Titre : Le Travailleur normand havrais : paraissant le dimanche
Éditeur : [s.n.] (Le Havre)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Rouen)
Date d'édition : 1900-09-16
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32880313v
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 16 septembre 1900 16 septembre 1900
Description : 1900/09/16 (A10,N500). 1900/09/16 (A10,N500).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG14 Collection numérique : BIPFPIG14
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Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k63930025
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-90656, JO-90677
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/11/2012
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PUtèuto Aimé» 800 Le Numéro iclt*f -«nlimè# 'H - Dimanche 16 Septembre 1900-
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F*?anoa et et lont 4 partir de
1* iit 16 de chaque asl..
SEMAINE POLITIQUE
Relations anglo-françaises. Un
Congrès - intéressant– « Qu'im-
porte 1. » Le mieux est
l'ennemi du bien.
Le Congrès tenu à Paris par les
chambres de commerce britanniques,
grâce à l'heureuse initiative de M. Tho-
mM Barclay et de la chambre de com-
merce qu'il préside, a pris fin et les con-
gressistes sont rentrés dans leur pays,
après avoir passé parmi nous quelques
jours pendant lesquels ils auront eugrand
besoin de toute l'énergie de leur race. Il
leur aura fallu, en effet, suffire aux tra-
vaux sérieux qui étaient le but de leur
réunion, tout en prenant part aux récep-
tions et fêtes nombreuses organisées en
leur honneur. -
L'impression qui se dégage des tra-
vaux de ce Congrès et des discours pro-
noncés par les personnalités les plus au-
torisées; anglaises ou françaises, confir-
me l'espoir que nous exprimions l'autre
jour, à savoir que cette fraternisation
entre les représentants les plus distin
gués du monde du commerce des deux
pays contribuera à dissiper bien des ma-
lentendus, à atténuer bien des préjugés.
Les délégués des chambres britanni-
ques, qui avaient hésité, un moment, à
répondre à l'invitation de la chambre
britannique da Paris,se sont rendu comp-
te, dès le premier jour, qu'ils avaient été
mal renseignés sur nos dispositions,
qu'on disait hostiles à leur égard. S'ils ne
s'en tenaient qu'aux apparences extérieu-
res Jes plus froids d'entre eux pourraient
peut-être pouffer,dans leur fort intérieur,
que l'accueil cordial dont ils ont été l'ob-
jet ne doit être attribué qu'aux lois de
l'hospitalité qui nous font un devoir de
faire brillamment les honneurs de chez
nous.
Mais, à cllté des fêtes, les travaux sé-
Héux ont lié pour beaucoup dans les
préoccupations des cobgresslstes; or,sur
ce terrain d'affaires, il n'ait pas douteux
qu'ils n'aient eu t'impression que tons
ceux qui ont à cœur nos intérêts maté-
riels désirent le maintien de bons rap-
ports entre la France et l'Angleterre.
,Nous sommes confirmés dans cette im-
pression par les commentaires que le
Congrès de Paris à suggérés aux jour-
naux anglais. Loin du bruit des fêtes et
des réceptions cordiales, les écrivains
qui ont rédigé les articles auxquels nous
faisons allusion étaient à même d'appré-
cier les choses avec un sang-froid et une
sérénité d'esprit qu'on ne pouvait s'atten-
dre à rencontrer, du moins au même de-
gré, chez les congressistes qu'emportait
le tourbillon parisien.
Et, cependant, l'ensemble de la presse
anglaise a dû reconnaître, sans une note
discordante, que l'accueil fait à Paris aux
représentants "du commerce britannique
est un démenti absolu à la légende qui
commençait à se répandre outre-Manche
et qui prétendait faire de nous, du moins
en ce qui concerne les Anglais, quelque
chose comme des Boxeurs chinois.
Cette légende, du reste, a déjà produit
duit de fâcheux résultats, puisque, ainsi
que le reconnaît le Times lui-même, elle
a détourné beaucoup d'Anglais de venir
visiter l'Exposition.
Mais une chose nous frappe dans l'ar-
ticle du Times, comme dans ceux de nos
confrères britanniques : on nous y fait
le même reproche que, l'autre jour en-
core, nous faisions à la presse d'outre-
Manche. Nous disions–et nous avions de
trop nombreuses raisons pour pouvoir le
dire que certains journaux, chez nos
voisins, étaient responsables, par sdite
de leurs polémiques ardentes et haineu-
ses, du refroidissement que subissait,
d'une manière "trop visible, l'ancienne
cordialité des rapports anglo-français.
Or, il parait que c'est à l'attitude de
notre propre presse qu'il faut attribuer -
ce refoidissement regrettable. Le Times
nous l'assure; cependant, il veut bien re-
connaître qu'on s'était trompé, en Angle-
terre, sur le degré d'importance qu'il
convient d'attribuer à certains organes
nationalistes. Ge serait donc l'histoire de
la paille et de la poutre.
Mais on nous accordera qu'il est pué-
ril, un pareille matière, de discuter sur
le point de savoir c qui a commencé».
t Puisque, de part et d'autre, on est d'arc-
l cOrd pour reconnaître qu'on a eu tort de
i commencer" le tout est de ne pas coati-
1 tmer.
- « Qu'importe 1 » Sous ce titre, qui
en rappelle bien d'autres du même écri-
vain, M. Paul de Cassagnac publiait l'au-
tre matin un nouvel article en faveur de
la thèse qu'il soutient avec passion depuis
trente ans. La France a besoin d'être
sauvée ; il faut uti sauveur à la France ;
- ce sauveur sera « n'importe qui. »
En ce qui le concerne, M. de Cassagnac
préférerait un Napoléon ; mais il ne su-
bordonne pas le se lut de son pays à une
préférence" personnelle : il l'acceptera
avec reconnaissance de la première main
venue. Puisse seulement le sauveur ne
pas - trop se faire - attendre 1 ----
C'est la principalé crainte de M. de
Cassagnac ; car, dit-il, en employant une
comparaison qui sent la pharmacie, « la
maladie est tellement aiguë que le remède
sera peut-être administré trop tard ». Il
est certain que l'opérateur ne met aucun
empressement à satisfaire l'impatience
de M. de Cassaguac.
Nous sommes loin de croire que tout
soit pour le mieux; mais nous nous dé-
fions des sauveurs. Rien n'est plus grave
en effet, que de se tromper sur la qualité
du personnage; on risque de tomber sur
un empirique ou uu charlatan; et alors,
M. de Cassagnac avouera lui-même que,
au lieu de guérir le mal, on risque do
l'aggraver.
A quels signes reconnait-on un sau-
veur 1 M. de Cassagnac a cru, il y a
quelques années; en trouver très distinc-
tement les caractères dans le général
Boulanger : il s'est peut-être aperçu,
depuis, qu'il s'était trompé. Ah 1 si nous
avions aujourd'hui un homme qui eût
fait avec éclat ses preuves de haute,
capacité politique, et qui eût frappé l'i-
magination du pays par la réalité des
services qu'il aurait rendus, nous pour-
rions sans doute nous arranger avec lui,
et d'autant plus facilement qutun tel
homme ne serait pas itn révolutionnaire,
qu'il n'aurait aucun besoin de l'être, qu'il
serait le premier ennemi des coups
d'Etat, et qu'il trouverait dans la légalité
les ressources nécessaires pour accom-
plir son œuvre. N aurait-ii pas le pays
avec lui ?
Mais ce n'est pas là ce que rêve M. de
Cassagnac. Ii attend ce qu'il appelle le
salut de « n'importe qui P, c'est-à dire
d'un incounu qui, ayant un jour attiré
l'attention par un caprice du hasard, se
sentira l'audace des grands avanturiers.
Il n'aura rien fait, mais il promettra tout
et c'est lui que M. de Cassagnac inves-
tira ou plutôt qu'il investit 'dpjà de sa
confiance. Cette confiance va avouglé-
ment « au citoyen généreux, prince ou
particulier, - qui désire tenter l'épreuve ».
D'aucuns réservent la leur a ceux qui
s'en sont déjà montrés dignes. Mais où
sont-ils? M. de Cassagnac renonce lui-
même à nous les désigner parmi les pré-
tendants : en voit-il du moins en dehors
d'eux ? Nullement. Alors, s'il n'en voit
pas, il s'expose à orienter le pays vers le
pur néant.
Le pays est plus sage : il sait que, sui
vaut le proverbe, le mieux,–ou ce qu'on
dit être le mieux,- est l'ennemi du bien;
il ne désespère pas de ce qu'il a : il se
contente d'en poursuivre l'amélioration.
