à peine un petit chapeau crasseux, ses grosses poches tou
jours pleines on ne savait do quoi étaient successivement l’objet d’une
foule de suppositions dont ne paraissait nullement s’inquiéter le person
nage mystérieux.
Il avait une fille, Mlle Fanny Robert, jeune et jolie personno de ving
ans, timide, réservée, modeste dans ses allures et dans son costume.
Elle travaillait continuellement à des ouvrages do dentelles pour lesquels
elle avait, disait-nn, une grande habileté. Elle ne sortait que pour rap
porter son trava 1 aux personnes qui l’employaient, ou pour faire dans
le voisinage les petites acquisitions nécessaires au ménage. Elle se mon
trait alors douce, affable avec tout le monde, gaie quelquefois. Mais si une
fruitière trop audacieuse ou uri épicier trop Bavard se hasardait à la
questionner sut? les occupations de son père, sur leur position, sur leur
famille, la jeune tille soupirait, baissait tristement les yeux, et, prenant
aussitôt les objets qu’elle venait d’acheter, elle s’éloignait en faisant une
réponse polie, mais qui n’expliquait absolument rien.
Sur des élémens aussi simples,on avait bâti une foule do contes. Ainsi,
on se disait tout bas que le vieux Robert , ou l’homme à l'habit râpé ,
comme on l’appelait, était un Harpagon qui s’était retiré dans ce hideux
logement pour dépenser le moins possible, et conserver intacts les im
menses trésors qu’il avait jadis amassés. On l’avait entendu parler de
millions, d’immense di t pour sa fille. D’autres faisaient remarquer que
toute la nuit on voyait de la lumière au rez-de-chaussée do la vieille
maison, que le bruit d’une forge so faisait continuellement entendre , et
on prononçait tout bas le nom de fausse monnaie. D’autres concluaient
tout simplement de cosrenseigncmons sur les occupations du vieil orfè
vre qu’il travaillait pour quelqu’un do ses anciens confrères ; et cela pa
raissait d’autant plus probable qu’on l’avait vu plusieurs fois sortir des
plus riches magasins de pierreries do la capitale. Quant à Fanny, son
âge , sa modestie , sa beauté , auraient dû sans doute la mettre à l'abri
des caquets. Sa petite robe était toujours de l’étoffe la p'us simple et la
moins chère; elle était irréprochable dans son langage, dans scs maniè
res et dans ses habitudes. Cependant , on se racontait tout bas qu’on
voyait quelquefois un grand et beau jeune homme, avec des moustaches
noires et des gants jaunes, rôder dans le \oisinage. De tout ceci encore
on tirait des inductions fort peu charitables au sujet do la pauvro en
fant.
Quoi qu’il en soit des bavardages des commères du quartier, par une
soirée froide et silencieuse d’hiver, l’orfèvre et sa fillo étaient réunis
dans la pièce principale do leur pauvre appartement. Nous disons pauvre,
mais non pas nu, car cette pièce était encombrée d’une prodigieuse quan
tité de fioles étiquetées, de creusets d’argile, de cornues de verre; sur
une vaste table de chêne, on voyait épars des fragmens de métaux, de
minéraux, de cristallisations de toute espèce ; dans un coin, une petite
forge, munie de son soufflet bruyant, brillait en ce moment d’une feu
clair et animé, qui répandait bien plus d* lumière sur tous ces objets que
la chandelle fumeuse qu’on avait fichée dans un pot cassé en guise do
bougeoir. Cependant, au milieu do ce désordre, on n’apercevait pas un
outil, pas un ouvrage d’orfèvrerie qui pût faire supposor que l’ancien
joaillier continuât son état, et, à voir ce vieux Robert, maigre, pâle, asth
matique, dont la mince et longue échine, dépouillée du misérable habit
noir qui la couvrait d’ordinaire, penchait do temps en temps sur le foyer
de la forge, pendant que son bras étique agitait le soufflet sans relâche,
ou eût dit un des savans alchimistes du moyen-âge, dont le nom se ter
minait en us et qui consumaient leur vie à la recherche de la pierre phi
losophale, plutôt qu’un honnête artisan du dix-neuvième siècle travaillant
à faire des bracelets ou des boucles d’oreilles pour les petites maîtresses
de la Chaussée-d’Anlin.
