Titre : L'Universel : l'Évangile c'est la liberté ! / direction H. Huchet
Auteur : Mouvement pacifique chrétien de langue française. Auteur du texte
Éditeur : [s.n.] (Le Havre)
Date d'édition : 1904-09-01
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32885496v
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 septembre 1904 01 septembre 1904
Description : 1904/09/01 (N17)-1904/09/30. 1904/09/01 (N17)-1904/09/30.
Description : Collection numérique : Fonds régional :... Collection numérique : Fonds régional : Haute-Normandie
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k45653890
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-45090
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 19/09/2017
Guerre â la Guerre
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6 e Année. — N° 17.
MENSUEL
Ginc[ Centimes le Numéro
OT tatiAL
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♦ -K J ■ •* WtT Th
1BRE 1904
L’UNIVERSEL
Organe du Mouvement Pacifique Chrétien
de Langue Française
“ PAIX SUR LA TERRE ! ”
ABONNEMENTS
France 1 Fr.
Union Postale... 2 —
RÉDACTION
DIRECTION :
ADMINISTRATION
HL Huchet
Paul ALLÉGRET
Yves Le Bail
M me H. Huchet
AU HAVRE
Yves Le Bail
PROPAGANDE
Des abonnements Gratuits
seront servis à tous ceux
qui en feront la demande
Pour tout ce qui concerne la RÉDACTION et l’ADMINISTRATION, s’adresser au Bureau de l’UNIVERSEL, 19, Place de l’Hôtel-de-Ville. — LE HAVRE
Un Précurseur
Le 21 août, sur la place publique d’une petite
ville du Doubs, s’est passé un événement assez
rare par le temps qui court : des ouvriers, de
leur propre argent, ont élevé un monument à
leur ancien patron. L’homme dont la mémoire
a été ainsi célébrée, c’est Emile Peugeot, le
fondateur des usines aujourd’hui bien connues
de Valentigney. J’emprunte au Signal les lignes
suivantes qui résument l’œuvre de M. Peugeot :
...Le nom de Peugeot, universellement connu,
grâce à la bicyclette, aurait mérité de l’être plu» tôt
à cause des mérites particuliers de celui dont les
Peugeot actuels ne font que continuer l’œuvre. Emile
Peugeot fut, non seulement un homme de bien et un
chrétien dans toute la force du terme, mais sur bien
des points un précurseur. Précurseur, il le fut, lors-
qu’en un temps où il y fallait du courage et de la foi,
il réalisait dans son usine, simplement, sans phrases
et sans fracas, la plupart des réformes destinées à
améliorer le sort des travt illeurs. Journée de 10 heu
res, caisse de retraite, société coopérative d’alimenta
tion, participation aux bénéfices, soins médicaux,
toutes ces choses devant lesquelles hésitait la pru
dence un peu égoïste de beaucoup, Emile Peugeot les
a osées, si on peut parler ainsi ; et de sa courageuse
initiative des multitudes ont profité.
Précurseur il l’a été dans d’autres domaines en
core : comment ne pas relever qu’il fut un des pre
miers promoteurs du mouvement pacifique?...
On lira plus loin quelques détails que j’ai eu
le privilège de rappeler sur ce côté particulier
de son activité. Nos lecteurs verront qu’il y a là,
par avance, une réalisation pratique du pro
gramme même de Y Universel : il valait la peine
de le faire remarquera cette place.
J’ai remporté de çejte çér^iuQnie une bien-
faisante impression, J’ai vu, au moment ou est
tombé le voile qui cachait la figure de M.