En Chine
On ne sait encore rien de certain en ce
qui concerne la réponse que feront défini.
tivement les diverses puissances aux pro-
Sositions de la Russie. D'après une dépêche
ne Stlinl. Pétersbourg ,que nous ne mention-
nons d'aUleUl'f\ que sous réserves, le gou.
vernement français a donné son adhésion
à la déclaration russe ayant en vue de quit-
ter Pékin et de se replier sur Tien tain Les
deux gouvernements français et russe, sont
pleinement d'accord sur ce point.
Des instructions télégraphiques ont été
adressées de Paria et de Saint-Pétersbourg
respectivement, à NLPicbon et à M.de Giers
enjoignant à ces deux ministres et aux
généraux Frey et, Llnévttch de se concerter
avant de prendre les mesures nécessaires
pour que les représentants et les contin-
gents militaires des deux pays quittent Pè-
gin pour se rendre à Tlentaln aussitôt que
les circonstances le permettront.
Tout semble indiquer que le gouverne-
ment des Etats-Unis imitera l'exemple de
la Russie et de la France. Il en sera proba-
blement de même du Japon.
Le correspondant dêclate savoir d'ailleurs
de bonne source qu'une parfaite entente sur
cette question existe entre les Cabinets de
Berlin et de Salut-Pét ersbounr. Il est
maintenant absolument certain, ajoute-t-ll,
que la Russie ne soulèvera aucune objection
à la continuation 4e l'occupation de Pékin
par I" trompes allemandes; anglaises et
japonaises, jusqu'à la ceucluslon des ntgo-
ciations de paix.
LA RÉPUBLIQUE a L'ARMÉE
.m
Dans le dernier numéro de la Revue
Politique Parlementaire, M. Charmont,
professeur de droit à Montpellier, revient
sur une ancienne question que les polé-
miques et les événements actuels ont
remise à l'ordre du jour : c'est celle de
l'incompatibilité de la République et de
l'armée.
Cette incompatibilité existe-t-elle réel.
lement * Est-on en présence d'une anti-
nomie irréductible 1 Faut-il que ceci fi-
nisse par tuer cela, ou réciproquement ?
Vieille question, ainsi que nous venons
de le dire.
Il a y déjà plusieurs années M. le comte
deMun l'a traitée à la tribune de la
Chambre. Il a essayé de démontrer que
les principes de la démocratie, qui trou-
vent leur expression la plus radicale
dans le régime républicain, étaient en
contradiction absolue avec ceux qui for-
ment la base et le lien des institutions
militaires.
Autorité, discipline, hiérarchie, subor-
dination, autant de mots qui sonnent mal
dans une démocratie et dans une Répu-
blique, où, d'après lui, il est toujours
beaucoup plus question de la revendica-
tion des droits de l'homme que de l'en-
seignement de ses devoirs, où la recher-
che de l'indépendance et du bien-être de
l'individu est l'objet de toutes les pensées,
et où le sacrifice de la personnalité, le
retranchement du sens et de l'intérêt
propres, loin d'être considérés comme
des vertus civiques, passent, à son avis,
pour une sorte d'abjection indigné d'un
homme libre et d'une âme vraiment ré-
publicaine.
M. de Mua poussait à fond cette argu-
mentation paradoxale; pour en arriver à
cette conclusion, sous la forme d'une al-
ternative : ou la République ou l'armée ;
car il y a entre l'une et l'autre une telle
incompatibilité, non pas seulement d'hu-
meur, mais de nature et de principe,que
a vie commune est impossible et que le
divorce doit s'imposer tôt ou tard.
On se refusa à cette option. Les répu-
blioains qui écoutaient M. de Mun pro-
testèrent. Ce n'est pas qu'il n'y eût dans
l'histoire des idées du parti républicain
quelque chose qui vînt à l'appui de la
thèse soutenue par l'orateur monar-
chiste.
On n'avait pas tout-à-fait perdu le sou-
venir des campagnes faites contre les
armées permanentes au nom des princi-
pes démocratiques et républicains. Mais
de grands, de douloureux événements,
survenus depuis, avaient apporté avec
eux de cruels enseignements que l'on n'a-
vait pas encore oubliés.
Et la République française voulait
avoir une armée, parce que c'était pour
la France une question de vie ou de mort
d'en avoir une, et, au surplus, que cette
armée fût démocratique ou non, que les
principes de son organisation fussent
plus ou moins conformes à ceux de notre
établissement politique, ce n'était pas là
une objection à laquelle on consentit à
s'arrêter..
Il fattait, avant tout, que cette armée
fut forte, capable de garder nos frontiè-
res, de faire respecter le territoire,l'hon-
neur et le drapeau de la France. C'était
là toute la question, en dépit des doctri-
naires, des théoriciens et des logiciens.
Quelques année. se sont écoulées, et,
à la suite de certains épisodes sur les-
quels il est inutile de revenir, le thème
de M. de Mun a été repris, mais dans un
camp tout opposé, et l'on s'est plu à affir-
mer encor une fois que l'armée et la dé-
mocratie ne pouvaient aller ensemble.
On a proposé le même dilemme, on a
prétendu imposer la même option : ou
l'armée ou la République. Mais cette fois,
c'était l'armée qu'il fallait sacrifier.
Ainsi les opinions extrêmes se rejoi-
gnaient dans les prémisses, sinon dans
la conclusion. Un certain nombre de
violents, de sectaires, ont voulu donner
raison à M. de Mon. lisse sont approprié
sa thèse qui, au fond, était aussi la leur.
Ils ont dit, eux aussi : « Il faut choisir, et
notre choix est fait. 9
Là-dessus s'est formée une opinion
intermédiaire qui repousse également la
conclusion de M. de Mun et celle des
anti-militaristes d'extrême-gauche. Aussi,
nMt qu'il y ait une incompatibilité es-
sentielle entre l'armée et la démocratie,
d'autant plus qu'il est manifestement
Impossible que notre démocratie se passe
d'une armée, elle constate qu'il y a
a tout de même quelque chose de diffici-
lement conciliable entre l'armée telle
qu'elle est actuellement et l'esprit, les
mœurs démocratiques.
Le problème actuel se réduirait donc
à démocratiser l'armée pour la mettre
complètement d'accord avec les institu-
tions politiques. De là sorte l'antinomie,
si antinomie il y a, serait presque com-
plètement résolue- et notre patriotisme
ferait le reste.
Ce que nous voulons c'est une armée
forto, disciplinée prête à tous ses de-
voirs et, ces conditions remplies nous
lui pardonnerons si elle n'est pas l'image
tout-à-fait fidèle de nos politiciens.
Tel est notre sentiment. C'est aussi ce-
lui des masses populaires et démocrati-
ques qui aiment l'armée sans aucune
arrière-pensée.
A tort et à travers
LA PROVINCE
La province qu'on aime d'autant plus
qu'on la connaît mieux a ceci, en autres
choses, de charmant : elle retarde. Euten-
dons-noUs: elle n'est ni rôtograde ni imbé-
cile: Dieu me préserve d'en médire, Je l'ai-
me {rop, et les Parisiens eux-mêmes, ceux
qui ont l'esprit, ne se moquent jamais
me out l'eapdt, no se moquent jamais
de la province; ils en viennent, et Ils y
retournent très volontiers.
Les grandes villes, à l'instar de Paris, ne
sont plus des villes de province : ce sont de
petites capitales, Les petites villes, les chefs
lieux de oaaton, les bourgs, les villages,
voila seulement la province véritable et
pttre. Tandis que les grandes villes, Paris
surtout, courent a ra voitir.aiL.citai)gamaiii«<
oursi^rowvoulejs, au pr t firavluce
fidèle et conservatrice - il n'est pas ques-
tion loi dé politique - garde pieusement
le ciilte du passé, la religion et l'empreinte
des souvenirs : elle tient encore a l'ancien
temps et aux vieilles choses, aux vleUt.
mœurs, aux vieux usages, aux vieux cos-
tumes. aux vieilles maisons.
J'su avals la preuve, une fois de plus ces
jours derniers en regardant de vieilles
statues ou de vieilles inscriptions qui me
sont depuis longtemps familières. Cotait la
coutume autrefois chez nous, que toute
maison à l'angle d'une rue avait une niche
et un salut. Les plaques municipales moder-
nes, avec les noms de parrains plus ou
moins étrangers n'étalent pas encore in voû-
tées ; les rues étaient bonnement baptisées
do noms locaux que chacun pouvait com-
pmodre. Le saint, dans sa niche, saint
Vincent, patron des Vignerons, avec une
grappe de raisin ; saint Fiacre, patron des
Jardiniers, avec un bouquet ; saint Roch,
qui guérissait déjà de la rage, avec son
chien ; saint Nicolas, avec les trois enfants
du miracle dans leur baquet (vous savez
l'histoire), etc, otc., le bon saint, dis-je,quel
qu'il fût, servait à la fol de parrain et d'in-
dicateur.