A l’autre bout de cette espèce de laboratoire, Fanny était assise sur
une mauvaise chaise, devant une petite table qui paraissait lui apparte
nir exclusivement, et qui était couverte d’éloflès et de dentelles. Elle
travaillait à l’aiguille avec ardeur, à côté do la triste chandelle dont nous
avons parlé, et ne s’interrompait de temps en temps que pour approcher
du feu ses doigts engourdis par le froid. Son petit bonnet de gaze était dé
posé près d’elle surfit table, par la raison qui avait fait quitter au vieux
Robert son habit noir, c’est-à-dire par économie, et ses jolis yeux no so
levaient de dessus son ouvrage que dans les momens où l’impatience ou
tout autre sentiment arrachàit à son père quelque brusque exclamation.
— Je te dis, Fanny, que quelqu’un est venu ici pendant mon absence,
dit le vieillard d’uno voix cassée et haletante qui lui était particulière,
en examinant un creuset hermétiquement fermé qu’il venait de prendre
sur la table ; je te dis que quelqu’un m’épie secrètement et cherche à
dérober mes secrets.
— Mon père, qui peut vous faire supposer cela ? dit la jeune fillo en
rougissant.
— On est entré ici pendant quo je n’y étais pas répéta Robert ; je sais
bien que tu n’oserais pour rien au monde toucher à mes creusets, et
cependant je suis sûr quo celui-ci a été ouvert par quelque curieux. Ma
fille, réponds, qui est entré ici?
Fanny rougit plus fort quo jamais.
— Mon père, je vous assure...
— Ne mentez pas, dit lo vieillard d’un ton sérieux, je pourrai peut-êlro
trouver des preuves de la présence d’un étranger ici.
Il jeta autour do lui un regard soupçonneux, et tout-à-coup il s’élança
vers un gant jaune qui était resté suMa table.
— A qui est ce gant, mademoiselle? demanda-t-il d’uno voix fou
droyante.
— Mon père... à moi, sans doute... balbutia l’enfant.
— Ne meniez pas, vous dis-je ; il faut que je sache...
Fanny se jeta a ses genoux, et lui dit avec terreur :
— Mon père, je vous en supplie, ne me grondez pas 1
j — Eh bien? reprit le vieillard avec anxiété.
— C’était mon cousin Paul.
— Toujours lui! dit Robert en jetant le gant à terre avec dépit. Eh
bien 1 mademoiselle, pourquoi recevez-vous votre cousin pendant riion
absence et malgré mes ordres exprès?
— Mon père, vous oubliez qu’il est mon ami d’enfance, depuis lo temps
où vous étiez associé avec mon oncle et où vous étiez si riches l’un el
l’autre. Paul n’a pas cessé de vous aimer, mon père, et si vous ne l’aviez
pas deux fois chassé do votre présence...
— Et si je l’ai chassé, crois-tu que je n’avais pas de bonnes raisons
pour cela ? dit le vieil orfèvre avec chaleur ; lui, le fils d’un homme qui
a voulu me faire passer pour fou et me faire interdinaire; le fils d’uri
homme qui a été assez insensé pour me repousser avec mépris quand je
lui offrais des millions en échange de quelques bagatelles. Croyez-vous,
mademoiselle, que ce ne sont pas là des raisons suffisantes pour que je
ne veuille jamais revoir mon frère et ceux qui le touchent de si près ?
Ai-je besoin qu’ils viennent insulter par leur opulence à ma misère?
Mais si je réussis dans l’immense projet que j’ai conçu...
— Mon père, dit la jeune fillo avec vivacité, Paul n’a pas la dureté de
cœur do son père. Si vous saviez combien notre pauvreté lo touche! 11
y a quelques jours, en voyant la simplicité avec laquelle je suis vêtue, il
pleura long-temps. Il me demanda si nous avions réellement achevé
d’épuiser nos ressources, puis il m’offrit.
— Tu n’as rien accepté, j’espère! s’écria lo vieillard avec un nouvel
éclat de colère.
— Rien, mon père ; 1 jo sais quo vous aimeriez mieux mourir de faim
que de recevoir quelque chose de votre famille ; et moi, je dois mourir
avec vous.
— Nous rie mourrons pas, ma fillo, dit Robert avec douceur. Nous vi
vrons pour être aussi riches que le plus puissant roi du monde.