Emile Peugeot, les larmes couler sur le visage
de beaucoup de vieux ouvriers, de ceux qui
avaient été les collaborateurs et les amis de
l’ancien patron. J’ai pu constater que l’idée de
la Paix avait fait de réjouissants progrès, même
dans ce coin de l’Est où les dqvuQureux souve
nirs de la guepre n e sont pas près d’être oubliés,
ffaux pasteurs — M: Dieterlen, de Valenti
gney, encore plus que moi^même, puisque c’é
tait sa tâche spéoiale — ont pu, à côté d’hom
mes politiques et devant de nombreux libre-
penseurs, rendre témoignage à la Foi et à la vie
chrétienne de M. Peugeot ; et leurs discours
ont été applaudis.
On se sentait dans une atmosphère de tolé
rance, de concorde mutuelle, de paix , où les
cœurs vibraient à l’unisson, et qui constituait
bien le meilleur hommage qui pût être rendu
au héros de la journée, et aux membres de sa
famille, enfants et petits-enfants, qui continuent-
son œuvre dans le même esprit- • • vision récon
fortante de ce que pourrait être la France si tous
les citoyens s’inspiraient de cette devise qui fut
celle de M. Peugeot, et qui demeure comme la
plus solide garantie de la Paix future : Evangile
et Liberté.
Paul Allégret.
Une plie Figure ie Pacifipe
M. Emile PEUGEOT ‘
(26 Mars 1815 — 2 Juillet 1874)
Mesdames,
Messieurs,
Des différents traits qui imposent la physio
nomie de M. Emile Peugeot, et qui seront rappelés
au cours de cette cérémonie, il en est un qu’il
m’appartient de relever : il fut un ardent pacifique.
Je me suis parfois laissé aller, dans certains arti
cles de journaux, à regretter ^gue le beau mouve
ment vers la Paix auquel nous assistons depuis
plusieurs années n’ait pas eu, en France, sa source
et son inspiration dans la pensée et la conscience
chrétiennes. Répondant un jour à mes remarques
dans une lettre ouverte de la Revue de la Paix, mon
éminent ami, M. Frédéric Passy, me faisait obser
ver que parmi les chefs du pacifisme français il y
en eut d’admirables qui furent des hommes de
Foi, et il citait entre autres le Père Gratry et le
pasteur Martin-Paschoud. A ces deux noms, il a
voulu expressément en ajouter un autre, celui de
M. Emile Peugeot, et il a demandé que son témoi
gnage fût apporté dans cette journée. C’est donc
à M. F. Passy que je laisse d’abord la parole :
M. Peugeot, m’écrivait-il il y a quelques jours, a été à
l’époque héroïque de nos premiers efforts, l’un des plus
zélés et des plus généreux parmi les pacifiques. Il avait
donné, en une somme de 5,000 francs pour un con
cours sur le Crime de la Guerre f concours dont le juge
ment, par suite des tristes événements que nous voulions
éviter, n’a pu être prononcé qu’en 1872 et qui a produit
plusieurs ouvrages réellement distingués, entre autres la
Folie de la Guerre, de M. Mézières, auquel fut attribué le
prix
En même temps qu’il m’adressait cette lettre,
dont j’aurai à faire tout à l’heure une autre cita
tion, M. Passy m’envoyait l’unique exemplaire du
rapport qu’il écrivit à l’occasion de ce concours. Il
me paraît intéressant d’en extraire quelques ren
seignements. Les juges du concours étaient MM.
Laboulaye, Jules Simon et F. Passy. Remise à
l’automne à cause de l’agitation plébiscitaire, la
proclamation des lauréats, qui aurait dû avoir lieu
le I er juillet 1870, fut encore retardée par les tra
giques angoisses de la guerre, a Le sort des ma
nuscrits, comme celui des juges, fut pendant de
longs mois à la merci de la brutale incertitude des
événements » (2) ; et ce n’est qu’en 1872 que M.
Passy put rendre compte, au nom du Comité,
des résultats du concours Peugeot. Quarante ma
nuscrits étaient parvenus à la a Ligue de la Paix» ;
sçpt d’entre eux, parmi lesquels il faut citer en
première ligne celui de M. Mézières, furent jugés
dignes de l’impression et parurent avec une pré
face de M. Passy. fis répondaient tous, quoique
(\\ Discours prononcé à Valentigney, le 21 août 1904. pour l’inaugu-
yohon do monument Emile Peugeot.