Il était très vieux le plus souvent et il
n'était pas toujours entier ; on le rafistolait
tant bien que mal quand il avait trop d'ava-
ries et on lui donnait un coup de pinceau,
à safôtft, pour le rajeunir. Les annonces
du meilleur des chocolats ou du plus sou-
verain des apéritifs n'ont pas détrôné par-
tout ces vieilles Images.
C'était aussi la coutume d'écrire ou de
graver des Inscriptions au-dessus des por-
es. En volet une, par exemple, que j'ai
relevé sur le rortall de la très ancienne
église de Saint-Vorle, à Chàtillon-sur-Sel-
ne. Presque tout le monde sait assez de
latin pour comprendre et pour traduire ce
latin-là :
Qui soelcrum sentis orans te fasce gravari
Hic vëniœ certus necesse est fundere plancha
Quœque parit mortum post hœc adtente ruinai
J'ai peur quecertus ne soit un solécisme,
mais peu importe. Les maisons particuliè-
res elles-mêmes avalent leur devise. Sur la
façade d'une très vieille et charmante mai-
son en bois, j'ai lu ceci : « Mieux vaut peu
avec justice, que gros revenu sans équité."
Un peu plus loin, dans la même rue, «e lit
en latin cet excellent conseil : Ardere pa-
rum, %v/cere vanum, Ardere et Lucere
et.rectum. Je n'en finirais pas si je vou-
lais tout vous énumérer.
Nos bons aïeux étalent moraux, lettrés et
pratiques, comme vous voyez. Sommes-
nous bien S'drs de valoir mieux qu'Us n'ont
valu, de faire mieux qu'ils n'ont fait et de
ne pas avoir perdu, au fil du siècle qui va
finir, quelques-unes de leurs qualités ?
La province, pour en le venir à elle,a ceci
de très bon qu'elle nous entretient, à cha-
que pas, de nos ascendants et les ressuscite
dans notre mémoire. Il n'est pas mauvais
de nous confronter avec eux sans amour-
propre, de les évoquer, de les invoquer à
l'occasion, de les regarder sans mépris et
de léur dire, a notre tour, sans faux orgueil
et sans fausse modestie: « Regardez-nous h
Les hommes passent et changent, disaient
les anciens, comme les feuilles des arbres.
L'arbre lui-même change peu ou, du moins,
il dure et il plonge ses racines dans le sol
natal. - -
La bonne province nous donne l'idée pré-
cise et concrète de cet arbre séculaire dont
les générations successives sont le feuillage
détruit ou renouvelé parles saisons. Elle
représente, elle symbolise, mieux que Pa-
rla et les grandes villes, la fi*lté, la tradi-
tion, 'es caractères impérissables de la race
et du pays ; elle nous attache plus forte-
ment, par un lien sacré, à ce qui demeure,
en nous donnant le dédain de ce qui passe ;
elle contribue, je crois, à nous faire des
esprits plus solides, des &mes plus fidèles et
plus résistantes ? elle nous égaye suret ou
elle nous attriste maternellement par ces
¡ images du passé qui sont la meilleure dea
leçons d'histoire et le plus simple des cours
de philosophie.
Ne dites pas que je rêve. Vous avez,
comme mol, rêvé sur ces choses et vous
avez fait les mêmes réflexions. VoUt. pour-
quoi une promenade, le nez en l'air et les
yeux à l'aadt, dans une petite localité pro-
vinciale n'est jamais sans agrément et sans
proflt. -
Mais combien de Français connaissent la
France, qui est pourtant si jolie, et s'amu-
sent à la regarder ! La mode n'en est pas
encore venue ; mais, comme, si elle venait,
11 y aurait tout do suite des gens pour la
rendre rlcloule. il ne faut peut-être pas
souhaiter de la voir venir.
S.
Inconnu J !
Vllllers de L'I..Jle-Adam prétendait, on le
sait, descendre du dernier grand-maître
des chevaliers de Malte. Il comptait sur ce
titre, autant que sur sa gloire littéraire,
pour arriver à la fortune. Vingt fois il né-
gocia de superbes mariages : mats, au der-
nier moment, un sentiment de flqrté le fai-
sait toujours reculer devant la mésalliance.
C'est ainsi qu'il reuonça à la main d'une
très riolie héritière, lorsqu'il n'avait point
hésité, pour lui platre, à faire arracher
toutes ses dents, qu'il avait mauvaises, et
à les remplacer par un râtelier d'une écla-
tante blancheur. -
11 n'aurait tenu qu à lut de sortir de la
misère, son prestige sur les femmes étant
Indéniable; comme on signalait à l'une d'el-
les sa propreté douteuse : « C'est vrai, dit-
elle : mais il est un de ces hommes qui peu-
veat être sales sans qu'on s'en aperçoive. »
Et, alors qu'on montrait à une autre son
linge défraîchi, elle se contenta de répon-
dre : « Oui, mais 11 le porte si bien 1 ».
Ce dédain de la propreté vulgaire n'em-
pêchait point Vllllers de soigner sa tenue.
Un jour que des amis devaient,sur sa prière
e présenter a la OIJur Impériale et deman-
der pour lut une ambassade, ils le vinrent
prendre chez lui et le troùvèrent couvert
de paplllottes, frise comme un mouton ou
un marié de vaudeville; ils employèrent
trois quarts d'heure à le débarrasser de ce
luxe malencontreux. Viiiiers fut goûté à la
Cour; 11 plut tout particulièrement à la
princesse de Metternloh; mais 11 n'eut point
son ambassade.
Il aimait les brillants costumes, et sur-
tout les décorations. Sans parler de celle de
Malte, il s'attribuait volontiers toutes les
autres ot se chamarrait, à l'oocasion, de
plaques et de grand'croix. Le matin du
mariage de Catulle Mondés et de Judith
uthîer, dont il était le témoin av eo Le.
cTOlu de1 Liste, il monta chez oelui-el et,
entr'ouvrant son pardessus : « Regardez »
fit-il. Et il désigna, d'un geste large. une
si étonnante broohette.qile l'auteur de/Caïn
s'écria effaré : « Malheureux 1 vous avez
l'air d'une vitrine; »
Li jour vint où l'auteur de L'Eue friture
las des décorations fictives, voulut en pos-
séder une vrate. Il couvrit de ses titres
quatres pages colombier et sollicita. les
palmes académiques. Il y avait alors vingt
trois ans qu'il s'adonnait aux lettres. Le
bureau de l'Instruction publique écrivit
simplement, en marge de la demande:
Inconnul.
UNE NOUVELLE HODE
Décidément, les Américains détiondrout
éternellement le record de l'originalité.
Eu effet, un journal de Montréal nous ap-
prend qu'un « homme on blouse » qui a fait
son apparition aux Etats-Unis vient de sus-
citer une véritable révolution. do la
mode, s'entend.
Ce qu'il y a d'étrange, écrit une femme
américaine, c'est que ce sont les hommes
et non les femmes qui combattent cette
innovation.
Au demeurant, que peut-on reprocher à
l'homme revêtu d'une blouse proprette,
bien repassée et enserrée dans un élégant
ceinturon? Ne semble-t-il pas plus guille-
ret, plus heureux que l'individu suant et
pestant sous l'étranglement de son lourd
paletot ?
La grande objection suscitée par les ad-
versaires de la blouse, dit la Presse, de
Montréal, est que la vue d'un homme revê-
tu de ce costume ne peut que déplaire à la
femme. Or, a-t-on consulté celle-ci à ce su-
jet? pas le moins du monde. Les grandes
réformes de coslume prennent corps lors-
que la femme s'en mêle et il est permis de
supposer, vraiment, que l'homme en blouse
n'aura droit de cité que lorsque madame y
aura mis son veto.
D'aucuns, dit M. Gaston Prévost, trou-
vent l'innovation grotesque, et prônent un
conservatisme trop effréné pour être vrai
ou bon à quelque chose. Les costumes ont
fort changé d'apparence depuisle quinzième
siècle, chez les diverses races, et cependant
les peuples ne s'en portent pas plus mal.
