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suivant, l'allure superbe popularisée par la gravure. L'extré-
mité de la chaussée est vierge des fières tours où le grand
cardinal imprimera son goût du faste et du grandiose. Ses
murailles sont basses, de construction économique; en maints
endroits elles gardent l'empreinte des boulets français qui ont
frappé la cité révoltée. La porte d'Ingouville est sobre et, bien
que réparée récemment, elle fait mine piteuse près du boule-
vard de Sainte-Adresse, que Villars vient de terminer.
Ce n'est pas davantage la bourgade de pêcheurs qu'on se
représente parfois. La ville a 10,000 habitants, et c'est un
chiffre pour l'époque. Dans son port, la dynastie tombée a
équipé ses dernières flottes. Il y a quelques années, avant la
scission entre ligueurs et royalistes, c'était déjà la grande
entrée de la France sur l'occident (1). Ses marins trafiquent et
pêchent du Rio-de-la-Plata aux brumes de Terre-Neuve, du
Congo à la Baltique (2).
Trafiquent! Est-ce bien le terme qu'il convient d'employer?
Saint-Nicolas est, dit-on, leur patron. Officiellement, c'est pos-
sible, mais Barrabas leur conviendrait mieux. Car, traqués de
partout, les marins havrais, molestés et détroussés, menacés
d'être pendus, noyés, écorchés par les concurrents qu'ils ren-
contrent aux atterrages américains, rendent aisément coup
pour coup. En cette fin de siècle ils préludent aux exploits
légendaires des flibustiers de cette île de la Tortue qu'ils occu-
peront les premiers. Il est proche le temps où le corsaire
havrais, Jacques Barc, formulera la dure maxime des nations
et des hommes qui ne veulent pas subir le joug des thalasso-
craties : La mer n'appartient à aucun prince plus avant que la
balle du canon peut aller !
Dans cette ville, transformée en citadelle de la Sainte-Union
des Catholiques, où la moitié des citoyens sont marins, où tous
sont armés, un homme règne en maître incontesté et entraîne
le Havre dans son orbe. Ce n'est pas une figure banale qu'André
Brancas, sieur de Villars. Il est bien le type représentatif de
cette classe de nobles pauvres, partis de leur tour à hiboux, le
(1) En cinq ans, de 1881 à 1585, cent quatorze navires partent du Havre pour
l'Amérique.
(2) Le 4 avril 1573, le Croissant, capitaine Guillaume Halle, partait du Havre
pour charger du sel à Brouage et le porter ensuite en Moscovie.
suivant, l'allure superbe popularisée par la gravure. L'extré-
mité de la chaussée est vierge des fières tours où le grand
cardinal imprimera son goût du faste et du grandiose. Ses
murailles sont basses, de construction économique; en maints
endroits elles gardent l'empreinte des boulets français qui ont
frappé la cité révoltée. La porte d'Ingouville est sobre et, bien
que réparée récemment, elle fait mine piteuse près du boule-
vard de Sainte-Adresse, que Villars vient de terminer.
Ce n'est pas davantage la bourgade de pêcheurs qu'on se
représente parfois. La ville a 10,000 habitants, et c'est un
chiffre pour l'époque. Dans son port, la dynastie tombée a
équipé ses dernières flottes. Il y a quelques années, avant la
scission entre ligueurs et royalistes, c'était déjà la grande
entrée de la France sur l'occident (1). Ses marins trafiquent et
pêchent du Rio-de-la-Plata aux brumes de Terre-Neuve, du
Congo à la Baltique (2).
Trafiquent! Est-ce bien le terme qu'il convient d'employer?
Saint-Nicolas est, dit-on, leur patron. Officiellement, c'est pos-
sible, mais Barrabas leur conviendrait mieux. Car, traqués de
partout, les marins havrais, molestés et détroussés, menacés
d'être pendus, noyés, écorchés par les concurrents qu'ils ren-
contrent aux atterrages américains, rendent aisément coup
pour coup. En cette fin de siècle ils préludent aux exploits
légendaires des flibustiers de cette île de la Tortue qu'ils occu-
peront les premiers. Il est proche le temps où le corsaire
havrais, Jacques Barc, formulera la dure maxime des nations
et des hommes qui ne veulent pas subir le joug des thalasso-
craties : La mer n'appartient à aucun prince plus avant que la
balle du canon peut aller !
Dans cette ville, transformée en citadelle de la Sainte-Union
des Catholiques, où la moitié des citoyens sont marins, où tous
sont armés, un homme règne en maître incontesté et entraîne
le Havre dans son orbe. Ce n'est pas une figure banale qu'André
Brancas, sieur de Villars. Il est bien le type représentatif de
cette classe de nobles pauvres, partis de leur tour à hiboux, le
(1) En cinq ans, de 1881 à 1585, cent quatorze navires partent du Havre pour
l'Amérique.
(2) Le 4 avril 1573, le Croissant, capitaine Guillaume Halle, partait du Havre
pour charger du sel à Brouage et le porter ensuite en Moscovie.
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