Fanny soupira et alla reprendre sa place. Son père plaça le creuset
dans la forge ot so remit à souffler avec ardeur. Un moment, on n’en
tendit que le bruit de la flamme agitée et le pétillement du charbon.
— Fanny, reprit lo vieillard ou s’interrompant de nouveau, il faut
que tu me promettes do ne revoir jamais ton cousin.
— Mon père !...
— Tu veux donc que mes ennemis soient.tes amis?
— Ah! mon père, si vous saviez!...
— Eh bien ?
La jeune fille hésita un moment; puis elle alla se jeter en rougissant
dans les bras de son père.
— C’est parce quo je l’aime, murmura-t-elle en sanglottant.
— Tu l’aimes, reprit Robert tout pensif on lâchant le cordon delà
forge. Tu l’aimes, pauvre enfant?... et lui?...
— Oh ! il m’aime aussi. Vous oubliez donc qu’avant votre fatale que
relle avec mon oncle, nous étions destinés l’un à l’autre. Paul s’en est
souvenu, mon père, et toute pauvre que je suis aujourd’hui, si vous y
consentiez encore...
— Non, non, s’écria l’orfèvre avec empressement; Paul est riche, très
riche, et je ne veux pas qu’il croie te faire une grâce en te prenant pour
femme. Seulement, ajouta-t-il d’un Ion réfléchi et en pesant ses paroles,
si jamais... ce que je veux dire... enfin nous verrons.
— Quoi ! mon père, vous consentiriez à ce mariage ! dit Fanny en je
tant ses bras autour du cou du vieillard ; je serais la femme do Paul
quo j’aime tant et dont je suis tant aimée ! Mais quand donc, mon père ?
combien de temps faut-il attendre encore?
. — 11 faut attendre, ma fille, dit le vieillard en s’animant, quo tu puis
ses apporter à ton cousin une dot magnifique; il faut attendra que les
richesses le fassent rougir do son opulence bourgeoise ; il faut attendre
que j’ai découvert ce secret quo je cherche depuis longtemps et qui no
peut plus m’échapper ; il faut attendre quo j’aie trouvé l’art de faire du
diamant.
A cette promesse, qui paraissait au vieux Robert devoir so réaliser
promptement, mais qui aux yeux do la pauvre Fanny équivalait à un re
fus formel, elle s’éloigna do nouveau do son père et se remit tristement
à son ouvrage. L’orfèvre ranima le feu de sa forge, qui languissait depuis
un moment, et, tout en saufllant, il disait à sa fille •
— Pourquoi douter du succès, Fanny? Presque tous les savans ont cru
à la possibilité do faire le diamant,et plus quo jamais je suis convaincu...
— Mon père, interrompit la pauvre fille, Paul m’a toujours dit que
ce que vous cherchez est impossible à trouver. Il dit que vous ressemblez
à des gens qui vivaient autrefois, et qu’on appelait des ..
— Dos alchimistes ! reprit le vieillard d’un ton dédaigneux; n’est ce
pas ce nom-là dont s’est servi M. Paul, aussi fou que ceux dont il parle?
Ces alchimistes, Fanny voulaient faire de l’or avec une foule de corps
répandus en abondance dans la nature. C’était une utopie ; l’or est
un corps simple, et par conséquent échappe à l’analyse el a la synthèse.
Une molécule de cuivre sera toujours une molécule de cuivre, ot ne pourra
être convertie eu uno molécule d’or. Les anciens étaient vraiment des
fous et des ignorans. Mais lo diamant, Fanny, ce n’est pas un corps sim
ple, c’est du carbone, du charbon, si tu aime mieux, cristallisé. Tout lo
problème pour le fabriquer consisto donc à opérer cetto cristallisation,
avec le corps dont elle s’est servie comme agent.Or, j’ai déjà combiné le
carbone avec plus de huit cents corps tant simples que composés, et il
ne m’en reste plus qu’à peu près autant pour avoir parcouru tous ceux
quo la nature a probablement employés dans la formation des pierres
précieuses. Tu vois donc bien que j’approche d’une solution, et que
bientôt...
— Et combien d’années vous ont occupé ces premiers travaux, mon
père ? demanda Fanny en attachant sur lui son œil noir plein de mélan
colie.
— Vingt années! ma fillo, et vingt années bien rudes, je lo juro! ré
pondit Robert avec une quinte do toux qui témoignait de la perle de sa
santé à la suite do ces immenses travaux. J’y travaillais déjà depuis long
temps quand je me suis séparé do mon frère.