A New-York, l'homme en blouse est sou-
mis, auprès de ses amis et connaissances, à
des hauts et des bats, tout comme les va-
leurs à la bourse. Tantôt accueilli avec
bienveillance, tantôt repoussé avec froi-
deur et dédain, il se voit tour a tour accla-
mé et honni. D'ailleurs, Oscar, le premier
commis de Waldorf Astorla une sommité
ès-restaurants de là-bas interrogé sur ce
point palpitant, a répondu, incontinent,
qu'un nomme en blouse ne serait servi,
dans un restaurant, que par un domestique
mVODe 1
Il convient, d'ailleurs,d'a jouter qu'il n'en 1
est pas de même partout. Aussi, au Herald
Square Theatre, ordre a été donné de don-
ner les meilleurs sièges aux hommes qui se
présenteraient en blouse. Le gérant Lede-
rer, du Casino, prône maintenant l'homme
en blouse^près l'avoir repoussé. A Chicago,
deux hommes en blouse ont été expulsés
du Lakota café, au Stock exchange.
A Baltimore, quelques gentlemen plus
audacieux que les autres ont endossé la
blouse, mais ne - font pa* trop montre de
leur courage. A Mtnnéapolis, deux fervents
du nouveau costume ont été battus et
expulses d'un café de l'endroit. A Washing
ton,la nouvelle mode se propage lentement,
cependant qu'à Philadelphie on a refusé de
transporter un homme en blouse dans
Pascenseur d'une gare de chemin de fer. A
Boston, on a fait mieux. L'entrée de cer-
tains cafés et restaurants est permise aux
tommes revêtus du nouveau costume.
En vérité, le vous le dis, ces Américains
sont étonnant s!
NOTES LITTÉRAIRES
Les poètes normands au seizième
siècle. Ouvrages grecs et
latins. Littérature exo-
tique.
La réformo do l'orthographe tentée, ou
mieux décrétée par le Ministre de l'Instruc-
tion Publique, M. Loygues, a eu le don de
raviver de vieilles et lointaines polémi-
ques.
- lia question de l'orthographe date de loin,
elle a sa longue histoire ; ce fut elle notam-
ment, à l'époquo de la Renaissance, au
xvr* blôcle, qaUdonna lieu à l'écloslon de la
geut des grammairiens, « race d'hommes
inconnue jusqu'alors en français, > selon la
constatation d'un des meilleurs critiques
modernes.
Point n'est notre dessein de discuter les
réformes ministérielles ; mais des recher-
chas faites sur les mouvements antérieurs
de notre littérature, particulièrement au
temps.de François I r, lefoudateur de notre
olté tiàvralse, nous ont fait rômarquer la
part importante prise par la Normandie à
la grande évolution de la langue,et sa fixa-
tion classique qui devait devenir définitive
avec Malherbe et Corneille.
Le thème es t d'ail leurs d'actuallté,puisque
cette année l'Académie des Sciences, Bel-
les-Lettres et Arts de Rouen proposait,pour
le prix Bouctot. une étude sur les poètes
normands au X Vi• siècle.
D'autre part un des bons amis et collabo-
rateurs du Travailleur Normand, M.
Emile Lu'z, traitait naguère un sujet à peu
près identique dans une remarquable con-
férence donnée à Il Ilô tel-de- Ville de Rouen.
sous les auspices de la Ligue de l'Enseigne-
ment ; l'analyse en a paru dans cas colon-
nes. 11 est donc Inutile d'y revenir.
Ce sont tout bonnement quelques consi-
dérations à côté qui nous ont paru Intéres-
santes et que nous apportons aujourd'hui
en toute simplicité à noi lecteurs.
Vauquelin de la Frestiaye, uu normaud
de Falaise, dans ses Satires, publiées en
1G05, mais composées dans les dernières
années du siècle précédent, se plaignait
déjà du peu de fixité de la languefrauçalse
voici en quels terims il s'exprimait :
Car depuis quarante aus rtôlft quatre on ciuij fols
-- La façon a changé de parlor le français !
C'était aussi l'opinion de Monlaiguo en
1588, et ce fut encore celle émise plus tard
parLa Bruyère,dans 1e premier chapitre do
ses immortels Caractères.
D'ou venait donc ce défaut do stabilité ?
Oh t les causes eu étaient nombreuses: di-
verses intluencea se faisaient sentir à cette
heurte de transition ; Influence affaiblie, il
est vrai, mais néanmoins persistante du
moyan-âge; Influence de la double antiquité
grecque et latine, remise tout-a-coup en
honneur; influence de la réforme i oligieuse
avec ses discussions et les idées nouvelles
qu'elle apportait, inliuence étrangère et
surtout inliuence italienne par l'effet des
expéditions françaises au-delà des Alpes et
do la longue régence d'une reine llorentine
Catherine de Médicis, influences enfin lo-
cales et provinciales des dialectes et des
patois dont le vocabulaire de beaucoup
d'écrivains n'avait su encore se débarras-
sert
Selon ce qu'il a été dit plus haut, les rI,
meurs normands prirent une largo part à
l'évolution et l'on peut aisément retrouver
chez plusieurs d'entre aux celto recherche
exagérée du passé qui fait quo
Leur muse eu n'aurais parle grec ot latin !
Bertaut, l'élève de Ronsard, et le bon La
Fresnaye lul-mêllle,ne sont pas exempts de
ce défaut.
D'autres empruntent à l'Italie nOIl-seule-
ment ses Idées, mais encore so mot lcul if.
les appliquer dans leur vie privée, comme
cet original de Des Yvetcaux; qui s'habillait
en pastor fido avec une houlotto, une pa-
netière au coté et un chapeau do paille
doublé do satin couleur r030 sur la tôte !
L'influence lointaine du moyen-âge per-
siste davantage dans les œuvres des lau-
réate des Pallnods de Rouen et des Pays
divers.
Enfin la Muse Normande, avec sou pit-
toresque argot, de même que certaines
Misonries dleppolses montrent bien l'iu-
tluence demeurée, du patois local, souvent
si drôle et si amusant.
Une chose très curleuso et c'est celle-là
surtout qu'il parait intéressaut do relater,
c'est que le culte de l'antiquité de meme
que celui de l'exotisme, prirent un toi dé-
veloppement dans notre région,qu'ils firent
naitre une foule do poëtes qui n'écrivirent
qu'en grec, latin, italien ou autres langues
etrangeres.
Leurs noms sont peu connus aujourd'hui
c'est pourquoi leur éuiunératlon, bien qu'un
peu sèche et sans doute Incomplète, plaira
peul-être quand même, ne serait-ce que
par la diversité et. lo contraste dC-i origines
des auteurs comme des sujets traités?
Voici par exemple Joan Rouxel, sieur de
Brettevllle, dans la Manche, né en 1530,
probablement à Caen. Ce fut un juriscon-
sulte, un savant professeur d'éloquence,
de philosophie et de droit. Ses ouvrages
poétiques sont en vers latins : l'un deux
« Samos" fut couronné aux Pallnods de
Rouen et gravé en lettres d'or dans le cloî-
tre ou se tenait le Palinod.
Un de ses parents, Tanneguy Baslrc,
sieur du Mesnll, né à Caen, fut également
un poNe latin, et ses poésies ont été pu-
bliées en 1000. Celui-ci fut avocat général
à J", Cour des Comptes deRouen.
Jean Le Hérlcy, de Falaise, composa des
vers latins sur la mort de Barhe Guitfarl,
épouse de Claude Grolliarl, premier prési-
dent du Parlement de Rouen, prince des
Pallnods de cotte ,-ille en 15'.)ù et fondateur
en 1602 du bureau dos pauvres valides
devenu l'Hospice Général.
Un autre Prince des Paltuods, (Guillaume
Malgnard, seigneur de Bcrntércs, né à
Vernon, conseiller à l'Echiquier de Rouen,
en 1499, se distingua aussi par dos poésies
latines.
Le fameux Turnèbe, né aux Audclys en
1512, professeur au collège de Franco et le
maître do H. Estiennc, a, parmi ses nom.
brcux ouvrages, composé des vers latins,
« on lui a attribué notamment, dit Ch. Nt-
« sard. les vers faits à la louange de Poltrot
« de Mérè, l'assasin du duc de Guise ! »
Nicolas Petit, né en I-Im à ncuoan.\e,
aulourd'hul commune do Brémoutler Mer-
val, dans l'arrondissement de Neufcbàtcl,
recteur de la Faculté de Poitiers,publia des
hymnes latins ou laUnes- comme disait
M. Leygues. D'autres de ses poésies en
mémo langue ont été insérées dans les œu-
vres du fameux Boucbet de Poitiers qui, te
PUtèuto Aimé» 800 Le Numéro iclt*f -«nlimè# 'H - Dimanche 16 Septembre 1900-
7. - - ---- - -
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)*p»rUamts UtiUropihM. ii^ 1
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l« et 13de} chaque mol.!---.--,--- -'-
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Annonces la ligrié 0 te. «h
Avis d'inhumation v^UeL–
Réclames. , = m Ir. >»
lédactioD A Adlfioistritioa s'
ROUKN
Quai de Paris, 23
DVRBAVS AU BA vaa
//, Rue de Paris, ti
.,..- 4 .---:&--
lies Abonnements st paient à
F*?anoa et et lont 4 partir de
1* iit 16 de chaque asl..