(3) F. Passy,
conservant leur originalité, au but qu’avait indi
qué la Ligue de la Paix en ces termes :
/ouvrage demandé est avant tout un ouvrage de propa
gande... Il doit entraîner les intelligences, remuer les
cœurs, et parler à la fois le langage de l’intérêt, de la jus
tice et de l’amour. Fort des enseignements de l’histoire,
l’auteur pourra sans doute invoquer contre la guerre le
témoignage des longs et stériles déchirements du passé.
Mais. c’est de préférence dans les faits de l’ère moderne
qu’il ira chercher ses leçons et ses exemples. Il fera, aussi
exactement que possible, le compte de ce qu’ont coûté au
monde, en hommes et en argent, les grandes luttes de ce
siècle et de la fin du siècle précédent. Il indiquera Je retard
apporté au progrès, sous toutes ses formes, par l’excita+ion
violente et l’énervante incertitude dans laquelle ont été
presque constamment tenus les esprits. Contraire aux inté
rêts les plus chers des nations comme des individus, la
guerre n’est pas moins inconciliable avec les notions les
plus élémentaires de toute justice et de toute morale : l’au
teur insistera comme il convient sur ce point essentiel et
trop souvent mal compris....
Le but que poursuivent les amis de la Paix n’est pas une
utopie; c'est au contraire un résultat pratique entre tous
et la conclusion logique de tout le développement de la
civilisation. Il faudra, dès lors, insister sur les progrès
déjà réalisés, indiquer par quels moyens a été réduite dans
le passé, et paraît devoir être réduite de plus en plus dans
l’avenir, la part de la violence dans le règlement des con
flits internationaux et faire sentir à quel point il est du
devoir et de l’intérêt de chacun de favoriser, par son
action personnelle et incessante, le développement et le
triomphe de cet esprit nouveau...
La Ligue de la Paix fait appel à tous. Elle doit, dans
ce qu’elle encourage comme dans ce qu’elle fait, éviter au
tant qu'il est possible de blesser les personnes, et ne
jamais oublier ni laisser oublier que la cause qu’elle sert
n’est pas la cause d’un parti, pas même celle d’une nation,
mais la cause de l’humanité entière. C’est à ce point de vue
qu’elle invite les concurrents à se placer ; c’est dans cette
sphère supérieure qu’ils trouveront la modération qui
assure le respect et l'influence ; c’est sur ce terrain qu’on
peut réunir toutes les bonnes volontés, associer tous les
efforts, et grouper, en un faiseau inattaquable, toutes les
lumières, tous les arguments et toutes les forces (1).
Il était bon, Messieurs, d’entendre ainsi, à 36
ans de distance, l’appel dû à l’initiative de M. Peu
geot tracer la voie aux efforts qui sont encore la
préoccupation de l’heure actuelle : ils ne devaient
pas être stériles, puisque grâce à cette initiative
le parti pacifique était déjà, en 1872, doté d’une
bibliothèque, malheureusement trop oubliée au
jourd’hui. N’est-ce pas le même programme qui
a été repris en 1903 par la Bibliothèque Pacifiste ( 2),
sous la direction de Stéfane Pol ? M. Peugeot
avait eu une autre idée qui est encore à l’ordre du
jour de nos discussions et de nos assemblées : il
rêvait la publication d’un grand quotidien paci
fiste, aussi populaire que possible. Sa mort pré
maturée l’empêcha seule de mener ce projet à
bonne fin.
*
* *
Ami convaincu de la Paix, M. Peugeot devait
être plus que tout autre atteint par le coup-de
foudre de la guerre. Je viens de faire allusion à sa
fin prématurée : ceux qui vécurent près de lui
savent que les tortures intérieures éprouvées jour
après jour pendant l’année terrible abrégèrent sa
vie. Il était passionnément patriote, mais il n’y
avait pas de place dans son cœur pour la haine de
l’étranger, car il avait appris à l’école de l’Evan
gile à aimer tous les hommes comme des frères.
