Flaubert n'eût-il pas été bien inspiré si dans Salammbô, pein- ture de la vie carthaginoise, il eût fait apparaître quelques personnages aux sentiments un peu élevés, bafouant Tanît à l'occasion, gémissant des crucifîments d'esclaves et des hor- reurs du culte de Moloch? N'eût-il pas été ainsi plus près de la vérité réelle et complète? D'aucuns, à son époque, eussent peut-être trouvé cela peu scientifique, tant avait de force, il y a quelque cinquante ans, la vague des conceptions naturalistes, qui paraissait devoir tout submerger. Mais les traditions et croyances du Phédon,le spiritualisme, que d'aucuns croyaient avoir mis dans un cercueil de pourpre ou même de plomb, ne s'imposent-ils pas de nos jours, avec plus de force que jamais, à nos consciences, un moment troublées?
M. Loisy ne fera jamais admettre aux penseurs que les idées religieuses aient pu naître des rites, quand il est avéré que les rites étant le fait de l'homme, sont une conséquence plus ou moins heureuse du sentiment religieux lui-même, bien anté- rieur à tous les cippes et autels dont il nous donne, d'ailleurs, les plus savantes descriptions.
Si nous nous en référons à ses Mystères païens, des monu- ments découverts en assez grand nombre, parmi les ruines assy- riennes, tendraient à faire admettre qu'un certain Abram apprit aux hommes de son temps à substituer un chevreau aux victimes humaines. Est-ce que ce sacrifice, qui pourrait bien avoir quelque parenté avec celui d'Abraham, ne procède pas d'une idée religieuse bien antérieure au rite ou au sacrifice lui-même? Et à notre époque, n'entend-on point de tous les côtés de l'horizon intellectuel, le frémissement des consciences les plus diverses, clamant l'existence d'un Principe supérieur, en l'absence duquel l'esprit humain erre à la dérive comme un navire sans boussole, que ne guide même plus un ciel étoile?
Matière éternelle, nous disent Epicure et Lucrèce, comme autrefois Shahabarïm, qui agrémentait sa doctrine de quel- ques fantaisies cultuelles, visibles altérations des souvenirs bibliques. Qui ne voit, hélas ! que cette interprétation des origines, aboutit à un désolant « Struggle for life » où triom-
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