SEMAINE POLITIQUE
Relations anglo-françaises. Un
Congrès - intéressant– « Qu'im-
porte 1. » Le mieux est
l'ennemi du bien.
Le Congrès tenu à Paris par les
chambres de commerce britanniques,
grâce à l'heureuse initiative de M. Tho-
mM Barclay et de la chambre de com-
merce qu'il préside, a pris fin et les con-
gressistes sont rentrés dans leur pays,
après avoir passé parmi nous quelques
jours pendant lesquels ils auront eugrand
besoin de toute l'énergie de leur race. Il
leur aura fallu, en effet, suffire aux tra-
vaux sérieux qui étaient le but de leur
réunion, tout en prenant part aux récep-
tions et fêtes nombreuses organisées en
leur honneur. -
L'impression qui se dégage des tra-
vaux de ce Congrès et des discours pro-
noncés par les personnalités les plus au-
torisées; anglaises ou françaises, confir-
me l'espoir que nous exprimions l'autre
jour, à savoir que cette fraternisation
entre les représentants les plus distin
gués du monde du commerce des deux
pays contribuera à dissiper bien des ma-
lentendus, à atténuer bien des préjugés.
Les délégués des chambres britanni-
ques, qui avaient hésité, un moment, à
répondre à l'invitation de la chambre
britannique da Paris,se sont rendu comp-
te, dès le premier jour, qu'ils avaient été
mal renseignés sur nos dispositions,
qu'on disait hostiles à leur égard. S'ils ne
s'en tenaient qu'aux apparences extérieu-
res Jes plus froids d'entre eux pourraient
peut-être pouffer,dans leur fort intérieur,
que l'accueil cordial dont ils ont été l'ob-
jet ne doit être attribué qu'aux lois de
l'hospitalité qui nous font un devoir de
faire brillamment les honneurs de chez
nous.
Mais, à cllté des fêtes, les travaux sé-
Héux ont lié pour beaucoup dans les
préoccupations des cobgresslstes; or,sur
ce terrain d'affaires, il n'ait pas douteux
qu'ils n'aient eu t'impression que tons
ceux qui ont à cœur nos intérêts maté-
riels désirent le maintien de bons rap-
ports entre la France et l'Angleterre.
,Nous sommes confirmés dans cette im-
pression par les commentaires que le
Congrès de Paris à suggérés aux jour-
naux anglais. Loin du bruit des fêtes et
des réceptions cordiales, les écrivains
qui ont rédigé les articles auxquels nous
faisons allusion étaient à même d'appré-
cier les choses avec un sang-froid et une
sérénité d'esprit qu'on ne pouvait s'atten-
dre à rencontrer, du moins au même de-
gré, chez les congressistes qu'emportait
le tourbillon parisien.
Et, cependant, l'ensemble de la presse
anglaise a dû reconnaître, sans une note
discordante, que l'accueil fait à Paris aux
représentants "du commerce britannique
est un démenti absolu à la légende qui
commençait à se répandre outre-Manche
et qui prétendait faire de nous, du moins
en ce qui concerne les Anglais, quelque
chose comme des Boxeurs chinois.
Cette légende, du reste, a déjà produit
duit de fâcheux résultats, puisque, ainsi
que le reconnaît le Times lui-même, elle
a détourné beaucoup d'Anglais de venir
visiter l'Exposition.
Mais une chose nous frappe dans l'ar-
ticle du Times, comme dans ceux de nos
confrères britanniques : on nous y fait
le même reproche que, l'autre jour en-
core, nous faisions à la presse d'outre-
Manche. Nous disions–et nous avions de
trop nombreuses raisons pour pouvoir le
dire que certains journaux, chez nos
voisins, étaient responsables, par sdite
de leurs polémiques ardentes et haineu-
ses, du refroidissement que subissait,
d'une manière "trop visible, l'ancienne
cordialité des rapports anglo-français.
Or, il parait que c'est à l'attitude de
notre propre presse qu'il faut attribuer -
ce refoidissement regrettable. Le Times
nous l'assure; cependant, il veut bien re-
connaître qu'on s'était trompé, en Angle-
terre, sur le degré d'importance qu'il
convient d'attribuer à certains organes
nationalistes. Ge serait donc l'histoire de
la paille et de la poutre.
Mais on nous accordera qu'il est pué-
ril, un pareille matière, de discuter sur
le point de savoir c qui a commencé».
t Puisque, de part et d'autre, on est d'arc-
l cOrd pour reconnaître qu'on a eu tort de
i commencer" le tout est de ne pas coati-
1 tmer.
- « Qu'importe 1 » Sous ce titre, qui
en rappelle bien d'autres du même écri-
vain, M. Paul de Cassagnac publiait l'au-
tre matin un nouvel article en faveur de
la thèse qu'il soutient avec passion depuis
trente ans. La France a besoin d'être
sauvée ; il faut uti sauveur à la France ;
- ce sauveur sera « n'importe qui. »
En ce qui le concerne, M. de Cassagnac
préférerait un Napoléon ; mais il ne su-
bordonne pas le se lut de son pays à une
préférence" personnelle : il l'acceptera
avec reconnaissance de la première main
venue. Puisse seulement le sauveur ne
pas - trop se faire - attendre 1 ----
C'est la principalé crainte de M. de
Cassagnac ; car, dit-il, en employant une
comparaison qui sent la pharmacie, « la
maladie est tellement aiguë que le remède
sera peut-être administré trop tard ». Il
est certain que l'opérateur ne met aucun
empressement à satisfaire l'impatience
de M. de Cassaguac.
Nous sommes loin de croire que tout
soit pour le mieux; mais nous nous dé-
fions des sauveurs. Rien n'est plus grave
en effet, que de se tromper sur la qualité
du personnage; on risque de tomber sur
un empirique ou uu charlatan; et alors,
M. de Cassagnac avouera lui-même que,
au lieu de guérir le mal, on risque do
l'aggraver.
A quels signes reconnait-on un sau-
veur 1 M. de Cassagnac a cru, il y a
quelques années; en trouver très distinc-
tement les caractères dans le général
Boulanger : il s'est peut-être aperçu,
depuis, qu'il s'était trompé. Ah 1 si nous
avions aujourd'hui un homme qui eût
fait avec éclat ses preuves de haute,
capacité politique, et qui eût frappé l'i-
magination du pays par la réalité des
services qu'il aurait rendus, nous pour-
rions sans doute nous arranger avec lui,
et d'autant plus facilement qutun tel
homme ne serait pas itn révolutionnaire,
qu'il n'aurait aucun besoin de l'être, qu'il
serait le premier ennemi des coups
d'Etat, et qu'il trouverait dans la légalité
les ressources nécessaires pour accom-
plir son œuvre. N aurait-ii pas le pays
avec lui ?
Mais ce n'est pas là ce que rêve M. de
Cassagnac. Ii attend ce qu'il appelle le
salut de « n'importe qui P, c'est-à dire
d'un incounu qui, ayant un jour attiré
l'attention par un caprice du hasard, se
sentira l'audace des grands avanturiers.
Il n'aura rien fait, mais il promettra tout
et c'est lui que M. de Cassagnac inves-
tira ou plutôt qu'il investit 'dpjà de sa
confiance. Cette confiance va avouglé-
ment « au citoyen généreux, prince ou
particulier, - qui désire tenter l'épreuve ».
D'aucuns réservent la leur a ceux qui
s'en sont déjà montrés dignes. Mais où
sont-ils? M. de Cassagnac renonce lui-
même à nous les désigner parmi les pré-
tendants : en voit-il du moins en dehors
d'eux ? Nullement. Alors, s'il n'en voit
pas, il s'expose à orienter le pays vers le
pur néant.
Le pays est plus sage : il sait que, sui
vaut le proverbe, le mieux,–ou ce qu'on
dit être le mieux,- est l'ennemi du bien;
il ne désespère pas de ce qu'il a : il se
contente d'en poursuivre l'amélioration.