On peut se représenter ce qu’il dut souffrir quand
les horribles batailles commencèrent. Après avoir
fait tout ce qu’il pouvait pour que la guerre n’eût
(1) Extrait d’une circulaire de La Ligue Internationale et Permanente
de la Paix, février 1869.
(2) Bibliothèque Pacifiste Internationale , V. Giard et E. Prière
Libraires-éditeurs, Paris.
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ADMINISTRATION
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Yves Le Bail
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Pour tout ce qui concerne la RÉDACTION et l’ADMINISTRATION, s’adresser au Bureau de l’UNIVERSEL, 19, Place de l’Hôtel-de-Ville. — LE HAVRE
Un Précurseur
Le 21 août, sur la place publique d’une petite
ville du Doubs, s’est passé un événement assez
rare par le temps qui court : des ouvriers, de
leur propre argent, ont élevé un monument à
leur ancien patron. L’homme dont la mémoire
a été ainsi célébrée, c’est Emile Peugeot, le
fondateur des usines aujourd’hui bien connues
de Valentigney. J’emprunte au Signal les lignes
suivantes qui résument l’œuvre de M. Peugeot :
...Le nom de Peugeot, universellement connu,
grâce à la bicyclette, aurait mérité de l’être plu» tôt
à cause des mérites particuliers de celui dont les
Peugeot actuels ne font que continuer l’œuvre. Emile
Peugeot fut, non seulement un homme de bien et un
chrétien dans toute la force du terme, mais sur bien
des points un précurseur. Précurseur, il le fut, lors-
qu’en un temps où il y fallait du courage et de la foi,
il réalisait dans son usine, simplement, sans phrases
et sans fracas, la plupart des réformes destinées à
améliorer le sort des travt illeurs. Journée de 10 heu
res, caisse de retraite, société coopérative d’alimenta
tion, participation aux bénéfices, soins médicaux,
toutes ces choses devant lesquelles hésitait la pru
dence un peu égoïste de beaucoup, Emile Peugeot les
a osées, si on peut parler ainsi ; et de sa courageuse
initiative des multitudes ont profité.
Précurseur il l’a été dans d’autres domaines en
core : comment ne pas relever qu’il fut un des pre
miers promoteurs du mouvement pacifique?...
On lira plus loin quelques détails que j’ai eu
le privilège de rappeler sur ce côté particulier
de son activité. Nos lecteurs verront qu’il y a là,
par avance, une réalisation pratique du pro
gramme même de Y Universel : il valait la peine
de le faire remarquera cette place.
J’ai remporté de çejte çér^iuQnie une bien-
faisante impression, J’ai vu, au moment ou est
tombé le voile qui cachait la figure de M.
Emile Peugeot, les larmes couler sur le visage
de beaucoup de vieux ouvriers, de ceux qui
avaient été les collaborateurs et les amis de
l’ancien patron. J’ai pu constater que l’idée de
la Paix avait fait de réjouissants progrès, même
dans ce coin de l’Est où les dqvuQureux souve
nirs de la guepre n e sont pas près d’être oubliés,
ffaux pasteurs — M: Dieterlen, de Valenti
gney, encore plus que moi^même, puisque c’é
tait sa tâche spéoiale — ont pu, à côté d’hom
mes politiques et devant de nombreux libre-
penseurs, rendre témoignage à la Foi et à la vie
chrétienne de M. Peugeot ; et leurs discours
ont été applaudis.
