Le rôle de Beaumarchais au Havre pendant toute la durée de la guerre nous échappe. Il dut certainement rester en relations suivies avec ses correspondants, ne serait-ce que pour l'apure- ment de leurs comptes, mais on ne peut à ce propos hasarder que des conjectures. Peut-être des recherches subséquentes permettront-elles de le préciser.
Comme armateur havrais, on ne le retrouve plus qu'une fois. La défaite de la Dominique, le 12 avril 1782 (1), avait péniblement retenti en France; le vaisseau-amiral et quatre autres bâtiments, entourés par des forces supérieures, avaient amené leur pavillon. Blessure d'amour-propre, perte sérieuse, mais sans autre conséquence puisque l'ennemi n'avait su en tirer parti. Néanmoins l'esprit public en avait été vivement affecté. C'était la première défaite, et ce fut la seule, subie pen- dant la guerre par la marine royale. Un puissant mouvement d'enthousiasme souleva toutes les classes sociales; des sous- criptions s'ouvrirent pour remplacer nos vaisseaux perdus.
Beaumarchais ne resta pas étranger à cette manifestation patriotique. Dans tous les ports où il avait des correspondants, il s'inscrivit sur les listes de dons. Le 2 mai 1782, il écrivait aux Représentants du commerce du Havre : « Tous les sujets du » roi doivent s'unir pour réparer les pertes de la France dans » les dernières guerres maritimes. » Il proposait de convier nos concitoyens à se concerter afin d'offrir au roi un navire portant le nom de Ville-du-Havre, et envoyait, dans ce but, 100 louis par les mains d'Eyriès, Le Couvreur et Cie, ses consi- gnataires (2).
Il est à craindre que l'appel de Beaumarchais n'ait pas eu l'écho qu'il en attendait; on ne trouve nulle part, en effet, un indice qu'il ait été entendu.
L'oeuvre politique de Beaumarchais prenait fin avec cette guerre qu'il avait tant contribué à préparer. S'il avait été à la peine, il ne devait être que bien tardivement à l'honneur; les embarras financiers commençaient pour lui et il allait s'y
(1) Ce même jour, presque aux antipodes, Suffren obtenait un avantage marqué sur l'amiral Hughes, le long des cotes de Ceylan.
(2) Ch. VESQUE. — Histoire des Théâtres du Havre, p. 31 — Beaumarchais fit la même offre à Bordeaux.
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