En Chine
On ne sait encore rien de certain en ce
qui concerne la réponse que feront défini.
tivement les diverses puissances aux pro-
Sositions de la Russie. D'après une dépêche
ne Stlinl. Pétersbourg ,que nous ne mention-
nons d'aUleUl'f\ que sous réserves, le gou.
vernement français a donné son adhésion
à la déclaration russe ayant en vue de quit-
ter Pékin et de se replier sur Tien tain Les
deux gouvernements français et russe, sont
pleinement d'accord sur ce point.
Des instructions télégraphiques ont été
adressées de Paria et de Saint-Pétersbourg
respectivement, à NLPicbon et à M.de Giers
enjoignant à ces deux ministres et aux
généraux Frey et, Llnévttch de se concerter
avant de prendre les mesures nécessaires
pour que les représentants et les contin-
gents militaires des deux pays quittent Pè-
gin pour se rendre à Tlentaln aussitôt que
les circonstances le permettront.
Tout semble indiquer que le gouverne-
ment des Etats-Unis imitera l'exemple de
la Russie et de la France. Il en sera proba-
blement de même du Japon.
Le correspondant dêclate savoir d'ailleurs
de bonne source qu'une parfaite entente sur
cette question existe entre les Cabinets de
Berlin et de Salut-Pét ersbounr. Il est
maintenant absolument certain, ajoute-t-ll,
que la Russie ne soulèvera aucune objection
à la continuation 4e l'occupation de Pékin
par I" trompes allemandes; anglaises et
japonaises, jusqu'à la ceucluslon des ntgo-
ciations de paix.
LA RÉPUBLIQUE a L'ARMÉE
.m
Dans le dernier numéro de la Revue
Politique Parlementaire, M. Charmont,
professeur de droit à Montpellier, revient
sur une ancienne question que les polé-
miques et les événements actuels ont
remise à l'ordre du jour : c'est celle de
l'incompatibilité de la République et de
l'armée.
Cette incompatibilité existe-t-elle réel.
lement * Est-on en présence d'une anti-
nomie irréductible 1 Faut-il que ceci fi-
nisse par tuer cela, ou réciproquement ?
Vieille question, ainsi que nous venons
de le dire.
Il a y déjà plusieurs années M. le comte
deMun l'a traitée à la tribune de la
Chambre. Il a essayé de démontrer que
les principes de la démocratie, qui trou-
vent leur expression la plus radicale
dans le régime républicain, étaient en
contradiction absolue avec ceux qui for-
ment la base et le lien des institutions
militaires.
Autorité, discipline, hiérarchie, subor-
dination, autant de mots qui sonnent mal
dans une démocratie et dans une Répu-
blique, où, d'après lui, il est toujours
beaucoup plus question de la revendica-
tion des droits de l'homme que de l'en-
seignement de ses devoirs, où la recher-
che de l'indépendance et du bien-être de
l'individu est l'objet de toutes les pensées,
et où le sacrifice de la personnalité, le
retranchement du sens et de l'intérêt
propres, loin d'être considérés comme
des vertus civiques, passent, à son avis,
pour une sorte d'abjection indigné d'un
homme libre et d'une âme vraiment ré-
publicaine.
M. de Mua poussait à fond cette argu-
mentation paradoxale; pour en arriver à
cette conclusion, sous la forme d'une al-
ternative : ou la République ou l'armée ;
car il y a entre l'une et l'autre une telle
incompatibilité, non pas seulement d'hu-
meur, mais de nature et de principe,que
a vie commune est impossible et que le
divorce doit s'imposer tôt ou tard.
On se refusa à cette option. Les répu-
blioains qui écoutaient M. de Mun pro-
testèrent. Ce n'est pas qu'il n'y eût dans
l'histoire des idées du parti républicain
quelque chose qui vînt à l'appui de la
thèse soutenue par l'orateur monar-
chiste.
On n'avait pas tout-à-fait perdu le sou-
venir des campagnes faites contre les
armées permanentes au nom des princi-
pes démocratiques et républicains. Mais
de grands, de douloureux événements,
survenus depuis, avaient apporté avec
eux de cruels enseignements que l'on n'a-
vait pas encore oubliés.
Et la République française voulait
avoir une armée, parce que c'était pour
la France une question de vie ou de mort
d'en avoir une, et, au surplus, que cette
armée fût démocratique ou non, que les
principes de son organisation fussent
plus ou moins conformes à ceux de notre
établissement politique, ce n'était pas là
une objection à laquelle on consentit à
s'arrêter..
Il fattait, avant tout, que cette armée
fut forte, capable de garder nos frontiè-
res, de faire respecter le territoire,l'hon-
neur et le drapeau de la France. C'était
là toute la question, en dépit des doctri-
naires, des théoriciens et des logiciens.
Quelques année. se sont écoulées, et,
à la suite de certains épisodes sur les-
quels il est inutile de revenir, le thème
de M. de Mun a été repris, mais dans un
camp tout opposé, et l'on s'est plu à affir-
mer encor une fois que l'armée et la dé-
mocratie ne pouvaient aller ensemble.
On a proposé le même dilemme, on a
prétendu imposer la même option : ou
l'armée ou la République. Mais cette fois,
c'était l'armée qu'il fallait sacrifier.
Ainsi les opinions extrêmes se rejoi-
gnaient dans les prémisses, sinon dans
la conclusion. Un certain nombre de
violents, de sectaires, ont voulu donner
raison à M. de Mon. lisse sont approprié
sa thèse qui, au fond, était aussi la leur.
Ils ont dit, eux aussi : « Il faut choisir, et
notre choix est fait. 9
Là-dessus s'est formée une opinion
intermédiaire qui repousse également la
conclusion de M. de Mun et celle des
anti-militaristes d'extrême-gauche. Aussi,
nMt qu'il y ait une incompatibilité es-
sentielle entre l'armée et la démocratie,
d'autant plus qu'il est manifestement
Impossible que notre démocratie se passe
d'une armée, elle constate qu'il y a
a tout de même quelque chose de diffici-
lement conciliable entre l'armée telle
qu'elle est actuellement et l'esprit, les
mœurs démocratiques.
Le problème actuel se réduirait donc
à démocratiser l'armée pour la mettre
complètement d'accord avec les institu-
tions politiques. De là sorte l'antinomie,
si antinomie il y a, serait presque com-
plètement résolue- et notre patriotisme
ferait le reste.
Ce que nous voulons c'est une armée
forto, disciplinée prête à tous ses de-
voirs et, ces conditions remplies nous
lui pardonnerons si elle n'est pas l'image
tout-à-fait fidèle de nos politiciens.
Tel est notre sentiment. C'est aussi ce-
lui des masses populaires et démocrati-
ques qui aiment l'armée sans aucune
arrière-pensée.
A tort et à travers
LA PROVINCE
La province qu'on aime d'autant plus
qu'on la connaît mieux a ceci, en autres
choses, de charmant : elle retarde. Euten-
dons-noUs: elle n'est ni rôtograde ni imbé-
cile: Dieu me préserve d'en médire, Je l'ai-
me {rop, et les Parisiens eux-mêmes, ceux
qui ont l'esprit, ne se moquent jamais
me out l'eapdt, no se moquent jamais
de la province; ils en viennent, et Ils y
retournent très volontiers.
Les grandes villes, à l'instar de Paris, ne
sont plus des villes de province : ce sont de
petites capitales, Les petites villes, les chefs
lieux de oaaton, les bourgs, les villages,
voila seulement la province véritable et
pttre. Tandis que les grandes villes, Paris
surtout, courent a ra voitir.aiL.citai)gamaiii«<
oursi^rowvoulejs, au pr t firavluce
fidèle et conservatrice - il n'est pas ques-
tion loi dé politique - garde pieusement
le ciilte du passé, la religion et l'empreinte
des souvenirs : elle tient encore a l'ancien
temps et aux vieilles choses, aux vleUt.
mœurs, aux vieux usages, aux vieux cos-
tumes. aux vieilles maisons.
J'su avals la preuve, une fois de plus ces
jours derniers en regardant de vieilles
statues ou de vieilles inscriptions qui me
sont depuis longtemps familières. Cotait la
coutume autrefois chez nous, que toute
maison à l'angle d'une rue avait une niche
et un salut. Les plaques municipales moder-
nes, avec les noms de parrains plus ou
moins étrangers n'étalent pas encore in voû-
tées ; les rues étaient bonnement baptisées
do noms locaux que chacun pouvait com-
pmodre. Le saint, dans sa niche, saint
Vincent, patron des Vignerons, avec une
grappe de raisin ; saint Fiacre, patron des
Jardiniers, avec un bouquet ; saint Roch,
qui guérissait déjà de la rage, avec son
chien ; saint Nicolas, avec les trois enfants
du miracle dans leur baquet (vous savez
l'histoire), etc, otc., le bon saint, dis-je,quel
qu'il fût, servait à la fol de parrain et d'in-
dicateur.