On se sentait dans une atmosphère de tolé
rance, de concorde mutuelle, de paix , où les
cœurs vibraient à l’unisson, et qui constituait
bien le meilleur hommage qui pût être rendu
au héros de la journée, et aux membres de sa
famille, enfants et petits-enfants, qui continuent-
son œuvre dans le même esprit- • • vision récon
fortante de ce que pourrait être la France si tous
les citoyens s’inspiraient de cette devise qui fut
celle de M. Peugeot, et qui demeure comme la
plus solide garantie de la Paix future : Evangile
et Liberté.
Paul Allégret.
Une plie Figure ie Pacifipe
M. Emile PEUGEOT ‘
(26 Mars 1815 — 2 Juillet 1874)
Mesdames,
Messieurs,
Des différents traits qui imposent la physio
nomie de M. Emile Peugeot, et qui seront rappelés
au cours de cette cérémonie, il en est un qu’il
m’appartient de relever : il fut un ardent pacifique.
Je me suis parfois laissé aller, dans certains arti
cles de journaux, à regretter ^gue le beau mouve
ment vers la Paix auquel nous assistons depuis
plusieurs années n’ait pas eu, en France, sa source
et son inspiration dans la pensée et la conscience
chrétiennes. Répondant un jour à mes remarques
dans une lettre ouverte de la Revue de la Paix, mon
éminent ami, M. Frédéric Passy, me faisait obser
ver que parmi les chefs du pacifisme français il y
en eut d’admirables qui furent des hommes de
Foi, et il citait entre autres le Père Gratry et le
pasteur Martin-Paschoud. A ces deux noms, il a
voulu expressément en ajouter un autre, celui de
M. Emile Peugeot, et il a demandé que son témoi
gnage fût apporté dans cette journée. C’est donc
à M. F. Passy que je laisse d’abord la parole :
M. Peugeot, m’écrivait-il il y a quelques jours, a été à
l’époque héroïque de nos premiers efforts, l’un des plus
zélés et des plus généreux parmi les pacifiques. Il avait
donné, en une somme de 5,000 francs pour un con
cours sur le Crime de la Guerre f concours dont le juge
ment, par suite des tristes événements que nous voulions
éviter, n’a pu être prononcé qu’en 1872 et qui a produit
plusieurs ouvrages réellement distingués, entre autres la
Folie de la Guerre, de M. Mézières, auquel fut attribué le
prix
En même temps qu’il m’adressait cette lettre,
dont j’aurai à faire tout à l’heure une autre cita
tion, M. Passy m’envoyait l’unique exemplaire du
rapport qu’il écrivit à l’occasion de ce concours. Il
me paraît intéressant d’en extraire quelques ren
seignements. Les juges du concours étaient MM.
Laboulaye, Jules Simon et F. Passy. Remise à
l’automne à cause de l’agitation plébiscitaire, la
proclamation des lauréats, qui aurait dû avoir lieu
le I er juillet 1870, fut encore retardée par les tra
giques angoisses de la guerre, a Le sort des ma
nuscrits, comme celui des juges, fut pendant de
longs mois à la merci de la brutale incertitude des
événements » (2) ; et ce n’est qu’en 1872 que M.
Passy put rendre compte, au nom du Comité,
des résultats du concours Peugeot. Quarante ma
nuscrits étaient parvenus à la a Ligue de la Paix» ;
sçpt d’entre eux, parmi lesquels il faut citer en
première ligne celui de M. Mézières, furent jugés
dignes de l’impression et parurent avec une pré
face de M. Passy. fis répondaient tous, quoique
(\\ Discours prononcé à Valentigney, le 21 août 1904. pour l’inaugu-
yohon do monument Emile Peugeot.
(3) F. Passy,
conservant leur originalité, au but qu’avait indi
qué la Ligue de la Paix en ces termes :
/ouvrage demandé est avant tout un ouvrage de propa
gande... Il doit entraîner les intelligences, remuer les
cœurs, et parler à la fois le langage de l’intérêt, de la jus
tice et de l’amour. Fort des enseignements de l’histoire,
l’auteur pourra sans doute invoquer contre la guerre le
témoignage des longs et stériles déchirements du passé.