— Et il vous faut encore vingt ans pour quo vous vous aperceviez
peut-être, au bout de ce temps, de l’inutilité de vos recherches, répondit
la jeune fille en baissant la tête comme pour cacher ses larmes.
— Non pas Fanny, non pas, mon enfant! s’écria le vieil alchimiste; il
ne faut pas raisonner si rigoureusement ; peut-être cette nuit, peut-être
demain en brisant mon creuset je trouverai au fond co que je cherche
avec tant d’ardeur. Tiens, vois-tu, ajouta-t-il avec vivacité en montrant
à sa fillo lo creuset tout en feu qui brillait dans la forge, notre fortune
est là, peut-être. J'ai là un morceau de carbone qui, s’il se cristallisait,
donnerait un diam nt deux fois plus gros quo le mogol, lo plus gros des
diamans connus. Tous les empires do l’Europe seraient obligés do so co
tiser pour nous en acheter chacun un morceau. Et alors, ma fille, conti
nua-t-il pendant que ses yeux brillaient d’un éclat extraordinaire, tu
pourrais épouser un prince si lu voulais, et moi, du haut d’uno voiture
royale, jo pourrais éclaboussor tous ceux qui m’ont méconnu et méprisé;
dans ce siècle d’argent, jo commanderais par mes incalculables richesses
au monde tout entier...
Il s’arrêta tout-à-coup au milieu de ces pompeuses promesses, et exa
mina le feu avec inquiétude.
— Fanny, dit-il, le charbon va me manquer, et mon expérience man
querait aussi. Va, mon enfant, me chercher du charbon pour la nuit.
— Volontiers, mon père, dit la jeune fille avec hésitation ; mais...
— Qu’y a-t-il donc ?
— Mon père , dit Fanny timidement, la dame pour qui jo travaille a
refusé do me faire de nouvelles avances , et il me reste bien pou do
chose.
— Combien?
— Vingt sous au plus.
— 11 y a assez pour achotor un boisseau de charbon ?
— Demain , ma fille , nous aurons peut-être à notro disposition tous
les trésors de la nature !
Fanny, sans répondre , prit son bonnet do gazo et un polit fichu qui
devait mal garantir du froid. Elle sortit en silence, et revint bientôt avec
le charbon que son père avait demandé.
— Et maintenant, ma fille, dit le vieillard, va prendre un peu do re
pos ; moi, je ne puis quitter mes fournaux et mes creusets ; va, ma pe
tite, et prie Dieu quo ton père réussisse celle nuit.
Fanny obéit en silence après avoir embrassé son père, et so retira
dans la petite chambre où elle couchait à côté du laboratoire. Vers lo
matin, elle dormait d’un sommeil paisible, rôvant peui-ôtro de tout co
bonheur quo lui avait promis son père , quand un bruit qui so fit en
tendre tout à coup l’éveilla en sursaut. Robert l’appelait à grands cris
en poussant des exclamations entrecoupées. Elle s’habilla à la hâtoot ac
courut vers lui.
II.
Le feordre ordinaire de l’atelier était encore augmenté. Les fioles, les
minéraux, les tables, tout était bouleversé. Le vieil orfèvre semblait
frappé de folie, il riait, il pleurait, il dansait autour do sa forge ardente
encore, et donnait tous les signes do la joie la plus frénétique. Aussitôt
qu’il aperçut sa fille, il la serra dans ses bras avec des transports à
l’étouffer.
— Qu'est-il donc arrivé, mon pèro ? dit Fanny au cornblo de l’étonne
ment.
— Ma fille, s’écria le vieillard d’une voix retentissante, j’ai réussi à
faire du diamant.
— Cela est-il bien possible? Etes-vous sûr que vous ne vous trompez
pas cette fois comme tant d’autres?
— Non, non, s’écria le vieillard en lui montrant deux petites pierres
noires qu’il retira des débris du creuset. Fie-toi à mon expérience, Fanny,
co sont là des diamans, de vrais diamans, vois-tu, quoique la surface en
soit un peu altérée. Je ne mo trompe pas, cette fois, Fanny. Le charbon
quo j’avais soumis au feu m’a donné deux diamans au lieu d’un; sans
doute il se sera brisé dans l’opération. Qu’importo! nous sommes riches,
riches à jamais !
