Le Havre, à cette époque, vibrait de toute la fièvre qui agi- tait la France. Riches et pauvres, jeunes et vieux, tous les rangs, tous les âges venaient offrir, qui leur vie, qui leur for- tune, pour parer au danger qui menaçait la liberté. On conçoit que cet état d'esprit ne fut pas favorable à la préparation mili- taire de la jeunesse.
Celle-ci n'en subissait pas moins l'enthousiasme général. La création d'un corps spécial, retardée par les préoccupations patriotiques, apparaissait toujours comme une nécessité iné- luctable par suite de l'adhésion à la coalition de presque toute l'Europe.
Le 12 février 1793, le Conseil Général de la commune prescri- vait l'ouverture d'un registre à l'effet de recevoir les inscrip- tions des vétérans au-dessus de 60 ans et des jeunes gens au- dessous de 18 ans. L'heure était propice aux enrôlements. La guerre venait d'être déclarée à l'Angleterre, et le Havre se sentait plus que d'autre ville menacé par son traditionnel agresseur.
Le 24 juillet suivant, les commissaires des municipalités du canton se réunirent pour dresser l'état des jeunes gens et des vétérans. Cent dix-huit jeunes gens avaient été inscrits pour composer la compagnie. Dans ce nombre le Havre en comp- tait 30, Ingouville 14, Sanvic 5, Bléville 49. Le simple rappro- chement de ces chiffres suffit à démontrer que bien des parents avaient négligé de faire inscrire leurs enfants.
Le système électif florissait alors dans toute sa nouveauté. On ne pouvait donc adopter une autre manière de procéder pour désigner les officiers et les sous-officiers de la compagnie. Il eût peut-être été difficile de choisir à priori parmi tous ces adolescents de 9 à 15 ans, les véritables capacités militaires. Aussi le 11 août 1792, dans la salle fayencée, les électeurs se réu- nirent-ils au nombre de 84 pour choisir les jeunes gens à mettre à leur tête. Le citoyen Séraphin Duboc, âgé de 16 ans 1/2, fut élu capitaine. Vinrent ensuite Louis Lartois, lieutenant, Jean Hérault et Adeline, lieutenants, Jean Fauquet et Sandoz, sergents, Cavelier, Sement, Laroche et Charles Alexandre Lesueur, qu'une autre destinée attendait, caporaux. Trois vété- rans furent ensuite nommés pour diriger et inspecter la compagnie.
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