Il était très vieux le plus souvent et il
n'était pas toujours entier ; on le rafistolait
tant bien que mal quand il avait trop d'ava-
ries et on lui donnait un coup de pinceau,
à safôtft, pour le rajeunir. Les annonces
du meilleur des chocolats ou du plus sou-
verain des apéritifs n'ont pas détrôné par-
tout ces vieilles Images.
C'était aussi la coutume d'écrire ou de
graver des Inscriptions au-dessus des por-
es. En volet une, par exemple, que j'ai
relevé sur le rortall de la très ancienne
église de Saint-Vorle, à Chàtillon-sur-Sel-
ne. Presque tout le monde sait assez de
latin pour comprendre et pour traduire ce
latin-là :
Qui soelcrum sentis orans te fasce gravari
Hic vëniœ certus necesse est fundere plancha
Quœque parit mortum post hœc adtente ruinai
J'ai peur quecertus ne soit un solécisme,
mais peu importe. Les maisons particuliè-
res elles-mêmes avalent leur devise. Sur la
façade d'une très vieille et charmante mai-
son en bois, j'ai lu ceci : « Mieux vaut peu
avec justice, que gros revenu sans équité."
Un peu plus loin, dans la même rue, «e lit
en latin cet excellent conseil : Ardere pa-
rum, %v/cere vanum, Ardere et Lucere
et.rectum. Je n'en finirais pas si je vou-
lais tout vous énumérer.
Nos bons aïeux étalent moraux, lettrés et
pratiques, comme vous voyez. Sommes-
nous bien S'drs de valoir mieux qu'Us n'ont
valu, de faire mieux qu'ils n'ont fait et de
ne pas avoir perdu, au fil du siècle qui va
finir, quelques-unes de leurs qualités ?
La province, pour en le venir à elle,a ceci
de très bon qu'elle nous entretient, à cha-
que pas, de nos ascendants et les ressuscite
dans notre mémoire. Il n'est pas mauvais
de nous confronter avec eux sans amour-
propre, de les évoquer, de les invoquer à
l'occasion, de les regarder sans mépris et
de léur dire, a notre tour, sans faux orgueil
et sans fausse modestie: « Regardez-nous h
Les hommes passent et changent, disaient
les anciens, comme les feuilles des arbres.
L'arbre lui-même change peu ou, du moins,
il dure et il plonge ses racines dans le sol
natal. - -
La bonne province nous donne l'idée pré-
cise et concrète de cet arbre séculaire dont
les générations successives sont le feuillage
détruit ou renouvelé parles saisons. Elle
représente, elle symbolise, mieux que Pa-
rla et les grandes villes, la fi*lté, la tradi-
tion, 'es caractères impérissables de la race
et du pays ; elle nous attache plus forte-
ment, par un lien sacré, à ce qui demeure,
en nous donnant le dédain de ce qui passe ;
elle contribue, je crois, à nous faire des
esprits plus solides, des &mes plus fidèles et
plus résistantes ? elle nous égaye suret ou
elle nous attriste maternellement par ces
¡ images du passé qui sont la meilleure dea
leçons d'histoire et le plus simple des cours
de philosophie.
Ne dites pas que je rêve. Vous avez,
comme mol, rêvé sur ces choses et vous
avez fait les mêmes réflexions. VoUt. pour-
quoi une promenade, le nez en l'air et les
yeux à l'aadt, dans une petite localité pro-
vinciale n'est jamais sans agrément et sans
proflt. -
Mais combien de Français connaissent la
France, qui est pourtant si jolie, et s'amu-
sent à la regarder ! La mode n'en est pas
encore venue ; mais, comme, si elle venait,
11 y aurait tout do suite des gens pour la
rendre rlcloule. il ne faut peut-être pas
souhaiter de la voir venir.
S.
Inconnu J !
Vllllers de L'I..Jle-Adam prétendait, on le
sait, descendre du dernier grand-maître
des chevaliers de Malte. Il comptait sur ce
titre, autant que sur sa gloire littéraire,
pour arriver à la fortune. Vingt fois il né-
gocia de superbes mariages : mats, au der-
nier moment, un sentiment de flqrté le fai-
sait toujours reculer devant la mésalliance.
C'est ainsi qu'il reuonça à la main d'une
très riolie héritière, lorsqu'il n'avait point
hésité, pour lui platre, à faire arracher
toutes ses dents, qu'il avait mauvaises, et
à les remplacer par un râtelier d'une écla-
tante blancheur. -
11 n'aurait tenu qu à lut de sortir de la
misère, son prestige sur les femmes étant
Indéniable; comme on signalait à l'une d'el-
les sa propreté douteuse : « C'est vrai, dit-
elle : mais il est un de ces hommes qui peu-
veat être sales sans qu'on s'en aperçoive. »
Et, alors qu'on montrait à une autre son
linge défraîchi, elle se contenta de répon-
dre : « Oui, mais 11 le porte si bien 1 ».
Ce dédain de la propreté vulgaire n'em-
pêchait point Vllllers de soigner sa tenue.
Un jour que des amis devaient,sur sa prière
e présenter a la OIJur Impériale et deman-
der pour lut une ambassade, ils le vinrent
prendre chez lui et le troùvèrent couvert
de paplllottes, frise comme un mouton ou
un marié de vaudeville; ils employèrent
trois quarts d'heure à le débarrasser de ce
luxe malencontreux. Viiiiers fut goûté à la
Cour; 11 plut tout particulièrement à la
princesse de Metternloh; mais 11 n'eut point
son ambassade.
Il aimait les brillants costumes, et sur-
tout les décorations. Sans parler de celle de
Malte, il s'attribuait volontiers toutes les
autres ot se chamarrait, à l'oocasion, de
plaques et de grand'croix. Le matin du
mariage de Catulle Mondés et de Judith
uthîer, dont il était le témoin av eo Le.
cTOlu de1 Liste, il monta chez oelui-el et,
entr'ouvrant son pardessus : « Regardez »
fit-il. Et il désigna, d'un geste large. une
si étonnante broohette.qile l'auteur de/Caïn
s'écria effaré : « Malheureux 1 vous avez
l'air d'une vitrine; »
Li jour vint où l'auteur de L'Eue friture
las des décorations fictives, voulut en pos-
séder une vrate. Il couvrit de ses titres
quatres pages colombier et sollicita. les
palmes académiques. Il y avait alors vingt
trois ans qu'il s'adonnait aux lettres. Le
bureau de l'Instruction publique écrivit
simplement, en marge de la demande:
Inconnul.
UNE NOUVELLE HODE
Décidément, les Américains détiondrout
éternellement le record de l'originalité.
Eu effet, un journal de Montréal nous ap-
prend qu'un « homme on blouse » qui a fait
son apparition aux Etats-Unis vient de sus-
citer une véritable révolution. do la
mode, s'entend.
Ce qu'il y a d'étrange, écrit une femme
américaine, c'est que ce sont les hommes
et non les femmes qui combattent cette
innovation.
Au demeurant, que peut-on reprocher à
l'homme revêtu d'une blouse proprette,
bien repassée et enserrée dans un élégant
ceinturon? Ne semble-t-il pas plus guille-
ret, plus heureux que l'individu suant et
pestant sous l'étranglement de son lourd
paletot ?
La grande objection suscitée par les ad-
versaires de la blouse, dit la Presse, de
Montréal, est que la vue d'un homme revê-
tu de ce costume ne peut que déplaire à la
femme. Or, a-t-on consulté celle-ci à ce su-
jet? pas le moins du monde. Les grandes
réformes de coslume prennent corps lors-
que la femme s'en mêle et il est permis de
supposer, vraiment, que l'homme en blouse
n'aura droit de cité que lorsque madame y
aura mis son veto.
D'aucuns, dit M. Gaston Prévost, trou-
vent l'innovation grotesque, et prônent un
conservatisme trop effréné pour être vrai
ou bon à quelque chose. Les costumes ont
fort changé d'apparence depuisle quinzième
siècle, chez les diverses races, et cependant
les peuples ne s'en portent pas plus mal.