Fanny partagea avec défiance la joie do son pèro. Il s’était déjà si sou
vent trompé qu’elle n’osait trop croira à tant do bonheur. Cependant lo
vieillard paraissait sûr de son fait. Il passa lo reste de la nuit à fairo les
expériences nécessaires pour constater l’identité des pierres qu’il avait
trouvées dans son creuset avec le diamant. Toutes lo confirmèrent dans
cette opinion.
Aussitôt quo le jour parut, il se prépara à sortir pour aller annoncer
sa découverte aux principaux joailliers de Paris,
— Ma fille, disait-il avec enthousiasme, jo vais voir à mes pieds tous
ces richards qui m’ont tant méprisé ; jo les ai tous ruinés dans la nuit
qui vient de s’écouler. Fanny mon nom no s’effacera plus do la mémoire j
des hommes.
— Mon père, murmura la jeune fille, songez quo nous manquons en
core de pain aujourd’hui.
Lo vieux Robert ne l’écouta pas. Il prit ses diamans , embrassa Fanny
encore une fois et s'élança dans la rue que commençaient à éclairer les
premiers rayons du soleil.
Fanny, toute pensive , regarda la place qu’il venait do quitter, et dit i
avec une sorte d’inquiétude :
« Et pourtant Paul m’avait dit qu’il était impossiblo do faire du dia
mant ! »
Le vieux Robert, en parcourant les rues de Paris, marchait d’un pas
fier, la tête droite, lo regard animé, murmurant à demi-voix des paroles
étranges qui faisaient retourner les passans. Dans ses gestes, dans l’ex- !
pression de son visage, il y avait quelque chose de triomphant ot de
solennel qui contrastait avec la misère de son costume et son appa
rence maladive. Ses narines semblaient so gonfler d’orgueil, sa poitrine
se cambrait dans son antique gilet do piqué jaune; il avait enfin tout
l’extérieur heureux et insolent d’un pauvro diablo qui vient do fairo sa
fortune par un coup duso.it inattendu.
Il arriva ainsi sur le quai aux orfèvres. Dans un des plus somptueux
magasins de ce quartier, une femme élégamment mise était tranquille
ment assise devant un comptoir tout brillant d’or, de pierreries et do
bijoux. L’apparition d’un homme pâle, essouflo, gesticulant comme un
énergumène, et qui se précipita presque sans_saluer dans le magasin, la
fit tressaillir d’effroi.
— M. Chauvin est-il là? demanda Robert d’uno voix quo l’enthou
siasme avait rendue ferme.
La bijoutière sembla reconnaître cotte voix et fit un geste do mauvaise
humeur.
— Ah! c’est vous encore, papa Robert? dit-elle p’un ton maussade.
Vous m’avez fait uno belle peurl
— Votre mari, où est-il? 11 faut que je lui parle, reprit lo vieillard,
sans écouter ses plaintes.
— Eh bien ! que lui voulez-vous à mon mari? Croyez-vous qu’il ait
toujours le temps d’écouter les balivernes dont vous venez l’entretenir?
Allez, allez, vieux fou que vous êtes; un bijoutier do la couronne a autro
chose à faire que d’examiner les petits morceaux de pierre que vous lui
portez quelquefois !. .
Robert lui jeta un regard do mépris et de pitié.
— Je vous répète, madame, qu’il faut que je parle sur-le-champ à M.
Chauvin. Il y va do sa fortune, il y va de colla de tous les marchands
de diamans do la terre.
La damo poussa un grand éclat de rire et haussa les épaules. .Robert,
impatienté, allait peut-être répliquer vertement, quand le bijoutier, at
tiré par le bruit de cette discussion, parut dans le magasin. C’était un
homme d’une quarantaine d’années, à figure douce ot paisible.
— Eh bien! Lolotto, qu’y a-t-il donc ? pourquoi tourmentes-tu co
pauvre homme? demanda-t-il on adressant à sa femme un regard signi
ficatif, comme pour lui fairo comprendre qu’on devait avoir égard à la
faiblesse d’esprit du vioux Robert.
—Mon confrère, s’écria l’alchimiste, qui ne voyait, n’entendait rien
qui fûtétrangerà sa découverte, passons dans votre cabinet, j’ai un im
portant secret...
— Vous pouvez parler devant Lolotto, dit le bijoutier tranquillement
avec un imperceptible sourire.
