lutte prochaine, une violation aussi audacieuse de la neutralité officielle eut certainement créé un incident et peut-être con- duit le gouvernement anglais à chercher de l'autre côté de la Manche une compensation à ses déboires. Et cela il fallait l'évi- ter à tout prix.
Beaumarchais semble avoir particulièrement opéré sous la raison sociale Roderigue, Hortalez et Ce, mais cette maison, peut- être fictive, ne fonctionna pas au Havre, où son nom n'apparaît dans aucun document. Cette absence indique bien qu'afin de mieux déguiser l'origine véritable de ses expéditions il adopta, dans chacun des ports d'où il les fit partir, une déno- mination différente.
D'après Henri Martin, d'autres maisons de commerce furent également subventionnées dans le même but, et l'on fit passer des secours directs au Congrès par l'intermédiaire d'un nommé Montaudoin (1). En même temps, un ancien officier, Bonvouloir, sous le couvert d'une entreprise commerciale, allait en Amérique se rendre compte des forces des insurgents et se mettre en relation avec leur Comité de correspon- dance (2).
N'y avait-il pas eu déjà des armements à cet effet? Il est diffi- cile de se prononcer, tellement les documents sont rares et d'une interprétation incertaine. Il existe, à la date du 14 février 1776, une cession d'un navire, le Jeune-Tyrien, de 185 tonneaux, par Délaye frères, représentant au Havre Thomas Fulton, comte de Clouard, de Paris, qui pourrait bien être dans ce cas (3). Ceci n'est cependant qu'une hypothèse basée sur le nom de l'acheteur. Elle paraît soutenable parce qu'on trouve, le 28 juillet suivant, le départ pour la Côte d'Or du navire le Juste, de 180 tonneaux, capitaine Délaye, armé par Eyriès, Le Couvreur et Cie.
Le bâtiment fut condamné à la Martinique. Beaumarchais était-il étranger à cet armement entrepris par la maison qui 6era au Havre sa correspondante officielle? Le fait que le navire ne portait plus le nom sous lequel il avait été acheté est secondaire, ces changements de désignation étant fréquents.
(1) Henri MARTIN, t. XVI. 4e édition. (2) Histoire de France, de LA VISSE (Louis XVI).
(3) Tribunal de commerce. — Registre des insinuations de l'Amirauté pour I775- 1778.
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