Titre : Recueil des publications de la Société havraise d'études diverses
Auteur : Société havraise d'études diverses. Auteur du texte
Éditeur : Impr. Lepelletier (Hâvre)
Éditeur : Société havraise d'études diversesSociété havraise d'études diverses (Le Havre)
Date d'édition : 1918-07-01
Contributeur : Michaud, Charles (secrétaire de la Société havraise d'études diverses). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32849663k
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 37174 Nombre total de vues : 37174
Description : 01 juillet 1918 01 juillet 1918
Description : 1918/07/01 (A85)-1918/09/30. 1918/07/01 (A85)-1918/09/30.
Description : Collection numérique : Fonds régional :... Collection numérique : Fonds régional : Haute-Normandie
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k58082641
Source : Bibliothèque nationale de France, département Collections numérisées, 2008-157961
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 02/01/2012
— 273 -
Il était sceptique et voltairien, bien qu'il n'eût jamais lu
Voltaire à qui il ressemblait comme un frère. Il ne touchait
point le fer à l'approche des curés, mais à tout propos il disait
d'eux :
— Ces sacrés cu-esses !
Il était toujours en opposition avec tout le monde; il avait
chaud quand les autres avaient froid, froid quand ils avaient
chaud. Il avait l'habitude d'appeler ses interlocuteurs : « Mon
bon ami », et d'abuser du vieux mot boutons, pour mettons,
admettons, de sorte qu'on ne le nommait jamais par son nom,
mais : Mon bon ami ou Le pé Boutons.
Étant fermier, dès qu'il rentrait chez lui, il avait son fusil
dans les mains. Car il était chasseur, — sans permis, comme
beaucoup d'autres — et le braconnage qu'il avait pratiqué très
jeune resta toute sa vie plein d'attraits pour lui. Aussi ses
celliers étaient-ils remplis de pièges, d'appeaux et de filets dis-
simulés derrière les fûts. A la suite d'une, dénonciation, il lui
arriva de recevoir la visite des gendarmes; mais ceux-ci
mirent — je pense — une certaine bonne volonté à ne rien
trouver.
Son fusil n'était pas seulement redoutable au gibier. Il en
menaça un jour une vieille femme qu'il soupçonnait de mau-
vaises intentions et qu'il aperçut grimpée sur le fossé de sa
cour. Ses vaches, à ce moment, lorsqu'elles étaient libres, se
dirigeaient sans cesse vers l'angle d'un bâtiment de la ferme
qu'elles léchaient avidement. Ce qui les attirait n'était sans
doute que le salpêtre des vieux murs, dont les oiseaux et les
pigeons particulièrement sont très friands. Mais mon grand-
père croyait plutôt à un maléfice ou à une drogue répandue
dans l'intention de lui nuire. Des gens, selon lui, jetaient sou-
vent sur les pâturages une poudre qui se mêlait à l'herbe,
dénaturait le lait, lui donnait une teinte bleue, le décomposait
et produisait presque instantanément des vers. Or, il ne subit
jamais ce dommage, grâce, croyait-il, au caractère résolu
qu'on lui connaissait.
La ferme qu'il exploitait ne lui eût pas valu le titre de bordier
au moyen âge, car il faisait labourer et ensemencer sa terre par
un voisin. Il n'en avait pas moins dans sa cour tous les bâti-
Il était sceptique et voltairien, bien qu'il n'eût jamais lu
Voltaire à qui il ressemblait comme un frère. Il ne touchait
point le fer à l'approche des curés, mais à tout propos il disait
d'eux :
— Ces sacrés cu-esses !
Il était toujours en opposition avec tout le monde; il avait
chaud quand les autres avaient froid, froid quand ils avaient
chaud. Il avait l'habitude d'appeler ses interlocuteurs : « Mon
bon ami », et d'abuser du vieux mot boutons, pour mettons,
admettons, de sorte qu'on ne le nommait jamais par son nom,
mais : Mon bon ami ou Le pé Boutons.
Étant fermier, dès qu'il rentrait chez lui, il avait son fusil
dans les mains. Car il était chasseur, — sans permis, comme
beaucoup d'autres — et le braconnage qu'il avait pratiqué très
jeune resta toute sa vie plein d'attraits pour lui. Aussi ses
celliers étaient-ils remplis de pièges, d'appeaux et de filets dis-
simulés derrière les fûts. A la suite d'une, dénonciation, il lui
arriva de recevoir la visite des gendarmes; mais ceux-ci
mirent — je pense — une certaine bonne volonté à ne rien
trouver.
Son fusil n'était pas seulement redoutable au gibier. Il en
menaça un jour une vieille femme qu'il soupçonnait de mau-
vaises intentions et qu'il aperçut grimpée sur le fossé de sa
cour. Ses vaches, à ce moment, lorsqu'elles étaient libres, se
dirigeaient sans cesse vers l'angle d'un bâtiment de la ferme
qu'elles léchaient avidement. Ce qui les attirait n'était sans
doute que le salpêtre des vieux murs, dont les oiseaux et les
pigeons particulièrement sont très friands. Mais mon grand-
père croyait plutôt à un maléfice ou à une drogue répandue
dans l'intention de lui nuire. Des gens, selon lui, jetaient sou-
vent sur les pâturages une poudre qui se mêlait à l'herbe,
dénaturait le lait, lui donnait une teinte bleue, le décomposait
et produisait presque instantanément des vers. Or, il ne subit
jamais ce dommage, grâce, croyait-il, au caractère résolu
qu'on lui connaissait.
La ferme qu'il exploitait ne lui eût pas valu le titre de bordier
au moyen âge, car il faisait labourer et ensemencer sa terre par
un voisin. Il n'en avait pas moins dans sa cour tous les bâti-
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