A New-York, l'homme en blouse est sou-
mis, auprès de ses amis et connaissances, à
des hauts et des bats, tout comme les va-
leurs à la bourse. Tantôt accueilli avec
bienveillance, tantôt repoussé avec froi-
deur et dédain, il se voit tour a tour accla-
mé et honni. D'ailleurs, Oscar, le premier
commis de Waldorf Astorla une sommité
ès-restaurants de là-bas interrogé sur ce
point palpitant, a répondu, incontinent,
qu'un nomme en blouse ne serait servi,
dans un restaurant, que par un domestique
mVODe 1
Il convient, d'ailleurs,d'a jouter qu'il n'en 1
est pas de même partout. Aussi, au Herald
Square Theatre, ordre a été donné de don-
ner les meilleurs sièges aux hommes qui se
présenteraient en blouse. Le gérant Lede-
rer, du Casino, prône maintenant l'homme
en blouse^près l'avoir repoussé. A Chicago,
deux hommes en blouse ont été expulsés
du Lakota café, au Stock exchange.
A Baltimore, quelques gentlemen plus
audacieux que les autres ont endossé la
blouse, mais ne - font pa* trop montre de
leur courage. A Mtnnéapolis, deux fervents
du nouveau costume ont été battus et
expulses d'un café de l'endroit. A Washing
ton,la nouvelle mode se propage lentement,
cependant qu'à Philadelphie on a refusé de
transporter un homme en blouse dans
Pascenseur d'une gare de chemin de fer. A
Boston, on a fait mieux. L'entrée de cer-
tains cafés et restaurants est permise aux
tommes revêtus du nouveau costume.
En vérité, le vous le dis, ces Américains
sont étonnant s!
NOTES LITTÉRAIRES
Les poètes normands au seizième
siècle. Ouvrages grecs et
latins. Littérature exo-
tique.
La réformo do l'orthographe tentée, ou
mieux décrétée par le Ministre de l'Instruc-
tion Publique, M. Loygues, a eu le don de
raviver de vieilles et lointaines polémi-
ques.
- lia question de l'orthographe date de loin,
elle a sa longue histoire ; ce fut elle notam-
ment, à l'époquo de la Renaissance, au
xvr* blôcle, qaUdonna lieu à l'écloslon de la
geut des grammairiens, « race d'hommes
inconnue jusqu'alors en français, > selon la
constatation d'un des meilleurs critiques
modernes.
Point n'est notre dessein de discuter les
réformes ministérielles ; mais des recher-
chas faites sur les mouvements antérieurs
de notre littérature, particulièrement au
temps.de François I r, lefoudateur de notre
olté tiàvralse, nous ont fait rômarquer la
part importante prise par la Normandie à
la grande évolution de la langue,et sa fixa-
tion classique qui devait devenir définitive
avec Malherbe et Corneille.
Le thème es t d'ail leurs d'actuallté,puisque
cette année l'Académie des Sciences, Bel-
les-Lettres et Arts de Rouen proposait,pour
le prix Bouctot. une étude sur les poètes
normands au X Vi• siècle.
D'autre part un des bons amis et collabo-
rateurs du Travailleur Normand, M.
Emile Lu'z, traitait naguère un sujet à peu
près identique dans une remarquable con-
férence donnée à Il Ilô tel-de- Ville de Rouen.
sous les auspices de la Ligue de l'Enseigne-
ment ; l'analyse en a paru dans cas colon-
nes. 11 est donc Inutile d'y revenir.
Ce sont tout bonnement quelques consi-
dérations à côté qui nous ont paru Intéres-
santes et que nous apportons aujourd'hui
en toute simplicité à noi lecteurs.
Vauquelin de la Frestiaye, uu normaud
de Falaise, dans ses Satires, publiées en
1G05, mais composées dans les dernières
années du siècle précédent, se plaignait
déjà du peu de fixité de la languefrauçalse
voici en quels terims il s'exprimait :
Car depuis quarante aus rtôlft quatre on ciuij fols
-- La façon a changé de parlor le français !
C'était aussi l'opinion de Monlaiguo en
1588, et ce fut encore celle émise plus tard
parLa Bruyère,dans 1e premier chapitre do
ses immortels Caractères.
D'ou venait donc ce défaut do stabilité ?
Oh t les causes eu étaient nombreuses: di-
verses intluencea se faisaient sentir à cette
heurte de transition ; Influence affaiblie, il
est vrai, mais néanmoins persistante du
moyan-âge; Influence de la double antiquité
grecque et latine, remise tout-a-coup en
honneur; influence de la réforme i oligieuse
avec ses discussions et les idées nouvelles
qu'elle apportait, inliuence étrangère et
surtout inliuence italienne par l'effet des
expéditions françaises au-delà des Alpes et
do la longue régence d'une reine llorentine
Catherine de Médicis, influences enfin lo-
cales et provinciales des dialectes et des
patois dont le vocabulaire de beaucoup
d'écrivains n'avait su encore se débarras-
sert
Selon ce qu'il a été dit plus haut, les rI,
meurs normands prirent une largo part à
l'évolution et l'on peut aisément retrouver
chez plusieurs d'entre aux celto recherche
exagérée du passé qui fait quo
Leur muse eu n'aurais parle grec ot latin !
Bertaut, l'élève de Ronsard, et le bon La
Fresnaye lul-mêllle,ne sont pas exempts de
ce défaut.
D'autres empruntent à l'Italie nOIl-seule-
ment ses Idées, mais encore so mot lcul if.
les appliquer dans leur vie privée, comme
cet original de Des Yvetcaux; qui s'habillait
en pastor fido avec une houlotto, une pa-
netière au coté et un chapeau do paille
doublé do satin couleur r030 sur la tôte !
L'influence lointaine du moyen-âge per-
siste davantage dans les œuvres des lau-
réate des Pallnods de Rouen et des Pays
divers.
Enfin la Muse Normande, avec sou pit-
toresque argot, de même que certaines
Misonries dleppolses montrent bien l'iu-
tluence demeurée, du patois local, souvent
si drôle et si amusant.
Une chose très curleuso et c'est celle-là
surtout qu'il parait intéressaut do relater,
c'est que le culte de l'antiquité de meme
que celui de l'exotisme, prirent un toi dé-
veloppement dans notre région,qu'ils firent
naitre une foule do poëtes qui n'écrivirent
qu'en grec, latin, italien ou autres langues
etrangeres.
Leurs noms sont peu connus aujourd'hui
c'est pourquoi leur éuiunératlon, bien qu'un
peu sèche et sans doute Incomplète, plaira
peul-être quand même, ne serait-ce que
par la diversité et. lo contraste dC-i origines
des auteurs comme des sujets traités?
Voici par exemple Joan Rouxel, sieur de
Brettevllle, dans la Manche, né en 1530,
probablement à Caen. Ce fut un juriscon-
sulte, un savant professeur d'éloquence,
de philosophie et de droit. Ses ouvrages
poétiques sont en vers latins : l'un deux
« Samos" fut couronné aux Pallnods de
Rouen et gravé en lettres d'or dans le cloî-
tre ou se tenait le Palinod.
Un de ses parents, Tanneguy Baslrc,
sieur du Mesnll, né à Caen, fut également
un poNe latin, et ses poésies ont été pu-
bliées en 1000. Celui-ci fut avocat général
à J", Cour des Comptes deRouen.
Jean Le Hérlcy, de Falaise, composa des
vers latins sur la mort de Barhe Guitfarl,
épouse de Claude Grolliarl, premier prési-
dent du Parlement de Rouen, prince des
Pallnods de cotte ,-ille en 15'.)ù et fondateur
en 1602 du bureau dos pauvres valides
devenu l'Hospice Général.
Un autre Prince des Paltuods, (Guillaume
Malgnard, seigneur de Bcrntércs, né à
Vernon, conseiller à l'Echiquier de Rouen,
en 1499, se distingua aussi par dos poésies
latines.
Le fameux Turnèbe, né aux Audclys en
1512, professeur au collège de Franco et le
maître do H. Estiennc, a, parmi ses nom.
brcux ouvrages, composé des vers latins,
« on lui a attribué notamment, dit Ch. Nt-
« sard. les vers faits à la louange de Poltrot
« de Mérè, l'assasin du duc de Guise ! »
Nicolas Petit, né en I-Im à ncuoan.\e,
aulourd'hul commune do Brémoutler Mer-
val, dans l'arrondissement de Neufcbàtcl,
recteur de la Faculté de Poitiers,publia des
hymnes latins ou laUnes- comme disait
M. Leygues. D'autres de ses poésies en
mémo langue ont été insérées dans les œu-
vres du fameux Boucbet de Poitiers qui, te
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