Mais. c’est de préférence dans les faits de l’ère moderne
qu’il ira chercher ses leçons et ses exemples. Il fera, aussi
exactement que possible, le compte de ce qu’ont coûté au
monde, en hommes et en argent, les grandes luttes de ce
siècle et de la fin du siècle précédent. Il indiquera Je retard
apporté au progrès, sous toutes ses formes, par l’excita+ion
violente et l’énervante incertitude dans laquelle ont été
presque constamment tenus les esprits. Contraire aux inté
rêts les plus chers des nations comme des individus, la
guerre n’est pas moins inconciliable avec les notions les
plus élémentaires de toute justice et de toute morale : l’au
teur insistera comme il convient sur ce point essentiel et
trop souvent mal compris....
Le but que poursuivent les amis de la Paix n’est pas une
utopie; c'est au contraire un résultat pratique entre tous
et la conclusion logique de tout le développement de la
civilisation. Il faudra, dès lors, insister sur les progrès
déjà réalisés, indiquer par quels moyens a été réduite dans
le passé, et paraît devoir être réduite de plus en plus dans
l’avenir, la part de la violence dans le règlement des con
flits internationaux et faire sentir à quel point il est du
devoir et de l’intérêt de chacun de favoriser, par son
action personnelle et incessante, le développement et le
triomphe de cet esprit nouveau...
La Ligue de la Paix fait appel à tous. Elle doit, dans
ce qu’elle encourage comme dans ce qu’elle fait, éviter au
tant qu'il est possible de blesser les personnes, et ne
jamais oublier ni laisser oublier que la cause qu’elle sert
n’est pas la cause d’un parti, pas même celle d’une nation,
mais la cause de l’humanité entière. C’est à ce point de vue
qu’elle invite les concurrents à se placer ; c’est dans cette
sphère supérieure qu’ils trouveront la modération qui
assure le respect et l'influence ; c’est sur ce terrain qu’on
peut réunir toutes les bonnes volontés, associer tous les
efforts, et grouper, en un faiseau inattaquable, toutes les
lumières, tous les arguments et toutes les forces (1).
Il était bon, Messieurs, d’entendre ainsi, à 36
ans de distance, l’appel dû à l’initiative de M. Peu
geot tracer la voie aux efforts qui sont encore la
préoccupation de l’heure actuelle : ils ne devaient
pas être stériles, puisque grâce à cette initiative
le parti pacifique était déjà, en 1872, doté d’une
bibliothèque, malheureusement trop oubliée au
jourd’hui. N’est-ce pas le même programme qui
a été repris en 1903 par la Bibliothèque Pacifiste ( 2),
sous la direction de Stéfane Pol ? M. Peugeot
avait eu une autre idée qui est encore à l’ordre du
jour de nos discussions et de nos assemblées : il
rêvait la publication d’un grand quotidien paci
fiste, aussi populaire que possible. Sa mort pré
maturée l’empêcha seule de mener ce projet à
bonne fin.
*
* *
Ami convaincu de la Paix, M. Peugeot devait
être plus que tout autre atteint par le coup-de
foudre de la guerre. Je viens de faire allusion à sa
fin prématurée : ceux qui vécurent près de lui
savent que les tortures intérieures éprouvées jour
après jour pendant l’année terrible abrégèrent sa
vie. Il était passionnément patriote, mais il n’y
avait pas de place dans son cœur pour la haine de
l’étranger, car il avait appris à l’école de l’Evan
gile à aimer tous les hommes comme des frères.
On peut se représenter ce qu’il dut souffrir quand
les horribles batailles commencèrent. Après avoir
fait tout ce qu’il pouvait pour que la guerre n’eût
(1) Extrait d’une circulaire de La Ligue Internationale et Permanente
de la Paix, février 1869.
(2) Bibliothèque Pacifiste Internationale , V. Giard et E. Prière
Libraires-éditeurs, Paris.
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