— Oh ! si vous saviez !
— Jo gage que je devine. Vous avez encore uno fois trouvé lo moyen
do fairo du diamant, n’est-co pas ?
Et ces paroles ôtaient accompagnées d’un nouveau regard do Chauvin
à sa femmo pour lui reprocher d’avoir pu s’attaquer à un malheureux in
sensé, Robert sembla d'abord déconcerté par ce sang-froid et cette sourde
ironie, puis bientôt il reprit avec chaleur :
— Oui, confrère, du vrai diamant cette fois, voyez-vous; ce n’est plus
du strass comme l’autre jour, ni du quartz altéré par le feu, ni des vitri
fications métalliques! c’est du diamant, vous dis-je, de véritable carbono
cristallisé! du diamant aussi pur que ceux de l'indo ou du Urésil.
— C’est bien, dit tranquillement Chauvin en se préparant à sortir.
Mais je suis un peu pressé , papa Robert, j’ai à terminer deux croix on
rubis pour un ministre étranger. Nous verrons vos essais uno autro fois.
Lolotte, conlinua-l-il en se tournant vers sa femme, donne quelque chose
à co pauvre Robert ; il a sans doute besoin d’un peu d’argent pour ache
ter les objets nécessaires à ses expériences, et aussi pour acheter du pain
à lui et à sa fillo, murmura-t-il tout bas; il ne sera pas dit quo jo n’ai
pas cherché à secourir un ancien confrère tombé dans l'indigence.
— Oui, voilà comme vous ôtes, monsieur Chauvin, s’écria la jeune
femme avec colère, vous vous laisseriez arracher les entrailles pour fairo
une aumône, et parce quo co vieux lou, ce vieux fainéant, ce vieux
mendiant..,
Un geste énergiquo do Robert lui coupa la parole.
— Je ne suis ni un fou ni un mendiant, madame, dit-il d’une
voix imposante. Si quelqu'un ici peut faire l’aumône, ce n’est pas votre
mari, mais moi, moi qui l’ai choisi parmi tant d’autres pour le faire par
ticiper aux immenses richesses qui m’appartiennent désormais.
— Voyez, Chauvin, reprit-il en déposant scs doux diamans sur lo
comptoir; si celui qui peut créer do semblable chose a besoin de deman
der l'aumône !
Lo joaillier jeta un regard distrait et indifférent sur ce quo lui pré
sentait le vieillard, ot d’un ton familier ot amical à la fois :
— Allons! allons! papa Robert, ne vous fâchez pas; ma femmo est
un peu vive, mais elle est bonno au fond. Revenez mo voir ; quand
j’aurai plus de temps nous examinerons de près vos nouveaux produits.
Allons, ne faites pas lo fier ; Lolotto va vous donner cinq francs, ot à
revoir...
Il s’approcha de la porto comme pour rentrer dans un atelier prochain,
en congédiant d’un signe le vioil alchimiste.
— Mais ce sont des diamans , do véritables diamans que je vous
présente, s’écria celui-ci d’une voix éclatante, ot c’est moi qui les ai
faits! Regardez-les seulement; ils sont bruts, et le feu les a un pou ternis
à la surface, mais jamais on n’en a vu do plus limpides et de plus purs.
Ce sont de vrais diamans confrère! ils raient lo verre ot lo cristal.
J’ai fait toutes les expériences pour m’assurer de leur valeur, et je m’y
connais : j’ai été aussi joaillier pendant vingt ans. Chacun d’eux
vaut mille écus , tout bruts qu’ils sont, et moi jo vous les donne pour
mille francs pièce, car j’en ferai d’autres, j’en ferai de trois cents tarais,
j’en ferai que tout l’or monnayé do l’Europe ne pourrait payer !
Ces paroles, prononcées d’une voix forte et sonore, commençaient à
fairo attrouper les passans devant le magasin, Chauvin parut perdre tout
à fait patience.
— Ecoutez, père Robert, reprit-il, ceci commence à devenir fatiguant.
Prenez ces 5 francs et laissez-moi à mes affaires. Je vous répète que le
temps me presse, et...
— Ce fou est insupportable! s’écria la jeune femme. Cela vous ap
prendra, monsieur Chauvin, à tant ménager ses manies, au lieu de le
renvoyer une bonne fois pour toutes à Charenton !
l
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