Une huche à pain servait de décharge et conservait le pain de la dernière fournée cuite à la ferme.
Sur une planchette, près de la table, se trouvaient quelques livres pratiques (sur l'agriculture, les travaux de la ferme, les premiers soins à donner aux animaux domestiques), plus, invariablement, l'almanach de l'année, Mathieu Lensberg, et le calendrier des Postes (1).
Sur les murs, quelques images d'Épinal : La Vie d'un Joueur; des batailles, Le Vengeur; des chansons, M. de Crac, M. de La Palisse, Malbrough, Cadet-Rousselle; de nombreuses lithogra- phies coloriées, encadrées de noir et mises sous verre, qui pro- venaient de l'assemblée et portaient les prénoms des filles du fermier; toujours un portrait de l'Empereur et du prince de Joinville; plus tard, le portrait du président de la République, qui devint Napoléon III ; souvent une ou plusieurs guirlandes ou colliers d'oeufs, de toutes dimensions et de toutes couleurs, dénichés par les enfants.
Le sol, de terre battue, ne fut carrelé que bien longtemps après.
Les anciens coffres de mariage en chêne patiné par les ans, aux panneaux gothiques finement taillés, qui parfois repré- sentaient des scènes de l'Ancien et du Nouveau Testament, n'occupaient plus de mon temps la place qui leur avait jadis été assignée dans la maison. Ils étaient relégués dans les écuries et servaient de coffres à avoine.
Les jolis petits meubles, chiffonniers ou bonnetières (sortes de crédences à quatre pieds), avaient également disparu de nos intérieurs. Presque tous se trouvaient déjà chez les marchands d'antiquités qui, après les avoir truqués (ou même fabriqués de toute pièce), les revendaient aux bourgeois et aux musées.
(1) Chez mes parents, nous lisions, étant enfants, Robinson Crusoë, L'Histoire véritable du Grand Gargantua, Les Secrets d'Albert Le Grand,Gil-Blas. — Mo- lière nous vint plus tard, avec un Voyage autour du Monde de George Anson et une Histoire de la Révolution Française de A. Laponneraye. — Je me rappelle que Camille Maze nous prêta un Scarron contenant L'Enéïde travestie et Le Roman romique. Quant à notre vieil ami Florentin Hamel, il me donna une comédie de Boursault, Les Fables d'Esope, ou Esope à la Ville (édition de 1690), que j'ai toujours conservée religieusement.
Ces livres étaient si souvent lus et relus que nous les savions presque par coeur, et il en était de même dans toutes les familles.
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