descriptions des édifices et des temples, avec leurs dômes constellés d'or, la vie si active des marchands de la cité comme amenée sur un écran, le mouvement intense et prodi- gieux du grand port où s'entrecroisent sujets de toutes nations et troupes d'esclaves rigoureusement maintenus sous la dé- pendance par le fouet des tortionnaires ou la menace des cruciftments? Comment n'être point intéressé aux péripéties des sanglantes batailles, où tour à tour évoluent : frondeurs, dont les projectiles faisaient voler les cervelles en éclats, hoplites aux longues sarisses, empruntés de la phalange macé- donienne, onagres, analogues à nos crapouillots de tranchées, déterminant de larges brèches par où irruptaient de fantas- tiques charges d'éléphants, enivrés de vin et d'encens, dont la ruée furieuse décidait si fréquemment de la victoire ? Comment n'être point saisi d'épouvante au spectacle de Carthage, aux heures de danger, jetant en holocauste à son hideux Moloch, des couronnes d'enfants, dont on percevait le grésillement des chairs derrière les parois rougies de la monstrueuse idole?
Quoique d'aucuns aient pu prétendre, l'oeuvre, si originale de notre grand styliste normand, Salammbô, apparaît indiscu- tablement dramatique et grandiose, marquée au coin même du génie et de l'immortalité !
Il ne m'appartiendrait guère de disserter sur les batailles puniques, et tel de nos collègues que je n'ai pas besoin de dé- signer autrement, serait, à tous les points de vue, plus qualifié que moi pour vous parler de la stratégie d'Hamilcar Barca et des comparaisons qu'elle peut suggérer avec les mouvements des armées modernes. Peut être serais-je moins téméraire en vous entretenant, d'après le roman même de Flaubert, des croyances et superstitions de Carthage, si intimement liées d'ailleurs à la vie nationale de cette grande cité. Après leur exposé, que pour la clarté même de mon étude je ne puis pas faire trop court, je m'efforcerai d'en reconstituer l'exégèse, c'est-à-dire de les montrer dans leurs origines et successives évolutions. Notre étude vient indiscutablement à son heure, puisqu'en dépit des convenances officielles et anticipations du printemps dernier, le centenaire de Flaubert tombe bien le 12 décembre 1921, date où, à Paris notamment, on ne manquera point de le célébrer.
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