Le brave abbé, on le voit, s'était mis tout à la portée de ses futurs soldats. Et connaissant le coeur humain, — eût-il été bon pédagogue sans cela—il prodigue les grades et les insignes. Quand on prend du galon....
Gardons-nous de plaisanter, bien que le sujet y prête un peu. Ces précurseurs des élèves des bataillons scolaires, s'ils em- pruntaient une forme naïve, n'en sentaient pas moins circuler dans leurs âmes l'idéal puissant qui soulevait leurs pères. On parle comme on sent, mais surtout comme on peut, et quand le colonel écrivait à la municipalité « nous voulons nous former de bonne heure aux travaux militaires, afin de pouvoir, dans un âge plus avancé, faire trembler et repousser tout ennemi de la paix et de la concorde » il subissait, à son insu peut-être, l'horreur qu'inspiraient à la plupart des Français, au lendemain de cette grande journée de la Fédération où l'on avait vu le Roi, la Constituante et le Peuple communier en un magnifique élan de fraternité — et ce fut et la plus grande et malheureuse- ment aussi la dernière belle journée de la Révolution — les menées occultes des partisans des émigrés et les rigueurs et les erreurs inévitables des assemblées qui eurent la respon- sabilité de l'existence de la liberté naissante et du pays qui en fut l'apôtre.
Que devint cette association? Je n'en ai trouvé aucune trace. Mais l'abbé Choisnet, eût-il eu les talents de Jules II, aurait eu fort à faire pour maintenir cette discipline qu'il prisait tant, avec cette jeunesse frémissante, amoureuse de la nouveauté, s'adonnant entière à la surexcitation chaque jour plus intense qui faisait de la France la cuve fantastique où s'élabo- raient les destinées du monde.
Franchissons, si vous le voulez bien, deux années. Nous allons retrouver de nouveau la jeunesse havraise s'exerçant au métier des armes. Mais ce n'est plus pour le maintien de la con-
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